Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0457

 

DATE :

19 février 2008

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Felice Torre

Membre

Mme Yannik Hay, A.V.C.

Membre

______________________________________________________________________

 

Me MICHELINE RIOUX, en sa qualité de syndic

Partie plaignante

c.

M. CONRAD LAMADELEINE, conseiller en sécurité financière et conseiller en assurance et rentes collectives

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR REQUÊTE EN RÉOUVERTURE DES DÉBATS

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 21 septembre 2007, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni et a procédé à l'audition d'une requête amendée de l'intimé en réouverture des débats ainsi libellée :

« REQUÊTE DE L'INTIMÉ EN RÉOUVERTURE DES DÉBATS AMENDÉE

AU COMITÉ DE DISCIPLINE DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE, L'INTIMÉ EXPOSE CE QUI SUIT :

1.    À l'issue de l'enquête et audition en date du 25 janvier 2007, cette cause a été prise en délibéré, tel qu'il appert au dossier du Greffe de discipline;

2.    La réouverture des débats est essentielle à l'appréciation de la crédibilité des témoins du Syndic, madame Nicole Calandre et monsieur Gabriel Verlinde, et pour démontrer que leur décision d'investir dans le fonds Synchronie résulte d'une décision éclairée de leur part et que monsieur Michel Calandre leur a fortement conseillé d'investir dans ce fonds;

3.    La preuve que l'intimé entend soumettre suite à la réouverture des débats, bien que connue, n'apparaissait pas pertinente avant l'audition, mais les témoignages de madame Nicole Calandre et de monsieur Gabriel Verlinde font en sorte qu'elle est devenue essentielle et pertinente;

4.    Cette réouverture des débats a pour but de :

a.)     faire témoigner la secrétaire de l'intimé, à l'époque, à l'effet que madame Calandre et monsieur Verlinde sont venus au bureau de l'intimé plus qu'une seule fois entre le 21 et le 23 août 2000, contrairement à ce qu'ils prétendent;

b)      faire témoigner monsieur Michel Calandre sur les circonstances entourant sa visite au bureau de l'intimé à l'été 2001, afin de démontrer que le choix d'investir dans le fonds Synchronie a été essentiellement dicté par lui-même;

c)      faire témoigner madame Nicole Calandre concernant les motivations réelles à porter plainte plus d'un an après les faits;

d)      produire, par l'intimé, des documents originaux de sa filière prouvant que des cotations ont été demandées par madame Nicole Calandre et monsieur Gabriel Verlinde;

e)      produire le rapport d'expertise de monsieur Brian Lindblom, B.A., FSSocDip, Forensic Document Examiner, relativement à certaines notes manuscrites originalement attribuées lors de l'audition à l'intimé, Conrad Lamadeleine, afin de démontrer que ces notes manuscrites n'ont pas été rédigées par l'intimé mais bien, par prépondérance de preuve, par une tierce partie;

5.      Cette réouverture des débats ne cause aucun préjudice au Syndic;

6.      Ces nouveaux éléments sont déterminants et de nature à avoir une influence sur la décision à rendre;

7.      L'intérêt de la justice sera mieux servi en accueillant cette requête puisque l'inclusion d'éléments de preuve que l'intimé veut faire favorise une vue plus complète de la situation de fait et de droit;

POUR CES MOTIFS, PLAISE AU COMITÉ :

         RAYER le délibéré;

ORDONNER la réouverture d'enquête aux conditions que le Comité déterminera;

PERMETTRE à l'intimé :

a.)     faire témoigner la secrétaire de l'intimé, à l'époque, à l'effet que madame Calandre et monsieur Verlinde sont venus au bureau de l'intimé plus qu'une seule fois entre le 21 et le 23 août 2000, contrairement à ce qu'ils prétendent;

b)      faire témoigner monsieur Michel Calandre sur les circonstances entourant sa visite au bureau de l'intimé à l'été 2001, afin de démontrer que le choix d'investir dans le fonds Synchronie a été essentiellement dicté par lui-même;

c)      faire témoigner madame Nicole Calandre concernant les motivations réelles à porter plainte plus d'un an après les faits;

d)      produire, par l'intimé, des documents originaux de sa filière prouvant que des cotations ont été demandées par madame Nicole Calandre et monsieur Gabriel Verlinde;

e)      produire le rapport d'expertise de monsieur Brian Lindblom, B.A., FSSocDip, Forensic Document Examiner, relativement à certaines notes manuscrites originalement attribuées lors de l'audition à l'intimé, Conrad Lamadeleine, afin de démontrer que ces notes manuscrites n'ont pas été rédigées par l'intimé mais bien, par prépondérance de preuve, par une tierce partie;

            LE TOUT frais à suivre.

 

 

                                                                                          Gatineau, le 11 septembre 2007

 

 

                                                                                          __________________________

                                                                                          BEAUDRY, BERTRAND

                                                                                          Procureurs de l'intimé

                                                                                          Conrad Lamadeleine »

MOTIFS ET DISPOSITIF

[2]           Les tribunaux supérieurs ont en maintes occasions énuméré les éléments et circonstances devant être pris en considération à l'occasion de la présentation d'une pareille requête.

[3]         Ils ont généralement reconnu qu'une requête en réouverture des débats devait être favorablement reçue dans les situations suivantes : a) les éléments de preuve en cause étaient inconnus du requérant au moment de l'audition; b) il lui était impossible malgré sa diligence de les connaître avant l'audition; c) ces nouveaux éléments de preuve pourraient avoir une influence déterminante sur la décision à rendre.

[4]           Dans l'affaire de Beaver Foundations Ltd. c. R.N.R. Transport Ltée, [1984] R.D.J. 497, l'honorable juge Albert Mayrand écrivait à la page 502 : « La réouverture d'enquête est favorablement reçue quand le requérant démontre au tribunal que telle réouverture est de nature à faire plus de lumière sur le litige. Mais le juge a discrétion pour la refuser quand elle a pour but de présenter une preuve qui lui paraît non essentielle et peu concluante, surtout lorsque avec plus de diligence on aurait pu la faire avant que l'enquête ne soit close. Aux lenteurs inévitables de la justice, on ne doit pas, sans motifs graves, ajouter des retards additionnels qui nuisent à la bonne administration de la justice. »

[5]           C'est à la lumière de ces principes que le comité doit examiner la demande de l'intimé-requérant.

[6]           L'intimé-requérant réclame dans sa requête qu'il lui soit permis :

a)        de faire témoigner sa secrétaire de l'époque sur le fait que madame Calandre et monsieur Verlinde seraient venus à son bureau plus qu'une seule fois entre le 21 et le 23 août 2000;

À l'audition, l'intimé-requérant s'est désisté de cette conclusion. Il n'y a donc pas lieu de s'y attarder davantage.

b)        de faire témoigner monsieur Michel Calandre sur les circonstances entourant sa visite au bureau de l'intimé à l'été 2001 afin de démontrer que le choix d'investir dans le fonds Synchronie a été essentiellement dicté par lui-même;

D'une part, il s'agit d'un élément de preuve qui n'était certes pas inconnu de l'intimé-requérant au moment de l'audition. D'autre part, dès les premières interventions, en cours d'enquête, du bureau du syndic auprès de lui, l'intimé-requérant ne pouvait ignorer que la plaignante se questionnait sur ce que les clients en cause prétendaient avoir été sa recommandation d'investir dans le fonds Synchronie.

Or, lors de l'instruction de la plainte, l'intimé-requérant n'a d'aucune façon tenté de faire entendre M. Michel Calandre.

Si le témoignage de M. Calandre lui semblait important pour tenter de démontrer que le choix d'investir dans le fonds Synchronie provenait de ce dernier, l'intimé-requérant n'avait qu'à l'assigner pour témoigner.

Si cette preuve était pour lui essentielle, voire même simplement pertinente, pourquoi ne l'a-t-il fait? Aucune explication à cet égard n'a été portée à l'attention du comité.

Cette demande de l'intimé-requérant ne rencontre pas le critère de la preuve essentielle et concluante qui, malgré une certaine diligence, n'a pu être présentée avant que l'enquête ne soit déclarée close. Elle sera rejetée.

c)         de faire témoigner madame Calandre concernant les motivations réelles à porter plainte plus d'un an après les faits;

Lors de l'audition sur la requête, cette demande a été amendée pour se lire comme suit :

c)         de faire témoigner madame Calandre relativement au rapport de monsieur Brian Lindblom (advenant le cas où la demande de production de son rapport d'expertise soit accordée) et relativement aux mentions manuscrites des mots « intérêts payés » que l'on retrouve à la page 7-12 de P-4;

Lors de l'instruction de la plainte, Mme Calandre a été entendue. Alors qu'elle a témoigné sur le document P-4, l'intimé-requérant a eu tout le loisir de la contre-interroger sur ce qui pouvait lui paraître important et indispensable à la présentation de sa défense.

Cette demande ne rencontre pas le critère de la preuve essentielle et concluante qui, malgré une certaine diligence, n'a pu être présentée avant que l'enquête ne soit déclarée close. Elle sera rejetée.

d)        de produire, par l'intimé, des documents originaux de sa filière prouvant que des cotations ont été demandées par Madame Nicole Calandre et Monsieur Gabriel Verlinde;

Lors de l'audition sur la requête, cette demande a été amendée pour se lire essentiellement, tel qu'il suit :

d)        de produire, par l'intimé un document de sa filière établissant qu'il a pris en note les éléments relatifs à la situation financière de ses clients lors de ses rencontres avec eux;

L'intimé-requérant allègue que le document qu'il entend produire n'était pas disponible lors de l'instruction de la plainte parce qu'ayant vendu son fonds de commerce à M. Robert Pollender (M. Pollender), il n'était plus alors en possession dudit document.

Or, aucune preuve n'a été présentée au comité qui confirmerait une quelconque démarche véritablement sérieuse de la part de l'intimé-requérant pour obtenir ce document avant l'audition. Aucune preuve démontrant un effort pour assigner M. Pollender avec le document lors de l'audition du 25 janvier 2007 n'a été produite. Si le document en cause lui paraissait important et concluant, il est difficile de s'expliquer que l'intimé-requérant ne se soit pas diligemment appliqué à l'obtenir, et ce, avant l'instruction de la plainte.

Cette demande ne rencontre pas le critère de la preuve essentielle et concluante qui, malgré une certaine diligence, n'a pu être présentée avant que l'enquête ne soit déclarée close. Elle sera en conséquence rejetée.

e)           produire le rapport d'expertise de monsieur Brian Lindblom relativement à certaines notes manuscrites originalement attribuées lors de l'audition à l'intimé afin de démontrer que ces notes manuscrites n'ont pas été rédigées par l'intimé.

Lors de l'instruction de la plainte, certains des éléments de preuve présentés pourraient avoir rattaché la paternité des notes manuscrites en cause à l'intimé.

Bien que le rapport d'expertise que réclame de produire l'intimé a été confectionné après la tenue de l'enquête et bien qu'une requête en réouverture des débats ne doive être accordée qu'avec circonspection afin d'écarter la possibilité que les débats s'éternisent, cette demande doit être favorablement reçue. L'élément de preuve établissant ou tendant à établir que l'intimé aurait été l'auteur des notes manuscrites concernées n'est possiblement réellement apparu que lors de l'instruction de la plainte.

L'expertise qu'entend produire l'intimé-requérant pourrait être de nature à faire plus de lumière sur le litige. Cette nouvelle preuve pourrait affecter la preuve déjà établie et possiblement influencer la décision à rendre.

Cette demande sera accueillie favorablement.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

ACCUEILLE en partie la requête en réouverture des débats;

SUSPEND le délibéré;

PERMET À L'INTIMÉ de produire le rapport d'expertise de M. Brian Lindblom, B.A. FSSocDip, Forensic Document Examiner relativement à certaines notes manuscrites originalement attribuées lors de l'audition à l'intimé afin de démontrer que ces notes manuscrites n'ont pas été rédigées par l'intimé mais bien, par prépondérance de preuve, par une tierce partie;

CONVOQUE les parties, avec l'assistance de la secrétaire du comité, à une conférence téléphonique dans le but de déterminer une date pour la réouverture des débats;

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT, avocat

Président du comité de discipline

 

(s) Felice Torre______________________

M. FELICE TORRE

Membre du comité de discipline

 

(s) Yannik Hay______________________

Mme YANNIK HAY, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Jacques Gauthier

BORDEN LADNER GERVAIS

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Steve Guénard

BEAUDRY, BERTRAND

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

21 septembre 2007

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

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