Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0874

 

DATE :

16 décembre 2011

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Roger Dionne, A.V.C., Pl. fin.

Membre

M. Armand Éthier, A.V.C.

Membre

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CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

DANNY DELISLE, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 165320)

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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ORDONNANCE DE NON PUBLICATION DE P-4 À P-14, P-16 À P-18 ET P-20 À P‑23.

[1]           Le 23 novembre 2011, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (CSF) s'est réuni à la Commission municipale du Québec, 10 rue Pierre-Olivier-Chauvreau, à Québec, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l’intimé.


RETRAIT DE CHEFS

[2]           Le procureur de la plaignante ayant indiqué au comité qu’il demandait le retrait des chefs 5, 6 et 11 de la plainte, faute de pouvoir répondre à son fardeau de preuve, le comité l’autorisa.

[3]           La plainte ainsi modifiée se lit comme suit :

LA PLAINTE

1.    Dans la région de Québec, le ou vers le 8 janvier 2008, l’intimé a fait défaut de connaître la situation personnelle et financière ainsi que les objectifs de placement de son client G.T. et n’a pas mis à jour son profil d’investisseur, contrevenant ainsi aux articles 16, 51 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 3 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (D-9.2, r. 7.1);

2.    Dans la région de Québec, le ou vers le 8 janvier 2008, l’intimé n’a pas cherché à connaître la situation personnelle et financière ainsi que les objectifs de placement de sa cliente A.L. et n’a pas mis à jour son profil d’investisseur, contrevenant ainsi aux articles 16, 51 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 3 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (D-9.2, r. 7.1);

3.    Dans la région de Québec, le ou vers le 8 janvier 2008, l’intimé a fait souscrire à son client G.T. un placement qui ne correspondait pas à son profil, soit 12 953,68 $ dans des parts du fonds du marché monétaire canadien série A auprès de Groupe Investors, contrevenant ainsi aux articles 16, 51 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 3, 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (D-9.2, r. 7.1);

4.    Dans la région de Québec, le ou vers le 8 janvier 2008, l’intimé a fait souscrire à sa cliente A.L. un placement qui ne correspondait pas à son profil, soit 11 883,37 $ dans des parts du fonds du marché monétaire canadien série A auprès de Groupe Investors, contrevenant ainsi aux articles 16, 51 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 3, 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (D-9.2, r. 7.1);

5.    retiré

6.    retiré

7.    Dans la région de Québec, le ou vers le 8 janvier 2008, l’intimé n’a pas subordonné son intérêt personnel à celui de son client G.T. en lui faisant souscrire 12 953,68 $ dans des parts du fonds du marché monétaire canadien série A, frais de vente reportés, auprès de Groupe Investors, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 2, 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (D-9.2, r. 7.1);

8.    Dans la région de Québec, le ou vers le 8 janvier 2008, l’intimé n’a pas subordonné son intérêt personnel à celui de sa cliente A.L. en lui faisant souscrire 11 883,37 $ dans des parts du fonds du marché monétaire canadien série A, frais de vente reportés,  auprès de Groupe Investors, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 2, 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (D-9.2, r. 7.1);

9.    Dans la région de Québec, le ou vers le 21 avril 2009, l’intimé n’a pas cherché à connaître la situation personnelle et financière ainsi que les objectifs de placement de sa cliente A.L. et n’a pas mis à jour son profil d’investisseur, contrevenant ainsi aux articles 16, 51 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 3 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (D-9.2, r. 7.1);

10.  Dans la région de Québec, le ou vers le 21 avril 2009, l’intimé a fait souscrire à sa cliente A.L. un placement qui ne correspondait pas à son profil, soit 10 901,48 $ dans des parts du fonds du marché monétaire canadien série A auprès de Groupe Investors, contrevenant ainsi aux articles 16, 51 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 3, 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (D-9.2, r. 7.1);

11.  retiré

12.  Dans la région de Québec, le ou vers le 21 avril 2009, l’intimé n’a pas subordonné son intérêt personnel à celui de sa cliente A.L. en lui faisant souscrire 10 901,48 $ dans des parts du fonds du marché monétaire canadien série A, frais de vente reportés,  auprès de Groupe Investors, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 2, 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (D-9.2, r. 7.1);

13.  À Québec, le ou vers le 7 janvier 2011, l’intimé a entravé le travail de l’enquêteur chargé de l’application de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de ses règlements, notamment en tentant de l’induire en erreur en ne lui fournissant pas l’entièreté des dossiers demandés des clients G.T. et A.L. qu’il avait ou devait avoir, contrevenant ainsi aux articles 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 20 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (D-9.2, r. 7.1);

14.  À Québec, le ou vers le 3 février 2011, l’intimé a donné des informations fausses, trompeuses ou incomplètes à l’enquêteur chargé de l’application de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de ses règlements concernant les condamnations criminelles dont il a fait l’objet, contrevenant ainsi aux articles 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 20 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (D-9.2, r. 7.1), 42 et 44 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (D-9.2, r. 3);

15.  À Québec, le ou vers le 20 décembre 2010, dans le dossier 200-01-140996-095, l’intimé a été déclaré coupable par la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, de l’infraction criminelle suivante ayant un lien avec la profession au sens de l’article 149.1 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26) :

Le ou vers le 5 octobre 2009, à Québec, district de Québec, s’est frauduleusement fait passer pour une personne morte ou vivante, soit : Guillaume Roy, avec l’intention d’obtenir un avantage pour lui-même, commettant ainsi l’infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité prévue à l’article 403a) du Code criminel.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[4]           L’intimé, accompagné de son procureur, plaida coupable sous chacun des chefs de la plainte ainsi modifiée affirmant savoir que ce faisant, il reconnaissait les gestes reprochés et que ceux-ci constituaient des infractions déontologiques.

[5]           Avant de poursuivre avec un résumé des faits et de déposer l’ensemble de la preuve documentaire à l’appui (P-1 à P-23), le procureur de la plaignante demanda l’émission d’une ordonnance de non publication en vertu de l’article 142 du Code des professions quant aux pièces P-4 À P-14, P-16 À P-18 ET P-20 À P-23, à laquelle le comité donna suite, séance tenante.

LES FAITS

[6]           L’intimé détient un certificat en épargne collective depuis le 15 novembre 2005.  Toutefois, ayant été trouvé coupable d’infractions criminelles commises avant sa demande de certificat, l’Autorité des marchés financiers (AMF) procéda à son émission et imposa à l’intimé d’être supervisé par un directeur du cabinet Investors, auquel il était rattaché, cette supervision devant prendre fin le 1er septembre 2007 (P-1 à P-3).

[7]           Les consommateurs impliqués formaient un couple qui, au moment des événements reprochés, étaient âgés, tous deux, de plus de 80 ans.

[8]           L’intimé succédait à deux autres représentants. Le premier, qui était le fils des consommateurs, avait en 2005 procédé pour ceux-ci à l’ouverture d’un compte ainsi qu’à leur profil d’investisseur.  En juillet 2007, le deuxième représentant dressa un autre profil d’investisseur qui ne démontrait aucun changement.  Les placements choisis jusqu’alors par les deux représentants étaient des CPG sans frais.

[9]           En septembre 2007, l’intimé hérita de leurs dossiers. Par la suite, en janvier 2008 et avril 2009, et ce, sans rencontrer les clients ni procéder à une mise à jour de leur profil d’investisseur, il procéda, sans leur autorisation, au placement de leurs CPG venus à échéance dans le Fonds monétaire avec frais de sortie sur une période de sept (7) ans et pour lesquels, des commissions lui furent versées.  

[10]        Or, les profils d’investisseur indiquaient notamment une échéance de trois (3) ans compte tenu de l’âge des consommateurs. 

[11]        En septembre 2009, étant donné leur déménagement dans une résidence, le couple a eu besoin de retirer des fonds.  Des frais de sortie totalisant 1 965,62 $ ont ainsi été déduits pour ces retraits.

[12]        Sur réception de la plainte portée par les consommateurs, une enquête interne fut menée par Investors, qui les a indemnisés de la totalité de ces frais.  Par la suite, les mêmes montants auraient été prélevés sur la paie versée à l’intimé.

[13]        Quant aux chefs d’entrave, la preuve documentaire a démontré que l’intimé avait omis de transmettre l’entièreté des dossiers des clients à l’enquêteur de la CSF et notamment la transcription d’une conversation téléphonique avec ce dernier révèle qu’il a aussi fourni des informations fausses, trompeuses ou incomplètes au sujet de condamnations criminelles dont il a fait l’objet.

RECOMMANDATIONS DES PARTIES SUR SANCTION

[14]        Relativement aux sanctions à imposer, les procureurs des parties ont informé le comité qu'ils avaient des recommandations « communes » à lui soumettre.  Ensuite, le procureur de la plaignante exposa les facteurs atténuants et aggravants. Il produisit la description du cours 20406 traitant de la conformité et la confiance du client que l’intimé s’engageait à suivre (P-24) en plus d’un cahier impressionnant d’autorités à l’appui des sanctions proposées.  

[15]        Comme facteurs atténuants, il mentionna en plus du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé, son engagement à suivre une formation, l’absence d’antécédent disciplinaire et le fait que seul un couple avait été impliqué.  Il ajouta que ce dernier avait été indemnisé par Investors que l’intimé avait dû rembourser.  Aussi les gestes de l’intimé n’avait, malgré tout, pas eu de conséquences sur le résultat de l’enquête menée par la CSF.  Enfin, les infractions criminelles commises ne l’ont pas été dans le cadre de ses fonctions de représentant quoique ayant un lien avec la profession qui exige un haut degré de probité de ses membres. 

[16]        Au titre des facteurs aggravants, il insista sur la mesure administrative imposée par l’AMF en l’occurrence la supervision de l’intimé pendant près de 2 ans étant donné  sa condamnation à deux infractions criminelles commises dans le but d’obtenir l’indemnité de son assureur automobile. Considérant la condamnation criminelle postérieure et à la source du chef 15, il signala que force était de constater que l’intimé n’avait pas pris au sérieux cet avertissement.

[17]        Il s’est dit d’avis que ce comportement de l’intimé laissait présager un risque de récidive et que mis à part le plaidoyer de culpabilité, l’intimé n’avait pas exprimé de réels regrets ou remords pour les fautes commises.

[18]        Ainsi, en plus de la gravité objective indéniable des infractions commises, il y a eu répétition des gestes (janvier 2008 et avril 2009) et ce, à l’égard de personnes d’autant plus vulnérables du fait de leur âge avancé.

[19]        En conséquence, les parties proposèrent au comité d'imposer à l'intimé:

  Pour chacun des chefs 1, 2 et 9, reprochant d’avoir fait défaut de connaitre la situation des clients :

Une amende de 4 000 $  pour un total de 12 000 $;

  Pour chacun des autres chefs 3, 4, 7, 8, 10, 12, 13, 14 et 15 :

Une radiation temporaire de trois (3) mois à purger de façon concurrente.

[20]        Par ailleurs, alors que le procureur de la plaignante recommanda la publication de la décision ainsi que la condamnation de l’intimé aux entiers dépens, étant donné le retrait de trois chefs sur les 15 portés initialement, le procureur de l’intimé argumenta que son client ne devrait les supporter que dans une proportion de 80%. Le procureur de la plaignante laissa cette demande de l’intimé à la discrétion du comité.

[21]        Il demanda également un délai de 24 mois pour le paiement des amendes proposées, demande non contestée par la partie plaignante.

ANALYSE ET MOTIFS

[22]        Compte tenu du plaidoyer de culpabilité enregistré en son nom par son procureur, il y a lieu de déclarer l'intimé coupable de tous et chacun des chefs d'accusation 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 12, 13, 14 et 15  portés contre lui et contenus à la plainte suite au retrait des trois autres.

[23]        Quant aux sanctions recommandées conjointement par les parties, le comité estime, compte tenu de l'ensemble du dossier, qu’elles sont justes et appropriées et il suivra leurs recommandations et ordonnera la publication de la décision.

[24]        Relativement à la demande de l’intimé concernant les déboursés, il y donnera suite et lui accordera également un délai de 24 mois pour le paiement des amendes proposées. 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

 

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l'intimé sur tous et chacun des chefs d'accusation 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 12, 13, 14 et 15;

DÉCLARE l'intimé coupable de chacun des chefs d'accusation 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 12, 13, 14 et 15;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 4 000 $ sous chacun des chefs 1, 2 et 9 de la plainte portée contre lui, le tout totalisant 12 000 $;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois (3) mois sous chacun des chefs 3, 4, 7, 8, 10, 12, 13, 14 et 15 à purger de façon concurrente;

RECOMMANDE au conseil d'administration de la Chambre de la sécurité financière d'imposer à l'intimé de suivre un cours de formation intitulé : « Conformité et confiance du client » (formation 20406) dispensé par la Chambre de la sécurité financière, l'intimé devant produire au conseil d'administration de la Chambre une attestation à l'effet que ledit cours a été suivi avec succès dans les douze (12) mois de la résolution du conseil d'administration, le défaut de s’y conformer résultant en la suspension de son droit d’exercice par l’autorité compétente jusqu’à la production d’une telle attestation;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a eu son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions (L.R.Q. chap. C‑26);

CONDAMNE l'intimé au paiement de 80 % des déboursés conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions (L.R.Q. chap. C-26); 

ACCORDE à l'intimé un délai de vingt-quatre (24) mois pour effectuer le paiement des amendes.

 

(s) Janine Kean

Me JANINE KEAN

Présidente du comité de discipline

 

(s) Roger Dionne

M. ROGER DIONNE, A.V.C., PL. FIN.

Membre du comité de discipline

 

(s) Armand Éthier

M. ARMAND ÉTHIER, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Mathieu Cardinal

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Éric Bédard

WOODS

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

 23 novembre 2011

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

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