Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0927

 

DATE :

 Le 8 juin 2012

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LE COMITÉ :

Me Jean-Marc Clément

Président

M. Marc Gagnon, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

M. Antonio Tiberio

Membre

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CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

DANIEL MESSIER, représentant de courtier en épargne collective, conseiller en assurances et rentes collectives et conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 123 758)

Partie intimée

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DÉCISION SUR REQUÊTE EN RADIATION PROVISOIRE

(Art. 130 et 133 du Code des professions)

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[1]           Le 8 juin 2012, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, Montréal afin de procéder à l'audition d'une requête en radiation provisoire de l'intimé.

[2]           Ladite requête est libellée comme suit :

REQUÊTE EN RADIATION PROVISOIRE

(Articles 130 et 133 du Code des professions)

 

AU COMITÉ DE DISCIPLINE DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE, LA REQUÉRANTE EXPOSE CE QUI SUIT :

1.         Au moment des faits relatés ci-dessous, l’intimé était détenteur d’un certificat en assurance de personnes, en régimes d’assurance collective et en courtage en épargne collective portant le numéro 123 758, tel qu’il appert de l’attestation de droit de pratique produite sous la cote R-1;

2.         Caroline Champagne, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière, a déposé une plainte disciplinaire contre l’intimé lui reprochant de s’être approprié des sommes d’argent et d’avoir confectionné de faux relevés de placement, tel qu’il appert de ladite plainte disciplinaire produite sous la cote R-2;

3.         Pour les motifs exposés ci-dessous, les faits reprochés à l’intimé sont graves et sérieux, portent atteinte à la raison d’être de la profession et sont de nature telle que la protection du public risque d’être compromise s’il continue à exercer sa profession;

4.         En tout temps pertinent aux présentes, A.P. était client de l’intimé. Il détenait notamment par son entremise depuis le 4 avril 2005 des fonds distincts auprès de L’Empire, Compagnie d’Assurance-Vie (ci-après « Empire Vie »), numéro 004047337I, tel qu’il appert de la proposition portant le numéro EL0086612 datée du 30 mars 2005 et de la confirmation de police numéro 004047337I, déposées respectivement sous les cotes R-3 et R-4;

5.         Le ou vers le 7 août 2008, l’intimé, au nom de son client A.P., a procédé au rachat total du fonds distinct de son client auprès de Empire Vie, portant le numéro de police 004047337I au montant net de 18 249,87 $, tel qu’il appert de la Demande de transactions financières reliées à des polices vie, invalidité et santé et de l’Avis de confirmation de transaction Programme de placement Élite, déposées respectivement sous les cotes R-5 et R-6;

6.         Le ou vers le 8 août 2008, un chèque au montant de 18 249,87 $ a été émis par Empire Vie à l’ordre de A.P. lequel a endossé ledit chèque, tel qu’il appert d’une copie recto-verso du chèque déposée sous la cote R-7;

7.         Le ou vers le 12 août 2008, l’intimé a complété avec son client A.P. un questionnaire pour établir le profil d’investisseur de ce dernier, tel qu’il appert d’une copie dudit profil déposé sous la cote R-8;

8.         Selon les instructions de son client A.P., l’argent mentionné ci-dessus devait être placé dans un nouveau fonds distincts Empire Vie pour une somme de 18 821,77 $, tel qu’il appert de la proposition de fonds distinct du Programme Élite d’Empire Vie numéro EL228343, déposée sous la cote R-9;

9.         Or, la proposition R-9 et la somme de 18 821,77 $ n’ont jamais été transmises à la compagnie Empire Vie pour y être investie, tel qu’il appert d’un courriel d’Empire Vie en date du 14 mai 2012, déposé sous la cote R-10;

10.       Le ou vers le 13 août 2008, le chèque de 18 249,87 $ émis par Empire Vie a été déposé dans le compte bancaire du cabinet du représentant, tel qu’il appert d’une copie recto-verso du chèque déposée sous la cote R-7;

11.       L’intimé a ensuite fabriqué et transmis à son client A.P. de faux relevés Empire Vie d’un faux compte client numéro 0040473l pour les périodes finissant les 31 décembre 2009, 30 juin 2010, 31 décembre 2010 et 30 juin 2011, tel qu’il appert desdits relevés déposés en liasse sous la cote R-11;

12.       La compagnie Empire Vie a confirmé qu’elle n’avait jamais émis les relevés R-11, tel qu’il appert du courriel R-10 ainsi que d’une lettre d’Empire Vie en date du 15 septembre 2011 déposée sous la cote R-12;

13.       Le ou vers le 19 septembre 2011, l’intimé a accepté de rembourser A.P. en lui remettant une traite bancaire de la banque Toronto Dominion, numéro 52046479 pour un montant de 21 172,00 $, tel qu’il appert de la traite bancaire déposée sous la cote R-13;

Aveux de l’intimé

14.       En date du 11 mai 2012, les enquêteurs du bureau de la syndique de la Chambre de la sécurité financière, Pierre Boivin et Brigitte Poirier, ont rencontré l’intimé dans un des locaux de la Chambre de la sécurité financière;

15.       Au cours dudit entretien, l’intimé a fait les aveux suivants :

a)         il a admis ne jamais avoir transmis à Empire Vie la proposition numéro EL228343;

b)         il a admis que le chèque numéro 064118 d’Empire Vie au nom de son client A.P. au montant de 18 249,87 $ avait été déposé dans le compte bancaire de son cabinet  le 13 août 2008;

c)         il a reconnu avoir fabriqué et transmis à son client A.P. de faux relevés pour les périodes finissant les 31 décembre 2009, 30 juin 2010, 31 décembre 2010 et 30 juin 2011, dans le but de lui faire croire que son argent était placé dans un contrat Empire numéro 0040473l;

d)         il a admis avoir remis l’argent à son client A.P. en septembre 2011 lorsque ce dernier le lui a demandé;

16.       Les faits portés à la connaissance de la syndique de la Chambre de la sécurité financière sont extrêmement troublants et requièrent l’intervention immédiate du Comité de discipline;

17.       Il apparaît de façon prima facie que l’intimé s’est approprié des sommes d’argent appartenant à son client;

18.       Il y a urgence d’agir pour la protection du public ;

19.       La présente requête est bien fondée en faits et en droit.

PAR CES MOTIFS, PLAISE AU COMITÉ DE DISCIPLINE :

ACCUEILLIR la présente requête;

PRONONCER la radiation provisoire immédiate de l’intimé, et ce, jusqu’à ce que jugement final soit rendu sur la plainte disciplinaire;

ORDONNER la publication d’un avis de cette décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où l’intimé a exercé ou pourrait exercer sa profession;

LE TOUT avec les frais contre l’intimé DANIEL MESSIER, incluant les frais de publication de l’avis.

[3]          À ladite requête est jointe une plainte disciplinaire portée contre l’intimé comportant les chefs d’accusation suivants :

1.            À Granby, entre les ou vers les 13 août 2008 et 19 septembre 2011, l’intimé, au moyen de fausses représentations, s’est approprié pour ses fins personnelles la somme d’environ 18 249,87 $ que lui avait confiée pour fins d’investissement son client A.P., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2), 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r. 1.01), 160 de la Loi sur les valeurs mobilières (c. V-1.1) ainsi que 2, 6, 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r.7.1.);

2.            À Granby, entre les ou vers les 1er janvier 2009 et 30 juin 2011, l’intimé a confectionné quatre faux relevés laissant faussement croire à son client A.P. qu’il détenait des placements dans un contrat de fonds distincts numéro 0040473I auprès d’Empire, Compagnie d’Assurance-Vie, alors qu’il s’était plutôt approprié l’argent qui devait y être investi, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2), 16 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r. 1.01), 160 de la Loi sur les valeurs mobilières (L.R.Q., c. V-1.1) ainsi que 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, r.7.1.).

MOTIFS ET DISPOSITIF

 

[4]           Le 6 juin 2012, le procureur de l’intimé a écrit au président du comité afin de solliciter la remise de l’audition aux motifs qu’il n’avait pas eu le temps de rencontrer son client.

[5]           Par lettre en date du 7 juin 2012, le président du comité, par la voix de la secrétaire-adjointe, a informé le procureur de l’intimé qu’il entendrait ses représentations lors de l’audition de la présente requête.

[6]           Le 7 juin 2012, le procureur de l’intimé a avisé le président du comité qu’après discussion avec son client et dans le but de limiter les frais de celui-ci, il lui a demandé de ne pas se présenter à l’audition sur la requête en radiation.

[7]           En conséquence la plaignante a été autorisée par le comité à procéder par défaut.

[8]           La plaignante a fait entendre Monsieur Pierre Boivin, enquêteur à la Chambre de la sécurité financière et a produit les pièces R-1 à R-15 ainsi que la pièce R-16 étant la lettre du procureur de l’intimé en date du 7 juin 2012. De plus la plaignante a fait entendre des extraits de l’enregistrement de la réunion de l’enquêteur avec l’intimé le 11 mai 2012 et d’une conversation téléphonique qu’il a eue avec l’intimé le 16 mai 2012.

[9]          Le Tribunal des professions[1] nous enseigne qu’une demande de radiation provisoire doit être accueillie si les critères suivants sont satisfaits :

 

1°           la plainte fait état de reproches graves et sérieux;

2°           ces reproches portent atteinte à la raison d’être de la profession;

3°                       la preuve « à première vue » (« prima facie ») révèle que les gestes reprochés paraissent avoir été posés;

4°           la protection du public risque d’être compromise si l’intimé continue à exercer sa profession.

 

[10]        Les faits reprochés à l’intimé sont l’appropriation de fonds et la confection de faux relevés.

[11]        La pièce R-7, le chèque endossé et le relevé bancaire R-8 établissent prima facie l’appropriation de fonds. En effet, l’intimé a déposé dans son compte d’entreprise un chèque fait au nom de son client et a utilisé cette somme à des fins personnelles.

[12]        Pour les fins de masquer son appropriation, l’intimé a confectionné de faux relevés au nom de la société d’assurances Empire-vie, laissant ainsi croire à son client que son argent était investi (pièce R-13).

[13]        Les pièces produites par la requérante, le témoignage de l’enquêteur et les aveux établissent les faits allégués.

[14]        L’appropriation de fonds à des fins personnelles est parmi les infractions les plus graves que peut commettre un représentant tout comme la confection de faux documents.

[15]        Ces actions portent atteinte à l’image de la profession et à sa raison d’être.

[16]        Les faits mis en preuve requièrent d’une façon non équivoque une intervention immédiate du comité de discipline car, si l’intimé continue d’exercer, la protection du public risque d’être compromise.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ :

ACCUEILLE la requête;

ORDONNE la radiation provisoire de l'intimé, Daniel Messier, et ce, jusqu'à ce qu'un jugement final soit rendu sur la plainte disciplinaire CD00-0927;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l'intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession;

LE TOUT avec autres dépens à suivre.

 

 

 

(s) Jean-Marc Clément

Me Jean-Marc Clément

Président du comité de discipline

 

 

(s) Marc Gagnon

M. Marc Gagnon, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Antonio Tiberio

M. Antonio Tiberio

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Sylvie Poirier

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Carl Dessaints

DESSAINTS & CLOUTIER

Procureurs de la partie intimée

Absent

 

Date d’audience :

8 juin 2012

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1] Mailloux c. Médecins 2009 QCTP 80.

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