Chambre de la sécurité financière (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0617

 

DATE :

 4 avril 2008

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Gaétan Albert, A.V.C.

Membre

Me Bernard Meloche, Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

Me Micheline Rioux, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. BENOIT GIRARD, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives, représentant en épargne collective et planificateur financier

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]         Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni à la Commission des lésions professionnelles située au 500, boul. René-Lévesque ouest, 18e étage à Montréal, les 31 octobre, 1er, 2 et 3 novembre 2006 et à la Chambre de l’assurance de dommages, sise au 999 boul. de Maisonneuve Ouest, 12e étage à Montréal, et de nouveau les 14, 15 et 18 décembre 2006 pour procéder à l’audition de la preuve et représentations sur culpabilité concernant la plainte portée contre l’intimé.

[2]         La preuve a nécessité de part et d’autre six (6) jours et demi d’audition, dont une (1) journée a été consacrée aux plaidoiries.  Il fut convenu que le comité prendrait le tout en délibéré à partir de la date de réception des dernières notes sténographiques.

[3]         Malheureusement, une erreur dans la commande des notes sténographiques des trois derniers jours d’audition fit en sorte que le comité n’en prit possession qu’au début du mois de mars 2007.

[4]         L’intimé, par l’entremise de son procureur, enregistra un plaidoyer de non culpabilité sur chacun des onze (11) chefs d’accusation de la plainte libellée comme suit :

1.             À Saint-Charles-Borromée, le ou vers le 4 mars 2003, l’intimé Benoît Girard a fait défaut de s’acquitter de son mandat en faisant souscrire à ses clients Pierre-Paul Tremblay et Claudette Landry-Tremblay une proposition d’assurance-vie auprès de Clarica, compagnie d’assurance sur la vie ayant mené à l’émission de la police numéro AV-C039,489-7, alors que ces derniers lui avaient plutôt demandé de les conseiller quant aux polices d’assurance-vie de leurs trois enfants, contrevenant ainsi aux articles 20 et 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, c. D-9.2., r. 1.01;

 

2.             À Saint-Charles-Borromée, le ou vers le 4 mars 2003, alors qu’il faisait souscrire à ses clients Pierre-Paul Tremblay et Claudette Landry-Tremblay une proposition d’assurance-vie auprès de Clarica, compagnie d’assurance sur la vie ayant mené à l’émission de la police numéro AV-C039,489-7, l’intimé Benoît Girard a omis ou fait défaut d’effectuer une analyse complète des besoins financiers de ses clients, contrevenant ainsi à l’article 27 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, L.R.Q. c. D-9.2, aux articles 6 et 22 (1°) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants, D-9.2, r. 1.1.3., de même qu’à l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, c. D-9.2, r.1.01;

 

 

3.             À Saint-Charles-Borromée, le ou vers le 4 mars 2003, alors qu’il faisait souscrire à ses clients Pierre-Paul Tremblay et Claudette Landry-Tremblay une proposition d’assurance-vie auprès de Clarica, compagnie d’assurance sur la vie ayant mené à l’émission de la police numéro AV-C039,489-7, en remplacement des polices en vigueur, en l’occurrence la police numéro 04-3848749-2 émise à Pierre-Paul Tremblay et Claudette Landry-Tremblay par L’Industrielle Alliance, compagnie d’assurance sur la vie le 15 mars 2000 et la police numéro AV-R821,788-5 émise à Pierre-Paul Tremblay et Claudette Landry-Tremblay par Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie le 18 juin 1999, l’intimé Benoît Girard a fait défaut de favoriser le maintien en vigueur desdites polices d’assurance dont le remplacement n’était pas justifié ni dans l’intérêt des clients et, ce faisant, l’intimé a contrevenu à l’article 20 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants, c. D-9.2, r.1.3;

 

4.             À Saint-Charles-Borromée, le ou vers le 4 mars 2003, l’intimé Benoît Girard, alors qu’il faisait souscrire à ses clients Pierre-Paul Tremblay et Claudette Landry-Tremblay une proposition d’assurance-vie auprès de Clarica, compagnie d’assurance sur la vie ayant mené à l’émission de la police numéro AV-C039, 489-7, a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux :

 

a)     en omettant d’expliquer clairement à ses clients que ce faisant, ils effectuaient un remplacement de la police numéro 04-3848749-2 émise à Pierre-Paul Tremblay et Claudette Landry-Tremblay par L’Industrielle Alliance, compagnie d’assurance sur la vie le 15 mars 2000 et de la police numéro AV-R821,788-5 émise à Pierre-Paul Tremblay et Claudette Landry-Tremblay par Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie le 18 juin 1999;

b)    en faisant défaut d’exposer à ses clients de façon complète et objective les avantages et les inconvénients du remplacement proposé en omettant d’indiquer que les primes de la police d’assurance-vie de Clarica, compagnie d’assurance sur la vie numéro AV-C039,489-7 pourraient être plus dispendieuses à l’avenir;et ce faisant, l’intimé a fait des représentations incomplètes à ses clients, contrevenant ainsi à l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q. c. D-9.2, de même qu’aux articles 12, 13, 14, 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, c. D-9.2, r.1.01;

5.             À Saint-Charles-Borromée, le ou vers le 4 mars 2003, alors qu’il faisait souscrire à ses clients Pierre-Paul Tremblay et Claudette Landry-Tremblay une proposition d’assurance-vie à Clarica, compagnie d’assurance sur la vie ayant mené à l’émission de la police numéro AV-C039,489-7, l’intimé Benoît Girard a omis au fait défaut d’indiquer dans ladite proposition que celle-ci avait pour but de remplacer des polices déjà en vigueur, en l’occurrence la police numéro 04-3848749-2 émise à Pierre-Paul Tremblay et Claudette Landry-Tremblay par L’Industrielle Alliance, compagnie d’assurance sur la vie le 15 mars 2000 et la police numéro AV-R821,788-5 émise à Pierre-Paul Tremblay et Claudette Landry-Tremblay par Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie le 18 juin 1999, et par conséquent, il a omis de communiquer à l’assureur les renseignements qu'il est d'usage de lui fournir, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, L.R.Q. c. D-9.2. et aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, R.Q. c. D-9.2, r.1.01;

 

6.             À Saint-Charles-Borromée, le ou vers le 4 mars 2003, alors qu’il faisait souscrire à ses clients Pierre-Paul Tremblay et Claudette Landry-Tremblay une proposition d’assurance-vie à Clarica, compagnie d’assurance sur la vie ayant mené à l’émission de la police numéro AV-C039,489-7, l’intimé Benoît Girard a fait signer des formulaires de remplacement de polices d’assurance en blanc et, ce faisant, a fait défaut d’agir avec compétence et professionnalisme, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q., c. D-9.2;

 

7.             À Saint-Charles-Borromée, le ou vers le 4 mars 2003, alors qu’il faisait souscrire à ses clients Pierre-Paul Tremblay et Claudette Landry-Tremblay une proposition d’assurance-vie à Clarica, compagnie d’assurance sur la vie ayant mené à l’émission de la police numéro AV-C039,489-7, l’intimé Benoît Girard a omis ou fait défaut de :

 

i.      remplir le préavis de remplacement des polices d’assurance en même temps que la proposition d’assurance;

 

ii.     remettre à ses clients une copie des préavis de remplacement prévu à l’annexe I du Règlement sur l’exercice des activités des représentants, lesquels préavis n’ont pas été expliqués à ses clients;

 

et, ce faisant, l’intimé a contrevenu aux paragraphes 2 et 3 de l’article 22 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants, c. D-9.2, r.1.3;

 

8.             À Saint-Charles-Borromée, le ou vers le 4 mars 2003, alors qu’il faisait souscrire à ses clients Pierre-Paul Tremblay et Claudette Landry-Tremblay une proposition d’assurance-vie auprès de Clarica, compagnie d’assurance sur la vie ayant mené à l’émission de la police numéro AV-C039,489-7, l’intimé Benoît Girard a fait défaut d’agir avec compétence et professionnalisme en déclarant faussement à ses clients que suite à l’acquisition par Financière Sun Life du Canada inc. de Clarica, compagnie d'assurance sur la vie, ladite police de Clarica, compagnie d’assurance sur la vie, engloberait la police d’assurance-vie de Sun Life du Canada portant le numéro AV-R821,788-5 émise le 18 juin 1999 sans pour autant la remplacer, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, L.R.Q., c. D-9.2 de même qu’aux articles 12, 13, 14, 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, c. D-9.2, r.1.0;

 

9.             À Saint-Charles-Borromée, le ou vers le 4 mars 2003, alors qu’il faisait souscrire à ses clients Pierre-Paul Tremblay et Claudette Landry-Tremblay une proposition d’assurance-vie auprès de Clarica, compagnie d’assurance sur la vie ayant mené à l’émission de la police numéro AV-C039,489-7, l’intimé Benoît Girard a fait défaut d’agir avec compétence et professionnalisme en représentant faussement à ses clients que la police d’assurance numéro AV-R821,788-5 émise par Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie le 18 juin 1999, serait sous sa responsabilité dès l’émission de ladite police d’assurance par Clarica, compagnie d’assurance sur la vie alors qu’elle était sous la responsabilité de Marie-Paule Pilote, représentante en assurances de personnes, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, L.R.Q., c. D-9.2 de même qu’aux articles 12, 13, 14, 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, R.Q. c. D-9.2, r.1.01;

 

10.       À Laval, entre la fin août et le 28 octobre 2003, date à laquelle il faisait signer par ses clients Pierre-Paul Tremblay et Claudette Landry Tremblay un formulaire de remise en vigueur de la police numéro AV-R821,788-5 émise à Pierre-Paul Tremblay et Claudette Landry-Tremblay par Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie le 18 juin 1999, l’intimé Benoît Girard a fait défaut d’agir avec compétence et professionnalisme en prétendant faussement à ses clients qu’ils n’auraient pas à se soumettre à des exigences médicales compte tenu que la police d’assurance-vie numéro AV-C039,489-7 de Clarica, compagnie d’assurance sur la vie avait été récemment acceptée, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, L.R.Q., c. D-9.2 de même qu’aux articles 12 à 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, c. D9-2, r.1.01.

 

11.        À Laval, entre la fin août et le 28 octobre 2003, date à laquelle il faisait signé par ses clients Pierre-Paul Tremblay et Claudette Landry Tremblay un formulaire de remise en vigueur de la police numéro AV-R821,788-5 émise à Pierre-Paul Tremblay et Claudette Landry-Tremblay par Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie le 18 juin 1999 et alors que ladite police était tombée en déchéance depuis le 18 juillet 2003 et que sa remise en vigueur pouvait être effectuée sans preuve médicale durant 90 jours, l’intimé Benoît Girard a fait défaut d’agir avec compétence et professionnalisme en tardant à faire remplir ledit formulaire au-delà du 18 octobre 2003, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q., c. D-9.2 et aux articles 24 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, R.Q. c. D-9.2, r.1.01;

[5]         Outre la preuve documentaire déposée par la plaignante dont les polices d’assurance-vie émises par la compagnie Clarica au printemps 2003, par la compagnie Industrielle Alliance en 2000 et par la Sun Life du Canada le 18 juin 1999, la preuve de la plaignante reposa principalement sur les témoignages de M. Pierre-Paul Tremblay, de la représentante en assurance Mme Marie-Paule Pilote, du conseiller en sécurité financière de l’Industrielle Alliance M. Pierre Théroux, et sur celui de Mme Suzan Latour, spécialiste à la gestion de l’assurance individuelle pour la Sun Life du Canada.

[6]         En défense, le procureur de l’intimé fit entendre M. Claude Girard, représentant en assurances à la retraite et père de l’intimé, et l’intimé lui-même.

[7]         Bien que la preuve présentée était souvent contradictoire, les faits essentiels de chacun des chefs seront néanmoins rapportés, suivi immédiatement de l’analyse propre à chacun des chefs.

LES FAITS

[8]         C’est dans le cadre de la reprise de la clientèle acquise d’un représentant du nom de M. Théroux, père du témoin M. Pierre Théroux, par la compagnie Clarica que l’intimé, Benoit Girard, est devenu l’agent de M. Pierre-Paul Tremblay et ce depuis 1999.  Un climat de confiance s’est installé de telle sorte que les enfants de M. Tremblay auraient aussi fait affaires avec lui.

[9]         Une première rencontre avec M. Tremblay aurait eu lieu à son domicile en début d’année 2003.  Il y aurait eu une deuxième et troisième rencontre, le 25 février et le 4 mars 2003, accompagné cette fois de son père, M. Claude Girard.  Toutefois, la preuve est contradictoire sur le nombre de rencontres et il en est de même de la présence ou non de M. Claude Girard dès la première rencontre.

[10]      Le 4 mars 2003, M. Pierre-Paul Tremblay et Mme Claudette Landry-Tremblay ont signé, par l’intermédiaire de l’intimé, une proposition d’assurance-vie universelle avec la compagnie Clarica.


Le chef 1 Inexécution du mandat

[11]      Selon les explications de M. Tremblay, le mandat qui avait été donné à M. Girard était de le conseiller relativement aux polices d’assurance-vie qu’il possédait sur la vie de chacun de ses enfants, à savoir la pertinence de les conserver ou de leur transférer.  Selon M. Tremblay, cette demande serait restée «lettre morte» (P-17).

[12]      M. Pierre Théroux, aussi représentant en assurance pour la firme Clarica, a indiqué avoir reçu le mandat de M. Aumais, directeur des ventes à Clarica, de clarifier la situation avec M. Tremblay qui disait ne pas vouloir de la police d’assurance contractée le 4 mars 2003 par l’entremise de son agent M. Benoît Girard.  Le directeur lui aurait demandé d’intervenir parce que M. Théroux, père, était le précédent représentant en assurance de M. Tremblay, à qui il avait vendu plusieurs polices d’assurance au cours des trente dernières années.  C’est pourquoi il confiait à M. Théroux, fils, le mandat de tirer l’affaire au clair avec M. Tremblay.

[13]      Selon M. Pierre Théroux, M. Tremblay lui a mentionné qu’au cours de la première rencontre avec l’intimé, ce dernier aurait proposé des polices d’assurance pour maladie grave, ce qui ne l’intéressait pas.  Ce serait au cours de la deuxième rencontre que l’intimé et son père, M. Claude Girard, auraient fait le tour des différentes polices d’assurance-vie détenues par M. Tremblay[1].

[14]      M. Claude Girard, père de l’intimé, présent lors de la signature de cette proposition et qui s’est dit présent lors des différentes rencontres avec M. Tremblay, a déclaré que les polices sur la vie des enfants n’ont jamais fait l’objet de discussion.

[15]      Un peu plus tard, il s’exprime pourtant comme suit : «…Je ne suis pas sûr que ce soit Benoît qui ait placé un appel à M. Tremblay ou si c’est M. Tremblay qui nous ait appelé pour avoir de l’information sur les polices d’assurance de ses enfants.» [2].  Un peu plus loin «…il avait des questions concernant les polices d’assurance de ses enfants, dont deux (2) de ces polices avaient des participations accumulées; il recevait donc des feuillets relatifs aux impôts et puis ça le fatiguait, ça le «boguait» un peu peut-être de recevoir ce genre d’avis-là.»[3]. Et un peu plus loin, M. Claude Girard continue en disant « on a sûrement jasé des participations ou des polices d’assurance de ses enfants »[4].

[16]      L’intimé, quant à lui, déclara s’être occupé des polices d’assurance des enfants.  C’est ainsi qu’il aurait transféré la somme de 2 095 $ de l’assurance de sa fille Sylvie pour acquitter le paiement de la police Clarica.  Il déposa à cette fin les relevés portant sur les polices détenues par M. Tremblay sur la vie de ses enfants Pierre, Sylvie et Eric (I-7 à I-11).  Au recto ou verso de ces relevés, se trouvent des notes manuscrites faisant état du calcul que l’intimé aurait effectué des intérêts ou des valeurs de rachat des dites polices.  Ces notes seraient le fruit des discussions intervenues avec M. Tremblay au cours des rencontres précédentes et lors de la signature de la proposition d’assurance Clarica.  Aussi, la valeur de deux de ces polices a été transférée dans la police d’assurance vie universelle émise par Clarica.  De l’avis de l’intimé, ceci démontrerait que les polices des enfants ont bel et bien été discutées.

[17]      Pour sa part, M. Tremblay a reconnu que le mandat était assez large, qu’il était prêt à considérer tout scénario, c’est-à-dire toute proposition y compris celle d’un placement.[5]

L’analyse chef 1

[18]      Pour ce chef, le comité doit décider si l’intimé a fait défaut de s’acquitter de son mandat en faisant souscrire à ses clients Pierre-Paul Tremblay et Claudette Landry-Tremblay une proposition d’assurance-vie auprès de Clarica alors qu’ils lui avaient demandé de les conseiller quant aux polices d’assurance-vie détenues sur la vie de chacun de leurs trois enfants.

[19]      Les articles 20 et 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière se lisent comme suit :

20. Le représentant doit faire preuve d’objectivité lorsque son client ou tout client éventuel lui demande des renseignements. Il doit porter des jugements et formuler des recommandations de façon objective et indépendante, sans égard à son gain personnel.

24. Le représentant doit rendre compte à son client de tout mandat qui lui a été confié et s’en acquitter avec diligence.

[20]      Dans sa version écrite des faits (P-17), M. Tremblay indique qu’il aurait demandé conseil à l’intimé s’interrogeant sur la pertinence de conserver les contrats de ses enfants et celle de leur transférer. 

[21]      Bien que M. Tremblay déclare que l’intimé n’a pas répondu à ce mandat, la preuve démontre qu’il y a eu discussion relativement aux polices des enfants.  Toutefois, le mandat semblait plutôt large.  En effet, M. Tremblay a témoigné qu’il était ouvert à tout scénario y compris un placement, et que l’assurance-vie universelle soumise par l’intimé pouvait représenter un placement dans les circonstances.  Il y a également eu rachat de la police de sa fille Sylvie dont le produit a été versé dans la police souscrite avec Clarica.  Aussi, les relevés des polices des assurances des enfants datant de 2002 que l’intimé a fourni (I-1 à I-7) font état de calculs manuscrits des valeurs de rachat des polices.

[22]      Tous ces faits militent en faveur de l’intimé.  Le comité est d’avis qu’il y a absence de preuve prépondérante des faits allégués par ce chef.  En conséquence, l’intimé sera déclaré non coupable sur le chef 1.

Chef 2 Défaut de procéder à l’analyse des besoins.

[23]      Dans les déclarations écrites (P-18), M. Tremblay a indiqué qu’au cours de la soirée, les deux représentants, soit messieurs Benoît et Claude Girard, n’ont jamais rempli de questionnaire ou fait une analyse pour déterminer ses besoins en assurance.

[24]      Selon M. Claude Girard, père de l’intimé, ils ont procédé, ce soir là, à une évaluation des valeurs de M. Tremblay pour déterminer les impôts payables au deuxième décès, puisque les polices d’assurance qui étaient avec d’autres compagnies étaient payables au deuxième décès : «Ça fait que donc on a vérifié au deuxième décès à savoir si les montants d’assurance convenaient avec ce que lui nous disait.  Et puis ça convenait, le montant convenait correctement»[6].

[25]      Un formulaire provenant de la compagnie Clarica intitulé « Étude des besoins de capital » (P-20, pp. 36.1 et 36.2) a été rempli le 4 mars 2003.  À ce sujet, M. Claude Girard reconnut, tout en disant qu’ils s’étaient limités aux « besoins immédiats » car il s’agissait d’une police d’assurance libérée au deuxième décès, qu’ils n’ont pas élaboré davantage l’analyse.[7]

[26]      L’intimé quant à lui expliqua que ce formulaire n’a pas été rempli complètement, l’analyse des besoins ayant été plutôt complétée à partir des informations déjà au dossier transmis en 1999 et des derniers relevés datant du 27 février 2002 sur les polices d’assurance-vie (I-8 et ss.).

L’analyse chef 2

[27]      La seule analyse fournie quant aux besoins est celle datée du 4 mars 2003 (P-20, pp. 36.1 et 36.2).  Selon le procureur de l’intimé, la façon de faire importe guère, c’est le résultat qui compte.  En l’espèce, l’analyse fournie est des plus sommaire.  On y retrouve les informations sur les revenus des clients, mais cette analyse est silencieuse sur les autres renseignements énumérés à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants auquel est assujetti l’intimé.

[28]      L’intimé a déclaré s’être fié aux informations déjà au dossier des Tremblay en 1999 et sur les relevés de février 2002 quant aux polices d’assurances (I-8 à I-11).  Or, l’analyse des besoins doit se faire à partir de la collecte d’informations obtenues au moment de la proposition.  Les renseignements doivent être consignés par écrit. 

[29]      Le comité est d’avis que l’intimé ne s’est pas acquitté de cette obligation et le déclarera coupable sur le chef 2.

Chef 3 Défaut de maintenir en vigueur et remplacement non dans l’intérêt de l’assuré

[30]      M. Tremblay possédait déjà environ dix (10) contrats d’assurance, un pour chacun de ses enfants et d’autres pour son épouse et lui-même.

[31]      Selon M. Claude Girard, lors de la rencontre du 25 février 2003, de mémoire, la première, avec M. Tremblay, ce dernier leur aurait fait part de ses préoccupations au sujet des impôts à verser au deuxième décès.  Ainsi, son fils et lui ont regardé les différentes assurances et ont conclu qu’ils avaient un produit supérieur à lui offrir pour un coût similaire de primes et à des coûts d’assurance beaucoup moins élevés[8].

[32]      Toujours selon M. Claude Girard, son fils et lui ont procédé à même l’ordinateur à différents scénarios illustrant l’intérêt de la police d’assurance-vie universelle proposée.

[33]      M. Claude Girard a reconnu que les besoins de M. Tremblay en assurance étaient déjà couverts par les polices existantes, mais que son fils et lui étaient d’avis que le produit qu’ils avaient à lui offrir était à peu près aux mêmes conditions.

[34]      Selon l’intimé, les polices d’assurance-vie universelle des compagnies  Industrielle Alliance et Clarica étaient semblables, sauf que dans le premier cas les clients étaient libérés des primes au premier décès alors que dans la police Clarica, ils l’étaient au deuxième décès.

[35]      Pour M. Tremblay, les représentants lui auraient fait valoir qu’avec l’assurance Clarica ses primes ne pouvaient plus augmenter et que le scénario où la police porterait des intérêts de 2% seulement était impossible d’où l’information qu’il y aurait toujours suffisamment d’argent dans la police pour payer les primes d’assurance.

L’analyse chef 3

[36]      L’article 20 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants se lit comme suit :

20.            Le représentant doit favoriser le maintien en vigueur de tout contrat d’assurance à moins que son remplacement ne soit justifié dans l’intérêt du preneur ou de l’assuré, justification dont la preuve incombe au représentant en assurance de personnes qui procède au remplacement.

[37]      Pour ce chef, le comité doit décider si le remplacement des polices de l’Industrielle Alliance et de la Sun Life du Canada était justifié.

[38]      Le procureur de l’intimé a fait grand état des tergiversations du client quant aux montants de couverture d’assurance passés de 200 000$ à 300 000$ au cours des mois qui ont suivi la proposition de la police Clarica.  Mais de l’avis du comité ces changements d’idée du client ne sont pas pertinents pour déterminer si le remplacement était justifié.  C’est à l’intimé de le démontrer.  Or, rien dans la preuve ne permet d’y conclure.  De l’aveu même de l’intimé, les polices d’assurance des compagnies Industrielle Alliance et Clarica bénéficiaient de conditions semblables.  Où est donc l’avantage pour le client?

[39]      En aucun temps l’intimé semble avoir considéré la possibilité d’augmenter les polices existantes, mais a plutôt choisi de faire une nouvelle proposition d’assurance. Ceci eut pour conséquence d’assujettir à nouveau le client, déjà à la retraite, à une preuve d’assurabilité et à la remise en force des clauses de suicide et d’incontestabilité pour une période de deux ans.

[40]      En outre, il peut être constaté à l’étude des documents au dossier que M. Tremblay avait changé de statut de fumeur à celui de non fumeur lors de la proposition de la police Clarica.  Toutefois, le représentant n’a pas fait cette distinction quand il a comparé le montant des primes exigées, concluant que les primes étaient du même ordre alors qu’il s’agissait d’une prime de non fumeur pour Clarica et de fumeur pour l’Industrielle Alliance.  Une comparaison adéquate aurait peut-être mené à une autre conclusion.

[41]      Aussi, dans le cas de la police de l’Industrielle Alliance, il y avait libération de prime au premier décès et le coût des primes dans les deux polices existantes était garanti, alors que dans le cas de la police Clarica proposée, seul le coût d’assurance était garanti.  Enfin, la police de la Sun Life du Canada prévoyait des participations et une valeur de rachat garantie, mais non la police de Clarica.

[42]      L’intimé se devait de démontrer l’intérêt vraisemblable du client à remplacer les polices antérieures, ce qu’il n’a pas fait.  Le comité conclut que l’intimé ne s’est pas déchargé du fardeau lui incombant et le déclarera coupable sur ce troisième chef.

Chef 4 a) Omission d’expliquer clairement qu’il effectuait un remplacement

[43]      Selon M. Pierre-Paul Tremblay, il n’avait pas compris que la police Clarica remplaçait les polices alors en vigueur.  Il déclara avoir compris qu’on ne faisait qu’en changer les conditions puisque l’intimé employait indistinctement les termes : « rapatrier et intégrer » à l’égard des polices existantes.

[44]      La version de l’intimé est à l’effet qu’il n’a jamais été question de prétendre autre chose qu’un remplacement de polices.  Il indiqua avoir clairement expliqué à son client qu’il s’agissait d’un remplacement des polices de l’Industrielle Alliance et de la Sun Life du Canada, ajoutant qu’il était impossible que M. Tremblay ait pensé autrement, ce dernier ayant bel et bien signé, de plus, un formulaire médical et passé des tests de salive.

[45]      M. Tremblay déclara que l’intimé lui aurait dit que la police de Clarica ne faisait qu’englober la police de la Sun Life du Canada sans la remplacer ajoutant que cette dernière serait sous sa responsabilité dès l’émission de la police Clarica bien qu’elle était sous la responsabilité de Marie-Paule Pilote et qu’un seul représentant peut agir pour un client dans la même compagnie.

[46]      Plus tard, M. Tremblay dit qu’après avoir communiqué de nombreuses fois et eu plusieurs échanges avec l’intimé et Mme Marie-Paule Pilote, celle-ci l’ayant appelé après avoir su que la police avec la Sun Life du Canada était en souffrance, il voulait remettre en vigueur la police avec la Sun Life du Canada, réalisant qu’il n’avait pas saisi qu’elle s’en trouvait remplacée.

L’analyse chef 4 a)

[47]      M. Tremblay dit que l’intimé utilisait les termes «prendre en charge, rapatrier ou transférer, intégrer» quand il décrivait le sort des polices précédentes en souscrivant à la police Clarica, de telle sorte que cette dernière engloberait celle de la compagnie Sun Life du Canada et que celle de l’Industrielle Alliance serait rapatriée (P-17).  L’intimé lui-même a semblé confirmé ce fait puisqu’il utilisait les mêmes termes au cours de son témoignage.

[48]      Par ailleurs, M. Tremblay détenait plus de dix (10) contrats d’assurance lorsqu’il a rencontré l’intimé et a semblé au comité en posséder une bonne connaissance.  Il a été mis en preuve qu’il avait déjà considéré, en janvier 2000, de remplacer la police de la  Sun Life du Canada par une police de la compagnie Industrielle Alliance (P-15, p. 21.18).  Il a dit être d’avis que ses besoins en assurance étaient comblés avec les polices d’assurance qu’il détenait avant de souscrire à la police Clarica.  Enfin, le 4 mars 2003, M. Tremblay se soumettait à un test de salive (P-1, p. 8.6) en plus de remplir un formulaire médical.  Ces derniers faits rendent difficile, dans les circonstances, de retenir la partie de son témoignage rapportant qu’on ne lui a pas expliqué qu’il s’agissait de remplacement.

[49]      Aussi, M. Tremblay prétend qu’il se serait aperçu qu’il s’agissait d’un remplacement de la police Industrielle Alliance seulement lorsque M. Généreux, le représentant de l’Industrielle Alliance, est venu le voir avec l’avis de remplacement.  Il a, par ailleurs, voulu augmenter cette dernière.  En ce qui a trait à la police de la Sun Life du Canada, il a pourtant cessé de verser la prime annuelle payable en juin 2003.

[50]      Ces faits amènent le comité à conclure que M. Tremblay savait très bien qu’il s’agissait d’un remplacement.  En conséquence, l’intimé sera déclaré non coupable sur le chef 4 a).


Chef 4 b) Exposer de façon complète les avantages et inconvénients du remplacement de la police.

[51]      L’intimé a produit plusieurs illustrations lors de la présentation de la police d’assurance Clarica à M. Tremblay et a fourni diverses explications.  M. Tremblay insiste sur le fait qu’à la question de savoir si les primes pourraient augmenter, l’intimé lui a répondu par un « non » catégorique (P-17, p. 10.2).  Un peu plus loin dans sa déclaration à la Chambre de la sécurité financière (P-18, p. 2.1), M. Tremblay dit qu’il aurait plutôt répondu « si le rendement de la police est atteint » et plus tard au cours de l’interrogatoire du procureur de la plaignante M. Tremblay rapporte que l’intimé aurait dit que c’était « pratiquement impossible » reconnaissant, par ce fait, qu’il avait eu les informations dans le cas où le rendement serait de 2%.[9]

L’analyse chef 4 b)

[52]      Le témoignage de M. Tremblay rapporté ci-haut permet de penser que les explications sur les avantages et inconvénients de la police Clarica lui ont fort probablement été données.  Le comité est par conséquent d’avis qu’il y a absence de preuve concluante sur les faits allégués pour cette infraction, ce qui doit jouer en faveur de l’intimé.  Il sera en conséquence déclaré non coupable sur le chef 4 b).

Chef 5 Défaut d’aviser les assureurs du remplacement  

[53]      Dans le formulaire de proposition d’assurance fourni par Clarica, sous la rubrique «déclaration de divulgation», l’intimé répond «non» à la question posée à savoir si la proposition avait pour but de remplacer une police existante (P-1, p. 8.4).

[54]      Les explications de l’intimé sur ce point sont diverses.  Dans un premier temps, celui-ci dit, par courriel adressé à M. André Vaillancourt de la compagnie Clarica et de la Sun Life du Canada, ne pas avoir indiqué qu’il s’agissait d’un remplacement car le formulaire ne permettait pas de nommer deux compagnies.  C’est pourquoi il aurait opté pour répondre par la négative puisque, de toute façon, il y aurait des avis de remplacement qui en feraient foi.

[55]      Plus tard, à l’enquêteur lui demandant pourquoi il avait indiqué dans la proposition que ce contrat n’en remplaçait pas un autre, l’intimé répondit que c’était une erreur de frappe (P-19, p. 48.2, question 30 et P-20, p. 34.7, réponse à la question 30).

L’analyse chef 5

[56]      Le procureur de l’intimé, bien que reconnaissant que son client a répondu par la négative à la question du formulaire de proposition d’assurance du nouvel assureur Clarica relative à l’existence ou non d’un remplacement, soutient que l’envoi, par la suite, des avis de remplacement, faisait en sorte qu’il ne pouvait y avoir d’infraction commise quant à l’obligation de fournir les renseignements qu’il est d’usage de fournir aux assureurs tel que prescrit par l’article 34 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[57]      Le comité est d’avis que l’intimé a fait preuve de négligence en répondant «non» à la question relative au remplacement alors qu’il savait pertinemment qu’il s’agissait de remplacement.  Les explications de l’intimé à ce sujet font plutôt preuve de la légèreté avec laquelle il exerce ses activités de représentant.  Même si les avis de remplacement envoyés par la suite ont pour résultat d’informer adéquatement l’assureur, l’intimé ne peut s’en servir pour se disculper d’exercer ses activités de représentant de façon négligente.  Ce serait faire fi des obligations du représentant qui ne doit pas exercer ses activités de façon négligente tel que prescrit plus précisément par l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[58]      Aussi, l’ensemble de la preuve présentée dans ce dossier, bien que non concluante sur certains chefs, a néanmoins permis de constater que l’intimé pourrait certes exercer sa profession de façon plus consciencieuse en y apportant toute l’attention que les clients sont en droit de s’attendre d’un représentant dans l’exercice de ses activités.  Cela lui éviterait bien des soucis.

[59]      En conséquence, le comité le déclarera coupable du chef 5.

Chef 6 Avis de remplacement en blanc

Chef 7 i) Avis de remplacement non rempli en même temps (Règlement sur l’exercice des activités du représentant, article 22 2°).

[60]      Selon M. Tremblay, quand son épouse et lui ont signé la proposition d’assurance avec la compagnie Clarica le 4 mars 2003, ils auraient signé en blanc les formulaires de remplacement (P-18), ce que l’intimé nie catégoriquement.  Cependant, M. Tremblay a poursuivi en disant que ce jour-là, seule la première partie du formulaire qui indiquait leurs noms était remplie.

L’analyse chefs 6 et 7 i)

[61]      La preuve prépondérante a démontré que l’avis de remplacement a été signé par les clients alors qu’il comportait, à tout le moins, certaines informations.  Ainsi, il ne peut être conclu qu’il a été signé en blanc.  Le comité déclarera donc l’intimé non coupable sur le chef 6.

[62]      Quant à savoir si l’avis a été rempli en même temps que la proposition d’assurance, la preuve offerte est contradictoire.  Par ailleurs, l’avis porte la date du 4 mars 2003 soit la même que celle inscrite à la proposition d’assurance de la compagnie Clarica.  Cela doit bénéficier à l’intimé compte tenu que la date de la proposition n’est pas contestée.  Par conséquent, l’intimé sera déclaré non coupable sur le chef 7 i).

Chef 7 ii) Avis de remplacement remis au client avec explications (Règlement sur l’exercice des activités du représentant, article 22 3°)

[63]      Selon M. Tremblay, l’intimé aurait déposé chez lui, quelque temps après le 4 mars 2003, le formulaire de remplacement avec quelques tableaux sans autres explications que de lui dire de joindre ces documents à ceux qu’il lui avait remis le 4 mars 2003.

[64]      Selon l’intimé, l’avis de remplacement a été remis à M. Tremblay en même temps que la proposition d’assurance le 4 mars 2003.

[65]      Le 17 avril 2003, M. Girard (père) se serait présenté au domicile de M. Tremblay avec le contrat de la compagnie Clarica

[66]      Le 18 juin 2003, M. Tremblay aurait reçu un avis de déchéance de la Sun Life du Canada lui réclamant le solde dû sur la police, puisqu’il avait fait défaut de régler la prime. 


L’analyse chef 7 ii)

[67]      La preuve est contradictoire quant à savoir si l’avis a été remis aux clients avec explications, mais il reste que l’avis porte la date du 4 mars 2003.  Le comité ayant déjà conclu, sous le chef 4, que les explications sur le remplacement ont été données, le comité déclarera donc l’intimé non coupable sur le chef 7 ii). 

Chefs 8 et 9 Fausses représentations quant au remplacement des polices et quant à la responsabilité de la police Sun Life du Canada par le représentant.

[68]      Les faits se rapportant à ces chefs sont sensiblement les mêmes que ceux ayant servis au chef décrit à l’alinéa 4a).

L’analyse chefs 8 et 9

[69]      La condamnation recherchée par ces deux chefs rejoint celle que recherchait le chef 4 a) et se base sur les mêmes dispositions réglementaires.  Comme le comité a déjà conclu sous le chef 4 que les explications quant au remplacement avaient été données, et face à la preuve contradictoire sur les faits allégués pour les présents chefs, le comité conclut en conséquence à la non culpabilité de l’intimé sur les chefs 8 et 9.

Chefs 10 et 11

[70]      Selon M. Tremblay, l’intimé lui aurait indiqué vers la fin du mois d’août ou au début septembre 2003 qu’il pouvait remettre en vigueur la police détenue avec la Sun Life du Canada et qu’il n’aurait pas à se soumettre à des exigences médicales compte tenu que celle de Clarica avait été acceptée.

[71]      Selon l’intimé, il aurait plutôt dit au client, le 9 septembre 2003, qu’il allait se renseigner auprès de la compagnie sur les exigences de remise en vigueur.

[72]      Selon Mme Pilote, elle a indiqué à l’intimé, le 15 octobre 2003, que si la demande de remise en vigueur n’était pas complétée avant le 18 octobre 2003, il faudrait un nouvel examen médical, ce que l’intimé nia.  Ce dernier a dit ne pas admettre que c’est suite aux informations transmises par Mme Pilote le 15 octobre 2003 qu’il aurait réagi.  Il admet cependant avoir contacté, le 15 octobre 2003, la compagnie d’assurance Sun Life du Canada pour savoir ce qu’il en était.

[73]      Le 28 octobre 2003, M. Tremblay signait un formulaire confirmant qu’il avait passé un test de salive et rempli un questionnaire de santé en mars 2003.  Toutefois, la preuve a démontré que compte tenu que ces tests médicaux remontaient à plus de six (6) mois, il devait en passer de nouveaux.  Comme le délai de 90 jours après la date de déchéance de la police était dépassé, il était trop tard pour obtenir la remise en vigueur de la police Sun Life du Canada, sans un nouvel examen médical.

[74]      L’intimé expliqua qu’il a fait signer le formulaire de remise en vigueur après le 18 octobre 2003 sans reconnaître avoir ignoré que la remise en vigueur devait être faite dans les délais de 90 jours afin d’éviter une nouvelle preuve médicale.

L’analyse chef 10

[75]      Les faits en preuve démontrent sans aucun doute que l’intimé ignorait les exigences de remise en vigueur de la police Sun Life du Canada déjà en déchéance et ce tant au niveau des délais que des exigences médicales.  Toutefois, la preuve est contradictoire quant à ce qui a été représenté au couple Tremblay sur cette remise en vigueur.

[76]      La preuve ne permet pas conclure aux faits reprochés tel que rédigé dans ce chef.  L’intimé sera donc déclaré non coupable sur le chef 10.

L’analyse chef 11

[77]      L’intimé n’a pris connaissance des exigences pour la remise en vigueur de la police d’assurance Sun Life du Canada que le 15 octobre 2003 et a négligé d’agir en temps utiles pour faire signer le formulaire à son client avant le 18 octobre 2003.  Ce n’est que le 28 octobre 2003 qu’il l’a fait.  Le délai de 90 jours étant expiré, ce retard a pour effet d’obliger le client à se soumettre à un nouvel examen médical.

[78]      L’intimé a fait défaut d’agir avec compétence et professionnalisme en n’acquittant pas avec diligence le mandat confié par son client de procéder à la remise en vigueur de ladite police.  Son laxisme à agir démontre sa grossière négligence dans le traitement de ce mandat.  Il n’a pas cherché à s’informer des exigences de remise en vigueur avant le 15 octobre bien qu’ayant reçu le mandat à la fin du mois d’août ou début septembre 2003.  De plus, bien qu’ayant obtenu les informations pertinentes le 15 octobre 2003, il n’a agi que le 28 octobre 2003, avec les conséquences que l’on connaît. 

[79]      En conséquence, le comité déclarera l’intimé coupable sur le chef 11.


PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

 

DÉCLARE l’intimé coupable sur chacun des chefs 2, 3, 5 et 11;

 

DÉCLARE l’intimé non coupable sur chacun des chefs 1, 4a) et b), 6, 7i) et ii), 8, 9 et 10 ;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de fixer une date et une heure pour l’audition de la preuve et des représentations des parties sur sanction.

 

 

(s) Janine Kean _____________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(s) Gaétan Albert ____________________

M. Gaétan Albert, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

(s) Bernard Meloche__________________

Me Bernard Meloche, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me René Vallerand

DONATI MAISONNEUVE S.E.N.C.R.L.

Procureur de la partie plaignante

 

Me Marc-André Blain

MARCHAND MELANÇON FORGET S.E.N.C.R.L.

Procureur de la partie intimée

 

Dates d’audience :

31 octobre, 1er, 2 et 3 novembre, et 14, 15 et 18 décembre 2006

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


 

 
 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0617

 

DATE :

5 septembre 2008

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Gaétan Albert, A.V.C.

Membre

Me Bernard Meloche, Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

Me MICHELINE RIOUX, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. BENOÎT GIRARD, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives, représentant en épargne collective et planificateur financier

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]        Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni le 27 juin 2008 au Palais de Justice de Montréal situé au 1 rue Notre-Dame Est, à Montréal, à la salle 3.05 pour entendre la preuve et les représentations sur sanction suite à la décision sur culpabilité rendue le 4 avril 2008 dans la même affaire.

[2]        La décision sur culpabilité retenait la culpabilité de l’intimé sur quatre (4) des onze (11) chefs de la plainte portée contre ce dernier. Les quatre (4) chefs portaient nommément sur le défaut de procéder à une analyse complète des besoins financiers, le défaut de maintenir une police d’assurance en vigueur sans avoir justifié son remplacement dans l’intérêt du client, le défaut d’aviser les assureurs du remplacement et enfin, le défaut de l’intimé de procéder à l’annulation de l’avis de déchéance de la police d’assurance en temps utile, faisant ainsi preuve d’un manque de compétence et de professionnalisme.

[3]        Alors que la plaignante déclara ne pas avoir de preuve à offrir sur la sanction, le procureur de l’intimé fit entendre son client. 

[4]        L’intimé expliqua au comité qu’il avait commencé à exercer sa profession en 1999 au bureau de son père.  Ce dernier exerçait, pour sa part, depuis plus de quarante (40) ans.  Ayant pris sa retraite en 2005, l’intimé lui a acheté son bloc d’affaires.

[5]        L’intimé est père de deux (2) enfants et sa conjointe est inhalothérapeute.  Il produisit ses rapports d’impôts pour les années 2005, 2006 et 2007 ainsi que les avis de cotisation pour les années 2006 et 2007 qui affichent des revenus annuels bruts de quarante-cinq mille (45 000 $) à cinquante mille dollars (50 000 $).  De ces revenus, doivent être soustraites les dépenses d’affaires d’environ quinze mille (15 000 $) à vingt mille dollars (20 000 $) par année.  Sa conjointe retire, pour sa part, des revenus variant entre trente mille (30 000 $) et quarante mille dollars (40 000 $).

[6]        L’intimé a fait valoir qu’il avait réalisé, avant même la décision rendue sur culpabilité, des lacunes dans sa façon de pratiquer et qu’il avait modifié sa façon de travailler. Il utiliserait depuis des grilles ou aide-mémoire indiquant les étapes à suivre pour les rencontres avec ses clients. 

[7]        L’intimé suivrait en plus de la formation continue obligatoire, des cours à l’École des hautes études commerciales de Montréal pour parfaire un baccalauréat en finance.  Ce baccalauréat, suivi à temps partiel, devrait se terminer d’ici cinq (5) ans. 

[8]        L’intimé a expliqué au comité qu’il aimait cette profession et entendait continuer de la pratiquer avec compétence et professionnalisme.

REPRÉSENTATIONS DES PROCUREURS DES PARTIES

A) Les recommandations de la plaignante

[9]        La plaignante recommanda au comité d’ordonner le paiement d’une amende de deux mille dollars (2 000 $) sur chacun des chefs 2, 3 et 5 et une radiation temporaire de trois (3) mois sur le chef 11. À cela la plaignante ajouta une demande de condamnation aux déboursés et une ordonnance de publication de la décision, si le comité retenait la recommandation ayant trait à la radiation temporaire.

[10]      Le procureur de la plaignante produisit à l’appui de ces recommandations un cahier de décisions portant sur des infractions semblables.

[11]      Pour le chef 2, il rappela que l’exigence de procéder à l’analyse des besoins financiers constituait la pierre angulaire de la pratique d’un représentant et qu’il était important qu’une décision soit rendue conformément aux décisions du comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière en pareille matière.

[12]      Quant au chef 3 ayant trait au défaut de maintenir en vigueur la police d’assurance existante, il indiqua que les décisions ne faisaient pas de distinction entre les cas où il y avait existence ou absence d’intention malveillante. Malgré que certaines décisions conclurent, sur une infraction semblable, à une radiation temporaire du représentant, la plaignante s’en tiendrait à une amende de deux mille dollars (2 000 $) puisque l’intimé n’a pas d’antécédent disciplinaire.

[13]      Pour le chef 5 relatif au défaut d’aviser les assureurs, le procureur de la plaignante souligna que les amendes de mille cinq cents dollars (1 500 $) apparaissant à certaines décisions ont été, pour plusieurs, ordonnées suite à un plaidoyer de culpabilité enregistré dès le début de l’instruction de la plainte. Il a signalé qu’une amende de deux mille dollars (2 000 $) avait été ordonnée alors qu’il s’agissait du remplacement d’une police d’assurance auprès de la même compagnie. Dans la présente affaire, imposer une amende de deux mille dollars (2 000 $) serait aussi raisonnable considérant que le comité a qualifié de légère[10], la façon de pratiquer de l’intimé. 

[14]      Concernant le chef 11 relatif au fait de ne pas avoir respecté le mandat du client en omettant d’agir en temps utile pour éviter la déchéance de la police d’assurance, le procureur de la plaignante s’attarda à plusieurs décisions qui ordonnaient la radiation temporaire sur des chefs de même nature. Il reconnut toutefois que des amendes ont aussi été ordonnées, entre autres, lors de recommandations communes. Il insista cependant pour une radiation de trois (3) mois.

B) L’intimé

[15]      Le procureur de l’intimé contesta toutes les recommandations de la plaignante. Les recommandations du procureur de l’intimé sont des réprimandes pour chacun des quatre (4) chefs.

[16]      Passant en revue la plupart des décisions commentées et produites par le procureur de la plaignante, il nota les distinctions qui, à son avis, s’imposaient avec le cas en l’espèce.

[17]      Ces distinctions portaient plus particulièrement sur le nombre d’infractions, le nombre d’années de pratique des représentants et l’existence d’intention malveillante.

[18]      Il fit ressortir que les représentants avaient accumulé entre treize (13) et vingt-cinq (25) ans d’expérience alors que l’intimé avait à peine plus de trois (3) ans d’expérience au moment des faits reprochés.

[19]      Il souligna également que, sur des chefs semblables, certaines décisions ordonnaient une réprimande plutôt qu’une amende[11]. Des amendes auraient été imposées dans les cas où le comité avait constaté des fautes répétées et non pas lors d’une faute isolée comme en l’espèce. Il argumenta que même si le comité a conclu à une pratique négligente ou faite à la légère de la part de son client, il n’en demeure pas moins que ses agissements n’étaient pas volontaires ou voulus[12].

[20]      De la même manière, d’autres décisions[13] feraient état de pertes pécuniaires appréciables subies par les consommateurs/clients ou des commissions généreuses touchées par les représentants.  Enfin, il insista sur une décision où une réprimande a été imposée[14]

[21]      Quant à la radiation temporaire demandée par la plaignante pour le chef 11, le procureur de l’intimé soumit une décision rendue dans l’affaire Lapointe[15] par le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière, révisée par la Cour du Québec pour y substituer une réprimande. Dans cette affaire, la cour rappelait les critères à évaluer et à considérer dans les décisions sur sanction. 

[22]      Quant à la décision Delage[16] citée par la plaignante, il soutint qu’elle n’était pas pertinente, le représentant ayant fourni dans cette affaire des informations erronées, fausses et trompeuses, ce qui n’était pas le cas de l’intimé.

[23]      Le procureur de l’intimé insista sur le fait qu’en aucun moment il n’a été question d’intention malhonnête de la part de l’intimé à ce chef 11. Il ajouta que dans la cause Thériault[17], une radiation temporaire d’un (1) an a été ordonnée, mais qu’il s’agissait d’une pratique empreinte de supercherie et de mensonge. Par conséquent, il soumit qu’une radiation serait de nature punitive plutôt que dissuasive.

[24]      Subsidiairement, il soumit que si le comité croyait plus approprié de condamner à une amende, elle devrait être d’un montant minimum.

[25]      De plus, à son avis, le fait que l’intimé ait été accompagné par son père qui avait plus de quarante (40) ans d’expérience, devrait être considéré comme un facteur atténuant pour l’intimé.  L’influence de ce dernier sur la façon de pratiquer de l’intimé s’étant révélée malheureuse.

[26]      Le procureur de l’intimé termina en demandant pour son client un délai d’au moins cent vingt (120) jours pour le paiement des amendes et que les déboursés soient assumés par la plaignante, alléguant que sur les onze (11) chefs d’accusation portés contre l’intimé, seuls quatre (4) des chefs avaient été retenus.

C) Réplique de la plaignante

[27]      Quant aux arguments concernant l’influence du père de l’intimé, le procureur de la plaignante répliqua que non seulement il ne s’agissait pas d’un fait atténuant mais plutôt d’un fait aggravant.  Il rappela que c’est l’intimé qui avait choisi de prendre son expérience auprès de son père en faisant son stage au bureau de ce dernier en 1999 et en continuant de pratiquer avec lui.  Il a par la suite acquis son bloc d’affaires en 2005.

[28]      Il ajouta que les commentaires du procureur de l’intimé quant à certaines décisions[18] ne devaient pas être retenus, car les réprimandes ordonnées l’avaient été dans le cadre de recommandations communes des parties, pour respecter le principe de la globalité des sanctions.

[29]      Quant à la demande de partage des déboursés, il la contesta, soumettant que les deux parties étaient responsables de la durée et du nombre de témoins.

ANALYSE ET DÉCISION

[30]      Le comité est d’avis, après avoir procédé à l’étude et à l’analyse des arguments et décisions soumis par les deux parties, qu’il y a lieu d’imposer à l’intimé les sanctions suivantes.

Chef 2

[31]      Ce chef vise le défaut de procéder adéquatement à l’analyse des besoins financiers du client. Cette analyse constitue l’information fondamentale qu’un représentant se doit d’obtenir avant de suggérer ou de proposer quelque produit que ce soit à son client.  Le comité condamnera l’intimé à une amende de deux mille dollars (2 000 $) sur ce chef.

Chef 3

[32]      Ce chef a trait au défaut d’avoir maintenu en vigueur la police d’assurance existante, bien que les faits aient démontré qu’il n’y a pas eu de conséquence pécuniaire pour le client déjà à la retraite, ce défaut de l’intimé a quand même exposé son client à un risque important en l’assujettissant à une preuve d’assurabilité et à la remise en force des clauses de suicide et d’incontestabilité pour une période de deux (2) ans. 

[33]      Par conséquent, le comité estime qu’il y a lieu de condamner l’intimé à une amende de deux mille dollars (2 000 $).

Chef 5

[34]      Le comité est d’avis que, malgré la culpabilité de l’intimé sur ce chef, le défaut d’avoir avisé correctement l’assureur en cochant sur le formulaire électronique un « non » plutôt qu’un « oui » à la question si la police proposée remplaçait une autre police, est de moindre importance en l’espèce. L’intimé ayant bel et bien procédé aux avis de remplacement, les assureurs concernés ont été avisés. 

[35]      L’intimé a clairement reconnu ses erreurs et dit les regretter. Il a modifié sa pratique en se servant d’un aide-mémoire et en faisant particulièrement attention de ne pas répéter, entre autres, cette faute dans les nouvelles propositions. Le comité imposera, sur ce chef 5, une réprimande, étant d’avis qu’ordonner une sanction différente serait d’ordre punitif plutôt que d’ordre dissuasif.


Chef 11

[36]      Quant à ce chef reprochant à l’intimé de n’avoir pas respecté le mandat de son client en n’agissant pas en temps utile pour empêcher la déchéance de la police, le comité ne croit pas approprié de conclure à une radiation temporaire même de trois (3) mois dans les circonstances, bien qu’il s’agisse d’une conduite hautement répréhensible. 

[37]      Comme le rappelait le Tribunal des professions dans Gagnon c. Comptables agréés[19], la sanction disciplinaire n’a pas pour but de punir le professionnel déviant mais de rechercher à le dissuader et de donner l’exemple aux collègues de la même profession tout en assurant la protection du public. 

[38]      Les principaux facteurs à considérer afin de déterminer la sanction appropriée en matière disciplinaire sont notamment la présence ou l’absence d’antécédents disciplinaires, l’âge, l’expérience et la réputation du professionnel, le risque de récidive, la dissuasion, le repentir et les chances de réhabilitation du professionnel, la situation financière du professionnel et les conséquences pour le client[20].

[39]      En l’espèce, l’intimé avait à peine trois (3) ans d’expérience au moment des actes reprochés et était accompagné de son père qui, suivant la preuve entendue, pratiquait avec un certain laxisme. L’intimé a aussi clairement exprimé son repentir et démontré sa volonté de pratiquer de façon compétente et professionnelle.

[40]      Peu importe la durée d’une sanction de radiation, celle-ci a des conséquences sévères en elle-même. Il est indéniable que l’intimé doit pouvoir continuer de travailler afin de rembourser les amendes, les dépenses occasionnées par le présent litige, l’acquisition du bloc d’affaires, et subvenir aux besoins des siens. Pour ces raisons, le comité est d’avis qu’une radiation temporaire de trois (3) mois revêtirait un caractère punitif plutôt que dissuasif dans les circonstances. Le comité condamnera donc l’intimé à payer une amende de deux mille dollars (2 000 $) sur ce chef.

Demande de partage des déboursés

[41]      Le principe reconnu en matière civile voulant que la partie qui succombe supporte les frais reçoit aussi application en droit disciplinaire[21].

[42]      Toutefois, l’article 151 du Code des professions prévoit, s’il y a lieu, le partage des déboursés par le comité de discipline. L’accès à la justice disciplinaire repose sur la protection du public.  Celui-ci doit être compatible avec des coûts raisonnables et non préjudiciels pour le représentant qui se présente devant le comité de discipline afin d’expliquer le comportement reproché.[22]  Le comité peut donc limiter le montant des déboursés[23].

[43]      En l’espèce, l’intimé a été appelé à présenter une défense sur onze (11) chefs, sept (7) ont été rejetés. Les auditions sur culpabilité ont totalisé plus de six (6) jours.  L’intimé se trouve exposé, en plus des honoraires de son procureur, à des déboursés importants qui incluent les frais de déplacement et de séjour d’un membre du comité résidant en région.

[44]      En conséquence, le comité appliquant la jurisprudence en la matière conclut que les débours doivent être partagés également entre la plaignante et l’intimé, y compris les frais d’enregistrement. 

Demande de délai pour le paiement des amendes

[45]      Quant à cette demande, le comité l’estime raisonnable et permettra à l’intimé d’acquitter les amendes sur une période de quatre (4) mois de la présente décision.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

              CONDAMNE l’intimé à une amende de deux mille dollars (2 000 $) sur chacun des chefs 2, 3 et 11;

              IMPOSE à l’intimé une réprimande sur le chef 5;

              ACCORDE à l’intimé un délai de quatre (4) mois pour le paiement desdites amendes;

              CONDAMNE l’intimé au paiement de cinquante pourcent (50%) des déboursés, y compris les frais d’enregistrement, conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26).

 

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Gaétan Albert

M. Gaétan Albert, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Bernard Meloche

Me Bernard Meloche, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

Me René Vallerand

DONATI MAISONNEUVE s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Marc-André Blain

MARCHAND MELANÇON FORGET s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 27 juin 2008

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Notes sténographiques du 1er novembre 2006, page 56, lignes 6 et ss.

[2] Notes sténographiques du 14 décembre 2006, page 89, lignes 18 et ss.

[3] Notes sténographiques du 14 décembre 2006, page 92, lignes 16 et ss.

[4] Notes sténographiques du 14 décembre 2006, page 95, lignes 15 et ss.

[5] Notes sténographiques du 2 novembre 2006, page 108, lignes 4 à 25 et page 109, lignes 1 à 17.

[6] Notes sténographiques du 14 décembre 2006, p. 94, lignes 18 à 25 et p. 95, ligne 1.

[7] Notes sténographiques du 14 décembre 2006, pp. 170-181.

[8] Notes sténographiques du 14 décembre 2006, p. 95, lignes 6 à 13.

[9] Notes sténographiques du 1er novembre 2006, p. 257, lignes 8 et ss.

[10] Décision sur culpabilité, paragraphe 57.

[11] Rioux c. Berry, CD00-0636, le 8 novembre 2007.

[12] Rioux c. Côté, CD00-0633, le 17 janvier 2008.

[13] Rioux c. Jacques, CD00-0555, le 31 juillet 2006.

[14] Rioux c. Dorais, CD00-0306, le 25 juillet 2001.

[15] Lapointe c. Rioux, C.Q. Montréal, no : 500-80-002619-048, le 12 juillet 2005, j. Brigitte Charron.

[16] Rioux c. Delage, CD00-0505, le 12 juin 2007.

[17] Rioux c. Thériault, CD00-0583, le 14 février 2006.

[18] Rioux c. Noël, CD00-0666, le 4 septembre 2007 et Rioux c. Berry, citée note 2.

[19]  Gagnon c. comptables agréés, [1997] D.T.P.Q. No 2 (Q.L).

[20] Patrick DE NIVERVILLE, «La sentence en matière disciplinaire», Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire, Les Éditions Yvon Blais Inc., 2000 no 137.

[21] Ingénieurs c. Plante, (1992) D.D.C.P. 254 (T.P.).

[22] Bernatchez c. Avocats, 2000QCTP56

[23] Rioux c. Doyon, CD00-0490, le 17 mars 2005 et Rioux c. Masse, CD00-0621, le 17 avril 2008.

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