Chambre de la sécurité financière (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0861

 

DATE :

25 octobre 2012

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Kaddis Sidaros, A.V.A.

Membre

M. Robert Chamberland, A.V.A.

Membre

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

BENOÎT MERCIER, conseiller en sécurité financière, représentant de courtier en épargne collective et planificateur financier (numéro de certificat 123 660)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 9 juillet 2012 ainsi que le 10 septembre 2012, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« À L’ÉGARD DE A.T.

1.             À Québec, le ou vers le 1er décembre 2005, l’intimé a fait souscrire sa cliente A.T. à un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC inc. pour un montant d’environ 25 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

2.             À Québec, le ou vers le 1er novembre 2006, l’intimé a fait souscrire sa cliente A.T. à un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC inc. pour un montant d’environ 40 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

3.             À Québec, le ou vers le 20 juin 2007, l’intimé a fait souscrire sa cliente A.T. à un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC inc. pour un montant d’environ 40 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

À L’ÉGARD DE Y.D. ET E.B.

4.             À Québec, le ou vers le 1er octobre 2005, l’intimé a fait souscrire ses clients Y.D. et E.B. à un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC inc. pour un montant d’environ 25 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

5.             À Québec, le ou vers le 15 mars 2007, l’intimé a fait souscrire ses clients Y.D. et E.B. à un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC inc. pour un montant d’environ 50 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

À L’ÉGARD DE R.D.

6.             À Québec, le ou vers le 7 mai 2007, l’intimé a fait souscrire son client R.D. à un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC inc. pour un montant d’environ 100 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

À L’ÉGARD DE M.M.

7.             À Québec, le ou vers le 1er novembre 2005, l’intimé a fait souscrire sa cliente M.M. à un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC inc. pour un montant d’environ 25 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

8.             À Québec, le ou vers le 20 juin 2007, l’intimé a fait souscrire sa cliente M.M. à un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC inc. pour un montant d’environ 25 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

À L’ÉGARD DE H.A.P.

9.             À Québec, le ou vers le 1er octobre 2005, l’intimé a fait souscrire sa cliente H.A.P. à un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC inc. pour un montant d’environ 30 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

10.          À Québec, le ou vers le 20 juin 2007, l’intimé a fait souscrire sa cliente H.A.P. à un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC inc. pour un montant d’environ 30 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

À L’ÉGARD DE M.R.

11.          À Québec, le ou vers le 1er octobre 2005, l’intimé a fait souscrire sa cliente M.R. à un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC inc. pour un montant d’environ 25 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

12.          À Québec, le ou vers le 1er novembre 2006, l’intimé a fait souscrire sa cliente M.R. à un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC inc. pour un montant d’environ 35 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

13.          À Québec, le ou vers le 20 juin 2007, l’intimé a fait souscrire sa cliente M.R. à un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC inc. pour un montant d’environ 35 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

À L’ÉGARD DE S.R.

14.          À Québec, le ou vers le 15 mai 2007, l’intimé a fait souscrire son client S.R. à un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC inc. pour un montant d’environ 35 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

À L’ÉGARD DE M.L.

15.          À Québec, le ou vers le 1er mai 2006, l’intimé a fait souscrire son client M.L. à un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC inc. pour un montant d’environ 25 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

À L’ÉGARD DE G.L.

16.          À Québec, le ou vers le 1er mai 2006, l’intimé a fait souscrire son client G.L. à un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC inc. pour un montant d’environ 25 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

17.          À Québec, le ou vers le 20 juin 2007, l’intimé a fait souscrire son client G.L. à un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC inc. pour un montant d’environ 25 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

À L’ÉGARD DE A.B.

18.          À Québec, le ou vers le 31 mars 2008, l’intimé a fait souscrire sa cliente A.B. à un contrat de prêt à terme avec Groupe Financier CTIC inc. pour un montant d’environ 20 000 $ alors qu’il n’y était pas autorisé en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 12, 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (R.R.Q., c. D-9.2, r.1.01). »

[2]           D’entrée de jeu, le 9 juillet 2012, l’intimé, présent et accompagné de son procureur, enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’égard de tous et chacun des chefs d’accusation contenus à la plainte. Par ailleurs, la plaignante versa au dossier une importante preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P-76 tandis que l’intimé déposa une liste des admissions (I-1).

[3]           Les parties convinrent ensuite de reporter l’audition sur sanction au 10 septembre 2012.

[4]           À ladite date, les parties présentèrent au comité leur preuve et arguments respectifs sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[5]           À titre de preuve, la plaignante déposa une attestation de droit de pratique de l’intimé qui fut cotée SP-1. Elle ne fit entendre aucun témoin.

[6]           Quant à l’intimé, il ne versa aucune preuve documentaire mais choisit de témoigner.

[7]           À la suite de son témoignage, chacune des parties soumit au comité ses représentations.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[8]           La plaignante débuta ses représentations en déclarant que les parties avaient convenu de présenter au comité des « suggestions communes ».

[9]           Elle déclara que celles-ci s’étaient entendues pour proposer que soit imposée à l’intimé, sous tous et chacun des dix-huit (18) chefs d’accusation contenus à la plainte, une radiation temporaire d’un an à être purgée de façon concurrente.

[10]        Elle ajouta qu’elles avaient de plus convenu de recommander au comité d’ordonner la publication de la décision et de condamner l’intimé au paiement des déboursés.

[11]        Au soutien de ses suggestions, elle identifia les facteurs aggravants et atténuants suivants :

Facteurs aggravants

-       la gravité objective des infractions reprochées à l’intimé, celles-ci touchant au cœur de l’exercice de la profession;

-       la même infraction répétée à l’endroit de dix (10) clients différents;

-       une plainte contenant dix-huit (18) chefs d’accusation et couvrant des infractions réparties sur une période courant du 1er octobre 2005 au 31 mars 2008 (environ 2 ½ ans);

-       la vulnérabilité des investisseurs en cause, la plupart étant des gens peu expérimentés en matière de placement;

-       la recommandation par l’intimé à ces derniers de placements comportant des risques élevés ainsi que son défaut de leur remettre un prospectus ou une documentation qui leur aurait permis de comprendre ce dans quoi ils investissaient;

-       l’envergure des montants investis par ceux-ci, soit une somme dépassant 610 000 $ et les pertes importantes qu’ils ont en conséquence subies;

-       la constatation qu’à l’exception de trois (3) ou quatre (4) d’entre eux, aucun des investisseurs n’a été indemnisé de sa perte et qu’ils ne seront vraisemblablement pas compensés par le Fonds d’indemnisation des services financiers, l’intimé ayant agi en dehors du champ d’activité prévu par ses certifications;

-       les avantages financiers tirés par l’intimé des transactions proposées à ses clients, soit des honoraires ou commissions de l’ordre de 55 000 $ (de l’aveu de l’intimé il recevait 1 % par mois du montant investi);

-       l’affirmation « inacceptable » de l’intimé à l’effet qu’il ignorait qu’il n’était pas autorisé à distribuer les produits en cause, alors que, compte tenu notamment de son expérience (15 ans), il aurait dû le savoir.

Facteurs atténuants

-       l’absence d’antécédents disciplinaires de l’intimé;

-       l’enregistrement par ce dernier d’un plaidoyer de culpabilité à l’égard de chacun des chefs d’accusation contenus à la plainte, évitant ainsi la tenue d’une longue audition et le déplacement de plusieurs témoins;

-       l’expression par celui-ci de regrets sincères et la manifestation d’une volonté claire de s’amender, ce qui semblerait laisser croire à un risque de récidive relativement peu élevé;

-       la croyance de bonne foi de l’intimé en la qualité du placement suggéré, ce dernier ayant lui-même investi dans celui-ci et ayant incité certains de ses proches, notamment son père, à faire de même;

-       l’absence d’éléments permettant de conclure à la mauvaise foi ou à la malhonnêteté de l’intimé, ce dernier ayant bien à tort fait confiance à un tiers, le fondateur de l’entreprise emprunteuse, et ayant été vraisemblablement mal informé par les avocats de cette dernière;

-       l’âge de l’intimé, soit trente-neuf (39) ans lors de l’audition, et les conséquences qu’une radiation temporaire aura évidemment sur la poursuite de sa carrière;

-       la vraisemblable possibilité que l’intimé se voie imposer le paiement d’amendes pour les mêmes faits, l’Autorité des marchés financiers (AMF) ayant déposé contre lui des poursuites pénales;

-       l’ordonnance de blocage émise à son endroit par le bureau de décision et de révision en valeurs mobilières et l’impact de celle-ci sur sa réputation.

[12]        Elle termina en rappelant que le comité avait rendu bon nombre de décisions traitant de ce qu’elle qualifia « d’exercice illégal » et déposa au soutien de ses recommandations un cahier d’autorités qu’elle commenta.

[13]        Elle fit ainsi état de la décision rendue par le comité dans l’affaire D’Amore[1] ainsi que le jugement de la Cour du Québec et l’arrêt de la Cour d’appel dans ce même dossier[2].

[14]        Elle évoqua enfin les affaires Tessier[3], Prescott[4], Joubert[5], Rifai[6], Caya[7], Tardif[8], Kalipolidis[9], Francoeur[10] et Ledoux[11].

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[15]        Le procureur de l’intimé débuta ses représentations en soulignant que les sommes investies par les clients en cause n’étaient pas de 600 000 $ ou 650 000 $ tel que l’avait soutenu la procureure de la plaignante mais plutôt de 385 000 $ (dont 70 000 $ leur avait été remboursé). Il expliqua que certains des chefs d’accusation visaient la reconduction de placements souscrits antérieurement, venus à échéance, et qu’ainsi le montant total engagé par ces derniers était dans les faits de l’ordre de 385 000 $ et non de 650 000 $.

[16]        Il indiqua ensuite que l’intimé, qui disposait à l’époque concernée d’une clientèle composée d’environ trois cent cinquante (350) consommateurs, avait agi de façon « sélective », n’avait suggéré les placements en cause qu’à dix (10) d’entre eux, ce qui démontrait qu’il avait agi avec prudence et non pas « d’une façon strictement lucrative ».

[17]        Il affirma que son client avait « appris la leçon », qu’il avait bien saisi qu’en cas de doute relativement à l’étendue de son champ de pratique il lui fallait s’informer et référer aux bonnes personnes.

[18]        Il souligna que ce dernier avait, à la suite des événements, subi un net recul dans sa carrière et que « l’effet dissuasif » nécessaire avait donc déjà été pleinement senti.

[19]        Il analysa et commenta ensuite certaines des décisions soumises par la plaignante, notamment celle de la Cour du Québec dans l’affaire Ledoux[12]. Il rappela que comme en cette affaire aucun reproche ne pouvait être adressé à l’intimé relativement aux actes professionnels posés dans son champ de compétence, ses fautes se rattachant strictement à sa décision d’agir à l’extérieur de celui-ci.

[20]        Il termina en mentionnant qu’à son avis la sanction que les parties recommandaient au comité était une sanction relativement sévère. Il affirma que la leçon allait « coûter cher » à son client, que « ça n’avait pas fini de lui coûter cher » mais que dans les circonstances il s’agissait d’une suggestion acceptable à laquelle lui et son client souscrivaient.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[21]        L’intimé est âgé de trente-neuf (39) ans, n’a aucun antécédent disciplinaire et exerce la profession depuis environ quinze (15) ans.

[22]        Il a une formation d’actuaire et est aussi administrateur agréé.

[23]        Il a entièrement collaboré à l’enquête de la syndique et a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’égard de tous et chacun des dix-huit (18) chefs d’accusation contenus à la plainte; les infractions qui lui sont reprochées remontent à quelques années.

[24]        Il a lui-même personnellement souscrit les produits qu’il a recommandés à ses clients et les aurait même suggérés à son père; il ne les a proposés qu’à un nombre restreint de ses clients, soit dix (10) sur trois cent cinquante (350).

[25]        La mauvaise foi, la malhonnêteté ou l’absence de probité ne caractérise pas ses agissements. Selon son témoignage, il ignorait qu’il posait un geste interdit en distribuant les produits financiers qui sont en cause.

[26]        Lorsque les choses se sont mises à mal aller, il a apporté un soutien à ses clients; il a rencontré chacun d’eux pour s’assurer qu’ils produisent une preuve de réclamation en bonne et due forme auprès du syndic à la faillite de CTIC et de CITCAP; il a contribué « de sa poche » aux frais d’avocats nécessaires pour la production de leurs réclamations et a agi à titre d’inspecteur à ladite faillite. Selon ses affirmations, la majorité des consommateurs en cause seraient demeurés ses clients.

[27]        Pour les mêmes actes fautifs que ceux qui lui sont reprochés, l’intimé est confronté à des procédures pénales instituées par l’AMF et pourrait être sujet au paiement d’amendes aux alentours de 100 000 $.

[28]        À la suite des événements, il a subi un net recul dans sa carrière. Aussi est-il raisonnable de croire qu’il a, tel qu’il l’a déclaré, intégré la leçon. Les risques de récidive dans son cas n’apparaissent pas élevés.

[29]        Néanmoins, la gravité objective des infractions qu’il a commises ne fait aucun doute. Elles vont au cœur de l’exercice de la profession et sont de nature à discréditer celle-ci aux yeux du public.

[30]        Alors que les consommateurs avaient peu de moyens de se protéger contre de tels agissements, l’intimé a proposé à ses clients des placements qu’il n’était pas autorisé à leur offrir en vertu des certifications qu’il détenait.

[31]        Bien qu’il ait déclaré qu’il ne savait pas qu’il n’était pas autorisé à distribuer les produits en cause, compte tenu de ses années d’expérience dans le domaine de la distribution de produits financiers, il aurait dû le savoir ou à tout le moins s’interroger puis s’informer adéquatement.

[32]        Si, tel que précédemment mentionné, il ne semble pas avoir agi avec une intention malveillante ou malhonnête, il n’était toutefois pas sans intérêt pour lui d’encourager la souscription par ses clients des produits en cause. Il savait qu’à la suite des transactions il toucherait des commissions et bonis importants. En l’espèce, celles-ci lui auraient rapporté des avantages financiers, honoraires ou commissions de l’ordre de 55 000 $.

[33]        Par ailleurs, en agissant en dehors du cadre de ses certifications, l’intimé a privé ses clients de la possibilité de récupérer leurs pertes en bénéficiant des avantages du Fonds d’indemnisation des services financiers.

[34]        Bien qu’il soit toujours difficile de comparer les sanctions imposées dans un contexte particulier à celles qui ont été imposées dans un contexte différent, dans des cas relativement comparables à celui de l’intimé, le comité de discipline a condamné les représentants fautifs à des radiations temporaires allant généralement de six (6) mois à un (1) an ou même plus.

[35]        En l’espèce, compte tenu des particularités propres de l’affaire, les parties ont conjointement proposé au comité d’ordonner la radiation temporaire de l’intimé, sous chacun des chefs, pour une période d’une année, lesdites périodes de radiation devant être purgées de façon concurrente.

[36]        Dans l’arrêt Douglas[13], la Cour d’appel du Québec a clairement indiqué la voie à suivre lorsque les parties en sont arrivées à s’entendre pour présenter au tribunal des « recommandations conjointes ».

[37]        Elle a indiqué que celles-ci ne devraient être écartées que si le tribunal les jugeait inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou était d’avis qu’elles étaient de nature à discréditer l’administration de la justice[14].

[38]        En la présente instance, le comité n’est pas confronté à une telle situation. Celui-ci estime plutôt que compte tenu des représentations des parties et après analyse des éléments tant objectifs que subjectifs qui lui ont été présentés, il y a lieu de donner suite à leurs suggestions.

[39]        Il ordonnera donc sous chacun des dix-huit (18) chefs d’accusation contenus à la plainte la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’une année à être purgée de façon concurrente. Il ordonnera enfin la publication de la décision et condamnera l’intimé au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sous chacun des chefs d’accusation 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17 et 18 contenus à la plainte :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé;

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs d’accusation 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17 et 18 contenus à la plainte;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sous chacun des chefs d’accusation 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17 et 18 contenus à la plainte :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’une (1) année à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156.5 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT, avocat

Président du comité de discipline

 

(s) Kaddis Sidaros

M. KADDIS SIDAROS, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Robert Chamberland

M. ROBERT CHAMBERLAND, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Sylvie Poirier

 

BÉLANGER LONGTIN

 

Procureurs de la partie plaignante

 

 

 

Me Serge Fournier

 

BCF

 

Procureurs de la partie intimée

 

 

 

Dates d’audience :

9 juillet et 10 septembre 2012

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Léna Thibault c. Piero D’Amore, décision sur culpabilité en date du 9 juillet 2010 et décision sur sanction en date du 3 mars 2011.

[2]     Piero d’Amore c. Léna Thibault et la Chambre de la sécurité financière, décision de l’honorable juge Brigitte Gouin de la Cour du Québec en date du 5 décembre 2011 et décision de la Cour d’appel du Québec en date du 19 janvier 2012 sous la présidence de l’honorable Nicholas Kasirer refusant la permission d’appeler de la décision de l’honorable Brigitte Gouin.

[3]     Léna Thibault c. Luc Tessier, CD00-0762, décision sur culpabilité en date du 19 janvier 2010 et décision sur sanction en date du 24 août 2010.

[4]     Léna Thibault c. Guy Prescott, CD00-0752, décision sur culpabilité et sanction en date du 17 décembre 2009.

[5]     Léna Thibault c. René Joubert, CD00-0743, décision sur culpabilité en date du 16 juillet 2010 et décision sur sanction en date du 29 mars 2011.

[6]     Léna Thibault c. Fayza Rifai, CD00-0717, décision sur culpabilité en date du 3 décembre 2008 et décision sur sanction en date du 6 novembre 2009.

[7]     Léna Thibault c. Jacques Caya, CD00-0716, décision sur culpabilité en date du 25 mai 2009 et décision sur sanction en date du 3 février 2010.

[8]     Léna Thibault c. Claude Tardif, CD00-0734, décision sur culpabilité et sanction en date du 8 mars 2010.

[9]     Léna Thibault c. Lazar Kalipolidis, CD00-0708, décision sur culpabilité en date du 5 janvier 2009 et décision sur sanction en date du 23 juillet 2009.

[10]    Caroline Champagne c. Théogène Francoeur, CD00-0883, décision sur culpabilité en date du 9 mars 2012 et décision sur sanction en date du 15 juin 2012.

[11]    François Ledoux c. Me Caroline Champagne et le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière, 2011 QCCQ 15733, décision de la Cour d’appel du Québec rapportée à 2012 QCCA 325; Me Caroline Champagne c. François Ledoux, CD00-0779, décision sur culpabilité et sanction en date du 1er octobre 2010.

[12]    Voir note 11.

[13]    R. c. Douglas, 2002, 162 C.C.C. 3rd (37).

[14]    Ce principe a été repris par le Tribunal des professions notamment dans Maurice Malouin c. Maryse Laliberté, dossier 760-07-000001-010, décision en date du 7 mars 2002.

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