Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0703

 

DATE :

25 novembre 2008

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Albert Audet

Membre

Me Bernard Meloche, Pl. Fin.

Membre

_____________________________________________________________________

 

LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

ALEXANDRA CÔTÉ, représentante en épargne collective

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 2 septembre 2008, au siège social de la Chambre de la sécurité financière sis au 300, Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, le comité de discipline s'est réuni et a procédé à l'audition d'une plainte portée contre l'intimée ainsi libellée :

LA PLAINTE

« LUC DUBUC

 

1.             À Sherbrooke, le ou vers le 16 juin 1999, l’intimée Alexandra Côté a fait souscrire son client M. Luc Dubuc à un billet à ordre émis par Mount Real Acceptance Corporation au montant de 50 000 $, alors qu’elle n’était pas autorisée à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi à l’article 148 de la Loi sur les valeurs mobilières L.R.Q., c. V-1.1 ainsi qu’aux articles 192 et 234.1 du Règlement sur les valeurs mobilières, c. V-1.1, r.1;

2.             À Sherbrooke, le ou vers le 10 octobre 2001, l’intimée Alexandra Côté a fait souscrire son client M. Luc Dubuc à un billet à ordre émis par Mount Real Acceptance Corporation au montant de 50 000 $, alors qu’elle n’était pas autorisée à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers L.R.Q., c. D-9.2, aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières c. D-9.2, r. 1.1.2 ainsi qu’à l’article 9 du Code de déontologie de la chambre de la sécurité financière c. D-9.2, r.1.01;

3.             À Sherbrooke, le ou vers le 16 décembre 2002, l’intimée Alexandra Côté a fait souscrire son client M. Luc Dubuc à un billet à ordre émis par Mount Real Acceptance Corporation au montant de 50 000 $, alors qu’elle n’était pas autorisée à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers L.R.Q., c. D-9.2, aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières c. D-9.2, r. 1.1.2 ainsi qu’à l’article 9 du Code de déontologie de la chambre de la sécurité financière  c. D-9.2, r.1.01;

4.             À Sherbrooke, le ou vers le 21 octobre 2003, l’intimée Alexandra Côté a fait souscrire son client M. Luc Dubuc à un billet à ordre émis par Mount Real Acceptance Corporation au montant de 50 000 $, alors qu’elle n’était pas autorisée à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers L.R.Q., c. D-9.2, aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières c. D-9.2, r. 1.1.2 ainsi qu’à l’article 9 du Code de déontologie de la chambre de la sécurité financière  c. D-9.2, r.1.01;

JACQUELINE CÔTÉ

 

5.             À Sherbrooke, le ou vers le 2 juin 2003, l’intimée Alexandra Côté a fait souscrire sa cliente Mme Jacqueline Côté à un billet à ordre émis par Investissements Real Vest ltée au montant de 50 000 $, alors qu’elle n’était pas autorisée à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers L.R.Q., c. D-9.2, aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières c. D-9.2, r. 1.1.2 ainsi qu’à l’article 9 du Code de déontologie de la chambre de la sécurité financière  c. D-9.2, r.1.01; »

ADMISSIONS

[2]           D'entrée de jeu l'intimée, représentée par son procureur, produisit au dossier une admission à l'effet qu'aux périodes pertinentes elle détenait des certificats dans les disciplines du courtage en épargne collective et de l'assurance de personnes mais ne possédait pas de licence de courtier de plein exercice. L'admission portait également sur le fait que les placements en cause étaient des produits privés régis par la Loi sur les valeurs mobilières qui ont été vendus alors qu'aucun prospectus n'avait été préparé et qu'aucune dispense quant à l'obligation d'établir un prospectus n'avait été obtenue.

Chefs numéros 1, 2, 3 et 4 – M. Luc Dubuc

[3]           À ces chefs il est reproché à l'intimée d'avoir, aux dates y mentionnées, fait souscrire à son client, M. Luc Dubuc (M. Dubuc), des billets à ordre émis par Mount Real Acceptance Corporation (Mount Real) au montant de 50 000 $ alors qu'elle n'était pas autorisée en vertu de sa certification à offrir de tels placements.

[4]           Au plan du contexte factuel lié aux événements en cause, la preuve a révélé que l'intimée a fait la connaissance de M. Dubuc au printemps 1999 alors qu'il était le conjoint de sa tante, Mme Jacqueline Côté (Mme Côté) (elle-même concernée par le cinquième chef).

[5]           Selon sa version des faits, lors d'un souper de famille, M. Dubuc lui aurait fait part de sa volonté de l'encourager professionnellement.

[6]           Elle serait allée rencontrer M. Dubuc à ses bureaux le ou vers le 16 juin 1999. Ce dernier lui aurait déclaré qu'il disposait d'une somme de 50 000 $ et qu'il avait l'intention de « faire un investissement » dans un produit différent de ceux qu'il possédait déjà dans son portefeuille.

[7]           Comme il n'entendait pas investir dans des fonds mutuels ou des fonds distincts, l'intimée lui aurait mentionné les billets à ordre émis par la corporation Mount Real Acceptance dont elle avait entendu parler à l’occasion d’une séance d’information tenue dans le cadre de son emploi. Elle lui aurait alors cependant indiqué qu'elle n'était pas autorisée en vertu de ses certifications à les distribuer.

[8]           Lors de sa rencontre avec M. Dubuc, elle lui aurait expliqué que le montant minimum qui devait être souscrit était de 50 000 $.

[9]           Elle aurait avisé ce dernier du taux d'intérêt applicable aux billets et lui aurait souligné que ce taux était garanti pour une année.

[10]        Elle aurait également remis à M. Dubuc une « chemise à pochette » contenant plusieurs documents relatifs à la compagnie émettrice dont les états financiers de celle-ci, des communiqués de presse et un dépliant d'information émanant de cette dernière.

[11]        Elle lui aurait indiqué que ladite compagnie était cotée à la Bourse de l'Alberta et qu'il s'agissait d'une entreprise se spécialisant dans le domaine de la souscription de magazines.

[12]        Toutefois, bien qu'elle lui ait affirmé qu'elle ne pouvait les lui vendre, elle aurait néanmoins rempli avec M. Dubuc la formule d'adhésion ou de souscription auxdits billets et aurait ensuite transmis celle-ci avec le paiement nécessaire à un représentant autorisé.

[13]        En retour de ses efforts, elle aurait reçu un chèque de l'ordre de 375 $ dont environ 30 % aurait été remis à la succursale du cabinet pour lequel elle travaillait.

[14]        Néanmoins, selon ses prétentions, l'intimée n'aurait ni fait souscrire ni conseillé à M. Dubuc de faire l'acquisition du billet en cause. Elle lui aurait tout simplement indiqué que ce type de produit existait, lui aurait transmis des informations concernant la compagnie émettrice et l'aurait simplement assisté dans la préparation du document d'adhésion ou de souscription audit billet.

[15]        Lors de rencontres subséquentes avec M. Dubuc aux dates ou vers les dates mentionnées aux chefs d'accusation 2, 3 et 4, alors que ce dernier souscrivait à nouveau des billets à ordre de Mount Real, les événements se seraient déroulés essentiellement de la même façon.

Chef numéro 5 – Mme Jacqueline Côté

[16]        À ce chef, il est reproché à l'intimée d'avoir, à la date y mentionnée, fait souscrire à sa cliente Mme Côté un billet à ordre émis par Investissements Real Vest ltée (Real Vest) au montant de 50 000 $ alors qu'elle n'était pas autorisée en vertu de sa certification à offrir un tel placement.

[17]        La consommatrice en cause, tel que précédemment mentionné, est la tante de l'intimée.

[18]        Leurs relations d'affaires auraient débuté le ou vers le 22 janvier 1999.

[19]        Cette dernière disposait d'un avoir net qu'elle évaluait à environ 82 000 $. Elle choisit alors d'investir par l'entremise de l'intimée dans des fonds mutuels.

[20]        Quelques années plus tard, le ou vers le 2 juin 2003, encouragée ou incitée à investir dans des billets à ordre du groupe Mount Real par son conjoint de l'époque, M. Dubuc, qui, nous venons de le voir, en avait lui-même souscrit, Mme Côté aurait avisé sa nièce qu'elle désirait y placer une somme de 50 000 $.

[21]        M. Dubuc lui avait en effet fait part que le groupe Mount Real lui avait fidèlement versé par le passé les intérêts dus sur ses billets et que, puisqu'elle cherchait un placement à rendement supérieur, ceux-ci étaient le produit tout désigné pour elle.

[22]        Lors de leur rencontre, l'intimée lui aurait expliqué les risques et les avantages attachés auxdits billets. Elle lui aurait aussi indiqué, comme elle l'avait fait pour M. Dubuc, qu'elle n'était pas autorisée en vertu de ses certifications à les distribuer.

[23]        Comme à M. Dubuc, elle lui aurait expliqué que le montant minimum des billets était de 50 000 $ et que le taux d'intérêt était garanti pour une année. Quant au capital, elle lui aurait indiqué que tout allait dépendre évidemment de la solvabilité de la compagnie émettrice.

[24]        Elle lui aurait alors remis, comme à M. Dubuc, une « chemise à pochette » contenant plusieurs documents dont les états financiers de la compagnie émettrice, des communiqués de presse ainsi qu'un dépliant d'information relatif à celle-ci.

[25]        Elle aurait aussi indiqué à sa tante que la compagnie était cotée en Bourse en Alberta et qu'elle opérait dans le domaine de la souscription de magazines.

[26]        Elle l'aurait assistée à remplir la formule d'adhésion et de souscription puis aurait ensuite transmis celle-ci une fois complétée à un courtier de plein exercice. Pour son travail, elle aurait reçu un chèque d'environ 375 $. Elle aurait remis 30 % de la somme au cabinet auquel elle était rattachée.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[27]        Les prétentions de l'intimée sont à l'effet qu'elle n'aurait ni conseillé Mme Côté ou M. Dubuc à l'égard des billets en cause, ni vendu ou fait souscrire à ces derniers lesdits billets. Selon sa façon de voir, elle ne leur aurait que strictement fourni des informations ou renseignements sur le produit puis les aurait assistés dans l'exécution des formules d'adhésion ou de souscription. Elle aurait ensuite simplement transmis celles-ci accompagnées du paiement nécessaire (obtenu des clients) à un représentant qui détenait un permis de plein exercice.

[28]        Or, tant dans le cas de M. Dubuc que dans le cas de Mme Côté, le comité ne souscrit pas à cette vision disons avec égard « simplifiée » des choses.

[29]        La seule personne avec laquelle M. Dubuc et Mme Côté ont discuté, échangé ou qu'ils ont rencontrée relativement à la souscription des billets en cause est l'intimée. Cette dernière ne les a pas référés et ils n'ont consulté ou reçu les conseils professionnels de personne d'autre. Dans de telles circonstances qui avait l'obligation d'établir avec eux leurs objectifs d'investissement? Qui avait l'obligation de leur suggérer une stratégie de placement et le type de valeur rencontrant leurs objectifs, sinon l'intimée? D'ailleurs, dans le formulaire de réclamation qu'ils ont fait parvenir à l'AMF, M. Dubuc et Mme Côté ont tous deux indiqué l'intimée comme ayant été leur représentant lors de leur souscription à des produits financiers du groupe Mount Real.

[30]        Il faut également souligner que le ou vers le 24 novembre 1999 l'intimée faisait parvenir à M. Dubuc un document où elle écrivait : « J'ai cru que ce mémo au sujet de Mount Real (votre investissement avec moi[1]) allait vous intéresser. » Ledit mémo (accompagnant le document) faisait état des résultats financiers de Mount Real.

[31]        En l'espèce, bien que l'intimée ait informé ses clients qu'elle n'était pas autorisée en vertu de ses certifications à distribuer le produit en cause, c'est elle qui a d'abord mentionné celui-ci. C'est elle qui leur a fourni les avis, informations ou renseignements sur celui-ci. C'est elle qui leur a indiqué la durée ou le terme des billets ainsi que les taux d'intérêt qui leur étaient applicables. C'est elle qui leur a fourni puis qui a vu avec eux à la préparation des formules de souscription. Enfin, c'est elle qui a obtenu des clients le paiement des fonds nécessaires à l'émission des billets puis qui les a confirmés dans leur adhésion à ceux-ci. Qui plus est, elle a touché une rémunération pour ses services. De tels comportements s'apparentent en tout point à une offre de produits financiers.

[32]        Confrontée à la situation de clients qui recherchaient un produit financier qu'elle ne pouvait leur offrir, l'intimée avait le devoir de les diriger à un représentant détenant les certifications nécessaires (qui aurait notamment établi avec eux leurs objectifs d'investissement puis qui les aurait conseillés à l'égard des produits financiers en cause) ou de refuser carrément de se mêler activement des transactions envisagées.

[33]        En l'espèce, l'intimée n'avait légalement ni les compétences ni le certificat requis pour vendre ou conseiller ses clients relativement aux valeurs mobilières en cause et a fait défaut de respecter les mécanismes mis en place par le législateur pour assurer que le consommateur bénéficie des conseils d'un professionnel compétent.

[34]        L'intimée sera déclarée coupable des chefs d'accusation 1, 2, 3, 4 et 5.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l'intimée coupable de chacun des chefs d'accusation 1, 2, 3, 4 et 5 contenus à la plainte.

CONVOQUE les parties avec l'assistance de la secrétaire du comité à une audition sur sanction.

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Albert Audet

M. ALBERT AUDET

Membre du comité de discipline

 

(s) Bernard Meloche

Me BERNARD MELOCHE, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Geneviève Cadieux

SARRAZIN NICOLO BRACAGLIA

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

2 septembre 2008

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0703

 

DATE :

30 avril 2009

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Albert Audet

Membre

Me Bernard Meloche, Pl. Fin.

Membre

_____________________________________________________________________

 

Mme LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

Mme ALEXANDRA CÔTÉ, représentante en épargne collective

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]        À la suite de sa décision sur culpabilité, le 4 février 2009, au siège social de la Chambre de la sécurité financière sis au 300, Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, le comité de discipline s'est réuni et a procédé à l'audition sur sanction.

LA PREUVE DES PARTIES

[2]        Alors que la plaignante produisit une courte preuve documentaire mais ne présenta aucun témoin, l'intimée choisit d'être entendue.

[3]        Les parties procédèrent ensuite à soumettre au comité leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[4]        La plaignante référa d'abord à la décision sur culpabilité rendue par le comité et aux conclusions de celle-ci.

[5]        Elle mentionna ensuite l'absence d'antécédents disciplinaires de l'intimée et son peu d'expérience professionnelle (notamment au moment de l'infraction reprochée au chef numéro 1) mais souligna que malgré que cette dernière savait ou devait savoir qu'elle n'était pas autorisée à distribuer les produits en cause, elle avait été activement impliquée lors de la souscription de ceux-ci par ses clients, M. Luc Dubuc (M. Dubuc) et Mme Jacqueline Côté (Mme Côté). Elle signala le montant non négligeable des pertes subies par ces derniers (environ 150 000 $ au total).

[6]        Elle soumit qu'il s'agissait d'infractions objectivement très sérieuses, ajoutant que les clients n'avaient pu bénéficier de la protection du Fonds d'indemnisation des services financiers.

[7]        Elle indiqua que la distribution de produits non autorisés par les membres de la Chambre était devenue en quelque sorte un « fléau » et que le comité se devait de lancer un message clair à l'effet que ce type d'infraction ne serait pas toléré.

[8]        Elle mentionna ensuite, jurisprudence du comité à l'appui, qu'à son avis la « norme » pour ce type de faute semblait être l'imposition d'une radiation temporaire de trois (3) ans.

[9]        Elle cita à cet effet la décision rendue par le comité le 4 juin 2008 dans l'affaire Léna Thibault c. Cristophe Balayer, CD00-0674 ainsi que la décision dans l'affaire de Léna Thibault c. Maryse Labarre, CD00-0691 en date du 9 juillet 2008 où les représentants fautifs ont été condamnés à une telle période de radiation.

[10]      Elle indiqua que n'eut été des facteurs atténuants particuliers et propres à ce dossier tels, en plus de ceux précédemment mentionnés, l'absence de mauvaise foi, d'intention malveillante ou de la transmission d'informations erronées aux clients (ces derniers sachant très bien qu'il s'agissait d'une forme de placement « alternatif »), elle aurait réclamé une sanction de radiation de trois (3) ans.

[11]      Elle ajouta à ce qui précède le fait qu'outre les membres de la famille immédiate de l'intimée, soit M. Dubuc et Mme Côté, aucun consommateur « extérieur » n'était en cause.

[12]      Puis, en terminant, compte tenu des éléments tant objectifs que subjectifs du dossier, elle suggéra au comité d'imposer à l'intimée une radiation temporaire d'une année, de la condamner au paiement des déboursés ainsi que d'ordonner la publication de la décision.

REPRÉSENTATIONS DE L'INTIMÉE

[13]      Le procureur de l'intimée rappela d'abord que les deux (2) consommateurs en cause étaient à la fois l'oncle et la tante de l'intimée.

[14]      Il indiqua ensuite que dans le cas de M. Dubuc même si quatre (4) chefs d'accusation avaient été portés, il n'y avait véritablement eu qu'une seule faute, soit celle commise lors de la première infraction, le 16 juin 1999, M. Dubuc ayant par la suite strictement renouvelé le même placement lorsque celui-ci venait à terme. Quant à Mme Côté, il signala que c'est M. Dubuc qui l'avait incitée à contacter l'intimée afin de souscrire au produit en cause, la démarche n'ayant aucunement été initiée par cette dernière.

[15]      Il plaida donc que l'intimée n'avait en réalité commis qu'une faute, la première, le 16 juin 1999, et que les autres infractions n'avaient été que la conséquence de cette première faute.

[16]      Il invoqua ensuite qu'à l'époque cette dernière n'avait que cinq (5) ou six (6) mois d'expérience dans l'exercice de la profession et qu'elle avait été indûment influencée par le président du groupe Mount Real, l'émetteur, ainsi que par un courtier de plein exercice rattaché à son cabinet qui l'aurait avisée qu'il ne lui était pas interdit de remplir avec les clients les formulaires relatifs aux placements en cause.

[17]      Il mentionna le faible enrichissement de l'intimée suite aux transactions tout en rappelant que M. Dubuc avait mentionné au comité lors de l'audition qu'il ne regrettait pas son investissement et qu'il n'avait aucun blâme à formuler à l'endroit de cette dernière.

[18]      Il indiqua que sa cliente avait intégré la leçon et réalisé qu'il lui fallait se méfier des conseils ou opinion de gens dans le métier qui n'étaient pas toujours « parfaitement désintéressés ». Il indiqua qu'elle avait compris et regrettait sincèrement, tel qu'elle en avait témoigné, de ne pas avoir suivi son « instinct » qui lui dictait d'être sur ses gardes.

[19]      Il souligna qu'une radiation d'une année pourrait avoir pour effet d'empêcher l'intimée de conserver son emploi et même de s'en trouver un autre par la suite.

[20]      Il indiqua qu'elle ne représentait aucun danger pour le public puisqu'elle n'avait plus de portefeuille ni de clientèle, se consacrant maintenant entièrement à des tâches d'analyste auprès du groupe Desjardins.

[21]      S'inspirant de la décision du comité dans l'affaire de Me Micheline Rioux c. Réjean Poulin, CD00-0600, rendue le 11 avril 2007 et faisant certains parallèles avec celle-ci, il recommanda au comité d'imposer à l'intimée une radiation de six (6) mois ainsi qu'une amende de 1 000 $ sur chacun des chefs.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[22]      La gravité objective des infractions commises par l'intimée ne fait aucun doute. En agissant en dehors du cadre de ses certifications, ses clients n'ont pu bénéficier des avantages du Fonds d'indemnisation des services financiers.

[23]      Par ailleurs, elle n'a aucun antécédent disciplinaire, a collaboré avec le syndic et les fautes qui lui sont reprochées n'ont été commises que dans des circonstances particulières auprès de membres de sa famille immédiate.

[24]      Au moment de sa première rencontre avec M. Dubuc, elle était âgée de 23 ans et ne possédait qu'une expérience de quelques mois à titre de représentante. Si elle a alors commis une première faute, comme l'a mentionné son procureur les fautes postérieures ne sont en réalité que la continuité, le prolongement ou la suite de cette première faute.

[25]      Elle semble avoir été influencée dans son comportement fautif par des personnes d'autorité, soit par le président de la compagnie émettrice des titres en cause ainsi que par un représentant de plein exercice rattaché à son cabinet, ces derniers lui ayant laissé entendre qu'il n'y avait aucune difficulté à ce qu'elle agisse tel qu'elle l'a fait et l'y ayant encouragée.

[26]      Le comité impute à son jeune âge, à un certain degré de naïveté et à son manque d'expérience le fait qu'elle n'ait pas suivi comme elle l'a déclaré ses instincts premiers qui lui suggéraient d'agir autrement.

[27]      En l'espèce, sa faute tient à la négligence de s'informer ou de se renseigner adéquatement ou auprès des bonnes personnes. Le comité ne croit pas qu'elle ait prémédité de sciemment contrevenir à ses obligations déontologiques.

[28]      Par ailleurs, les deux (2) consommateurs en cause ont bien insisté lors de leur témoignage sur le fait qu'ils n'avaient aucun reproche personnel à son endroit et n'avaient pas été influencés par cette dernière pour souscrire les produits en cause.

[29]      Enfin, il y a dans ce dossier des éléments encourageants : le comité est d'avis que l'intimée, animée d'un repentir sincère, a appris sa leçon et compris celle-ci.

[30]      Son témoignage clair et honnête, sa reddition crédible des événements semblent démontrer qu'elle a pris conscience de ses responsabilités.

[31]      Le comité est d'avis qu'il y a dans les circonstances fort peu de risques qu'elle récidive. Elle lui est apparue contrite, mortifiée et fort malheureuse des événements.

[32]      Elle n'agit plus à titre de représentante auprès de la clientèle depuis janvier 2009 se concentrant à une tâche d'analyste. Son permis n'aurait pas été renouvelé.

[33]      Elle est apparue au comité comme une personne bien disposée victime d'un malheureux moment d'égarement.

[34]      Si dans l'imposition des sanctions le comité doit considérer la nature et le caractère des infractions en cause, il lui faut également tenir compte de l'ensemble des circonstances atténuantes révélées par la preuve.

[35]      De plus, s'il est vrai que dans des circonstances semblables le comité doit tendre à éviter un écart trop prononcé entre les sanctions qu'il impose, la détermination de celles-ci ne peut dépendre d'une formule rigide. En l'espèce les décisions antérieures du comité citées par la plaignante, où l'on retrouve souvent notamment l'utilisation de moyens dolosifs ou de mensonges, ne peuvent guider celui-ci.

[36]      Enfin, bien que la plaignante, notamment à cause de la fréquence du type d'infraction en cause, soit en droit de tenter d'obtenir, par l'imposition de sanctions importantes, un effet dissuasif à l'égard des membres de la Chambre, le comité ne peut ordonner une sanction hors de proportion avec l'infraction particulière commise par l'intimée.

[37]      Aussi, dans les circonstances du cas en l'espèce, le comité est en accord avec les recommandations du procureur de l'intimée et imposera à celle-ci une radiation temporaire de six (6) mois accompagnée de l'imposition d'une amende de 1 000 $ sur chacun des chefs. Les sanctions de radiation devront être purgées de façon concurrente.

[38]      Par ailleurs, le comité condamnera l'intimée au paiement des déboursés et ordonnera la publication de la décision.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sur chacun des chefs 1, 2, 3, 4 et 5 respectivement :

ORDONNE la radiation temporaire de l'intimée pour une période de six (6) mois à être purgée de façon concurrente;

ET

CONDAMNE l'intimée au paiement d'une amende de 1 000 $ (5 000 $ au total);

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l'intimée un avis de la présente décision dans un journal où l'intimée a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l'article 156 (5) du Code des professions;

CONDAMNE l'intimée au paiement des déboursés, y compris les frais d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions.

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

 

(s) Albert Audet

M. ALBERT AUDET

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Bernard Meloche

Me BERNARD MELOCHE, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Giovanni Bracaglia

SARRAZIN NICOLO BRACAGLIA

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

4 février 2009

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Les soulignés sont de nous.

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