Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0726

 

DATE :

10 août 2009

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Marie Guédo, Pl. Fin.

Membre

Mme Louise Bordeleau

Membre

______________________________________________________________________

 

Me VENISE LÉVESQUE, ès qualités de syndic adjoint par intérim de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. ARMANDO ODORICO

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 12 mai 2009, aux locaux de la Commission des lésions professionnelles du Québec sis au 500, boulevard René-Lévesque Ouest, 18e étage, Montréal, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni et a procédé à l'audition d'une plainte portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« À L’ÉGARD DE LA SUCCESSION DE SON CLIENT FEU ANDRÉ SPEIGHT

1.             À Laval, l’intimé ARMANDO ODORICO, agissant à titre de liquidateur de la succession de son client, feu André Speight, a posé un acte dérogatoire à l’honneur et la dignité de sa profession, en s’appropriant sans droit les sommes suivantes des avoirs de la succession :

1)             le ou vers le 5 juillet 1999, la somme de 5 000 $;

2)             le ou vers le 21 février 2000, la somme de 300 $;

3)             le ou vers le 29 août 2000, la somme de 1 650 $;

4)             le ou vers le 5 octobre 2000, la somme de 3 600 $;

5)             le ou vers le 19 octobre 2000, la somme de 1 260 $;

6)             le ou vers le 27 octobre 2000, la somme de 2 500 $;

7)             le ou vers le 5 novembre 2000, la somme de 500 $;

8)             le ou vers le 20 novembre 2000, la somme de 725 $;

9)             le ou vers le 22 novembre 2000, la somme de 575 $;

10)          le ou vers le 1er décembre 2000, la somme de 725 $;

11)          le ou vers le 3 janvier 2001, la somme de 1 000 $;

12)          le ou vers le 2 février 2001, la somme de 1 475 $;

13)          le ou vers le 9 février 2001, la somme de 350 $;

14)          le ou vers le 21 mars 2001, la somme de 500 $;

15)          le ou vers le 2 avril 2001, la somme de 1 150 $;

16)          le ou vers le 12 avril 2001, la somme de 1 150 $;

17)          le ou vers le 30 avril 2001, la somme de 975 $;

18)          le ou vers le 30 avril 2001, la somme de 450 $;

19)          le ou vers le 2 mai 2001, la somme de 1 450 $;

20)          le ou vers le 10 mai 2001, la somme de 950 $;

21)          le ou vers le 16 mai 2001, la somme de 350 $;

22)          le ou vers le 30 juin 2001, la somme de 2 795 $;

23)          le ou vers le 14 juillet 2001, la somme de 1 050 $;

24)          le ou vers le 20 juillet 2001, la somme de 1 125 $;

25)          le ou vers le 28 juillet 2001, la somme de 1 350 $;

26)          le ou vers le 30 juillet 2001, la somme de 1 125 $;

27)          le ou vers le 10 août 2001, la somme de 450 $;

28)          le ou vers le 31 août 2001, la somme de 1 250 $;

29)          le ou vers le 25 octobre 2001, la somme de 1 520 $;

30)          le ou vers le 3 novembre 2001, la somme de 975 $;

31)          le ou vers le 15 novembre 2001, la somme de 1 125 $;

32)          le ou vers le 20 novembre 2001, la somme de 885 $;

33)          le ou vers le 30 décembre 2001, la somme de 425 $;

34)          le ou vers le 17 janvier 2002, la somme de 1 125 $;

35)          le ou vers le 24 janvier 2002, la somme de 725 $;

36)          le ou vers le 2 février 2002, la somme de 1 000 $;

37)          le ou vers le 20 février 2002, la somme de 2 425 $;

38)          le ou vers le 18 avril 2002, la somme de 480 $;

39)          le ou vers le 18 juillet 2002, la somme de 420 $;

40)          le ou vers le 22 juillet 2002, la somme de 225 $;

41)          le ou vers le 25 septembre 2002, la somme de 1 025 $;

42)          le ou vers le 28 septembre 2005, la somme de 5 000 $;

43)          le ou vers le 30 septembre 2005, la somme de 8 000 $;

contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2), aux articles 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D‑9.2, r.1.01) et aux articles 59.2 et 152 du Code des professions (L.R.Q., c. C‑26);

2.             À Laval, l’intimé ARMANDO ODORICO, agissant alors à titre de liquidateur de la succession de son client, feu André Speight, n’a pas agi avec intégrité et a posé un acte dérogatoire à l’honneur et la dignité de sa profession, en distribuant sans droit les sommes suivantes des avoirs de la succession :

1)            le ou vers le 7 novembre 2000, la somme de 15 000 $;

2)            le ou vers le 31 décembre 2000, la somme de 1 300 $;

3)            le ou vers le 5 octobre 2001, la somme de 1 200 $;

4)            le ou vers le 10 novembre 2001, la somme de 475 $;

contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D‑9.2), aux articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D‑9.2, r.1.01) et aux articles 59.2 et 152 du Code des professions (L.R.Q., c. C‑26); »

[2]           D'entrée de jeu, le comité permit à la plaignante d'amender le chef numéro 1 afin qu'au paragraphe 39 la date y indiquée soit corrigée pour se lire le 18 juillet « 2003 », afin qu'au paragraphe 41 la date y indiquée soit corrigée pour se lire le 25 septembre « 2003 », ainsi que pour y biffer la référence à l'article 59.2 du Code des professions. La plaignante fut également autorisée à amender le chef numéro 2 pour qu'y soit aussi biffée la référence à l'article 59.2 du Code des professions.

[3]           L'audition procéda ensuite sur la plainte amendée.

LES FAITS

[4]           Selon la preuve présentée au comité, le contexte factuel auquel se rattachent les chefs d'accusation peut se résumer comme suit :

[5]           M. André Speight (M. Speight) était l'ami personnel ainsi que le beau-frère de l'intimé (ayant marié la sœur de ce dernier).

[6]           M. Speight était aussi son client. Celui-ci avait en effet, par l'entremise de l'intimé, souscrit le 2 août 1996, sur la vie de son fils Kevin, une police d'assurance-vie auprès de La Métropolitaine, compagnie d'assurance-vie (pièce P-8).

[7]           Le 10 juin 1997, M. Speight signe un testament notarié. Il y constitue son fils mineur Kevin légataire universel de ses biens et nomme l'intimé à titre de liquidateur de sa succession.

[8]           Le 25 mai 1999, M. Speight décède. L'intimé obtient alors en vertu de la loi la « saisine » des biens du défunt.

[9]           Ceux-ci consistent essentiellement en un immeuble en co-propriété ainsi qu'en des produits d'assurance totalisant environ 160 000 $.

[10]        Dans l'exercice de son mandat de liquidateur, l'intimé tire illégalement sur le compte bancaire de la succession de nombreux chèques en sa faveur, en faveur de son épouse ainsi qu'en faveur de ses deux (2) filles. Il fait malheureusement défaut de remplir adéquatement les devoirs de sa charge. Il fait fi des règles d'éthique qui doivent gouverner sa conduite.

[11]        Le 21 novembre 2005, à la suite de procédures intentées conjointement par l'héritier M. Kevin Speight et par sa mère Mme Carole Hervieux (Mme Hervieux), le juge Guy Arsenault de la Cour supérieure le déchoit de sa charge et nomme Mme Hervieux en remplacement.

MOTIFS ET DISPOSITIF

Chef numéro 1

[12]        Ce chef d'accusation amendé reproche à l'intimé, alors qu'il agissait à titre de liquidateur de la succession de son client, feu André Speight, d'avoir alors posé un acte dérogatoire à l'honneur et à la dignité de la profession en s'appropriant sans droit les sommes suivantes :

1)      le ou vers le 5 juillet 1999, la somme de 5 000 $;

2)      le ou vers le 21 février 2000, la somme de 300 $;

3)      le ou vers le 29 août 2000, la somme de 1 650 $;

4)      le ou vers le 5 octobre 2000, la somme de 3 600 $;

5)        le ou vers le 19 octobre 2000, la somme de 1 260 $;

6)      le ou vers le 27 octobre 2000, la somme de 2 500 $;

7)      le ou vers le 5 novembre 2000, la somme de 500 $;

8)        le ou vers le 20 novembre 2000, la somme de 725 $;

9)        le ou vers le 22 novembre 2000, la somme de 575 $;

10)     le ou vers le 1er décembre 2000, la somme de 725 $;

11)     le ou vers le 3 janvier 2001, la somme de 1 000 $;

12)     le ou vers le 2 février 2001, la somme de 1 475 $;

13)     le ou vers le 9 février 2001, la somme de 350 $;

14)     le ou vers le 21 mars 2001, la somme de 500 $;

15)     le ou vers le 2 avril 2001, la somme de 1 150 $;

16)     le ou vers le 12 avril 2001, la somme de 1 150 $;

17)     le ou vers le 30 avril 2001, la somme de 975 $;

18)     le ou vers le 30 avril 2001, la somme de 450 $;

19)     le ou vers le 2 mai 2001, la somme de 1 450 $;

20)     le ou vers le 10 mai 2001, la somme de 950 $;

21)     le ou vers le 16 mai 2001, la somme de 350 $;

22)     le ou vers le 30 juin 2001, la somme de 2 795 $;

23)     le ou vers le 14 juillet 2001, la somme de 1 050 $;

24)     le ou vers le 20 juillet 2001, la somme de 1 125 $;

25)     le ou vers le 28 juillet 2001, la somme de 1 350 $;

26)     le ou vers le 30 juillet 2001, la somme de 1 125 $;

27)     le ou vers le 10 août 2001, la somme de 450 $;

28)     le ou vers le 31 août 2001, la somme de 1 250 $;

29)     le ou vers le 25 octobre 2001, la somme de 1 520 $;

30)     le ou vers le 3 novembre 2001, la somme de 975 $;

31)     le ou vers le 15 novembre 2001, la somme de 1 125 $;

32)     le ou vers le 20 novembre 2001, la somme de 885 $;

33)     le ou vers le 30 décembre 2001, la somme de 425 $;

34)     le ou vers le 17 janvier 2002, la somme de 1 125 $;

35)     le ou vers le 24 janvier 2002, la somme de 725 $;

36)     le ou vers le 2 février 2002, la somme de 1 000 $;

37)     le ou vers le 20 février 2002, la somme de 2 425 $;

38)     le ou vers le 18 avril 2002, la somme de 480 $;

39)     le ou vers le 18 juillet 2003, la somme de 420 $;

40)     le ou vers le 22 juillet 2002, la somme de 225 $;

41)     le ou vers le 25 septembre 2003, la somme de 1 025 $;

42)     le ou vers le 28 septembre 2005, la somme de 5 000 $;

43)    le ou vers le 30 septembre 2005, la somme de 8 000 $;

le tout en contravention de l'article 16 de la L.D.P.S.F., des articles 11, 17 et 35 du Code de déontologie de la CSF, ainsi que de l'article 152 du Code des professions.

Chef numéro 2

[13]        Ce chef d'accusation reproche à l'intimé, alors qu'il agissait à titre de liquidateur de la succession de son client feu André Speight, d'avoir alors posé un acte dérogatoire à l'honneur et à la dignité de la profession en distribuant sans droit les sommes suivantes des avoirs de la succession :

1)    le ou vers le 7 novembre 2000, la somme de 15 000 $;

2)    le ou vers le 31 décembre 2000, la somme de 1 300 $;

3)    le ou vers le 5 octobre 2001, la somme de 1 200 $;

4)    le ou vers le 10 novembre 2001, la somme de 475 $;

[14]        Or, de l'ensemble de la preuve présentée au comité, il lui faut d'abord conclure que l'intimé a fait défaut de respecter le mandat qui lui avait été confié à titre de liquidateur de la succession de M. Speight.

[15]        Dans sa gestion des biens, l'intimé a fait défaut d'agir en personne responsable. Il s'est comporté comme si le testateur lui avait laissé la libre disposition de ceux-ci. Il a profité de la situation pour se faire des prêts à lui-même, à son épouse et à ses deux (2) filles.

[16]        La preuve présentée au comité a clairement révélé que l'intimé a commis les actes d'infidélité et de dissipation qui lui sont reprochés aux deux (2) chefs d'accusation (sauf en ce qui a trait à la somme de 5 000 $ mentionnée au sous-paragraphe 42 du chef numéro 1 qui aurait été versée au légataire de la succession, M. Kevin Speight).

[17]        Cela n'exclut pas que l'intimé ait posé certains actes dans l'intérêt du légataire et que ce dernier ait profité à certains moments de ses services. L'intimé aurait par exemple (si l'on se fie à son témoignage), procédé à certaines mesures conservatoires au bénéfice de celui-ci, notamment en s'occupant de l'entretien et du paiement des dépenses reliées à un immeuble qu'il lui a transféré. Il n'en demeure pas moins cependant qu'en fin de compte il a dissipé en bonne partie les biens de la succession.

[18]        Selon ce qu'a révélé la preuve, il est possible de penser qu'au départ l'intimé ait été incapable, pour cause de maladie (il souffrait alors de dépression) ou autrement, de remplir adéquatement sa tâche. Son état de santé chancelant aurait dû cependant l'amener à renoncer à sa charge. Il ne l'a pas fait.

[19]        À compter de 2001 et par la suite, après que son état de santé se soit vraisemblablement rétabli, plutôt que de corriger le tir, il a poursuivi dans la même veine qu'auparavant.

[20]        Pour des motifs personnels et au surplus sans aucune garantie de remboursement pour la succession, à partir des sommes appartenant à celle-ci, il s'est, tel que précédemment invoqué, consenti illégalement à lui-même ainsi qu'à son épouse et à ses deux (2) filles bon nombre de prêts. Il admet d'ailleurs devoir une somme de l'ordre de 60 000 $ à l'héritier.

[21]        Il s'agit plus que de simples irrégularités dans l'administration des biens de la succession. Les nombreux actes fautifs de l'intimé sont entachés d'incapacité légale et d'un manque de probité.

[22]        L'intimé a clairement manqué aux devoirs de sa charge. À titre de liquidateur de la succession, il représentait le « de cujus » et devait composer avec les restrictions et les obligations que la loi lui imposait dans l'exercice de son mandat. Il devait placer les argents de la succession et en administrer les biens dans le meilleur intérêt du légataire.

[23]        L'intimé s'est montré indigne de la confiance que lui avait témoignée le testateur. Il a démontré son incapacité à administrer les biens de la succession dans l'intérêt de l'héritier mineur.

[24]        Aussi, après qu'il eut dissipé les biens de la succession, il a été déchu de sa charge par jugement de la Cour supérieure.

[25]        Mais a-t-il commis en se comportant de la sorte les fautes disciplinaires qui lui sont reprochées?

[26]        Pour répondre à la question, soulignons d'abord que les chefs d'accusation portés contre l'intimé font entre autres référence aux articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière qui peuvent difficilement trouver application en l'espèce puisqu'ils font tous deux (2) état de fautes commises par un représentant dans l'exercice de ses activités professionnelles.

[27]        Comme les fautes reprochées à l'intimé n'ont pas été commises dans l'exercice de la profession, le comité doit s'interroger sur sa juridiction à sanctionner ce dernier à l'égard de fautes commises en dehors du cadre de ses activités professionnelles. Il lui faut à cet effet examiner si les autres dispositions législatives évoquées par la plaignante aux deux (2) chefs d'accusation et notamment l'article 152 du Code des professions peuvent trouver application en l'espèce.

[28]        L'article 152 du Code des professions se lit comme suit :

« 152. Le conseil décide privativement à tout tribunal, en première instance, si l'intimé a commis une infraction visée à l'article 116.

En l'absence d'une disposition du présent code, de la loi constituant l'ordre dont l'intimé est membre ou d'un règlement adopté conformément au présent code ou à cette loi et applicable au cas particulier, le conseil décide de la même manière :

1e si l'acte reproché à l'intimé est dérogatoire à l'honneur ou à la dignité de la profession ou à la discipline des membres de l'ordre;

2e si la profession, le métier, l'industrie, le commerce, la charge ou la fonction que l'intimé exerce est incompatible avec l'honneur, la dignité ou l'exercice de la profession. »

[29]        La plaignante soumet qu'en vertu de cette disposition législative, certaines activités de la vie privée peuvent être l'objet de sanctions disciplinaires lorsque comme en l'espèce elles sont de nature à compromettre l'honneur ou la dignité de la profession.

[30]        Si elle souligne que les gestes fautifs de l'intimé n'étaient pas complètement étrangers à ses activités professionnelles puisque M. Speight était son client, elle soutient que la juridiction du comité de discipline ne se limite pas de toute façon aux seuls actes réservés posés par les représentants.

[31]        Elle invoque que, dans les circonstances du cas en l'espèce, les actes reprochés à l'intimé sont de la compétence du comité de discipline de la même façon que les actes qu'il aurait pu avoir posés dans l'exercice de la profession.

[32]        Après réflexion, le comité partage l'avis de la plaignante.

[33]        En effet, même si le droit disciplinaire vise d'abord et avant tout à sanctionner le comportement du professionnel dans l'exercice de sa profession, et même si généralement la conduite des membres de la profession en dehors du cadre de l'exercice de celle-ci n'est pas du ressort du comité de discipline, la juridiction de celui-ci, comme celle de la Chambre, ne se limite pas au strict domaine des actes réservés.

[34]        Ainsi le Code de déontologie de la Chambre réglemente davantage que le seul exercice par ses membres des actes qui leur sont exclusifs. À titre d'exemple, il leur impose des devoirs et obligations notamment envers les autres représentants. Il leur interdit de dénigrer, dévaloriser ou discréditer un autre représentant (ou un assureur ou une institution financière) et l'article 32 du Code de déontologie qui édicte la règle qui précède ne prévoit pas qu'il soit nécessaire que l'acte fautif ait été perpétré dans l'exercice de la profession.

[35]        Aussi, tel que le souligne l'auteur Mario Goulet[1] cité par le Tribunal des professions dans l'affaire Henrik Nowodworski c. Jacques Guilbault et Procureure générale du Québec[2] : « En raison de la préservation de la confiance du public envers la profession, il n'est pas nécessaire de prouver qu'un acte fautif a été perpétré dans l'exercice de la profession, ou à l'occasion de l'exercice de la profession. »

[36]        De plus, le Tribunal des professions a énoncé dans l'affaire Tribunal des professions c. Comptables généraux licenciés-1[3] ce qui suit : « La doctrine reconnaît que certains faits de la vie privée, même s'ils sont étrangers à l'activité professionnelle proprement dite, peuvent faire l'objet d'une action disciplinaire lorsqu'ils sont de nature à compromettre la dignité et l'honneur du corps professionnel ou s'ils causent scandale. »

[37]        Ainsi le comité de discipline a le pouvoir de sanctionner les comportements qui seraient de nature à compromettre la dignité et l'honneur de la profession même s'ils sont étrangers à l'activité professionnelle.

[38]        En l'espèce il est reproché à l'intimé des actes répétitifs d'appropriation de fonds. Les fautes commises par ce dernier révèlent que la probité, une qualité essentielle à l'exercice de la profession lui fait défaut.

[39]        Le législateur a reconnu que la probité est l'une des qualités indispensables à l'exercice des activités du représentant. En vertu de l'article 220 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, l'Autorité des marchés financiers peut refuser de délivrer un certificat si elle est d'avis que celui qui le demande ne possède pas la probité nécessaire pour exercer les activités du représentant.

[40]        Si le législateur a jugé cette qualité indispensable à l'exercice de la profession c'est qu'elle touche directement au lien de confiance qui doit exister entre le représentant et son client et tel que l'a déjà reconnu le comité : « La crédibilité que le public accorde aux membres de la Chambre de la sécurité financière et l'utilisation de leurs services dépendent d'abord de leur intégrité »[4].

[41]        En somme, les fautes de l'intimé comportent un degré de gravité et un caractère de redite tel qu'elles entachent et portent atteinte à l'honneur et la dignité de la profession. Elles nuisent à la réputation de l'ensemble de celle-ci.

[42]        Ajoutons en terminant que même si les gestes reprochés à l'intimé n'ont pas été commis à l'occasion de l'exercice de la profession, ils n'étaient pas néanmoins complètement étrangers à ses activités professionnelles. M. Speight ayant été son client, il existe tout de même, possiblement, à partir de cet aspect des choses, un lien entre l'exercice de la profession et les agissements de l'intimé.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l'intimé coupable des chefs d'accusation 1 et 2 contenus à la plainte amendée;

CONVOQUE les parties avec l'assistance de la secrétaire du comité de discipline à une audition sur sanction.

 

 

 

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Marie Guédo_____________________

Mme MARIE GUÉDO, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Louise Bordeleau__________________

Mme LOUISE BORDELEAU

Membre du comité de discipline

 

 

Me Paul Déry-Goldberg

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

L'intimé se représente lui-même

 

Date d’audience :

12 mai 2009

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0726

 

DATE :

15 juillet 2010

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Marie Guédo

Membre

Mme Louise Bordeleau

Membre

______________________________________________________________________

 

Me VENISE LÉVESQUE, ès qualités de syndic adjoint par intérim de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. ARMANDO ODORICO

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           À la suite de sa décision sur culpabilité, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni le 1er avril 2010 au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition sur sanction.

[2]           Alors que la plaignante déclara n’avoir aucune preuve à offrir, l’intimé témoigna pour son compte.

[3]           Les parties présentèrent ensuite au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[4]           La plaignante, par l’entremise de son procureur, débuta ses représentations en indiquant au comité que compte tenu de la nature des infractions commises par l’intimé elle réclamait la radiation permanente de ce dernier sur chacun des chefs d’accusation portés contre lui.

[5]           Elle mentionna qu’elle suggérait également au comité de rendre une ordonnance de remboursement de la somme de 60 000 $ que l’intimé a reconnu devoir à la succession de M. André Speight lors de l’audition sur culpabilité[5].

[6]           À cet égard, elle souligna l’article 156 du Code des professions qui prévoit la possibilité pour le comité de discipline d’imposer au professionnel déclaré coupable d’une infraction visée à l’article 116, l’obligation de « remettre à toute personne à qui elle revient une somme d’argent » qu’il « détient ou devrait détenir pour elle ».

[7]           À titre de facteur atténuant, elle concéda l’absence chez l’intimé d’antécédents disciplinaires.

[8]           Elle déclara ensuite que ce dernier ne détenait plus aucun permis d’exercice depuis le 11 juillet 2006 alors qu’il avait débuté dans la profession comme stagiaire le ou vers le 24 mai 1995.

[9]           Elle poursuivit en mentionnant qu’à son avis l’intimé n’avait à date manifesté aucun réel remords pour les fautes objectivement très graves qu’il avait commises.

[10]        Puis, elle soumit au comité, au soutien de ses recommandations, un cahier d’autorités qu’elle commenta.

[11]        Elle termina en recommandant au comité d’ordonner la publication de la décision et de condamner l’intimé au paiement des déboursés.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[12]        Ce dernier débuta en indiquant que depuis les événements reprochés il avait été « mis en faillite » par Mme Carole Hervieux, la mère de M. Kevin Speight, l’héritier de la succession de M. André Speight.

[13]        Il mentionna par ailleurs que le montant qu’il reconnaissait devoir à la succession était de l’ordre de 52 000 $ et non de 60 000 $.

[14]        Il indiqua qu’à la suite des événements en cause, il avait perdu son emploi en 2006 et que depuis lors, il avait cessé d’œuvrer dans le domaine de la distribution des produits financiers et/ou d’assurance.

[15]        Il déclara n’avoir aucune intention de reprendre l’exercice de la profession tout en mentionnant cependant qu’il ne croyait néanmoins pas devoir être radié de façon permanente pour ce qu’il a qualifié d’une « affaire de famille ».

[16]        Il termina en déclarant avoir agi sans intention coupable, dans ce qu’il considérait être le meilleur intérêt du légataire de la succession.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[17]        L’intimé, qui a débuté dans l’exercice de la profession en 1995, n’a aucun antécédent disciplinaire.

[18]        Il a cessé, depuis le ou vers le 11 juillet 2006, d’exercer la profession.

[19]        Les fautes pour lesquelles il a été reconnu coupable n’ont pas été commises dans l’exercice de la profession.

[20]        L’intimé, en tant que liquidateur de la succession de son ami et client M. André Speight, a manqué aux devoirs de sa charge. Non seulement a-t-il alors démontré son incapacité à administrer les biens de la succession dans l’intérêt de l’héritier mineur, mais il s’est de plus illégalement approprié une partie de ceux-ci.

[21]        Bien que les fautes commises par l’intimé relèvent d’abord de sa vie privée, ces fautes, consistant en des actes répétitifs d’appropriation de fonds, ont démontré que la probité, une qualité essentielle à l’exercice de la profession, lui a fait défaut.

[22]        La profession exige de ses membres la plus haute honnêteté et les infractions commises par l’intimé portent gravement atteinte à l’honneur et à la dignité de celle-ci.

[23]        Cependant, compte tenu que les infractions reprochées sont étrangères aux activités professionnelles de l’intimé et considérant tant les éléments objectifs que les éléments subjectifs propres à ce dossier, le comité est d’avis qu’une sanction de radiation de cinq (5) ans sur chacun des chefs d’accusation 1 et 2 à être purgée de façon concurrente serait une sanction juste et appropriée qui tiendrait compte des caractéristiques particulières de l’affaire.

[24]        Relativement à la demande de la plaignante d’obtenir du comité une ordonnance condamnant l’intimé à rembourser une somme de 60 000 $ à la succession, bien qu’il ne croit pas devoir se rallier (sans toutefois se prononcer) à la proposition de l’intimé voulant qu’ayant fait cession de ses biens et ayant par la suite été libéré de sa faillite, il serait maintenant affranchi de ses dettes envers la succession, le comité n’entend néanmoins pas y donner suite.

[25]        D’une part, il n’est pas certain que la disposition législative invoquée par la plaignante doive trouver application dans une situation où les sommes détournées n’étaient pas détenues par le professionnel à l’occasion de l’exercice de sa profession.

[26]        D’autre part, la précarité de la preuve offerte ne lui permet pas de quantifier précisément et exactement les montants « détenus » par l’intimé et appartenant à la succession.

[27]        Par ailleurs, le comité n’ayant aucun motif de ne pas y souscrire, il suivra la recommandation de la plaignante relativement à la publication de la décision et à la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sur chacun des chefs d’accusation 1 et 2 contenus à la plainte :

ORDONNE la radiation temporaire de l'intimé pour une période de cinq (5) ans à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal circulant où ce dernier a son domicile professionnel ou en tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions, L.R.Q., chap. C-26;

CONDAMNE             l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.

 

 

 

 

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Marie Guédo

Mme MARIE GUÉDO

Membre du comité de discipline

 

(s) Louise Bordeleau

Mme LOUISE BORDELEAU

Membre du comité de discipline

 

 

Me Paul Déry-Goldberg

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

L'intimé se représente lui-même

 

Date d’audience :

1er avril 2010

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 



[1]     Le droit disciplinaire des corporations professionnelles, Les Éditions Yvon Blais, à la page 54.

[2]     Henrik Nowodworski c. Jacques Guilbault et Procureure générale du Québec (T.P. Montréal le 17 janvier 2001, dossier numéro 500-07-000305-007).

[3]     Tribunal des professions c. Comptables généraux licenciés-1, 1980 D.D.C.P. p. 295.

[4]     Mme Léna Thibault c. M. Stéphane Charest, décision du 3 septembre 2008, CD00-0685.

[5]     Le comité en fait état au paragraphe 20 de sa décision sur culpabilité.

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