Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0792

 

DATE :

28 janvier 2011

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Jean-Marc Clément

Président

Mme Michèle Barbier, A.V.A.

Membre

M. Philippe Bouchard, Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

ME CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualité de syndique de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

MME DANIELLE CARTIER, représentante de courtier en épargne collective (certificat 148 226)

 

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]          Le 13 mai 2010, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage à Montréal afin de procéder à l’audition d’une plainte disciplinaire portant la date du 30 octobre 2009 dont le seul chef d’accusation se lit comme suit :

« À Montréal, de 2002 à 2009, l’intimée DANIELLE CARTIER a fait défaut d’agir avec intégrité en s’appropriant pour ses fins personnelles la somme approximative de 261 000 $ des comptes grand-livre de son ancien employeur, la Caisse populaire d’économie des employés du secteur industriel de Montréal, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r.1.1.2). ».

[2]          Le 5 novembre 2009, le présent comité a ordonné la radiation provisoire de l’intimée.

[3]          Dès l’ouverture de la séance d’audition, l’intimée accompagnée et conseillée par son avocat a plaidé coupable à la plainte portée contre elle. 

[4]          Considérant ce plaidoyer, il a été alors convenu de procéder immédiatement à l’audition sur la sanction.

PREUVE DE LA PLAIGNANTE SUR LA SANCTION

[5]          La preuve de la plaignante sur la sanction a consisté au dépôt de la preuve produite lors de l’audition de la requête en radiation provisoire (soit, entre autres, des rapports, des relevés de compte et des journaux d’opérations de comptes bancaires) et en la production de l’attestation de droit de pratique émise par l’Autorité des marchés financiers (AMF), sous les cotes R-1 à R-10 et P-1. 

[6]          La preuve ainsi déposée établit que durant la période couverte par la plainte disciplinaire :

        l’intimée détenait un certificat de courtage en épargne collective portant le numéro 148 226 émis par l’AMF (Pièce P-1);

        l’intimée était employée de la Caisse Populaire d’économie des employés du secteur industriel de Montréal ( la Caisse ) à titre de conseillère en finances personnelles;

        l’intimée s’est appropriée à ses fins personnelles une somme d’environ 261 000 $ appartenant à son employeur.


PREUVE DE L’INTIMÉE SUR LA SANCTION

[7]          La preuve de l’intimée a consisté en la production de lettres d’ententes de remboursement avec la Caisse et de deux rapports d’un psychologue (Pièces D-1 à D-14). De plus, l’intimée a témoigné devant le comité.

[8]          Le comité retient ce qui suit de son témoignage.

[9]          Elle détient un diplôme d’études collégiales en techniques administratives et un certificat en planification financière.  Elle a travaillé durant 30 ans chez Desjardins dont les 18 dernières années ans comme conseillère en finances personnelles. 

[10]       Elle a 53 ans et demeure à Repentigny. Elle est mariée et mère de deux enfants. Son mari est agent de bureau au ministère de la Justice.

[11]       Des déveines l’ont mené vers cette situation.

[12]       D’abord en 1998, elle se fracture un doigt de la main gauche et elle se retrouve en arrêt de travail pendant 15 mois.  Comme elle était embauchée sur une base contractuelle, elle n’a eu droit à aucune indemnité d’invalidité. Ses prestations d’assurance-chômage ne suffisant pas, elle prend des retards sur le paiement de son hypothèque, de ses comptes d’électricité, etc.

[13]       En 2001, elle a des problèmes avec l’impôt.  Elle doit aux deux paliers de gouvernements cinq à six milles dollars.

[14]       En 2002, son fils, alors âgé de 18 ans, quitte le cégep. L’intimée doit lui acheter une voiture pour qu’il puisse se rendre au travail.

[15]       Même chose pour sa fille qui fréquente l’école secondaire mais qui a des difficultés d’apprentissage.  Comme elle ne peut terminer son secondaire 5, elle doit passer par l’éducation aux adultes à Calixa-Lavallée.  L’intimée doit lui acheter une voiture pour se rendre à ses cours.  De plus, l’intimée doit l’aider financièrement après une fugue, craignant qu’elle ne recommence.  Elle subvient également aux besoins de sa fille et de son conjoint, suite à leur décision d’aller vivre en appartement, puisque tous les deux étaient sans emploi.

[16]       En 2006, l’intimée doit aider sa mère, victime d’un incendie. Elle l’héberge pendant un an, l’aide ensuite à se reloger et à se remeubler (15 000 $) et lui achète une voiture (4 000 $).

[17]       Bien entendu, pour répondre à toutes ces demandes, ses revenus ne suffisent pas, selon elle.  Elle pige alors dans les comptes de la Caisse. Chaque année, elle s’approprie de plus en plus d’argent.  En 2008, elle s’approprie la somme de 57 545,73 $ (Pièce R-4) : «  c’était facile, je prenais 500 $ dans le compte » avoue-t-elle.

[18]       Lorsque ses appropriations ont été découvertes, elle affirme qu’elle croyait ne pas avoir pris plus que vingt ou trente milles dollars en tout.

[19]       Ce n’est que lorsqu’elle perd son droit d’exercice, qu’elle réalise les conséquences de ses actes.

[20]       Elle ajoute, pour sa défense, qu’elle n’a jamais pris d’argent dans les comptes de clients.

[21]       Elle constate aujourd’hui qu’elle a brisé sa carrière, sa vie, sa retraite.  

[22]       Elle a besoin d’un permis pour travailler.  Elle se dit prête à se soumettre à des conditions dans le cadre de sa pratique.  Elle veut une deuxième chance et elle soumet qu’elle ne représente pas un danger pour le public.

[23]       Elle est en arrêt de travail depuis sa radiation provisoire.  Elle a travaillé pour l’Industrielle Alliance après son congédiement par la Caisse.

[24]       Elle a pris une entente avec la Caisse et a remboursé la somme de 13 059,84 $, somme équivalant au montant de la franchise assumée par son employeur.  Elle a également signé une reconnaissance de dettes pour le solde, soit un montant de 248 131,87 $, en faveur de Desjardins Assurances Générales (pièce D-2).

[25]       Elle admet avoir commis une faute grave et c’est la raison pour laquelle elle a  plaidé coupable à la première occasion (Pièce D-11).  Elle a l’intention de rembourser intégralement Desjardins.  

[26]       Elle produit deux rapports préparés par Monsieur Luc Blain, psychologue. Le premier est daté du 17 décembre 2009 et l’autre du 18 mars 2010.  Ces rapports affirment qu’elle a de la difficulté à tenir compte de ses limites et à recevoir l’aide psychologique ou médicamenteuse.  Elle se sent obligée de prendre des responsabilités pour les autres. « Son mode de fonctionnement est en regard de l’extérieur d’elle, tourné vers les autres, ce qui l’amène à avoir de la difficulté à exister pour elle-même ». (Pièce D-8)

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE SUR SANCTION

Facteurs atténuants

[27]       La plaignante admet que l’intimée n’a pas de dossier disciplinaire.  De plus, l’intimée a admis avoir posé les gestes reprochés.


Facteurs aggravants

[28]       La plaignante soumet qu’il ne s’agit pas d’un acte isolé ou d’un acte fait par inadvertance. Les gestes se répètent sur une période de sept ans et ne cessent que lorsque son stratagème a été découvert.  Il y a, selon elle, risque de récidive.

[29]       La plaignante soumet enfin au comité que dans les cas d’appropriation d’argent, la sanction à prononcer doit nécessairement être la radiation permanente du membre parce qu’il s’agit d’un acte dérogatoire à l’honneur et à la dignité de la profession. Elle s’appuie sur les décisions suivantes : Venise Levesque c. Norman Burns[1], Léna Thibault c. Pascal Baril [2] et Léna Thibault c. Micheline Richard[3]

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉE SUR SANCTION

[30]       L’intimée plaide qu’elle ne représente pas un danger pour le public.  Elle insiste surtout sur le fait qu’elle est disposée à accepter des conditions pour la pratique de sa profession en assurance de personnes.

RÉOUVERTURE DES DÉBATS

[31]       En matière disciplinaire, comme nous l’enseigne le Tribunal des professions, « un plaidoyer est la reconnaissance par le professionnel des faits qui lui sont reprochés et du fait qu’ils constituent une faute déontologique »[4].

[32]       Dans la présente affaire, l’intimée a plaidé coupable à l’infraction reprochée en plus de venir avouer devant le comité qu’elle s’était bel et bien approprié les sommes mentionnées. L’intimée a donc admis avoir commis une faute déontologique.

[33]       La plaignante a porté sa plainte en vertu de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) (LDPSF) et de l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r.1.1.2) (RDDVM).

[34]       L’article 16 de la LDPSF énonce :

« Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients. » (notre soulignement)

[35]       L’article 14 du RDDVM énonce :

« Les activités professionnelles du représentant doivent être menées de manière responsable avec respect, intégrité et compétence. »

[36]       Toutes les décisions soumises au comité par la plaignante lors de l’audition du 13 mai ne touchent que des cas d’appropriation de fonds personnels de clients.  Lors de l’audition et lors de sa plaidoirie, la plaignante a soutenu que les argents de la Caisse dont l’intimée s’était appropriés étaient les argents de clients.

[37]       Comme le comité entretenait un doute sur cette question et sur la question de savoir si l’appropriation avait été commise dans le cadre des activités professionnelles de l’intimée, il a, le 24 septembre 2010, communiqué avec les procureurs des parties et leur a demandé de compléter le dossier sur ces questions.

[38]       Le 28 octobre 2010, le procureur de la plaignante a produit des représentations complémentaires écrites.

[39]       Le 18 novembre 2010, le procureur de l’intimée a écrit au comité que sa cliente s’en remettait à sa décision.

MOTIFS ET DISPOSITIF

Applicabilité des articles 16 de la LDPSF et 14 du RDDVM

A)        L’article 16 de la LDPSF

[40]       Les argents dont s’est appropriés l’intimée proviennent des comptes grand-livre de la Caisse, comptes qui contiennent les profits de la Caisse.

[41]       En vertu de la Loi sur les caisses d’épargne et de crédit, L.R.Q. c. C-4.1, les caisses sont des coopératives (article 2) et les coopératives sont des personnes morales (article 3 de la Loi sur les coopératives, L.R.Q. C-67.2).

[42]       Les biens (dont les profits) d’une personne morale lui sont propres et ne peuvent être assimilés à des biens appartenant à ses propriétaires ou aux détenteurs de parts dans le cas d’une coopérative.

[43]       Selon le comité, les argents détenus dans les comptes grand-livre appartiennent à la Caisse et non à ses membres ou à ses « clients ».

[44]       Quant aux arguments complémentaires de la plaignante, le comité ne peut y souscrire.  Les gestes reprochés à l’intimée n’ont pas été commis lorsqu’elle agissait à titre de représentante encadrée par la Chambre, ni dans le cadre de relations avec ses clients.  Ils ont été commis lorsqu’elle portait le « chapeau » de banquière (lors de prêt ou d’hypothèque). 

[45]       Le comité fait siens les propos de la juge Suzanne Villeneuve dans la décision Bilodeau c. Rioux :

« Le vol des traites bancaires s’est peut-être effectué à l’occasion de l’exercice de ses fonctions comme représentant, mais non dans le cadre de l’exercice de ses fonctions.  Il ne s’agit pas d’un acte qui s’inscrit dans le cadre des devoirs et obligations du représentant envers son client ».[5]

[46]       Le comité reconnaît la portée générale de l’article 16 de la LDPSF mais, en l’espèce, ne peut y rattaché les gestes posés hors certificat et lors de relations avec l’employeur et non, avec un client.

[47]       En conséquence, le comité est d’avis que l’article 16 de la LDPSF ne s’applique pas au présent cas.

B)        L’article 14 du RDDVM

[48]       L’intimée exerçait chez son employeur le poste de conseillère en finances personnelles.

[49]       Dans une lettre datée du 1er septembre 2009, adressée à la direction de la déontologie et de l’éthique professionnelle (Pièce R-3), l’intimée décrit ainsi son poste :

« J’étais conseillère en finances personnelles dans l’équipe Gestion des avoirs (W-7).

Fonctions :

-      conseiller et proposer aux membres les meilleures stratégies à adopter pour faire fructifier leur portefeuille en épargne et placement.

-      être à l’écoute des attentes et besoins des membres et s’assurer de répondre à leurs besoins tout en entretenant une relation d’affaires personnalisées [sic].

-      effectuer les analyses à la retraite.

-      solliciter et assurer la rétention de la clientèle, effectuer la prospection.

-      faire des présentations à la retraite.

-      préparer et effectuer des kiosques dans les campagnes attitrées à la caisse, principalement la campagne MABE.

-      préparer et présenter différentes campagnes tel [sic] que REER, épargne.

-      répondre aux besoins de financement et effectuer les analyses requises afin de recommander ou non les demandes de crédit. »

[50]       La certification de l’intimée est dans la discipline de courtage en épargne collective.

[51]       Les appropriations de fonds se sont effectuées lors d’opérations de remise à partir du compte grand-livre des pénalités sur prêts et/ou de compte de commissions à amortir sur hypothèque (R-4).

[52]       Ces appropriations ne résultent pas de l’exercice de la discipline dans laquelle l’intimée était certifiée. Elle l’affirme d’ailleurs dans une lettre adressée à l’enquêteur de la Chambre : « la faute a plutôt été commise parce que j’étais une employée d’une institution financière et non que j’occupais le poste de conseillère ».[6]

[53]       Le comité considère cependant que ces appropriations sont certainement en liaison avec ses activités professionnelles au sens de l’article 14 du RDDVM.

[54]       Dans l’affaire Levesque c. Odorico[7], l’intimé s’était approprié des sommes au moment où il agissait comme liquidateur d’une succession donc, hors de sa certification. Le comité a considéré que les agissements de l’intimé relevaient de sa juridiction. Le comité de discipline s’est exprimé ainsi :

« [33]  En effet, même si le droit disciplinaire vise d’abord et avant tout à sanctionner le comportement du professionnel dans l’exercice de sa profession, et même si généralement la conduite des membres de la profession en dehors du cadre de l’exercice de celle-ci n’est pas du ressort du comité de discipline, la juridiction de celui-ci, comme celle de la Chambre, ne se limite pas au strict domaine des actes réservés.

…..

[35]     Aussi, tel que le souligne l’auteur Mario Goulet cité par le Tribunal des professions dans l’affaire Henrik Nowodworski c. Jacques Guilbault et Procureure générale du Québec : « En raison de la préservation de la confiance du public envers la profession, il n’est pas nécessaire de prouver qu’un acte fautif a été perpétré dans l’exercice de la profession, ou à l’occasion de l’exercice de la profession. »

[55]       Dans l’affaire Jean Coutu c. Tribunal des professions[8], l’honorable Pierrette Rayle, j.c.s., s’exprimait ainsi :

« Même lorsqu’il s’adonne à des activités commerciales, le pharmacien conserve son sarrau de professionnel de la santé. Il n’est pas pharmacien ou commerçant. Il est l’un et l’autre. L’essence de la dualité. »

[56]       Or, si la vente du tabac doit être considérée comme une activité professionnelle du pharmacien, le comité considère qu’il en va tout autant pour le représentant en épargne collective qui, comme l’intimée, est autorisé à faire et fait des transactions dans les comptes de son employeur.  Au surplus, il apparaît que l’acte fautif a été perpétré dans le cadre de l’exercice de sa profession même si les transactions ne résultent pas de son poste de conseillère mais bien de son travail en général.

[57]       Par ailleurs, même si ce n’était pas le cas, l’article 152 du Code des professions s’appliquerait, c’est ce que nous enseigne l’affaire Belleau[9].

                        « Le second alinéa de l’article 152 se lit comme suit :

En l’absence d’une disposition du présent code, de la loi constituant l’ordre dont l’intimé est membre ou d’un règlement adopté conformément au présent code ou à cette loi et applicable au cas particulier, le comité décide de la même manière :

1e si l’acte reproché à l’intimé est dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de la profession ou à la discipline des membres de l’ordre; (…) »

(Nos soulignements) »

« Au surplus, ajoutons que le fait d’indiquer dans une loi ou un règlement certaines prohibitions spécifiques ne peut avoir pour effet implicite, nous dit la Cour d’appel :

« …de rendre non dérogatoire à l’honneur ou à la dignité (…) »

un acte parce qu’il n’y est pas prévu. »

[58]       Dans Physiothérapie c. Charest-Dombrovski[10], le Tribunal des professions mentionne ce qui suit au paragraphe 47 de sa décision :

« [47]  Ayant constaté qu’aucune infraction spécifique dans le Décret et le Code de déontologie de l’intimée ne s’applique à la situation, le Comité aurait dû vérifier si la conduite de l’intimée est visée par les articles 59.2 et 152 al. 2(1) du Code des professions, et vu la rédaction des chefs 1 a) à g), déclarer l’intimée coupable des manquements reprochés. »

[59]       L’appropriation de sommes d’argent est sans conteste une des infractions les plus graves que peut commettre un représentant.  Elle va au cœur de l’exercice de la profession et est de nature à en ternir l’image et à porter atteinte à la confiance du public à son endroit.  Il ne fait aucun doute dans l’esprit du comité que l’honneur et la dignité de la profession sont entachés par la commission de tels actes.

[60]       De ce qui précède, le comité considère que les actes reprochés ont été posés dans le cadre des activités professionnelles de l’intimée et donc encadré par l’article 14 du RDDVM et qu’au surplus, si tel n’avait pas été le cas, l’article 152 du Code des professions aurait permis au comité de déclarer l’intimée coupable d’un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de la profession.  Conséquemment, le plaidoyer de l’intimée est accepté et cette dernière sera déclarée coupable des gestes reprochés à la plainte.

Sanction

[61]       De l’avis du comité, l’intimée a tenté de justifier l’injustifiable.  Il n’y a aucune raison qui permet à un employé de s’approprier les biens de son employeur.

[62]       Son doigt brisé, son fils et sa fille qui quittent l’école, sa mère qui est victime d’un incendie sont des événements qui n’ont rien d’anormal.

[63]       De plus, le compte n’y est pas. Elle s’approprie la somme totale de 261 191,68 $ dont la somme de 57 545,73 $ en 2008 et de 50 690,60 $ en 2007 (Pièce R-4).  C’est beaucoup plus que ce qu’elle dit avoir dépensé pour ses enfants et sa mère.

[64]       Les rapports du psychologue Luc Blain qui n’est d’ailleurs pas venu témoigner, contredisent le modus operandi de l’intimée.  En effet, si elle était tournée vers les autres, elle n’aurait pas pris l’argent des autres.  De plus, le montant qu’elle s’est approprié prouve plutôt le contraire.

[65]       Les tâches qu’accomplit l’intimée requièrent que le public ait pleine confiance en elle.

[66]       Il ne subsiste aucun doute chez les membres du comité que les actes qu’elle a commis la discréditent totalement vis-à-vis le public et portent atteinte à l’honneur et à la dignité de la profession.  L’appropriation de fonds est une des infractions les plus graves que peut commettre un représentant.

[67]       Les gestes commis par l’intimée sont hautement condamnables.

[68]       Quant à la demande de l’intimée de lui permettre d’exercer dans une autre discipline mais avec conditions, le comité ne peut y donner suite.  La sanction doit certes revêtir un caractère dissuasif et non pas punitif mais, en l’espèce, la gravité des gestes posés, le caractère répétitif, le montant en cause, l’expérience de l’intimée, le risque de récidive et la protection du public sont des facteurs qui militent en faveur de la radiation permanente.

[69]       Le comité souscrit aux arguments de la plaignante et considère que l’intimée doit être radiée d’une façon permanente.

[70]       Aucun motif n’ayant été soulevé pour s’écarter de la règle voulant que celui qui succombe supporte les frais, le comité en ordonnera le paiement par l’intimée.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ:

PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimée à l’égard du chef d’accusation de la plainte portée contre elle;

DÉCLARE l’intimée coupable de s’être appropriée à ses fins personnelles la somme de 261 000 $ des comptes grand-livre de son employeur;

Et, procédant sur la sanction :

ORDONNE la radiation permanente de l’intimée;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimée un avis de la présente décision dans un journal où l’intimée a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156 (5) du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.

 

 

 

(s) Jean-Marc Clément

Me Jean-Marc Clément

Président du comité de discipline

 

(s) Michèle Barbier

Mme Michèle Barbier, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Philippe Bouchard

M. Philippe Bouchard, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

Me Valérie Déziel

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Jean-Sébastien Brunet

SAVOIE & SAVOIE

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

13 mai 2010

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Venise Levesque c. Norman Burns, CD00-0731, 15 juin 2009 et 1er mars 2010.

[2] Léna Thibault c. Pascal Baril, CD00-0681, 5 janvier 2009 et 23 juin 2009.

[3] Léna Thibault c. Micheline Richard, CD00-0713, 7 janvier 2009.

[4] Pivin c. Inhalothérapeutes, 2002 QCTP 32 à la page 10.

[5] Bilodeau c. Rioux, 2002 CanLII 12496 (QC C.Q.), par. 50.

[6] Pièce R-3.

[7] Venise Levesque c. Norman Burns, CD00-0731, 15 juin 2009 et 1er mars 2010.

[8] Jean Coutu c. Tribunal des professions, (1998) R.J.Q. 2824, page 2833.

[9] Belleau c. Avocat, [1999] D.D.O.P. 234 (T.P.), pages 8 et 9.

[10] Physiothérapie c. Charest-Dombrovski, 2008 QCTP 135 (T.P.).

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