Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0653

 

DATE :

17 septembre 2008

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

Mme Ginette Racine A.V.C.

Membre

M. Claude Trudel A.V.A.

Membre

______________________________________________________________________

 

ME MICHELINE RIOUX, en qualité de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

BENOÎT AMAR, conseiller en sécurité financière et conseiller en assurance et rentes collectives

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]          Les 31 mai, 1er juin et le 27 août 2007, le comité de discipline de la Chambre de la Sécurité financière s’est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage à Montréal et a procédé à l’audition d’une plainte portée contre l’intimé.

[2]         En début d’audition, l’intimé, par l’entremise de son procureur, enregistra un plaidoyer de non culpabilité sur chacun des six (6) chefs d’accusation de la plainte libellée comme suit :

 

« Cliente Lileska Yagehiri Pinzon

1.         Le ou vers le 18 février 2002, l’intimé Benoît Amar, a signé à titre de témoin la proposition d’assurance-vie de la compagnie RBC portant le numéro DF-004582, et ce alors qu’il n’avait jamais rencontré la personne à assurer, Mme Lileska Yagehiri Pinzon et ce faisant, l’intimé a contrevenu aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

2.         Le ou vers le 18 février 2002, l’intimé Benoît Amar, alors qu’il faisait souscrire à Mme Lileska Yagehiri Pinzon la proposition d’assurance-vie de la compagnie RBC portant le numéro DF-004582, a fait défaut de procéder à l’analyse des besoins financiers requise par l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants ainsi que l’article 27 de la Loi sur la distribution et services financiers et ce faisant, l’intimé a contrevenu auxdits articles;

3.         Le ou vers le 18 février 2002, l’intimé Benoît Amar, alors qu’une de ces employée et/ou mandataire, Mme Patricia Sepulveda a, dans le cadre de la souscription de la police d’assurance-vie de la compagnie RBC portant le numéro DF-004582, fait des représentations fausses et trompeuses à Mme Lileska Yagehiri Pinzon en lui mentionnant que ce produit était la seule façon au Québec d’investir dans un REER, n’a pas veiller à ce que les dispositions du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière soient respectées, et ce faisant, l’intimé a contrevenu aux articles 3, 12, 13 et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

Cliente Juana Evangelina Moreno

4.         Le ou vers le 28 février 2002, l’intimé Benoît Amar, a signé à titre de témoin la proposition d’assurance-vie de la compagnie RBC portant le numéro DF-004596, et ce alors qu’il n’avait jamais rencontré la personne à assurer, Mme Juana Evangelina Moreno et ce faisant, l’intimé a contrevenu aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

5.         Le ou vers le 28 février 2002, l’intimé Benoît Amar, alors qu’il faisait souscrire à Mme Juana Evangelina Moreno la proposition d’assurance-vie de la compagnie RBC portant le numéro DF-004596, fait défaut de procéder à l’analyse des besoins financiers requise par l’articles 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants ainsi que l’article 27 de la Loi sur la distribution et services financiers, et ce faisant, l’intimé a contrevenu auxdits articles;

6.         Le ou vers le 28 février 2002, l’intimé Benoît Amar, alors qu’une de ces employée et/ou mandataire, Mme Patricia Sepulveda a, dans le cadre de la souscription de la police d’assurance-vie de la compagnie RBC portant le numéro DF-004596, fait des représentations fausses et trompeuses à Mme Juana Evangelina Moreno en lui mentionnant que ce produit était la seule façon au Québec d’investir dans un REER, n’a pas veiller à ce que les dispositions du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière soient respectées, et ce faisant, l’intimé a contrevenu aux articles 3, 12, 13 et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière; »

[3]          Par la suite, le procureur de la plaignante entreprit sa preuve en produisant les pièces P-1 à P-9 de consentement avec la partie intimée.

[4]          La plaignante fit entendre les deux (2) clientes, Mme Lileska Yagehiri Pinzon (Mme Pinzon) et sa mère, Mme Juana Evangelina Moreno (Mme Moreno), ainsi que Mme Johanne Doré, conseillère en sécurité financière qui a remplacé, vers le mois d’août 2004, le cabinet de l’intimé auprès de ces dernières.

[5]          Pour sa part, l’intimé fit entendre, M. Pierre Boivin, enquêteur désigné par la Chambre de la Sécurité financière dans ce dossier ainsi que Mme Patricia Sepulveda (Mme Sepulveda) et l’intimé.

LES FAITS

[6]          Mme Moreno aurait pris l’initiative d’appeler Mme Sepulveda, employée du Cabinet de l’intimé du nom de Planification financière Amar Gouin Inc, qui lui avait été référée par une amie de la communauté latino.

[7]          Selon Mme Sepulveda elle-même, elle était très impliquée et connue dans cette communauté à travers la grande région métropolitaine.

[8]          Mme Moreno lui aurait demandé de l’aider afin que la candidature de sa fillette Chelsea soit retenue pour des contrats de publicité ou commerciaux.  Une première rencontre aurait donc été fixée au domicile de Mme Moreno. 

[9]          Mme Sepulveda qualifia de «social» l’échange intervenu, lors de cette première rencontre avec Mme Moreno.  Celle-ci lui aurait remis une photo de sa fillette Chelsea pour les fins de recherche de contrats de publicité.  Mme Sepulveda lui aurait dit qu’elle tenterait de l’aider en contactant ses connaissances dans le milieu.  Elles auraient aussi échangé sur leur travail respectif.  En apprenant les fonctions de Mme Sepulveda, Mme Moreno lui aurait fait part de son désir d’acheter un Régime d’Épargne de Retraite Enregistré (REER).

[10]       Il y aurait eu deux (2) ou trois (3) rencontres.  Le nombre de ces rencontres variant selon la version des clientes ou de la partie intimée.

[11]       Aux dires de l’intimé, à l’audition, les fonctions de Mme Sepulveda au sein du cabinet de l’intimé, étaient d’assurer le service à la clientèle et de faire de la prospection de clients. 

[12]       Ce serait dans ce cadre que Mme Sepulveda a fait part à l’intimé de l’intérêt des clientes pour des REER.  Elle serait devenue conseillère en sécurité financière en 2003.

[13]       L’intimé aurait ensuite rencontré les clientes pour leur expliquer et leur faire souscrire les produits en cause.  Il se serait rendu au domicile des clientes à trois (3) reprises accompagné de Mme Sepulveda.  Si on en croit l’intimé, en tout temps, cette dernière n’aurait joué qu’un rôle d’assistante auprès de ses clientes. 

[14]       Ils auraient passé à travers le formulaire de la proposition d’assurance, l’intimé posant les questions en français et Mme Sepulveda traduisant en espagnol aux clientes.

[15]       Au moment des événements, Mme Pinzon, âgée de dix-huit (18) ans, était caissière à temps partiel au super marché Carnaval.  Sa mère, Mme Moreno, seul soutien de famille, vivait avec ses deux (2) filles, Mme Pinzon et Chelsea.

[16]       Mme Moreno et sa fille Mme Pinzon ont déclaré avoir vu l’intimé pour la première fois le 31 mai 2007, premier jour d’audition devant ce comité.  Elles affirment n’avoir en aucun temps fait affaires avec l’intimé[1].

[17]       Selon Mme Moreno, elle a téléphoné à Mme Sepulveda pour prendre un rendez-vous, cette dernière lui ayant été référée par une amie qui connaissait son désir d’acquérir un REER pour acheter éventuellement une maison.  Lors de cette première rencontre, après avoir échangé sur leurs occupations respectives, Mme Sepulveda lui aurait expliqué en quoi consistait un REER et combien elle devrait payer par mois. 

[18]       La majeure partie de cette première rencontre se serait passée entre Mesdames Moreno et Sepulveda seulement.

[19]       Ce serait vers la fin de cette rencontre que Mme Pinzon, revenant de son travail au Supermarché, aurait fait connaissance avec Mme Sepulveda.  Celle-ci lui aurait dit qu’investir dans un REER serait aussi intéressant pour la jeune femme afin d’économiser pour sa retraite ou pour s’acheter une maison.  Elle lui aurait demandé son âge et si elle avait un travail.  Tous ces échanges se seraient passés en espagnol.

[20]       Une deuxième rencontre eut lieu pour procéder à la signature des propositions d’achat d’un REER.  Selon Mme Pinzon, les documents à signer «étaient déjà placés avec des petites broches, déjà comme, je savais déjà où aller».[2] Aussi, Mme Sepulveda leur aurait dit «de ne pas inscrire les dates, qu’elle les mettrait après»[3]

[21]       La livraison des polices aurait eu lieu lors de la troisième rencontre.  Les deux (2) clientes ont affirmé que malgré le mot «police» inscrit sur les documents, elles n’avaient pas saisi ou réalisé qu’il s’agissait d’une police d’assurance-vie et non d’un REER seulement.

[22]       Selon Mme Pinzon, aucune des questions apparaissant sur la proposition ne lui ont été posées par Mme Sepulveda.  Il n’y aurait eu aucune question sur sa situation financière, ses revenus, ses dettes ou ses biens, sauf pour lui demander si elle avait un travail et si elle pouvait payer soixante dollars (60,00 $) par mois.

[23]       La police d’assurance de Mme Moreno porte la date du 28 février 2002 mais la proposition d’assurance indique à ses différentes pages tantôt la date du 28 janvier tantôt la date du 28 février 2002 (P-2).

ANALYSE ET DÉCISION

Chefs 1 et 4

[24]       Ces deux (2) chefs reprochent à l’intimé d’avoir signé les propositions d’assurance vie de la compagnie RBC à titre de témoin alors qu’il n’a jamais rencontré les personnes à assurer, contrevenant ainsi aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

«34. Le représentant doit fournir aux assureurs les renseignements qu’il est d’usage de leur fournir.»

«35. Le représentant ne doit pas exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente.»

[25]       De façon générale, les versions de la partie plaignante et intimée sont contradictoires.  Le comité a procédé à une revue exhaustive des témoignages fournis lors des auditions ainsi que de l’entrevue du 12 juin 2006 (P-6) et estime que la prépondérance de preuve milite en faveur des clientes. 

[26]       Des contradictions ont été relevées dans les témoignages de la partie intimée alors que Mesdames Moreno et Pinzon se sont exprimées de façon claire et précise.  Leur version des faits est demeurée constante, logique et s’est révélée plus vraisemblable.  En effet, quel intérêt auraient-elles à déclarer n’avoir jamais rencontré l’intimé?  Le comité les croit.  Quant au témoignage de l’intimé, il est plus que douteux et ne peut être retenu.  Ainsi, le comité préfèrera les témoignages des clientes à ceux de l’intimé et de Mme Sepulveda. 

[27]       Par exemple, lors de l’entrevue du 12 juin 2006 (P-6 page 11), l’intimé a déclaré que la proposition avait été remplie par Mme Sepulveda expliquant qu’elle était en formation car elle voulait obtenir son permis d’assurance.  Toutefois, à l’audition, il dira que les fonctions de Mme Sepulveda étaient seulement d’assurer le service à la clientèle et de faire de la prospection de clients.

[28]       Toujours à l’entrevue du 12 juin (P-6 page 7), au sujet des fonctions de Mme Sepulveda, l’intimé dira qu’elle était «agent d’immeuble dans le temps et qui, bien, c’était une période où l’immeuble, ça n’allait pas très bien, et je lui avais proposé de travailler dans le télémarketing parce qu’on voulait développer le marché des Espagnols d’Amérique du Sud et, (…)».  Mme Sepulveda, a fait la même déclaration quant à son occupation en tant qu’agent d’immeuble devant le comité.  Or, le comité apprit, par la contre preuve faite par la plaignante[4], qu’elle n’était pas inscrite en tant qu’agent d’immeuble au moment de son embauche par l’intimé en 2000 et même que cela faisait plusieurs années qu’elle ne pratiquait plus à ce titre. 

[29]       Plus loin, afin d’expliquer en quoi consistait «faire du télémarketing», l’intimé dira « Téléphoner à des gens espagnols, leur proposer des assurances ou proposer des régimes de retraite et de…» (P-6 page 7).  Quand la syndic questionnera le fait pour Mme Sepulveda de «proposer les produits», l’intimé, piégé, tentera tant bien que mal de se reprendre. Un peu plus loin, il reconnaîtra, bien que Mme Sepulveda ne détienne pas de permis, la possibilité pour celle-ci d’avoir procédé à la présentation de produits.  Il tentera de se reprendre en affirmant qu’elle le faisait toujours en présence d’un représentant détenant un permis.  Et encore plus tard, l’intimé se ravisera pour dire qu’elle ne faisait que traduire au client (P-6 page 19 et 20).  Le comité ne peut accorder aucune crédibilité à l’intimé.

[30]       Au sujet du déroulement de la première rencontre avec les clientes, l’intimé raconta qu’il posait les questions en français et que Mme Sepulveda les traduisait en espagnol aux clientes.  Or, tant Mme Moreno que Mme Pinzon témoignèrent en français devant le comité, Mme Pinzon déclarant même connaître davantage le français que l’espagnol, ayant fait toutes ses études en français. 

[31]       Aussi, comment croire que Mme Sepulveda procédait à la traduction du français à l’espagnol alors qu’elle a témoigné en anglais, affirmant ne pas être à l’aise en français.  De plus, celle-ci a été incapable, lorsque du contre-interrogatoire, d’expliquer bon nombre de termes et maladies énumérées dans la version française de la proposition.  Enfin, s’il était nécessaire de traduire, pourquoi indiquer à la proposition que la personne à assurer comprenait, lisait et écrivait en français (P-2 p. 040 et P-4 p. 062) ce que l’intimé, lui-même, reconnaît au cours de l’entrevue du 12 juin 2006 (P-6).

[32]       Mme Sepulveda a déclaré avoir fixé une première rencontre en février 2002[5] avec M. Amar, elle-même et les clientes.  Pour sa part, l’intimé a dit les avoir rencontré pour la première fois le 28 janvier 2002. 

[33]       Bien que les dates apparaissant à la proposition d’assurance de Mme Moreno (P-2) diffèrent d’une page à l’autre, il est plus vraisemblable que la rencontre ait eu lieu en janvier 2002.  En effet, la date inscrite à la page 039 est le 28 janvier 2002.  Par ailleurs, aux pages 036 et 040 de la proposition d’assurance (P-2) on note qu’il y a eu modification du mois de janvier (01) pour y inscrire plutôt le mois de février (02).  À la page 042, c’est encore le 28 janvier 2002.  Notons également que les illustrations jointes à la proposition portent la date du 28 janvier 2002, ce qui est confirmé par les inscriptions informatisées au bas des pages.

[34]       Aux dires de l’intimé, il aurait changé la date initiale du 28 janvier 2002 pour celle du 22 février 2002 parce que Mme Moreno disait ne pas pouvoir payer avant le 28 février 2002.  Cela ne pouvait justifier la falsification de la date réelle de la proposition.

[35]       De plus, une autre fausse information est transmise quant à la déclaration de non fumeur apparaissant sur la proposition de Mme Moreno.  En effet, cette dernière déclare non seulement être une fumeuse mais avoir fumé lors des rencontres en compagnie de Mme Sepulveda. 

[36]       Il ressort de l’ensemble de la preuve que l’intimé, malgré avoir déjà été déclaré coupable d’une même infraction commise en 1997 (P-8), a récidivé.  Dans toute cette affaire, l’intimé a agi avec malhonnêteté et mauvaise foi.  Il a tenté d’induire en erreur la compagnie d’assurance avec laquelle il transigeait et, par son témoignage, le comité lui-même.

[37]       Les agissements de l’intimé ne sont pas ceux d’un professionnel honnête, consciencieux et soucieux de l’intérêt de ses clients.  Il n’avait qu’un but, vendre des contrats d’assurance à tout prix et était prêt à enfreindre la Loi pour le faire.

[38]       Le comité déclare l’intimé coupable sur les chefs 1 et 4.

Chefs 2 et 5

[39]       Ces chefs reprochent à l’intimé d’avoir fait défaut de procéder à l’analyse prévue à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités de représentant et de ce fait contrevient aux articles 6 et 27 de la LDPSF :

«6.  Le représentant en assurance de personnes doit, avant de faire remplir une proposition d’assurance, analyser avec le preneur ou l’assuré ses besoins d’assurance, les polices ou contrats qu’il détient, leurs caractéristiques, le nom des assureurs qui les ont émis et tout autre élément nécessaire, tels ses revenus, son bilan financier, le nombre de personnes à charge et ses obligations personnelles et familiales. Il doit consigner par écrit ces renseignements.»

 

«27. Un représentant en assurance doit recueillir personnellement les renseignements nécessaires lui permettant d’identifier les besoins d’un client afin de lui proposer le produit d’assurance qui lui convient le mieux.»

 

[40]       L’analyse des besoins doit être faite et le représentant se doit d’y procéder. L’intimé a avoué à l’enquêteur ne pas y avoir procédé (I-5).  Il ne savait pas non plus que Mme Moreno détenait une police d’assurance avec la London Life pour sa fille.  Il dit avoir proposé ce seul produit, disant que c’était le produit à la mode.  Il ressort clairement de la preuve que l’intimé n’a pas procédé à l’analyse de besoins financiers tel que requis et il est évident que l’intimé n’a pas personnellement recueilli les renseignements compte tenu des conclusions auxquelles est arrivé le comité pour les chefs 1 et 4. 

[41]       Le comité déclare en conséquence l’intimé coupable des chefs 2 et 5.

Chefs 3 et 6

[42]       Il est reproché à l’intimé de ne pas s’être assuré ou de ne pas avoir veiller à ce que Mme Sepulveda, son employée et/ou mandataire, respectent les dispositions 3, 12, 13 et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière en ayant représenté aux clientes que le produit (police d’assurance-vie de la compagnie RBC) qu’elle leur proposait était la seule façon au Québec d’investir dans un REER. 

«3. Le représentant doit veiller à ce que ses employés ou mandataires respectent les dispositions du présent règlement de même que celles de la Loi sur la Distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et celles de ses règlements d’application.»

 

«12.  Le représentant doit agir envers son client ou tout client éventuel avec probité et en conseiller consciencieux, notamment en lui donnant tous les renseignements qui pourraient être nécessaires ou utiles. Il doit accomplir les démarches raisonnables afin de bien conseiller son client.»

 

«13.  Le représentant doit exposer à son client ou à tout client éventuel, de façon complète et objective, la nature, les avantages et les inconvénients du produit ou du service qu’il lui propose et s’abstenir de donner des renseignements qui seraient inexacts ou incomplets.»

 

«16.  Nul représentant ne peut faire, par quelque moyen que ce soit, des déclarations ou des représentations incomplètes, fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur.»

[43]       Il incombe au représentant non seulement de clairement expliquer le produit à son client mais de l’informer des différents produits qui peuvent répondre à ce qu’il recherche.  Il est évident que cela n’a pas été fait.  Le seul produit offert fut cette police d’assurance vie avec un avenant REER.  Aux dires de l’intimé, c’était le produit à la mode.  Le représentant se doit non seulement d’expliquer la portée du document mais de lire les questions et réponses avec le client, ce qui, de toute évidence, n’a pas été fait.  Les explications de l’intimé n’ont fait que confirmer que son but n’était pas de vendre au client le produit qui répondait à ses besoins mais de lui vendre un produit à tout prix.  L’intimé a délibérément menti au comité.  Comment peut-on croire que l’intimé veillait à ce que Mme Sepulveda respecte la Loi et les règlements, alors que lui-même les enfreint.  L’ensemble des témoignages de l’intimé et de Mme Sepulveda n’inspirent aucune crédibilité. 

[44]       Le comité déclare l’intimé coupable des chefs 3 et 6.

PAR CES MOTIFS le comité de discipline :

DÉCLARE l’intimé coupable de tous les chefs de la plainte;

 

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de fixer une date et une heure pour l’audition de la preuve et des représentations des parties sur sanction.

 

 

 

 

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(s) Ginette Racine

Mme Ginette Racine A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

(s) Claude Trudel

M. ClaudeTrudel A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Lynne Chlala

BORDEN, LASNER GERVAIS

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Philippe Gariépy

Procureur de la partie intimée

 

 

Dates d’audience :

31 mai, 1er juin et 27 août 2007

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0653

 

DATE :

22 mai 2009

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

Mme Ginette Racine, A.V.C.

Membre

M. Claude Trudel, A.V.A.

Membre

______________________________________________________________________

 

ME MICHELINE RIOUX, en qualité de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

BENOÎT AMAR, conseiller en sécurité financière et conseiller en assurance et rentes collectives

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]        Le 11 décembre 2008, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage à Montréal pour entendre la preuve et les représentations sur sanction suite à la déclaration de culpabilité rendue le 17 septembre 2008 par ce même comité.

[2]        L’intimé a été déclaré coupable sur les six chefs d’accusation portés contre lui.

[3]        Les procureurs des parties n’offrirent aucune preuve sur sanction se limitant chacun à des représentations. 


REPRÉSENTATIONS DES PARTIES SUR SANCTION

[4]        La procureure de la plaignante recommanda les sanctions suivantes :

    Une amende de 6 000 $ pour chacun des chefs 1 et 4 et de 2 500 $ pour chacun des chefs 2 et 5, pour un total de 17 000 $;

    Une radiation temporaire de trois mois sur les chefs 3 et 6 à purger de façon concurrente laissant la publication de la décision à la discrétion du comité;

    Les déboursés y compris les frais de publication de la décision le cas échéant.

[5]        Le procureur de l’intimé suggéra les sanctions suivantes :

    Une amende de 2 000 $ sur chacun des chefs 1, 2, 4 et 5;

    Aucune sanction pour les chefs 3 et 6.

[6]        Rappelant que les chefs 1 et 4 constituent une récidive pour l’intimé qui a un antécédent disciplinaire datant de 1997 sur des infractions (P-8) de même nature, la plaignante renvoya le comité aux paragraphes 36 et 37 de sa décision sur culpabilité où il souligne le caractère malhonnête du témoignage de l’intimé.  Elle fit valoir que le caractère dissuasif de la sanction quant à ces chefs avait un rôle important à jouer, l’intimé ayant démontré par sa récidive qu’il n’avait pas appris la leçon.  Elle ajouta qu’il ne pouvait non plus plaider le manque d’expérience exerçant la profession depuis plus de 20 ans. Elle indiqua que, bien que modestes à cause des moyens limités des clientes, les primes ne leur avaient jamais été remboursées par l’intimé.

[7]        Selon la procureure de la plaignante, tous et chacun des chefs font appel à des fautes objectives graves, dont l’absence d’analyse de besoins et des représentations trompeuses, lesquelles vont au cœur de la profession. Elle allégua que le principe de la gradation des sanctions devait être suivi surtout dans le cas des chefs 1 et 4 constituants des récidives.

[8]        Pour supporter l’amende de 6 000 $ demandée pour chacun des chefs 1 et 4, elle soutint que, contrairement aux décisions[6] soumises, aucun des faits atténuants mentionnés tels qu’un plaidoyer de culpabilité, un repentir et une première offense ne se retrouvaient en l’espèce.

[9]        Le procureur de l’intimé, pour sa part, contesta toutes et chacune des recommandations de la plaignante. Il souleva le fait que son client avait 68 ans, qu’il pratiquait depuis plus de 20 ans, qu’il avait une clientèle d’environ 300 clients et qu’à son avis, de ce fait, M. Amar jouissait d’une excellente réputation et que les comportements reprochés ne pouvaient être compatibles avec une telle réputation soit celle d’un individu qui a vraiment servi sa clientèle.  Il invoqua que si son client avait été négligent ou insouciant, il ne serait pas intervenu lors du défaut de paiement des primes de ses clientes alors qu’il est intervenu auprès de la compagnie RBC.  À son avis, ceci démontrait qu’il se souciait de ses clients. 

[10]     Quant aux chefs 3 et 6, il soutint que la radiation constituait une sanction beaucoup trop grave ajoutant qu’elle serait dévastatrice pour l’intimé qui supervise cinq représentants.  Quant aux frais, il laissa le tout à la discrétion du comité, mais demanda un délai de douze (12) mois pour le paiement des amendes. 


ANALYSE ET DÉCISION

[11]     Par ses représentations le procureur de l’intimé contesta les conclusions du comité sur la culpabilité de son client.  Le comité ne peut considérer ces arguments à ce stade-ci de l’instance. 

Chefs 1 et 4

[12]     Pour ces deux chefs, l’intimé a été trouvé coupable d’avoir signé les propositions d’assurance vie de la compagnie RBC à titre de témoin alors qu’il n’a jamais rencontré les personnes à assurer.

[13]     Parmi les facteurs subjectifs retenons que l’intimé a accumulé plus de 20 ans de pratique.  En 1999, il a été condamné pour des infractions de même nature commises en 1997 alors qu’il avait 10 ans de pratique, d’où l’antécédent disciplinaire (P-8) soulevé par la procureure de la plaignante.  Soulignant le manque de rigueur et de professionnalisme de l’intimé, le comité de l’époque, composé d’une autre formation, le condamna à une amende modeste étant donné qu’il avait plaidé coupable, qu’il s’agissait d’une première offense et qu’il n’y avait pas de preuve de malhonnêteté.

[14]     Force est de constater que l’intimé n’a pas appris de cette expérience.  Il reprend ou persiste dans cette façon de faire.  Le présent comité a eu l’occasion d’entendre l’intimé et d’apprécier sa crédibilité et sa version des faits.  Il a conclu à sa culpabilité préférant les témoignages des consommatrices dont la version des faits lui a paru plus probable que celle de l’intimé et de son assistante, Mme Sepulveda.

[15]     Aussi, la perte financière des clientes bien qu’objectivement faible est importante pour ces dernières et ne saurait constituer un facteur atténuant.  Il est ressorti de la preuve sur culpabilité que l’intimé ciblait la clientèle hispanophone.  Cette clientèle, étant composée majoritairement d’immigrants, se révèle une clientèle généralement moins fortunée et plus vulnérable. 

[16]     Son procureur invoqua que si M. Amar avait été négligent ou insouciant, il ne serait pas intervenu auprès de la compagnie RBC lors du défaut de paiement des primes pour éviter la déchéance de la police.  À son avis, cela démontrerait le souci de l’intimé pour ses clients.  Le comité estime, contrairement au procureur de l’intimé, que la preuve a démontré dans son ensemble que les agissements de M. Amar ne sont pas ceux d’un professionnel honnête, consciencieux et soucieux de l’intérêt de ses clients.  Le comité y voit plutôt l’intérêt pour l’intimé de s’assurer que les polices demeurent en vigueur sans quoi ses commissions de renouvellement prendraient fin.

[17]     La procureure de la plaignante a soulevé le principe de la gradation des sanctions en présence d’une récidive.  Les décisions[7] soumises par la plaignante à l’appui des sanctions pour ces chefs ordonnent des amendes variant entre 600 $ et 3 000 $.  Même s’il est vrai que dans ces dossiers les intimés n’avaient pas d’antécédent disciplinaire et que dans deux de ceux-ci ils ont collaboré à l’enquête en enregistrant un plaidoyer de culpabilité et en formulant des recommandations communes, il ressort néanmoins de ces décisions qu’une amende de 2 000 $ paraît la norme pour des infractions de cette nature.  En outre dans la présente affaire, contrairement à l’affaire Tremblay où ce dernier a fait procéder aux signatures de 9 clients sur plusieurs documents sans jamais les rencontrer, les fautes commises par l’intimé se sont limitées à un document pour chacune des deux clientes.

[18]     Le comité est d’avis qu’une amende de 6 000 $ pour chacun des chefs revêtirait un caractère punitif.  Dans Ouellet c. Médecins[8], le Tribunal des professions a examiné la fonction dissuasive d’une sanction disciplinaire :

 

«Il est exact que la finalité du droit disciplinaire québécois n'est pas de punir le professionnel visé mais plutôt d'assurer la protection du public lorsque celle-ci peut être menacée, et cette finalité doit comporter un volet dissuasif auprès de l'ensemble des membres d'une profession.»

[19]     Cependant, puisqu’il s’agit d’une récidive, il y a lieu de fixer une amende plus élevée que la norme et de condamner l’intimé à une amende de 3 000 $ sur chacun des chefs 1 et 4 pour un total de 6 000 $.

Chefs 2 et 5

[20]     Ces deux chefs visent le défaut de procéder à l’analyse de besoins.  L’intimé qui pratique depuis plus de 20 ans a avoué à l’enquêteur ne pas y avoir procédé[9]. Il a aussi reconnu ne pas savoir que Mme Moreno détenait une police d’assurance avec la London Life pour sa fille.  Tel que rapporté dans les décisions[10] soumises par la procureure de la plaignante et en particulier dans l’affaire Haddaoui[11], l’analyse de besoins représente la pierre d’assise permettant aux représentants d’évaluer les besoins de leurs clients et de faire une recommandation appropriée de produits.  La norme suivie pour ce genre d’infraction se révèle être une amende de 2 500 $.  Le comité ne voit pas, en l’espèce, d’éléments pour y déroger.  Par conséquent, l’intimé sera condamné à une amende de 2 500 $ sur chacun de ces chefs pour un total de 5 000 $.


Chefs 3 et 6

[21]     Ces chefs reprochent à l’intimé de ne pas s’être assuré ou de ne pas avoir veillé à ce que Mme Sepulveda, son employée et/ou mandataire, respecte les dispositions du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière en représentant aux clientes que le produit (police d’assurance-vie de la compagnie RBC) qu’elle leur proposait était la seule façon d’investir dans un REÉR au Québec. 

[22]     L’intimé a déclaré au comité, à l’audition sur culpabilité, qu’il avait proposé que ce seul produit, expliquant que c’était le produit à la mode. 

[23]     Tel que souligné par la procureure de la plaignante, l’argument du procureur de l’intimé qualifiant d’excellente la réputation de son client n’est supporté par aucune preuve.  Au surplus, l’intimé n’a, en aucun temps, exprimé de repentir ou quelque regret des faits reprochés.

[24]     Par ailleurs, la recommandation d’une radiation de trois mois sur chacun de ces chefs basée sur les décisions[12] fournies par la procureure de la plaignante soulève encore une fois la question du caractère punitif de la sanction.  Parmi les affaires soumises, entre autres dans l’affaire Thériault[13], des radiations d’un (1) an à être purgées de façon concurrente ont été ordonnées suite à la culpabilité de l’intimé sur environ 12 chefs ayant trait à des informations fausses et trompeuses à l’égard de neuf consommateurs.  Quant à l’affaire Parent[14] où une radiation de trois mois a été ordonnée, le caractère faux et trompeur des informations ou représentations fournies était d’une ampleur différente de celle-ci en plus d’avoir entraîné des conséquences financières beaucoup plus importantes pour les clients.  Il en est de même dans le cas d’Arnovitz[15].

[25]     C’est pourquoi, le comité croit qu’une radiation d’un mois à être purgée de façon concurrente pour chacun des chefs 3 et 6 constitue une sanction juste et raisonnable.

[26]     Le comité condamnera également l’intimé aux déboursés.

[27]     Concernant la demande faite par l’intimé d’un délai de douze mois pour payer les amendes, laquelle ne fut pas contestée par la plaignante, le comité l’accordera étant conscient de l’importance des déboursés que ce dernier aura à défrayer en l’espèce. 

 

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $ sur chacun des chefs 1 et 4;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 2 500 $ sur chacun des chefs 2 et 5;

ACCORDE à l’intimé un délai de 12 mois pour le versement desdites amendes sous peine de déchéance du terme et sous peine de non renouvellement de son certificat émis par l’Autorité des marchés financiers dans toutes les disciplines où il lui est permis d’agir;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé à être purgée de façon concurrente pour une période d’un (1) mois sur chacun des chefs 3 et 6;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l'intimé un avis de la présente décision dans un journal où l'intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l'article 156 (5) du Code des professions;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26).

 

 

 

 

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(s) Ginette Racine

Mme Ginette Racine, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

(s) Claude Trudel

M. Claude Trudel, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Lynne Chlala

BORDEN LADNER GERVAIS

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Philippe Gariépy

Procureur de la partie intimée

 

 

Date d’audience :

11 décembre 2008

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1] Notes sténographiques du 31 mai 2007 pages 91 ligne 25; page 18 ligne 1 et 11; page 25 lignes 12 et 13.

[2] Notes sténographiques du 31 mai 2007 page 25 lignes 12 et13.

[3] Notes sténographiques du 31 mai 2007 page 33 lignes 14-18 et 25.

[4] Notes sténographiques du 27 août 2007 pages 32-35.

[5] Notes sténographiques du 31 mai 2007page 209 ligne 15.

[6] Thibault c. Tremblay (CD00-0618), Thibault c. Hamel (CD00-0604) et Rioux c. Vaillancourt (CD00-0595).

 

[7] Précitées note 1.

[8] 2006 QCTP 74 paragraphe 61.

[9] Voir pièce I-5 produit lors de l’audition sur la culpabilité.

[10] Rioux c. Haddaoui (CD00-0622), Rioux c. Jean (CD00-0602) et Rioux c. Dépatie (CD00-0601).

[11] Précitée note 5.

[12] Rioux c. Thériault (CD00-0583), Rioux c. Parent (CD00-0567) et Rioux c. Arnovitz (CD00-0527).

[13] Précitée note 7.

[14] Précitée note 7.

[15] Précitée note 7.

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