Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0717

 

DATE :

3 décembre 2008

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Shirtaz Dhanji, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

M. Kaddis Sidaros, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

_____________________________________________________________________

 

LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

FAYZA RIFAI

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 9 septembre 2008, au siège social de la Chambre de la sécurité financière sis au 300, Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, le comité de discipline s'est réuni et a procédé à l'audition d'une plainte portée contre l'intimée ainsi libellée :

LA PLAINTE

« À L’ÉGARD DE SON CLIENT REAL DEL DEAGAN

1.             Le ou vers le 25 mai 2000, l’intimée FAYZA RIFAI a fait souscrire à son client, Real Del Deagan, un billet à ordre émis par Investissements Real Vest ltée, pour un montant de 57 326,33 $ alors qu’elle n’était pas autorisée à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), à l’article 234.1 du Règlement sur les valeurs mobilières (c. V-1.1, r.1) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01);

2.             Le ou vers le 25 mai 2000, l’intimée FAYZA RIFAI, alors qu’elle conseillait et faisait souscrire son client, Real Del Deagan, un billet à ordre émis par Investissements Real Vest ltée, pour un montant de 57 326,33 $ a fait défaut d’agir en conseillère consciencieuse en ne fournissant pas à  son client, de façon complète et objective, les renseignements nécessaires à la compréhension et à l’appréciation des placements qu’elle lui proposait, notamment quant aux risques que représentaient  un tel placement contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 234.1 et 235 du Règlement sur les valeurs mobilières (c. V-1.1, r.1) et aux articles 12, 13, 14 et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01);

À L’ÉGARD DE SA CLIENTE PAULA VISSANI

3.             Le ou vers le 8 septembre 2001, l’intimée FAYZA RIFAI a fait souscrire à sa cliente, Paula Vissani, un billet à ordre émis par Investissements Real Vest ltée, pour un montant de 50 140,55 $ alors qu’elle n’était pas autorisée à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r.1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01);

4.             Le ou vers le 8 septembre 2001, l’intimée FAYZA RIFAI, alors qu’elle conseillait et faisait souscrire cliente, Paula Vissani, un billet à ordre émis par Investissements Real Vest ltée, pour un montant de 50 140,55 $, a fait défaut d’agir en conseillère consciencieuse en ne fournissant pas à  sa cliente, de façon complète et objective, les renseignements nécessaires à la compréhension et à l’appréciation des placements qu’elle lui proposait, notamment quant aux risques que représentaient un tel placement contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 7, 14 et 19 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r.1.1.2) et aux articles 12, 13, 14 et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. C. D-9.2, r. 1.01); »

LES FAITS

[2]           Selon la version des faits de l'intimée, cette dernière aurait rencontré M. Réal Del Deagan (M. Del Degan) en 1998 au Salon d'investissement et d'épargne à la Place Bonaventure.

[3]           M. Del Deagan lui aurait alors demandé si elle était en mesure de lui procurer « les instruments de placement » de la compagnie ou du groupe Mount Real. Il était alors accompagné d'un ami qui avait lui-même déjà souscrit à de tels produits (ou à des produits semblables) et qui lui recommandait ceux-ci.

[4]           Elle lui aurait répondu affirmativement et l'a reconnu dans une correspondance qu'elle adressait à Me Brigitte Poirier, enquêteur au bureau du syndic où elle écrivait : « Monsieur m'avait demandé si j'étais en mesure de lui offrir les instruments de placement de la compagnie Mount Real, je lui avais assuré que je le pouvais. ».

[5]           Les parties se seraient ensuite échangé leurs coordonnées et environ un mois plus tard l'intimée rencontrait M. Del Deagan à sa résidence.

[6]           Lors de cette rencontre, Mme Rifai transmettait à ce dernier des informations sur les compagnies du groupe Mount Real dont notamment certains états financiers.

[7]           Elle lui transmettait aussi certaines informations sur le cours des actions de la compagnie en lui expliquant, selon sa version des faits, les risques reliés à l'investissement en cause.

[8]           Elle lui faisait ensuite remplir les documents nécessaires à la souscription d'un billet à ordre pour un montant de 57 326,33 $ auprès de Investissements Real Vest Ltée rattachée au groupe Mount Real.

[9]           Elle se serait cependant abstenue de signer la demande puisque, de son propre aveu, elle ne pouvait le faire légalement, ne possédant pas alors la certification nécessaire.

[10]        Elle aurait ensuite acheminé les documents de souscription à un représentant autorisé.

[11]        L'année suivante, l'épouse de M. Del Deagan, Mme Paula Vissani (Mme Vissani), choisit elle aussi, à son tour, de souscrire à un billet à ordre émis par Investissements Real Vest Ltée pour un montant de 50 140,55 $.

[12]        L'intimée se comporta à l'endroit de la demande de Mme Vissani essentiellement de la même façon qu'elle s'était comportée antérieurement à l'endroit de celle de M. Del Deagan.

[13]        Par ailleurs, alors qu'en 1999 et 2000 l'intimée agit à titre de représentante auprès de la compagnie Norshield, en 2001 cette dernière se départit de sa division de courtage laquelle devient Iforum. Les comptes de M. Del Deagan et de son épouse Mme Vissani sont alors transférés chez Iforum, l'intimée demeurant responsable desdits comptes.

[14]        En décembre 2002, l'intimée se joint à l'Industrielle Alliance Valeurs Mobilières (l'Industrielle Alliance) et les comptes de M. Del Deagan et de Mme Vissani sont alors transférés chez l'Industrielle Alliance.

[15]        En avril 2004, les responsables de la conformité chez l'Industrielle Alliance exigent de M. Del Deagan et de Mme Vissani qu'ils signent un document par lequel ces derniers reconnaissent d'une part que les certificats émis par Mount Real et Real Vest sont des billets promissoires émis par lesdites compagnies garanties par Mount Real une compagnie publique dont les actions sont transigées sur le Toronto Stock Exchange et, d'autre part, reconnaissent que l'Industrielle Alliance n'émet aucune opinion quant à la qualité desdits produits. Il leur est aussi demandé de décharger l'Industrielle Alliance de toute responsabilité quant à ces investissements.

[16]        La démarche de l'Industrielle Alliance inquiète hautement M. Del Deagan puisque, si l'on se fie à son témoignage, jusque-là il lui avait toujours été représenté qu'il s'agissait d'investissements ne comportant aucun risque. Il interroge donc l'intimée.

[17]        En réponse à ses questions, cette dernière l'avise alors que l'officier de conformité de l'Industrielle Alliance n'est tout simplement pas familier avec les produits concernés et elle lui confirme par lettre du 28 avril 2004 que le document qu'on lui demande de signer ne doit pas être interprété comme signifiant que l'Industrielle Alliance considère que les produits Mount Real présentent un risque. Elle lui indique qu'elle est très confortable avec lesdits produits les ayant vendus[1] depuis plus de huit (8) ans et qu'elle suit de près leur évolution, notamment la situation financière les concernant et leur « credit worthiness ».

[18]        Elle ajoute qu'elle persiste à les recommander et qu’à son avis les billets ou instruments financiers de Real Vest et de Mount Real se situent dans les paramètres de risques « acceptables ».

[19]        M. Del Deagan et Mme Vissani apposent donc leur signature sur le document provenant de l'Industrielle Alliance.

[20]        Puis, au printemps 2005, M. Del Deagan rencontre Mme Rifai en compagnie de son assistante Mme Carole Ramsahoye. Cette dernière a procédé à l'analyse des comptes de M. Del Deagan.

[21]        En réponse à une question de M. Del Deagan, elle lui conseille de se départir des produits d'investissement Mount Real.

[22]        M. Del Deagan donne alors instructions à l'intimée d'obtenir paiement du capital investi et des intérêts au fur et à mesure de l'échéance des billets à ordre que lui et son épouse ont souscrits auprès du groupe.

[23]        Le lendemain, l'intimée communique avec M. Del Deagan pour lui faire part que Real Vest n'est pas en mesure de rembourser un billet arrivé à échéance au montant de 92 183,97 $.

[24]        Elle lui représente qu'il ne s'agirait que d'un manque de liquidité passager chez Real Vest et elle recommande à M. Del Deagan de souscrire à un nouveau billet à ordre pour le même montant d'une durée de six (6) mois afin de permettre à la compagnie débitrice de solutionner son problème de liquidité.

[25]        M. Del Deagan souscrit donc, à la fin du mois de mai 2005, un nouveau billet à ordre émis par Real Vest au montant de 92 183,97 $.

[26]        Par la suite, le 14 juin 2005, un billet de Mount Real au montant de 61 212,00 $ vient à échéance. L'intimée contacte alors M. Del Deagan pour l'informer que Mount Real a les mêmes problèmes de liquidité que Real Vest et est donc incapable de rembourser immédiatement le capital dû et les intérêts sur ses billets.

[27]        Les mêmes représentations lui sont faites à l'effet qu'il s'agit d'un manque de liquidité temporaire. Aussi, le 15 juin 2005, dans l'espoir que l'entreprise puisse solutionner son problème de liquidité, M. Del Deagan se résigne à souscrire à un nouveau billet émis par MRACS au montant de 66 415,37 $.

[28]        Malheureusement, le groupe Mount Real tombe par la suite en déconfiture et M. Del Deagan et son épouse Mme Vissani ne sont pas remboursés des sommes qui leur sont dues.

MOTIFS ET DISPOSITIF

Chefs numéros 1 et 3

[29]        À ces chefs, il est reproché à l'intimée d'avoir, aux dates y mentionnées, fait souscrire à ses clients, M. Del Deagan et Mme Vissani, des billets à ordre émis par Investissement Real Vest Ltée alors qu'elle n'était pas autorisée en vertu de ses certifications à offrir de tels placements à ses clients.

[30]        Or, il n'est pas disputé par l'intimée qu'elle n'était pas alors autorisée en vertu de ses certifications à vendre les produits en cause.

[31]        Elle n'a en effet été inscrite à titre de courtier en valeurs mobilières de plein exercice qu'à compter du 7 novembre 2001.

[32]        Elle soutient cependant qu'elle n'a ni offert ni vendu les billets à ordre en cause. Selon ses prétentions, elle n'aurait agi strictement que comme « conduit » pour permettre à ses clients d'obtenir le produit qu'ils recherchaient.

[33]        Le comité ne peut souscrire à une telle proposition.

[34]        D'une part, l'intimée a toujours laissé entendre à ses clients qu'elle était en mesure de leur offrir les instruments de placement de Mount Real qu'ils sollicitaient et elle l'a reconnu dans la lettre qu'elle adressait le 28 avril 2004 à M. Del Deagan et à son épouse Mme Vissani admettant avoir vendu les billets à ordre en cause depuis huit (8) ans. Au deuxième paragraphe de sa lettre, en parlant des « Mount Real et Real Vest Certificates » elle écrivait : « As you know I am very comfortable with these products, having been selling them for the past 8 years.[2] I do follow up on the company on their financial statements and their credit worthiness. I continue to recommend them and in my opinion the Real Vest and Mount Real Certificates are within acceptable risk parameters. »

[35]        Elle a rempli avec eux la documentation nécessaire à la souscription des produits et leur a fourni les informations pertinentes sur lesdits placements ainsi que sur le groupe Mount Real ou l'émetteur Real Vest.

[36]        D'autre part, la preuve n'a pas révélé que les clients aient été en contact avec aucun autre professionnel que l'intimée pour l'achat des billets à ordre de Real Vest, les transactions n'ont été conclues que strictement par l'entremise de cette dernière.

[37]        Enfin, lorsque ces derniers ont voulu obtenir le paiement du capital investi et des intérêts, c'est à elle qu'ils se sont adressés.

[38]        De plus, l'intimée a touché des émoluments sous la forme d'un « Referral fee » pour ses services, payés par la firme de courtage.

[39]        En l'espèce, son devoir aurait été de référer les clients directement à un représentant autorisé en vertu de ses certifications à distribuer le produit.

[40]        L'intimée a clairement manqué à ses obligations. Confrontée à la situation de clients qui recherchaient un produit financier qu'elle ne pouvait leur offrir en vertu de sa certification, elle avait le devoir de les diriger à un représentant détenant les certifications nécessaires ou de refuser carrément de se mêler activement aux transactions envisagées[3].

[41]        L'intimée sera déclarée coupable sur ces chefs.

Chefs numéros 2 et 4

[42]        À ces chefs, il est reproché à l'intimée le défaut d'agir en conseillère consciencieuse en ne fournissant pas à ses clients, de façon complète et objective, les renseignements nécessaires à la compréhension et à l'appréciation des placements qu'elle leur proposait, notamment quant aux risques que représentaient lesdits placements.

[43]        Ces chefs sont liés aux chefs 1 et 3 puisque le représentant qui offre, fait souscrire ou vend à ses clients des produits financiers a un devoir de conseil à l'endroit de ceux-ci.

[44]        En l'espèce, la preuve a révélé que comme conséquence des représentations de l'intimée les clients se sont clairement mépris sur les risques rattachés aux produits en cause.

[45]        Par ailleurs, l'intimée n'a pas tenu compte des limites de ses certificats. Elle n'avait pas les compétences légales pour conseiller ses clients sur lesdits produits.

[46]        Elle a fait défaut de respecter les mécanismes mis en place par le législateur pour assurer que le consommateur bénéficie des conseils d'un professionnel compétent.

[47]        Elle a fait défaut d'agir avec compétence et professionnalisme.

[48]        L'intimée sera déclarée coupable sur ces chefs.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l'intimée coupable des chefs d'accusation 1, 2, 3 et 4 contenus à la plainte;

CONVOQUE les parties avec l'assistance de la secrétaire du comité à une audition sur sanction.

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Shirtaz Dhanji

M. SHIRTAZ DHANJI, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Kaddis Sidaros

M. KADDIS SIDAROS, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Éric Cantin

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me James Bonhomme

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience :

9 septembre 2008

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0717

 

DATE :

6 novembre 2009

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Shirtaz Dhanji, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

M. Kaddis Sidaros, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

_____________________________________________________________________

 

Mme LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

Mme FAYZA RIFAI

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[49]        À la suite de sa décision sur culpabilité, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni le 14 septembre 2009, au siège social de la Chambre sis au 300, Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal et a procédé à l'audition sur sanction.

[50]        D’entrée de jeu, la plaignante déclara n’avoir aucune preuve à offrir. L’intimée, quant à elle, choisit de témoigner.

[51]        Les parties entreprirent ensuite, par l’entremise de leurs procureurs respectifs, de soumettre au comité leurs représentations sur sanction.

 

Représentations de la plaignante

[4]        Après avoir brièvement évoqué les faits et la décision sur culpabilité du comité, le procureur de la plaignante rappela que le couple Del Degan/Vissani n’avait souscrit les billets à ordre en cause que «par le truchement de l’intimée» et que seule cette dernière avait alors agi comme intermédiaire et conseillère auprès dudit couple.

[5]        Il mentionna ensuite l’absence d’antécédents disciplinaires de l'intimée mais déclara qu’il était important pour la plaignante qu’un message clair soit adressé aux représentants à l’effet qu’il est dérogatoire à leur Code de déontologie de distribuer des placements non autorisés en vertu de leur certification.

[6]        Il ajouta que le nombre d’infractions de cette nature était appréciable et qu’il importait donc que la sanction imposée en l’espèce comporte un effet dissuasif et d’exemplarité.

[7]        Il cita ensuite les affaires de Maryse Labarre[4], et de Christophe Balayer[5] où les représentants fautifs furent condamnés à une radiation temporaire de trois (3) ans pour le même type de fautes que celles reprochées à l’intimée aux chefs 1 et 3.

[8]        S’appuyant sur lesdites décisions, il proposa que soit imposée à l’intimée sur les chefs d’accusation 1 et 3, une radiation temporaire de trois (3) ans.

[9]        Relativement aux chefs d’accusation 2 et 4, il invoqua la décision du comité dans l’affaire Mme Léna Thibault c. Jacques Caya[6], et suggéra que soit ordonné comme dans ce dossier un arrêt conditionnel des procédures.

Représentations de l’intimée 

[10]      Le procureur de l'intimée rappela d’abord que monsieur Del Deagan avait de lui-même réclamé les produits en cause, cette dernière ne l’ayant nullement sollicité pour les lui vendre.

[11]      Il souligna que bien que l’intimée avait rempli les formules de souscriptions des billets, elle les avait ensuite acheminées à une personne qu’elle croyait posséder l’autorisation de procéder à leur émission.

[12]      Sans pour autant contester la décision du comité, il invoqua que l’intimée n’avait agi, dans son esprit, que comme « courroie de transmission ».

[13]      Il indiqua que tout semblait s’être bien terminé pour les consommateurs puisque, à la suite d’une poursuite civile instituée contre l’intimée et le cabinet auquel cette dernière était rattachée, ils avaient obtenu dudit cabinet une compensation égale au capital investi.

[14]      Il rappela ensuite que tel qu’elle en avait témoigné, l’intimée avait cessé d’exercer sa profession et était sans emploi depuis 2006.

[15]      Il souligna que s’il était tenu compte qu'elle a, depuis trois (3) ans, cessé toute activité professionnelle, une radiation temporaire de trois (3) ans ferait en sorte qu'à la suite des événements en cause elle aurait été tenue à l’écart pour une période de six (6) ans.

[16]      Il termina en demandant au comité de tenir compte des problèmes de santé importants évoqués par l’intimée lors de son témoignage ainsi que des difficultés personnelles vécues par celle-ci depuis les événements pour être indulgent à son endroit.

[17]      Bien qu’il concéda qu’une période de radiation serait en l'espèce appropriée, il suggéra que le cas particulier de l’intimée devait être distingué des cas de Maryse Labarre et de Christophe Balayer et il suggéra qu’une radiation pour une période moindre que trois (3) ans devrait lui être imposée.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[18]      L’intimée n’a aucun antécédent disciplinaire.

[19]      À la suite des événements, elle a, depuis 2006, cessé ses activités professionnelles. Elle a vécu depuis ce temps, au plan personnel, une période difficile.

[20]      En l'espèce, les clients avaient eux-mêmes réclamé le produit en cause de l’intimée. Cette dernière ne les avait aucunement sollicités pour leur vendre celui-ci.

[21]      Néanmoins, la gravité objective des infractions reprochées à l’intimée est indiscutable. Elles vont au cœur de l’exercice de la profession et sont de nature à discréditer celle-ci aux yeux du public.

[22]      Aux chefs d’accusation 1 et 3, l’intimée a été reconnue coupable d’avoir distribué des billets à ordre de Real Vest, alors qu’en vertu de ses certifications elle n’était pas autorisée à offrir de tels produits.

[23]      Lors des transactions en cause et par la suite, l’intimée a rassuré ses clients sur la valeur des produits concernés et particulièrement quant au risque que ceux-ci pouvaient comporter.

[24]      Par ailleurs, lorsqu’en 2004, l’Industrielle Alliance, le cabinet auquel elle s’était jointe a exigé qu’elle obtienne de ses clients qu’ils signent un document par lequel ils reconnaissaient que l’Industrielle Alliance n’émettait aucune opinion quant à la qualité des billets émis par Mount Real et/ou Real Vest, l’intimée a minimisé l’importance du document auprès de ses clients en avisant alors ceux-ci que l’institution n’était tout simplement pas familière avec le produit.

[25]      Le ou vers le 28 avril 2004, elle leur a en effet adressé une lettre par laquelle elle leur confirmait que le document qu’on leur demandait de signer ne devait pas être interprété comme signifiant que l’Industrielle Alliance ne recommandait pas les produits ou que ceux-ci représentaient un risque.  Dans ladite lettre elle leur indiquait qu’elle était très confortable avec lesdits produits, les ayant vendus depuis plus de huit (8) ans. Elle ajoutait qu’elle persistait à les recommander.

[26]      Enfin, si les fautes de l’intimée n’ont pas causé de perte en capital à ses clients, c’est que ces derniers, à la suite d’un recours civil, ont été indemnisés par l’Industrielle Alliance. N’eût été de cette indemnisation, les clients auraient vraisemblablement eu peu de chances d’être indemnisés de leurs pertes. Ils n’auraient en effet vraisemblablement pas pu bénéficier des ressources du Fonds d’indemnisation des services financiers pour récupérer celles-ci puisque l’intimée avait, en leur vendant les produits en cause, agi en dehors du cadre de ses certifications.

[27]      Par ailleurs, les sanctions imposées en l’espèce doivent comporter un effet d’exemplarité et laisser un message clair aux membres de la profession.

[28]      Compte tenu des circonstances propres à ce dossier, le comité est d’avis qu’une radiation temporaire de deux (2) ans sur chacun de ces chefs à être purgée de façon concurrente serait une sanction juste et appropriée, qui tiendrait compte tant des éléments objectifs que subjectifs du dossier.

Chefs d’accusation 2 et 4

[29]      Compte tenu de la décision rendue par le comité dans le dossier Jacques Caya[7] et des règles s’opposant aux condamnations multiples, en suivant le même raisonnement que dans l’affaire précitée, le comité est d'avis qu'il y a lieu, en application desdites règles, d’ordonner un arrêt conditionnel des procédures sur ces chefs.

[30]      Enfin, en l’absence d’éléments particuliers qui auraient pu le justifier d’agir autrement, il y a lieu pour le comité d'ordonner la publication de la décision et de condamner l’intimée au paiement des déboursés.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Chefs d’accusation 1 et 3 :

ORDONNE sur chacun de ces chefs, la radiation temporaire de l’intimée pour une période de deux (2) ans, à être purgée de façon concurrente;

Chefs d’accusation 2 et 4 :

ORDONNE sur chacun de ces chefs, en application de la règle s'opposant aux condamnations multiples, un arrêt conditionnel des procédures;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimée, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimée a ou avait son domicile professionnel et dans tout autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer sa profession, conformément à l’article 156, paragraphe 5 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26);

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés, incluant les frais d’enregistrement, conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26).

 

(s) François Folot __________________________________

ME FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Shirtaz Dhanji __________________________________

M. SHIRTAZ DHANJI, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Kaddis Sidaros __________________________________

M. KADDIS SIDAROS, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

Me Éric Cantin

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me James Bonhomme

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience :

14 septembre 2009

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Le souligné est de nous.

[2]     Les soulignés sont de nous.

[3]     Voir à ce sujet la décision du comité de discipline rendue le 11 avril 2007 dans l'affaire Syndic c. Réjean Poulin, CD00-0600, notamment les paragraphes 229 à 231 de ladite décision.

[4] Maryse Labarre c. Mme Léna Thibault, [CD00-0691] décision rendue le 9 juillet 2008.

[5] Chrisophe Balayer c. Mme Léna Thibault, [CD00-0674] décision rendue le 4 juin 2008.

[6] Mme Léna Thibault c. Jacques Caya, [CD00-0716] décision rendue le 25 mai 2009.

[7] Voir note 3.

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