Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0783

 

DATE :

20 avril 2011

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Jean-Marc Clément

Président

Mme Catherine Felber, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, es qualité de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

ARCANGELO BIAGIONI, conseiller en sécurité financière (certificat 152 749)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           Le comité de discipline s’est réuni au 300, rue Léo-Pariseau, 26ième étage à Montréal le 19 octobre 2010 et le 21 février 2011 pour procéder à l'audition d'une plainte portée contre l'intimé.

[2]           Lors de l’audition du 19 octobre 2010, l’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’égard des chefs 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 13 de la plainte amendée.  La plaignante a demandé et a été autorisée à retirer les chefs 2, 3 et 4 de la dite plainte.

[3]           L’intimé se représentait seul le 19 octobre. Le comité s’est alors assuré qu’il comprenait bien la nature des infractions qui lui étaient reprochées et des conséquences de son plaidoyer. Le comité satisfait de ses réponses, a pris acte du plaidoyer.

[4]           Il a alors été décidé de fixer immédiatement la date de l’audition sur la sanction au 20 janvier 2011.

[5]           Le 19 janvier 2011, une demande de remise a été formulée par le nouveau procureur de l’intimé, Me Serge Tremblay.  Cette demande a été accordée et de consentement des parties, l’audition sur la sanction a été fixée au 21 février 2011.

[6]           Lors de l’audition sur la culpabilité, le comité était composé de trois membres toutefois l’une des membres, Madame Denise Tétreault, a dû se retirer depuis pour des raisons de santé.

[7]           L’article 119 du Code des professions (L.R.Q. c. C-26) prévoit que l’instruction d’une plainte peut être validement poursuivie et une décision peut être validement rendue par les deux autres membres, lorsqu’un membre est empêché d’agir.

LA PLAINTE AMENDÉE

1.            (…) ;

2.            À Montréal, le ou vers le 26 septembre 2006, l’intimé ARCANGELO BIAGIONI a fait défaut d’agir avec intégrité et en conseiller consciencieux en faisant annuler par son client Nicola Franceschini la police d’assurance-vie portant le numéro R435,406-1, en vigueur depuis 1982, le jour même où il lui faisait souscrire la nouvelle proposition d’assurance-vie portant le numéro F439,450-8, causant un découvert d’assurance, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et aux articles 11, 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

3.            À Montréal, le ou vers le 26 octobre 2007, l’intimé ARCANGELO BIAGIONI a fait défaut d’exercer ses activités avec compétence, honnêteté et intégrité en  falsifiant la date de proposition, la date de signature et le numéro de contrat sur un formulaire intitulé «Proposition électronique d’assurance – Déclaration et autorisation» (…) de son client, Nicola Franceschini, puis en transmettant cette page ainsi modifiée à la Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et aux articles 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

4.            À Montréal, le ou vers le 26 mars 2007, l’intimé ARCANGELO BIAGIONI a fait défaut d’exercer ses activités avec compétence, honnêteté et intégrité en falsifiant la date de proposition, la date de signature et le numéro de contrat sur un formulaire intitulé «Proposition électronique d’assurance – Déclaration et autorisation» (…) de son client, Nicola Franceschini, puis en transmettant cette page ainsi modifiée à la Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et aux articles 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

5.            À Montréal, le ou vers le 26 avril 2007, l’intimé ARCANGELO BIAGIONI a fait défaut d’exercer ses activités avec compétence, honnêteté et intégrité en falsifiant la date de proposition et la date de signature sur un formulaire intitulé «Proposition électronique d’assurance – Déclaration et autorisation» (…) de sa cliente, Diane Lajoie, puis en transmettant cette page ainsi modifiée à la Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et aux articles 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

6.            À Montréal, le ou vers le 26 avril 2007, l’intimé ARCANGELO BIAGIONI a fait défaut d’exercer ses activités avec compétence, honnêteté et intégrité en falsifiant la date de proposition et la date de signature sur un formulaire intitulé «Electronic insurance application – Declaration and authorization» (…) de son client, Antonio Grillo, puis en transmettant cette page ainsi modifiée à la Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et aux articles 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

7.            À Montréal, le ou vers le 13 août 2007, l’intimé ARCANGELO BIAGIONI a fait défaut d’exercer ses activités avec compétence, honnêteté et intégrité en falsifiant le numéro de contrat sur un formulaire intitulé «Proposition électronique d’assurance – Déclaration et autorisation» (…) de son client, Enzo Ciccarone, puis en transmettant cette page ainsi modifiée à la Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et aux articles 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

8.            À Montréal, le ou vers le 25 novembre 2004, l’intimé ARCANGELO BIAGIONI a fait défaut d’exercer ses activités avec compétence, honnêteté et intégrité en falsifiant la date de proposition et la date de signature sur un formulaire intitulé «Proposition électronique d’assurance – Déclaration et autorisation» (…) de son client, Karol Merkus, puis en transmettant cette page ainsi modifiée à la Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et aux articles 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

9.            À Laval, le ou vers le 25 mai 2005, l’intimé ARCANGELO BIAGIONI a fait défaut d’exercer ses activités avec compétence, honnêteté et intégrité en falsifiant la date de proposition et la date de signature sur un formulaire intitulé «Electronic insurance application – Declaration and authorization» (…) de son client, Ido Hayoun, puis en transmettant cette page ainsi modifiée à la Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et aux articles 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

10.         À Laval, le ou vers le 25 août 2005, l’intimé ARCANGELO BIAGIONI a fait défaut d’exercer ses activités avec compétence, honnêteté et intégrité en  falsifiant la date de proposition et la date de signature sur un formulaire intitulé «Electronic insurance application – Declaration and authorization» (…) de client, Ido Hayoun, puis en transmettant cette page ainsi modifiée à la Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et aux articles 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

11.         À Laval, le ou vers le 27 juin 2005, l’intimé ARCANGELO BIAGIONI a fait défaut d’exercer ses activités avec compétence, honnêteté et intégrité en  falsifiant la date de proposition, la date de signature de son client et le numéro de contrat sur un formulaire intitulé «Proposition électronique d’assurance – Déclaration et autorisation» (… ) de son client, Ido Hayoun, puis en transmettant cette page ainsi modifiée à la Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et aux articles 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

12.         (…);

13.         À St-Lin-Laurentides, le ou vers le 9 novembre 2006, l’intimé ARCANGELO BIAGIONI a fait défaut d’exercer ses activités avec compétence, honnêteté et intégrité en falsifiant la date de deux propositions et la date de deux signatures de sa cliente sur un formulaire intitulé «Proposition électronique d’assurance – Déclaration et autorisation» (…) de sa cliente, Natacha Pasteur Plasse, puis en transmettant ces pages ainsi modifiées à la Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et aux articles 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01).

LA PREUVE DE LA PLAIGNANTE

PREUVE DOCUMENTAIRE

[8]           La plaignante a produit 9 pièces P-1 à P-9. Parmi ces pièces on retrouve l’attestation de droit de pratique émis par l’Autorité des marchés financiers (AMF), les lettres d’avertissement de Clarica, maintenant connue sous le nom de la Financière Sun Life, et deux décisions antérieures rendues par le comité de discipline contre l’intimé dans le dossier CD00-0581, l’une sur culpabilité et l’autre sur sanction.

[9]           L’intimé détient un certificat en assurances de personnes pour le cabinet Industrielle Alliance, Assurance et services financiers Inc. (Industrielle) portant le numéro 152 749 émis par l’AMF.

[10]        Ce certificat est assorti de 5 conditions suivant une décision rendue le 4 mars 2010 par l’AMF. Ces conditions sont :

-       « Le représentant doit exercer ses activités à titre de représentant rattaché à un ou des cabinets dont il n’est pas le dirigeant responsable ou l’administrateur;

-       « Le représentant doit, pour une période de deux ans, exercer ses activités sous la responsabilité d’une personne nommée par le dirigeant responsable et du cabinet auquel il est rattaché lesquels superviseront toutes ses activités de représentant;

-       « Le représentant doit, pour une période de deux ans, faire contresigner toutes les propositions d’assurances par une personne nommée par le dirigeant responsable du cabinet auquel il est rattaché;

-       « Le représentant devra faire parvenir un rapport relatif à la conformité de toutes les transactions effectuées, de toutes les propositions et du taux de conservation des polices vendues à la Direction des OAR, de l’indemnisation et des pratiques en matière de distribution.  Le rapport devra être envoyé avant les 1er février 2011 et 2012 afin de pouvoir procéder au renouvellement du certificat n 152 749;

-       « Le représentant ne doit pas agir à titre de superviseur pour un postulant dans le domaine des services financiers. »[1]

PREUVE TESTIMONIALE

[11]        La plaignante a fait entendre Madame Claude Campeau, gestionnaire en conformité à l’emploi de la Financière Sun Life.

[12]        Madame Campeau a expliqué que certaines situations déclenchent la vérification d’un bloc d’affaires.  Une fois que cette vérification est effectuée, le résultat est communiqué au représentant et une surveillance étroite peut être mise en place. Cette surveillance dure généralement six mois. Durant cette période, le directeur du centre financier concerné doit examiner toutes les transactions du représentant et rendre compte de cet examen.

[13]        Elle produit alors des lettres des 12 octobre 2005 (P-3), 4 juillet 2006 (P-4) et 22 juin 2007 (P-5), adressées à l’intimé par Clarica.  Ces lettres avisent en effet l’intimé de plusieurs irrégularités contenues dans les propositions d’assurance qu’il soumet pour ses clients, dont entre autres : des dates de naissance et renseignements bancaires incorrects, des pages de signatures photocopiées ou modifiées, des ventes répétées, des taux de rétention bas, des remplacements de polices non dénoncés, des renseignements manquants.

[14]        Selon le témoin, après le troisième avis, l’intimé a été mis sous surveillance pour une durée d’une année.

[15]        Le 27 mars 2008, Financière Sun Life a mis fin au contrat de conseiller de l’intimé (P-6).

LA PREUVE DE L’INTIMÉ

PREUVE DOCUMENTAIRE

[16]        La preuve de l’intimé consiste en trois lettres de Clarica produites en liasse sous la cote I-1 et de son propre témoignage.

[17]        Ces lettres datées des 11 décembre 2006, 11 juin 2007 et 14 décembre 2007, sont des lettres de remerciement et de félicitations de l’employeur pour la contribution de l’intimé aux succès de son centre financier et pour sa qualification au niveau 1.

PREUVE TESTIMONIALE

[18]        L’intimé a témoigné. Son témoignage révèle au comité ce qui suit.

[19]        Il est aujourd’hui conseiller en assurances au service de l’Industrielle.

[20]         Il oeuvre dans le domaine des assurances depuis 8 ans. Auparavant, l’intimé opérait un commerce de téléphones cellulaires.

[21]        Lors de ses deux premières années dans le domaine de l’assurance, il était rattaché à la compagnie d’assurance Combined d’Amérique et œuvrait en assurance invalidité et maladie. Cet emploi s’est terminé par un congédiement car, dit-il, il « avait fait signer quelqu’un la signature de l’autre ».

[22]        Suite à son congédiement, il obtient une certification en assurance-vie et joint Clarica en 2004. Il y reste jusqu’à un nouveau congédiement le 27 mars 2008.

[23]        Il soutient qu’il continue d’être sous surveillance en raison de l’enquête et des plaintes de la Chambre de la sécurité financière.

[24]         Il ajoute que c’est parce qu’il était sous surveillance qu’on a trouvé des erreurs dans son travail mais que tous les représentants font des erreurs.

[25]        Enfin, s’il doit être trouvé coupable de quelque chose, c’est de « paperasse ».

[26]        À l’Industrielle, il n’a pas de problème mais demeure sous surveillance.

[27]        Il dit qu’il essaie de changer de clientèle en allant chercher de nouveaux clients dans sa famille.

[28]        Il termine en disant que s’il est radié, il ne trouvera plus d’emploi.

PRÉTENTIONS DE LA PLAIGNANTE

[29]        La plaignante soumet que les chefs d’infraction numéros 5 à 11 et 13 de la plainte amendée sont des infractions de gravité objective élevée car ils concernent des  falsifications d’informations faites par l’intimé et soumises au nom du client à l’assureur. Ce sont des actes prémédités, biaisés voire malhonnêtes. L’intimé ne pouvait pas ne pas savoir que ces agissements étaient prohibés. L’intimé a démontré un manque évident de professionnalisme.

[30]         La gravité subjective des infractions est aussi élevée car l’intimé continue de pratiquer sa profession de façon incompétente et ce malgré les nombreux avis de ses employeurs et une décision disciplinaire antérieure[2]. Il y a donc un risque élevé de récidive. Il ne reconnaît pas ses fautes. Il n’a pas la volonté de s’amender et n’a pas de regret. Il n’a pas collaboré avec le syndic et a étiré les délais.

[31]        La plaignante demande en conséquence au comité que l’intimé soit radié temporairement pour une période de 3 mois sous chacun des 8 chefs d’infraction, ces sanctions devant courir d’une façon consécutive, pour un total de 24 mois.

[32]        La plaignante soumet les décisions rendues par le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière dans les affaires Boucher[3], Lembe[4] et Jarry[5] concernant les sanctions pour des infractions de contrefaçon ou de falsification.

[33]        Dans l’affaire Boucher, le comité a ordonné une radiation temporaire de deux mois au représentant déclaré coupable de s’être servi de pages de signature provenant de propositions d’assurance antérieures, de les avoir modifiées et de les avoir transmises par télécopieur à l’assureur au soutien de nouvelles propositions. Le représentant exerçait sa profession depuis 1993, avait démontré un sincère regret et s’était engagé à s’amender. De plus, le représentant avait démontré qu’il obtenait l’accord de ses clients.

[34]        Dans l’affaire Lembe, le comité a ordonné une radiation temporaire d’un mois au représentant déclaré coupable d’avoir modifié ou induit une tierce personne à modifier les dates et le numéro à la section « contrat ou proposition » et d’avoir transmis par télécopieur ces pages de signatures ainsi modifiées au soutien de nouvelles propositions d’assurance. Le représentant n’avait pas d’antécédent disciplinaire et les clients n’avaient pas subi de préjudice. De plus, l’intimé avait démontré une volonté de s’amender.

[35]        Dans l’affaire Jarry, le comité a ordonné une radiation temporaire de 3 mois à un  représentant déclaré coupable d’avoir contrefait ou incité un tiers à contrefaire la signature de ses clients sur un formulaire d’autorisation de transfert de placements enregistrés. Le représentant exerçait sa profession depuis 1975, avait une volonté de s’amender et la malhonnêteté ne caractérisait pas ses agissements.

[36]        Enfin, la plaignante soumet au comité des décisions portant sur les critères à appliquer pour décider si des sanctions doivent être purgées concurremment ou consécutivement et principalement l’affaire Paradis[6].

[37]        Dans l’affaire Paradis, le Tribunal des professions (le tribunal) considérait l’appel logé par un médecin vétérinaire qui avait été condamné à des radiations temporaires devant être purgées consécutivement.

[38]        Après avoir mentionné que l’article 156 4ième alinéa du Code des professions était de droit nouveau et prévoyait depuis 1994 que des sanctions peuvent être prononcées pour être purgées d’une façon consécutive lorsque, auparavant, en raison du silence du législateur sur la question, le Tribunal avait décidé que les sanctions devaient être purgées concurremment, le Tribunal considère qu’il y a lieu de s’inspirer du Code criminel pour décider si des sanctions peuvent être prononcées pour être purgées d’une façon consécutive, plus particulièrement de l’article 717, par. 4, qui reconnaît que des sentences peuvent être purgées consécutivement si une personne est déclarée coupable de plus d’une infraction et si des périodes d’emprisonnement sont imposées pour les infractions respectives. Toutefois, le Tribunal, s’appuyant sur deux arrêts de la Cour d’appel en matières criminelles, mentionne que deux tempéraments sont apportés à cette règle en matières criminelles. Le premier tempérament est que des peines devraient être concurrentes si les délits résultent d’un événement unique ou s’il agit d’actes criminels continus sauf les cas où la loi prescrit que la sentence doit être consécutive ou encore, si le tribunal estime que l’une des infractions formant partie de l’événement unique comporte un élément aggravant qui justifie une peine consécutive. Le deuxième tempérament est que l’effet cumulatif des sanctions ne résulte pas en une sentence disproportionnée par rapport à la culpabilité générale du délinquant.

[39]        Le comité en conclut qu’en matières disciplinaire, la règle est que les sanctions sont généralement prononcées pour être purgées concurremment sauf qu’elles peuvent être consécutives si le représentant est déclaré coupable de plus d’une infraction et que des périodes de radiation sont imposées pour chacun des chefs.

[40]        Dans le cas qui nous intéresse, comme dans le cas Paradis, l’infraction ne résulte pas d’un événement unique et l’effet cumulatif des sanctions demandées n’est pas disproportionnée par rapport à la globalité de la peine.

PRÉTENTIONS DE L’INTIMÉ

[41]        Le procureur de l’intimé soumet au comité que son client a enregistré un plaidoyer de culpabilité à la première occasion et que ni les clients ni l’employeur de l’intimé n’ont subi de préjudice ou pertes financières. Il cite le paragraphe 18 de la décision Royer[7] qui énumère les facteurs subjectifs à considérer pour déterminer la sanction appropriée en matière disciplinaire et qui sont : la présence ou l’absence d’antécédents disciplinaires, l’âge, l’expérience et la réputation du professionnel, le risque de récidive, la dissuasion, le repentir et les chances de réhabilitation du professionnel, la situation financière du professionnel et les conséquences pour les clients.

[42]        Selon lui, les victimes des agissements de l’intimé sont peu nombreuses, soit 6 sur 750 à 1000 clients. Il soumet que l’intimé n’avait pas beaucoup d’expérience dans le milieu et qu’il a déjà payé car il a été congédié de la Sun Life. De plus, il est aujourd’hui  sous surveillance continue. Les lettres de félicitations produites sous (I-1) démontrent que l’intimé conclut des contrats à la satisfaction des compagnies d’assurance.  Compte tenu de l’âge de l’intimé, la sanction recommandée par la plaignante serait trop sévère car elle aurait pour conséquence de le sortir complètement du domaine de l’assurance.

[43]        L’intimé soumet au comité qu’une amende raisonnable serait une sanction appropriée.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[44]        L’intimé a plaidé coupable aux chefs d’infraction numéros 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 13 de la plainte amendée. Les chefs d’infraction numéros 1 à 4 et 12 ont été retirés par la plaignante.

[45]        L’intimé s’est reconnu coupable de ces infractions autant lors de l’audition du 19 octobre 2010 que lors de celle du 21 février 2011 alors qu’il était cette fois accompagné de son avocat.  L’intimé sera donc reconnu coupable des chefs d’infractions numéros  5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 13.

[46]        Il y a alors lieu maintenant que le comité détermine la sanction appropriée pour ces infractions.

[47]        La plaignante a établi que la conduite de l’intimé ne semblait guère s’améliorer malgré des avertissements répétés de son employeur et la plainte déposée par le syndic de la chambre de sécurité financière dans le dossier CD00-0581.

[48]        D’ailleurs, la plaignante a fait remarquer au comité ce qui suit.

[49]        L’intimé a reçu 2 lettres d’avertissements de son employeur le 12 octobre 2005 et le 4 juillet 2006. (P-3 et P-4)

[50]        Or, lors de l’audition sur sanction du 14 juin 2007, dans le dossier CD00-0581, l’intimé :

« [5] […] souligna qu’à la suite de son congédiement, en janvier 2004, il était demeuré sans emploi jusqu’en juillet de la même année.

« [6] Il mentionna qu’il avait utilisé ce temps pour obtenir un certificat en assurance de personnes, ce qui lui avait permis d’être engagé en juillet 2004, à titre de représentant par l’assureur Sun Life. Depuis son embauche, aucun reproche ne lui aurait été adressé relativement à la qualité de son travail.

« [7] Il expliqua au comité qu’il reconnaissait volontiers que, relativement aux manquements mentionnés aux chefs d’accusation 2,3,et 4, il « n’avait pas fait la bonne chose » tout en précisant par ailleurs qu’il s’assurait dorénavant que tous les documents acheminés aux assureurs « soient en règle »[8]. (nos soulignés)

[51]        Le 22 juin 2007, il recevait un autre avis de son employeur (P-5).

[52]        Le comité n’est pas surpris du  témoignage de l’intimé lors de l’audition sur sanction. En effet, l’intimé continue dans le présent dossier de banaliser la gravité des actes qu’il a commis en les qualifiant d’erreurs de « paperasserie ».

[53]        Or la falsification de dates de propositions, de dates de signatures et de numéros de contrat sur des formulaires de propositions d’assurance ne sont pas, de l’avis du comité, des erreurs de  «paperasse».

[54]        Il tente de s’esquiver en affirmant maintenant devant le comité qu’il essaie de changer de clientèle en allant chercher des clients dans sa famille. Cette déclaration de l’intimé est surprenante d’autant plus que son employeur lui interdit de se « vendre des contrats d’assurance, pas plus qu’aux membres de votre famille ».[9]

[55]        Les lettres de félicitations produites sous la cote I-1, ne l’aident pas. Elles apparaissent plus comme des lettres type transmises à tous les représentants lorsque ceux-ci rencontrent leurs objectifs de vente. D’ailleurs, la dernière lettre (I-3) est datée du 14 décembre 2007 et l’intimé a été congédié le 27 mars 2008.

[56]        Les infractions pour lesquelles il a plaidé coupable dans le présent dossier n’ont pas un degré de gravité moindre que le chef 1 de la plainte du 19 mai 2005 qui aurait dû lui valoir une radiation selon le comité. Le chef 1 de la plainte se lisait en effet comme suit :

«1. À Montréal, le ou vers le 10 septembre 2003, l’intimé Arcangelo Biagioni a induit une tierce personne …..à contrefaire la signature de…..sur le formulaire de prélèvement automatique du client »

[57]        Le comité n’irait pas jusqu’à dire que l’intimé est un fraudeur mais il est assurément fourbe et perfide.

[58]        Le Code de déontologie vise à assurer la pratique intègre de la profession, soit avec une probité absolue.

[59]        Son inobservance des règles est évidente et il ne s’en soucie guère car il les qualifie de paperasserie.

[60]        En raison de la nature des infractions, la présente plainte ressemble plus aux plaintes des affaires Boucher et Lembe qu’à la plainte dans l’affaire Jarry citées par la plaignante.

[61]        Dans l’affaire Boucher, le représentant était déclaré coupable de s’être servi de pages de signature provenant de propositions d’assurance antérieures, de les avoir modifiées et de les avoir transmises par télécopieur à l’assureur au soutien de nouvelles propositions. Dans l’affaire Lembe, le représentant était déclaré coupable d’avoir modifié ou induit une tierce personne à modifier les dates et le numéro à la section « contrat ou proposition » et d’avoir transmis par télécopieur ces pages de signatures ainsi modifiées au soutien de nouvelles propositions d’assurance.  Dans le premier cas, la radiation a été de deux mois et dans le deuxième cas d’un mois.

[62]        Quatre (4) chefs (8, 9, 10 et 11) concernent des événements antérieurs à l’audition sur culpabilité de la plainte dans le dossier CD00-581 (les 16 et 17 janvier 2006) dans lequel il a été reconnu coupable de 4 chefs d’infraction.

[63]        Le comité considère que ces 4 chefs, soit les chefs 8, 9, 10 et 11 doivent entraîner une sanction moindre que les 4 chefs d’infraction qui concernent des événements postérieurs à l’audition sur culpabilité sur les chefs 5, 6, 7 et 13.

[64]        Pour ces chefs 8, 9, 10, 11 le comité imposera une radiation de 1 mois par chef comme dans l’affaire Lembe. Par contre, comme dans l’affaire Boucher, le comité imposera une radiation de 2 mois par chef pour les chefs 5, 6, 7 et 13.

[65]        Le comité se rend cependant à la demande de la plaignante à l’effet que les sanctions devraient purgées consécutivement.

[66]        En effet, l’article 156(4) du Code des professions prévoit que les sanctions peuvent être prononcées pour être purgée d’une façon consécutive.

[67]        Dans le présent cas, comme dans le cas de l’affaire Paradis, l’intimé est déclaré coupable de plus d’une infraction. De plus, des périodes de radiation temporaire sont imposées sous chacun des chefs. Il ne s’agit pas d’un événement unique mais de plusieurs événements et l’effet cumulatif des sanctions ne résulte pas en une sanction disproportionnée.

[68]        Au plan du paiement des déboursés, l’intimé devra les assumer.

[69]        Au plan de la publication de la décision, le comité ne voit aucune raison de ne pas suivre la règle habituelle qui veut que la décision soit publiée.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ :

 

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé à l’égard des chefs 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 13 de la plainte amendée;

AUTORISE le retrait des chefs 2, 3 et 4 de la plainte amendée;

DÉCLARE l’intimé coupable sous les chefs 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 13 de la plainte amendée;

Et procédant sur sanction :

Sous chacun des chefs 8, 9, 10, 11:

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de 1 mois à être purgée de façon consécutive pour un total de 4 mois (« radiation « A »);

Sous chacun des chefs 5, 6, 7, 13 :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de 2 mois à être purgée de façon consécutive pour un total de 8 mois (« radiation « B »);

ORDONNE que la «radiation «A» et que la «radiation «B» soient purgées consécutivement pour un total de 12 mois;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé et conformément aux dispositions de l’article 156 alinéa 5 du Code des professions (L.R.Q. chap. C-26), un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où l’intimé a exercé ou pourrait exercer sa profession;

CONDAMNE l'intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions (L.R.Q. chap. C-26).

 

 

 

 

(s) Jean-Marc Clément

Me Jean-Marc Clément

Président du comité de discipline

 

 

(s) Catherine Felber

Mme Catherine Felber, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Sylvie Poirier

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Serge Tremblay

Forget, Tremblay

Procureurs de la partie intimée

 

Dates d’audience :

19 octobre 2010 et 21 février 2011

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1] P-1.

[2] Rioux c. Biagioni, CD00-0581, 30 août 2006 (décision sur culpabilité) (P-7) et 10 septembre 2007 (décision sur sanction) (P-8).

[3] Lévesque c. Boucher, CD00-0700, 1er mai 2008.

[4] Lévesque c. Lembe, CD00-0701, 23 octobre 2008.

[5] Thibault c. Jarry, CD00-0764, 24 août 2010.

[6] Paradis c. Saucier, AZ-96041065, Tribunal des professions, 12 août 1996.

[7] Royer c. Rioux, AZ-50256424, Cour du Québec, 8 juin 2004.

[8] Rioux c. Biagioni, précité note 2, (décision sur sanction).

[9] P-5.

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