Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0656

 

DATE :

16 décembre 2009

___________________________________________________________________

 

 

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

M. Yvon Fortin, A.V.A., Pl. fin.

Membre

 

M. Felice Torre, A.V.A., Pl. fin.

Membre

 

___________________________________________________________________

 

 

 

LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

 

c.

 

CHRIS OCHIAI

 

Partie intimée

 

____________________________________________________________________

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

___________________________________________________________________

 

 

[1]   Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni les 11, 12, 13 et 14 juin 2007 et le 5 août 2008 au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage à Montréal pour procéder à l’audition de la plainte portée contre l’intimé.

[2]   La plaignante fit entendre les consommateurs, Mme Annie Dodds et son frère, M. Malcolm Dodds, à l’origine de la plainte en l’espèce.  À ces témoignages, se sont ajoutés ceux de Mme Carole Roy, directrice au service de l’épargne et retraite individuelle de l’Industrielle Alliance, M. Emmanuel Phaneuf, directeur principal chez Raymond Chabot inc., syndic à la faillite de la compagnie Mount Real et un expert en écriture, Mme Yolande Gervais.

[3]   Pour sa part, l’intimé a fait témoigner deux experts : M. Marco Ghirotto, expert en écriture ainsi que M. Jacques Roch, expert en falsification de documents par ordinateur.  L’intimé n’a pas témoigné.

[4]   L’intimé, représenté par procureur, était présent durant les quatre jours d’audience tenue en juin 2007.  Par la suite, des demandes de remises furent accordées à l’intimé au motif de son incapacité à témoigner pour cause de maladie.  Finalement, la suite des audiences fut fixée aux 5, 6 et 7 août 2008 et un avis d’audience fut signifié.  L’intimé révoqua son procureur le 1er juillet 2008 et soumit lui-même par écrit au comité une demande de remise de l’audience, laquelle fut refusée en l’absence de motif la justifiant. 

[5]   Le 5 août 2008, après avoir attendu un bon moment, le comité constata l’absence de l’intimé et acquiesça à la demande de la plaignante de déclarer, dans les circonstances, la preuve close.  Un échéancier fut déterminé afin de permettre aux parties de produire des plaidoiries écrites.  Cette décision fut signifiée à l’intimé. 

[6]   Ainsi, l’intimé fit parvenir au secrétariat du comité de discipline ses représentations datées du 29 novembre 2008 en réponse aux arguments de la plaignante datés du 15 octobre 2008.  Une réplique de la plaignante suivit le 6 mars 2009. 

[7]   La plainte portée contre l’intimé fut libellée comme suit :

1.             À Montréal, le ou vers le 16 février 2005, l’intimé Chris Ochiai a procédé à une demande de retrait du fonds LBJ 67 détenu par sa cliente Annie Dodds dans un contrat de fonds distincts auprès de Nationale Vie (Industrielle-Alliance) sans avoir obtenu le consentement de sa cliente et alors que l’intimé a contrefait ou induit une tierce personne à contrefaire la signature de ladite cliente sur cette demande de retrait et ce faisant, l’intimé a contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et aux articles 6, 11 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières;

2.             À Montréal, le ou vers le 20 septembre 2005, l’intimé Chris Ochiai a procédé à une demande de retrait du fonds LBJ 67 détenu par sa cliente Annie Dodds dans un contrat de fonds distincts auprès de Nationale Vie (Industrielle-Alliance) sans avoir obtenu le consentement de sa cliente et alors que l’intimé a contrefait ou induit une tierce personne à contrefaire la signature de ladite cliente sur cette demande de retrait et ce faisant, l’intimé a contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et aux articles 6, 11 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières;

3.             À Montréal, le ou vers le 14 octobre 2005, l’intimé Chris Ochiai a procédé à un placement dans un billet à ordre de Mount Real au nom de sa cliente Annie Dodds sans avoir obtenu le consentement de cette dernière et alors que l’intimé avait contrefait ou induit une tierce personne à contrefaire la signature de ladite cliente sur la demande de souscription dudit billet à ordre en date du 7 octobre 2005 et ce faisant, l’intimé a contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et aux articles 6, 11 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières;

 

LES FAITS

[8]    L’intimé était, au moment des infractions reprochées, certifié en assurance de personnes et en courtage en épargne collective auprès de l’Autorité des marchés financiers.  Il était de plus le responsable en conformité pour le cabinet « Les services financiers Toyoko Inc. » (Toyoko).

[9]   M. Malcolm Dodds détenait, depuis le 15 avril 2005, une procuration (Continuing Power of Attorney for Property [« Power of Attorney »]) signée par sa sœur, le nommant administrateur de ses biens (P-8).  

[10]       Il a déposé une plainte auprès du syndic de la Chambre de la sécurité financière au sujet du placement fait en 2003, par l’entremise de l’intimé, auprès de la Nationale Vie.  Il aurait appris que ce placement aurait été retiré par la suite sans la permission de Mme Dodds.

[11]       Mme Annie Dodds aurait fait la connaissance de l’intimé vers 1996 alors qu’elle était retraitée.  Il lui avait été recommandé par une voisine.  L’intimé préparait ses déclarations de revenus et se rendait chez elle, habituellement au mois de mars, pour la signature des documents.

[12]       Mme Dodds recevait de la Banque de Nouvelle-Écosse, son employeur de 1960 à 1992, une pension mensuelle de 1 600 $.

[13]       Le 26 mars 2003, par l’entremise de l’intimé,  Mme Dodds investit 76 759,38 $ dans un contrat de fonds distincts non enregistré auprès de la Nationale Vie (Industrielle Alliance)[1].  Ce placement était garanti à un minimum de 75%, soit au décès, soit à la date d’échéance fixée en 2013 (P-3 et P-4). 

[14]       Le 13 mars 2005, Mme Dodds, âgée de 79 ans, fut hospitalisée jusqu’au 12 avril 2005, date à laquelle elle fut amenée chez son frère, Malcolm Dodds, à Nepean en Ontario.  Deux jours plus tard, elle déménageait dans une résidence pour personnes âgées à Perth en Ontario.  

[15]       Un formulaire intitulé « Redemption & Switches » daté du 16 février 2005 (P‑5, p. 000081) fut reçu le 26 septembre 2005 par la Nationale Vie à Toronto demandant le retrait des sommes détenues au nom de Mme Annie Dodds.  Ce formulaire porte l’en-tête du cabinet « Les services financiers Toyoko Inc. » dont l’intimé est président, et identifié comme représentant.

[16]       Le 26 septembre 2005, la Nationale Vie (Industrielle Alliance) envoie un chèque à Toyoko tel que demandé dans le formulaire du 16 février 2005.

[17]       Un formulaire de souscription à un billet à ordre auprès de Mount Real pour un montant de 76 661,15 $ en date du 14 octobre 2005 (P-5, p. 000083) porte la signature de Mme Dodds.

[18]       En novembre 2005, le ministre des Finances, suite à une décision du Bureau de révision en valeurs mobilières, nomma M. Robillard administrateur provisoire de Mount Real qui a été mise en faillite en 2006.  Bien que le nom de Mme Dodds ne figure pas dans la liste des souscripteurs remise par les dirigeants de Mount Real au syndic de faillite Allard, il apparaît dans la liste mise à jour par Raymond Chabot Inc.[2]  Toutefois, aucun original de la demande de souscription ou du certificat de Mount Real ne se trouve dans les dossiers du syndic. 

[19]       L’intimé affirme, dans sa version des faits à l’enquêteur (P-10, p. 000010) en date du 18 juillet 2006, qu’au cours d’une rencontre au début de l’année 2005 avec Mme Dodds, celle-ci lui aurait donné instructions de retirer à l’automne 2005 le placement à Nationale Vie au montant de 80 273,45 $ pour l’investir dans un billet à ordre de Mount Real.  Mme Dodds aurait alors signé les documents pertinents et lui aurait laissé entière discrétion quant au choix des dates pour procéder à ces transactions.

[20]       Au moment des auditions en 2007, Mme Dodds bénéficiait de la même pension mensuelle de la Banque de Nouvelle-Écosse, possédait des « Certificat de placement garanti » de la Banque de Nouvelle-Écosse et de la TD Canada Trust pour environ 45 000 $, auxquels elle avait souscrits de sa propre initiative et un contrat de fonds distincts avec l’Empire Vie, pour environ 58 000 $[3].

[21]       Mme Dodds a dit ne pas se rappeler avoir donné à l’intimé, ni en février 2005 ni en septembre 2005, des instructions eu égard à son placement avec la Nationale Vie (Industrielle Alliance).  Elle déclara avoir vu l’intimé pour la dernière fois en 2004, au moment de la remise des déclarations d’impôts.  Elle affirma n’avoir jamais rencontré l’intimé par la suite.  Elle dit également n’avoir jamais eu connaissance de cet investissement fait en octobre 2005 dans un billet à ordre de Mount Real. 

[22]       Mme Dodds aurait ainsi perdu le capital investi de 76 661,15 $ ainsi que le gain de 3 514,07 $ qu’elle aurait réalisé au 26 septembre 2005, alors qu’elle détenait ces sommes dans le fonds distinct de Nationale Vie.

 

ANALYSE ET DÉCISION

 

[23]       Il est reproché à l’intimé d’avoir effectué, à l’insu de sa cliente, le 16 février 2005 (chef 1) et le 20 septembre 2005 (chef 2) le retrait de ses fonds dans un contrat de fonds distincts qu’elle détenait auprès de la Nationale Vie (Industrielle Alliance) et, pour ce faire, d’avoir contrefait ou induit une tierce personne à contrefaire la signature de Mme Dodds.

[24]       Il lui est reproché également, toujours à l’insu de sa cliente, d’avoir procédé, le 14 octobre 2005 (chef 3), par l’intermédiaire de Toyoko à l’investissement desdits fonds, au nom de Mme Dodds, dans un billet à ordre de la compagnie Mount Real et, pour ce faire, d’avoir contrefait ou induit une tierce personne à contrefaire la signature de Mme Dodds.

Chefs 1 et 3

[25]       Eu égard au défaut de consentement, la preuve de la plaignante consiste dans le témoignage de Mme Dodds qui ne se rappelle pas avoir donné des instructions à l’intimé pour procéder aux transactions alléguées et déclare ne pas avoir rencontré l’intimé après le printemps 2004. 

[26]       Pour sa part, l’intimé reconnaît clairement dans sa version des faits datée du 18 juillet 2006 ne pas avoir rencontré Mme Dodds ni le 16 février 2005 ni le 14 octobre 2005.  Il écrit l’avoir vraisemblablement rencontrée chez elle au début de l’année 2005 et que c’est au cours de cette rencontre que Mme Dodds aurait signé le formulaire de retrait du fonds détenu auprès de la Nationale Vie (P-5, p. 000081) et celui de la souscription d’un billet à ordre dans Mount Real (P-5, p. 000083) laissant, par ailleurs, à sa discrétion le choix du moment opportun à l’automne 2005 pour compléter lesdites transactions.[4]  Il maintient, dans ses représentations écrites datées du 29 novembre 2008, avoir obtenu le consentement de sa cliente.

[27]       Le comité estime devoir être prudent face à cette version fournie par l’intimé.  D’une part, sa version des faits à l’enquêteur (P-10, p. 000010) ainsi que celle contenue dans ses représentations écrites ne sont pas assermentées.  D’autre part, le comité n’a pas eu le loisir d’apprécier la crédibilité de l’intimé puisqu’il n’a pas témoigné devant lui.

[28]       Aussi, le comité reste-t-il perplexe face à cette version de l’intimé.  Comment expliquer que Mme Dodds lui ait donné, dès le début de l’année 2005, instructions pour agir à l’automne suivant, soit environ sept mois plus tard?  Aussi, comment expliquer qu’elle ait décidé de retirer en 2005 le fonds, qu’elle détenait depuis 2003 auprès de la Nationale Vie, puisque ce retrait entraînait une perte plus ou moins équivalente au gain réalisé sur ce placement en raison des frais applicables dans de telles circonstances.

[29]       Quant à l’accusation de contrefaçon par l’intimé lui-même de la signature de Mme Dodds ou par une tierce personne qu’il aurait induite à contrefaire, l’intimé dit, dans ses représentations écrites, de la nature parfois d’un témoignage, que les formulaires examinés par les experts étaient tous des photocopies, les originaux ayant été signés en blanc par Mme Dodds aux fins d’être complétés et envoyés aux institutions concernées à l’automne.  Il y prétend que les documents originaux ont été photocopiés dont l’un en couleur, ce qui expliquerait la signature apparaissant en bleu sur l’un des documents produits.

[30]       Comme rapporté par le procureur de la plaignante :

 

«Les deux experts soulèvent également le fait que le document 000081 (chef 1) et le document 000083 (chef 3), présentent des signatures de Mme Annie Dodds parfaitement identiques, ce qui « est contraire à un principe fondamental de l’écriture humaine qui exige des variations d’une exécution à une autre », selon l’expert de l’intimé[5]. M. Marco Ghirotto, expert de l’intimé, affirme d’ailleurs que, bien que les équipements utilisés pour générer les documents peuvent avoir une influence sur les caractéristiques de la signature, dans ce cas-ci, les deux signatures demeurent parfaitement exactes[6].

[31]       Ainsi, malgré le fait qu’il s’agirait d’une photocopie, en ce qui concerne tant la demande de retrait du 16 février 2005 (P-5, p. 000081) que la souscription d’un billet à ordre le 15 octobre 2005 (P-5, p. 000083) les deux experts en écriture, M. Marco Ghirotto pour l’intimé et Mme Yolande Gervais pour la plaignante, concluent dans le même sens.  Ils concluent tous deux que les signatures apparaissant sur ces documents sont identiques, contrairement au principe que l’écriture humaine exige des variations d’une exécution à une autre.  De plus, M. Ghirotto, dans les conclusions de son rapport, écrit que les signatures de ces deux documents constituaient un ou des faux par montages électromécaniques.  Ceci contredit la version de l’intimé voulant que Mme Dodds ait signé les deux formulaires. 

[32]        Le comité partage l’avis du procureur de la plaignante qu’aucune force probante ne peut être accordée au rapport de M. Jacques Roch, retenu comme expert pour l’intimé en falsification de document par ordinateur. 

[33]        Bien que M. Roch ait, en cours de voir-dire, déclaré avoir participé en tant qu’expert à de nombreux procès, un seul jugement mentionne son nom et il s’avère que son rapport ne portait pas sur l’analyse de documents contrefaits électroniquement ou mécaniquement.  Il s’agirait d’une instance où il n’a pas non plus témoigné.

[34]        Le processus d’analyse suivi par M. Roch a paru, aux yeux du comité, manquer de rigueur rendant ainsi son rapport peu fiable et son témoignage peu crédible.  Entre autres, M. Roch affirma que les signatures apparaissant à P-5, p. 000081 et à 000083 n’étaient pas identiques alors que cette analyse ne relève pas de son expertise mais bien de celle des experts en écriture, entendus préalablement par le comité. 

[35]        En outre, M. Roch n’a pu examiner, au cours de sa courte visite sur les lieux de Toyoko, tous les appareils informatiques qui s’y trouvaient notamment, ceux se trouvant dans le bureau de l’intimé car celui-ci était en réunion.  Il n’a pas vérifié si d’autres appareils tel des portables étaient utilisés et se trouvaient hors des lieux ce jour-là.  Il n’a pas non plus vérifié un des photocopieurs que le personnel lui a dit être brisé ni pris de photo de cet appareil.  Enfin, il ne peut confirmer que les appareils examinés correspondaient à ceux accessibles à l’intimé ou à une tierce personne à une période contemporaine aux faits reprochés.  Dans les circonstances, le comité estime ne pouvoir accorder aucune valeur probante à son rapport et témoignage. 

[36]        En conséquence, la preuve prépondérante amène le comité à conclure que l’intimé a contrefait ou induit une tierce personne à contrefaire la signature de Mme Dodds et déclarera l’intimé coupable sur chacun des chefs 1 et 3 de la plainte.

Chef 2

[37]        Mme Roy dit que l’Industrielle Alliance n’a pas au dossier ce document daté du 20 septembre 2005.  D’ailleurs, selon la preuve, c’est à la demande de retrait datée du 16 février 2005 que Nationale Vie (Industrielle Alliance) a donné suite. 

[38]        Pour sa part, le procureur de la plaignante soumet que cette demande de retrait datée du 20 septembre 2005 fut fournie par l’intimé.  Or, aucune preuve n’a été faite pour démontrer qui avait fourni ce document au bureau de la syndic.  De plus, la lettre de l’enquêteur datée du 20 juin 2006 adressée à l’intimé demande à ce dernier des explications concernant cette demande de retrait dont elle joint une copie.  L’intimé pour sa part n’offre aucune réponse quant à ce formulaire.

[39]        Même si les deux experts avancent que les caractéristiques de l’écriture et la signature de l’intimé présentent les caractéristiques retrouvées sur les écritures et signatures présentes sur le formulaire lui-même, la preuve se révèle ambiguë et l’analyse de la signature de ce document par les experts, limitée.  En conséquence,  le comité rejettera ce chef estimant que la plaignante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve.

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l’intimé coupable sur chacun des chefs d’accusation 1 et 3 mentionnés à la plainte;

REJETTE le chef 2;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de fixer une date et une heure pour l’audition de la preuve et des représentations des parties sur sanction.

 

 

 

 

 

 

 

(s) Janine Kean

__________________________________

Me JANINE KEAN

Présidente du comité de discipline

 

 

 

(s) Yvon Fortin

__________________________________

M. YVON FORTIN, A.V.A., PL. FIN.

Membre du comité de discipline

 

 

 

(s) Felice Torre

__________________________________

M. FELICE TORRE, A.V.A., PL. FIN.

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

Me François Longpré

BORDEN LADNER GERVAIS

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Jean-Pierre Semeniuk

Procureur de la partie intimée

Jusqu’au 1er juillet 2008

 

M. Chris Ochiai

Partie intimée, se représente seule

À compter du 1er juillet 2008

 

 

Dates d’audience :   

11, 12, 13 et 14 juin 2007 et le 5 août 2008

 

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ


 

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

 

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

N° :

CD00-0656

 

 

 

DATE :

15 novembre 2010

 

____________________________________________________________________

 

 

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

M. Yvon Fortin, A.V.A., Pl. fin.

Membre

 

M. Felice Torre, A.V.A., Pl. fin.

Membre

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Mme LÉNA THIBAULT, es qualité de syndic adjoint de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

 

c.

 

CHRIS OCHIAI (certificat 125 216)

 

Partie intimée

 

____________________________________________________________________

 

 

 

DÉCISION SUR SANCTION

 

____________________________________________________________________

 

 

[1]       Pour faire suite à la décision sur culpabilité, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni le 3 juin 2010, à la Commission des lésions professionnelles sise au 500, boul. René-Lévesque Ouest, 18e étage à Montréal et a procédé à l’audition sur sanction.

[2]       L’intimé avait été déclaré coupable de deux des trois chefs contenus à la plainte portée contre lui.

[3]       La plaignante était représentée par procureur tandis que l’intimé se représentait seul.

[4]          Les deux parties déclarèrent ne pas avoir de preuve additionnelle à offrir sur sanction mais avoir des représentations à présenter au comité.  En conséquence, l’intimé fut assermenté.

[5]          Par la suite, les parties entreprirent leurs représentations respectives.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[6]          La procureure de la plaignante recommanda la radiation temporaire de l’intimé pour une période de cinq ans, à être purgée de façon concurrente, sous chacun des chefs 1 et 3 retenus contre lui. 

[7]          Elle demanda également sa condamnation aux déboursés ainsi que la publication de la décision.

[8]          À titre de facteurs aggravants, elle mentionna :

  La gravité objective des infractions;

  Le préjudice subi par la consommatrice par la perte du capital de 76 660 $ et des intérêts de 3 500 $ accumulés depuis le début du placement.  Cette perte équivalant à la moitié de ses avoirs;

  Le fait que l'intimé était responsable de la conformité pour le cabinet Toyoko dont il était propriétaire;

  L'absence de repentir ou de remords de l’intimé;

  Les frais de sortie en raison du retrait avant échéance du fonds de la Nationale Vie;

  La préméditation des gestes reprochés.  Le délai de six mois écoulé, entre la date inscrite au formulaire de demande de retrait et la date de son envoi à la Nationale Vie, démontrerait l’existence d’un stratagème minutieusement préparé par l'intimé plutôt qu’une simple négligence;

  La grande vulnérabilité de la cliente, âgée de 79 ans, au moment des événements.

[9]          Elle souligna comme facteurs atténuants :

  L'absence d'antécédent disciplinaire de l'intimé;

  L'existence d'une seule victime, d'un seul évènement et la courte période durant laquelle les infractions ont été commises.

[10]       À l'appui de ses recommandations, elle a soumis trois décisions[7] où des radiations pour une période de cinq ans voire même permanente furent ordonnées.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[11]       Il s’est dit désolé de la perte encourue par sa cliente ajoutant qu’il lui aurait remis son argent, n’eut été la suite des événements.  Il insista pour dire qu’il ne s’était pas approprié l’argent de sa cliente mais l’avait bel et bien investi.

[12]       Il mentionna avoir été surpris par la faillite de Mount Real expliquant que pendant plus de neuf ans sa propre famille avait investi dans ce produit, que les actions étaient cotées en bourse et que rien ne laissait présager un tel revirement.

[13]       À son avis, même si le retrait des argents de sa cliente dans le fonds de Nationale Vie comportait des frais de sortie, comme il s’agissait d’un fonds de revenu payant des intérêts annuels de 2 ou 3 %, le billet à ordre de Mount Real offrait un rendement fort supérieur qui aurait été avantageux.  Il signala n'avoir reçu aucune commission pour lui-même ou autre rémunération pour ces transactions.

[14]       Il s’est endetté de plus de 70 000 $ en quelques semaines pour les honoraires de son avocat ainsi que pour les rapports et témoignages des experts qui ont comparu devant le comité.  Depuis décembre 2007, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a refusé le renouvellement de son certificat en plus de bloquer le paiement du prix de vente qu’il devait recevoir suite au transfert de sa clientèle à un autre cabinet.

[15]       Il a souffert d’une dépression sévère à l’été 2007.  Au moment de l’audition, il était toujours sous médication. 

[16]       Il vit des difficultés financières importantes ne réussissant pas, malgré ses efforts, à trouver un travail rémunérateur.  Malgré ses diplômes universitaires et son expérience dans le domaine financier, son dossier est entaché de telle façon qu’aucune institution financière ou même un commerce comme la chaîne de restauration Mc Donald, n’accepte de lui donner une chance.  Comme travailleur autonome, il ne se qualifie pas non plus pour l’assurance emploi.  Le seul emploi qu’il a réussi à obtenir récemment consiste à distribuer des dépliants dans les boîtes aux lettres.  Il a perdu tous ses biens y compris les argents prévus pour sa retraite et ne possèderait qu’une bicyclette.

[17]       Sa relation maritale est aussi chancelante depuis ces événements. 

[18]       Il insista sur le fait qu’il s’agit de la première plainte disciplinaire portée contre lui en plus de vingt ans d’exercice comme représentant. 

[19]       Même s’il le désire, il doute pouvoir revenir dans la profession étant incapable de fournir les garanties ou cautions exigées. 

[20]       Il a beaucoup souffert psychologiquement et se demande quelle punition il devait encore subir.  Il assura ne blâmer personne mais vouloir simplement exprimer qu’il avait suffisamment souffert.

[21]       Il s’excusa de ne pas avoir pu poursuivre les audiences sur culpabilité devant le comité.

[22]       Incapable de payer des amendes et bien qu’en désaccord avec la radiation de cinq ans proposée, l’intimé suggéra d’ordonner plutôt une période de radiation de deux ans.

 

ANALYSE ET DÉCISION

 

[23]       Les fautes pour lesquelles l’intimé a été déclaré coupable sont d’avoir:

  Contrefait ou induit une tierce personne à contrefaire la signature de sa cliente sur une demande de retrait du fonds LBJ 67 détenu par elle dans un contrat de fonds distincts auprès de Nationale Vie (Industrielle-Alliance) (chef 1).

  Investi sans son consentement le produit dudit retrait dans un billet à ordre de Mount Real et d’avoir contrefait ou induit une tierce personne à contrefaire sa signature sur la demande de souscription de ce billet à ordre (chef 3).

[24]        La gravité objective des infractions commises par l'intimé ne fait aucun doute, celles-ci vont au cœur de la relation de confiance qui doit exister entre le client et le représentant.

[25]       Toutefois, le comité estime que des distinctions s’imposent entre les faits de la présente affaire et ceux des décisions citées par le procureur de la plaignante. 

  Dans Cottone, bien qu’un seul chef d’accusation porte sur la contrefaçon de signature, il s’agissait de six contrefaçons à l’égard de deux clients commises sur une période de six mois.  Les cinq autres chefs visaient des appropriations de sommes d’argents à l’égard de six clients.  Le seul facteur atténuant était le plaidoyer de culpabilité.  Le comité a retenu la recommandation commune des parties d’ordonner la radiation permanente de l’intimée sur chacun des six chefs. 

  Dans Marois, cinq des onze chefs portaient sur la contrefaçon de signature d’un client, cinq sur l’appropriation d’argents appartenant à ce même client et un sur la fabrication de faux relevé de placements pour tromper son client.  Il y avait absence d'antécédent disciplinaire mais la carrière de l’intimé n’avait été que de quatre ans.  L’intimé, qui se représentait seul, enregistra un plaidoyer de culpabilité et même s’il ne s’agissait pas de suggestions «communes», il acceptait la radiation permanente proposée sur chacun des chefs d’accusation.

  Dans Desrosiers, trois des quatorze chefs retenus contre l’intimé portaient sur la contrefaçon de signature à l’égard de trois clients différents sur des propositions d’assurance-vie.  En plus de la contrefaçon, l’intimé souscrivait des polices d’assurance à l’insu de ses clients et en payait les primes à même la valeur de polices déjà détenues par eux.  Il s’agissait de fautes répétées commises de façon préméditée.  Tant sur la culpabilité que sur la sanction, la plaignante procéda par défaut, l’intimé étant absent et non représenté. À part l’absence d’antécédent disciplinaire, aucun facteur atténuant ne fut soulevé.  Le comité imposa la radiation de cinq ans suggérée par la plaignante sur les chefs de contrefaçon.

[26]       Dans ces trois décisions, il s’agissait de fautes répétées où la malhonnêteté était présente.  De plus, elles ont été commises à l’égard de plus d’un client sauf dans l’affaire Marois.

[27]       Ces distinctions doivent être prises en compte par le comité afin d’imposer à l’intimé une sanction juste, appropriée et proportionnelle à la gravité des fautes commises. 

[28]       En l’espèce, le comité ne peut retenir la préméditation comme facteur aggravant tel qu’avancé par la procureure de la plaignante.  Le délai de six mois écoulé entre la date inscrite sur le formulaire de retrait et son envoi à la Nationale Vie, ne permet pas à lui seul de conclure ainsi.

[29]       Rappelons que, sous le premier chef, le comité n’a pas retenu la culpabilité de l’intimé quant à l’absence de consentement de sa cliente.  Le témoignage de cette dernière, lors de la preuve sur culpabilité, n’ayant pas permis de l’établir de façon prépondérante.

[30]       Selon l’intimé, sa cliente lui aurait laissé entière discrétion quant au choix des dates pour procéder à ces transactions.  Bien qu’il y ait eu perte d’argent suite à la faillite de Mount Real, l’intimé ne s’est pas approprié l’argent de sa cliente.  Aussi, l’intimé lui-même ainsi que des membres de sa famille proche ont investi dans Mount Real, ce qui démontrerait plutôt qu’il croyait en ce produit.  Selon la preuve le comité ne peut par conséquent conclure que ce délai est dû à une réelle intention malhonnête de la part de l’intimé. 

[31]       En 2006, la Cour du Québec, dans l'affaire Maurice Brazeau c. Chambre de la sécurité financière[8], énonça que lorsque confronté à des falsifications de signature, il était essentiel de vérifier si les fautes avaient été commises avec une intention frauduleuse.  Comme le tribunal a conclu que l’intimé n’avait pas agi avec une intention frauduleuse, il substitua une radiation de deux mois à une sanction de radiation d'une année.

[32]       De même, l’étude de quelques autres décisions rendues par le comité de discipline de la CSF sur des infractions de contrefaçon, révèle que des sanctions beaucoup plus clémentes que celle suggérée en l’espèce ont été ordonnées.  Certaines ont conclu à des radiations totalisant un an[9], certaines à 4 mois[10] malgré une malhonnêteté dite évidente et d’autres à deux mois[11]

[33]       Plus récemment, dans l’affaire Tedeschi[12], rendue le 6 octobre 2009, le consommateur était âgé de 92 ans et n’avait subi aucune perte financière.  Le comité imposa alors une radiation de trois mois assortie d’une amende sur le chef de contrefaçon et seulement une amende sur celui reprochant l’absence d’autorisation du client pour les placements. 

[34]       Or, dans les circonstances de la présente affaire et considérant l'ensemble du dossier, l’imposition d’une radiation de courte durée assortie d’une amende paraît inadéquate.  De même, paraît trop sévère une radiation d’une durée de cinq ans ou de deux ans comme suggérée par l’intimé.  Le comité ne s’estime pas lié par la suggestion de ce dernier qui, rappelons-le, n’était pas représenté par procureur. 

[35]        Le comité a eu le loisir d’entendre l’intimé sur sanction.  Ce dernier lui a paru sincère.  Les effets dramatiques sur sa vie tant personnelle que professionnelle sont indéniables.  Même si l’intimé réussissait à revenir dans la profession, une récidive paraît peu probable. 

[36]       En l’espèce, les faits suivants militent en faveur de l’intimé pour une certaine clémence :

  Il s’agit d’un seul événement, à l’égard d’une seule cliente et commis sur une courte période;

  L’intimé n’a pas été animé par une intention malhonnête, il pensait faire profiter sa cliente d’un meilleur rendement, lui-même et ses proches avaient, auparavant, investi dans Mount Real sur une période d’au moins neuf ans;

  L'absence de bénéfices retirés de ses fautes;

  Il a exprimé au comité son regret face à la perte subie par sa cliente;

  Il n’a pas d’antécédent disciplinaire alors qu’il a exercé depuis plus de vingt ans avant les événements en cause;

  Il vit toujours les effets dramatiques de cette affaire sur sa vie personnelle ainsi que sur sa situation financière;

  La santé de l’intimé fut grandement affectée et l’est toujours;

  Il est privé de son droit de pratique depuis décembre 2007, suite au non renouvellement par l’AMF de son certificat;

  Il a été privé du paiement du produit de vente de sa clientèle suite à la décision de blocage de l’AMF.

[37]       Ces deux derniers éléments ont leur importance dans l’appréciation de la durée de radiation à ordonner.  Ainsi, au moment de l’audition sur sanction, l’intimé avait déjà été empêché depuis plus de deux ans et demi d’exercer sa profession en plus d’être privé de ressources financières. 

[38]       Le comité retient, toutefois, comme facteurs aggravants:

  Le préjudice subi par la consommatrice par la perte du capital de 76 660 $ et des intérêts de 3 500 $ accumulés depuis le début du placement.  Cette perte équivalant à la moitié des avoirs de la cliente;

  Le fait que l'intimé était responsable de la conformité pour le cabinet Toyoko dont il était propriétaire.

[39]       Compte tenu de la nécessité de lancer un message aux autres membres de la profession en général et de façon plus particulière à ceux qui agissent en tant que responsables de la conformité, le comité estime que l’imposition d’une radiation temporaire pour une période d’une année sous chacun des deux chefs d’accusation à être purgée de façon concurrente constitue une sanction juste et appropriée dans les circonstances. 

[40]       Quant aux déboursés, le comité est d’avis qu’il n’y a pas de raison lui permettant de déroger au principe général voulant que la partie qui succombe les défraie.

 

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’une année sous chacun des chefs d’accusation 1 et 3 de la plainte portée contre lui, à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimée  un avis de la présente décision dans un journal où l’intimée a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156 (5) du Code des professions (L.R.Q., c. C-26);

 

CONDAMNE l'intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions.

 

 

 

 

 

 

 

(s) Janine Kean_____________________

Me JANINE KEAN

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Yvon Fortin______________________

M. YVON FORTIN, A.V.A., PL. FIN.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Felice Torre_____________________

M. FELICE TORRE, A.V.A., PL. FIN.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Julie Piché

 

THERRIEN COUTURE

 

Procureurs de la partie plaignante

 

 

 

M. Chris Ochiai

Non représenté depuis le 1er juillet 2008

 

Partie intimée

 

 

 

Date d’audience :

3 juin 2010

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] La Nationale Vie fut achetée par l’Industrielle Alliance en juin 2005.

[2] Annexe B, listes fournies par M. Phaneuf le 14 juin 2007, suite à son engagement du 13 juin 2007.

[3] Témoignage de M. Dodds, notes sténographiques de l’audition du 11 juin 2007, p. 22, lignes 10 à 21. 

[4] P-10, p. 000010.

[5] Pièce I-5, rapport de M. Marco Ghirotto, p. 3; Témoignage de M. Marco Ghirotto, expert de l’intimé, notes sténographiques de l’audition du 12 juin 2007, p. 48, ligne 19 à p. 49, ligne 10, p. 70, lignes 7 à 12, p. 85, lignes 4 à 9; Voir aussi Pièce P-9, rapport de Mme Yolande Gervais, p. 4.

[6] Témoignage de M. Marco Ghirotto, expert de l’intimé, notes sténographiques de l’audition du 12 juin 2007, p. 88, ligne 11 à p. 90, ligne 13.

[7] Léna Thibault c. Saverina Cottone, CD00-0757, rendue le 10 août 2009; Venise Levesque c. Guy Marois, CD00-0748, rendue le 22 juin 2009 et Micheline Rioux c. Pierre Desrosiers, CD00-0661, rendue le 12 mars 2009.

[8] Maurice Brazeau c. Chambre de la sécurité financière, [2006] Can LII 11715.

[9] Me Micheline Rioux c. Linda Marleau, CD00-0537, décision du 3 mars 2005; Chambre de la sécurité financière c. Biduk, [2006] LII 59861 (Qc C.D.C.S.F); Chambre de la sécurité financière c. Jean, [2006] Can LII 59866 (Qc C.D.C.S.F).

[10] Me Micheline Rioux c. William Maher, CD00-0533, décision du 19 septembre 2005.

[11] Chambre de la sécurité financière c. Boucher, Can LII (Qc C.D.C.S.F.).

[12] Léna Thibault c. Steven Tedeschi, décision du 6 octobre 2009.

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