Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0832

 

DATE :

17 mai 2011

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Marie Guédo, Pl. Fin.

Membre

Mme Catherine Felber, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

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Me CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. ALEXANDER STEPIN, conseiller en sécurité financière et représentant en plans de bourses d’études (certificat 176 499)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]           Le 24 février 2011, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« M.Z.

1.      À Montréal, le ou vers le 2 février 2008, alors qu’il faisait souscrire M.Z. à une proposition pour l’émission du contrat d’assurance vie 04-4585366-6 auprès d’Industrielle Alliance, laquelle était susceptible d’entraîner le remplacement, la résiliation ou la réduction des bénéfices du contrat d’assurance vie no F777,412-9 émis par Financière Sun Life, l’intimé n’a pas rempli en même temps que la proposition d’assurance le préavis de remplacement requis, contrevenant ainsi aux articles 22(2) et 22(3) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (R.R.Q., c. D-9.2,      r. 10);

2.      À Montréal, le ou vers le 2 février 2008, l’intimé a contrefait ou incité un tiers à contrefaire la signature de M.Z. sur le préavis de remplacement no 341765 touchant la police d’assurance vie no F777 412-9 émis par la Financière Sun Life, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01);

A.Z.

3.      À Montréal, le ou vers le 2 février 2008, alors qu’il faisait souscrire A.Z. à une proposition pour l’émission du contrat d’assurance vie 00-4585450-7 auprès d’Industrielle Alliance, laquelle était susceptible d’entraîner le remplacement, la résiliation ou la réduction des bénéfices du contrat d’assurance vie no F777,411-1 émis par Financière Sun Life, l’intimé n’a pas rempli en même temps que la proposition d’assurance le préavis de remplacement requis, contrevenant ainsi aux articles 22(2) et 22(3) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (R.R.Q., c. D-9.2,      r. 10);

4.      À Montréal, le ou vers le 2 février 2008, l’intimé a contrefait ou incité un tiers à contrefaire la signature d’A.Z. sur le préavis de remplacement numéro 341764 touchant la police d’assurance vie no F777 411-1 émis par la Financière Sun Life, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.01). »

[2]           D’entrée de jeu, l’intimé qui se représentait lui-même enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’égard de tous et chacun des quatre (4) chefs d’accusation contenus à la plainte.

[3]           Après l’enregistrement de son plaidoyer, les parties présentèrent au comité leurs preuve et représentations sur sanction.

PREUVE DES PARTIES

[4]           Au plan de la preuve, alors que la plaignante déposa sous les cotes SP-1 à SP‑11 l’essentiel de la documentation recueillie lors de son enquête, l’intimé soumit un seul document sous la cote SI-1. Les parties ne firent entendre aucun témoin.

[5]           Elles soumirent ensuite leurs représentations.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[6]           La plaignante, par l’entremise de son procureur, débuta ses représentations en décrivant le contexte factuel rattaché aux infractions reprochées à l’intimé, référant alors, tout en les commentant, aux pièces produites sous les cotes SP-1 à SP-11.

[7]           Elle indiqua ensuite qu’à l’égard de chacun des chefs 1 et 3, elle réclamait la condamnation de l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $ (au total 6 000 $) et qu’à l’égard de chacun des chefs 2 et 4, elle réclamait la radiation temporaire de ce dernier pour une période d’un (1) mois à être purgée de façon concurrente. Elle suggéra de plus qu’il soit condamné au paiement des déboursés.

[8]           Elle souligna qu’il s’agissait de « recommandations communes » des parties.

[9]           Signalant ensuite les éléments aggravants au dossier, elle insista d’abord sur l’importance objective des infractions commises par l’intimé.

[10]        Relativement aux infractions mentionnées aux chefs 1 et 3, elle invoqua les dispositions législatives en cause, indiquant que l’obligation de procéder à un préavis de remplacement était une règle édictée pour la protection du public à laquelle le représentant « ne pouvait se soustraire ».

[11]        À l’égard des infractions mentionnées aux chefs 2 et 4, elle souligna que lesdits chefs faisaient état de contrefaçons de signatures de clients, affirmant que de telles infractions « ne pouvaient être tolérées » dans la profession.

[12]        Passant ensuite aux facteurs atténuants, elle mentionna :

a)            le plaidoyer de culpabilité de l’intimé et la reconnaissance par ce dernier de ses fautes;

b)            l’absence de sa part d’intentions malveillantes ou frauduleuses ainsi que l’absence de préjudice causé aux consommateurs;

c)            au moment de la commission des infractions, sa faible expérience au sein de la profession;

d)            sa coopération avec l’enquêteur du bureau de la syndique, son absence d’antécédents disciplinaires et ce qu’elle qualifia chez lui, de dure leçon apprise.

[13]        Elle termina en citant à l’appui de ses recommandations plusieurs décisions antérieures du comité[1], prenant soin de les résumer et comparant notamment les faits y rapportés à ceux en l’espèce.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[14]        L’intimé débuta ses représentations en déclarant qu’il a toujours été motivé par l’intérêt de ses clients.

[15]        Il affirma ensuite que si en l’espèce il leur avait fait souscrire de nouvelles polices d’assurance-vie, c’était d’abord à leur bénéfice.

[16]        Il signala que lors de la souscription desdites polices il avait débuté la préparation des préavis de remplacement avec eux mais n’avait pu les terminer. Il mentionna qu’il avait alors décidé de les emporter pour les compléter. Il déclara qu’il croyait pouvoir les faire signer par la suite par les clients.

[17]        C’est ainsi qu’il aurait communiqué avec ces derniers peu après afin d’obtenir leur signature sur les préavis de remplacement complétés. Il aurait toutefois été avisé que cela ne serait pas possible, notamment parce que M. Z, un camionneur, était souvent sur la route et qu’il « ne fallait pas penser » qu’il puisse se déplacer pour signer les documents. Selon l’intimé, les clients lui auraient alors suggéré de « signer les documents pour eux » et c’est ce qu’il aurait fait.

[18]        Il termina en mentionnant son accord aux sanctions recommandées par la plaignante, mais réclama un délai de vingt-quatre (24) mois pour le paiement des amendes, invoquant notamment qu’ayant dû consolider des dettes importantes il devait acquitter celles-ci au moyen de paiements mensuels égaux de 330 $, ce qui grevait lourdement son budget.

[19]        Au soutien de sa demande, il indiqua qu’il était marié, qu’il avait un fils étudiant et qu’il était le seul gagne-pain de la famille. Il indiqua avoir l’an dernier déclaré au fisc des revenus de l’ordre de 30 000 $ et prévoir vraisemblablement déclarer des revenus légèrement supérieurs pour l’année 2010, soit environ 35 000 $.

Représentations additionnelles de la plaignante

[20]        Questionnée relativement au délai de vingt-quatre (24) mois réclamé par l’intimé pour le paiement des amendes, la plaignante déclara ne pas s’objecter à celui-ci.

[21]        Interrogée relativement à la publication de la décision, elle indiqua que compte tenu des circonstances particulières de l’affaire, exceptionnellement, elle ne réclamait pas une telle publication.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[22]        L’intimé n’a aucun antécédent disciplinaire.

[23]        Selon la documentation provenant de l’Autorité des marchés financiers, il aurait débuté dans la distribution de produits d’assurance de personnes le 6 décembre 2007.

[24]        Les infractions qui lui sont reprochées datent du 2 février 2008, soit à peine quelques mois après qu’il ait débuté l’exercice de la profession.

[25]        Il a collaboré à l’enquête de la syndique, a admis ses fautes et a plaidé coupable à la première occasion à chacun des chefs d’accusation portés contre lui.

[26]        Les infractions qui lui sont reprochées ne concernent qu’un seul événement, à l’endroit d’un seul couple de consommateurs et aucun préjudice n’a été causé à ces derniers.

[27]        L’intimé ne paraît pas avoir été animé d’une intention malveillante. S’il a fait défaut de compléter les préavis de remplacement en présence de ses clients et a par la suite imité leur signature, cela semble avoir été simplement pour s’éviter ou leur éviter des démarches inutiles.

[28]        Ses fautes vont néanmoins au cœur de l’exercice de la profession. Leur gravité objective est indéniable.

Chefs numéros 1 et 3

[29]        Sous ces chefs, l’intimé s’est reconnu coupable du défaut de remplir, en même temps que les propositions d’assurance en cause, les préavis de remplacement requis par les dispositions des articles 22(2) et 22(3) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.

[30]        Ces dispositions législatives visent d’abord la protection du public. Le représentant qui y contrevient commet donc une faute sérieuse.

Chefs numéros 2 et 4

[31]        Sous ces chefs, l’intimé s’est reconnu coupable d’avoir contrefait la signature de ses clients sur les préavis de remplacement précités.

[32]        Or, tel que le comité l’a indiqué à plusieurs reprises, l’acte de contrefaire la signature d’un client et de l’utiliser par la suite est dans tous les cas une faute importante.

[33]        Dans l’affaire Maurice Brazeau c. Micheline Rioux[2], la Cour du Québec a indiqué : « Le fait d’imiter des signatures et de les utiliser est en soi un geste grave qui justifie une période de radiation. Cette période de radiation sera plus ou moins longue toutefois, selon que la personne concernée pose ces gestes avec une intention frauduleuse ou non. »[3]

Recommandations conjointes des parties

[34]        Par ailleurs, en l’instance les parties ont soumis au comité ce qu’elles ont qualifié de « recommandations communes » sur sanction.

[35]        Dans l’arrêt Douglas[4], la Cour d’appel du Québec a clairement indiqué la marche à suivre lorsque les parties sont parvenues à s’entendre pour présenter au tribunal des recommandations conjointes. Elle y a indiqué que celles-ci ne devraient être écartées que si le tribunal les juge inappropriées, déraisonnables, contraires à l’intérêt public ou est d’avis qu’elles sont de nature à discréditer l’administration de la justice[5].

[36]        En l’espèce, après une analyse attentive du dossier, le comité n’est pas en mesure d’identifier de motifs suffisamment importants qui le justifieraient d’écarter les recommandations conjointes des parties. Il entend donc les suivre.

[37]        Par ailleurs, l’intimé a réclamé, sans que sa demande ne soit contestée, que lui soit accordé un délai de vingt-quatre (24) mois pour le paiement des amendes.

[38]        Or ce dernier, âgé de 54 ans, agit comme seul soutien d’une famille composée de son épouse et d’un fils étudiant. Ses revenus annuels sont de l’ordre de 30 000 $ à 35 000 $ et sa situation financière est relativement précaire.

[39]        Dans de telles circonstances et en l’absence de contestation, le comité est d’avis qu’il y a lieu d’accorder sa demande.

[40]        Enfin relativement à la publication de la décision, compte tenu de l’ensemble des circonstances propres à ce dossier, conservant à l’esprit que les parties y ont formulé des « recommandations communes » et que la plaignante ne l’a pas réclamée, exceptionnellement, le comité se dispensera d’ordonner celle-ci.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sur chacun des quatre (4) chefs d’accusation contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable de chacun des quatre (4) chefs d’accusation contenus à la plainte;

ET, PROCÉDANT SUR SANCTION :

Sur chacun des chefs 1 et 3 :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 3 000 $ (total 6 000 $);

Sur chacun des chefs 2 et 4 :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un (1) mois à être purgée de façon concurrente;

ACCORDE à l’intimé un délai de vingt-quatre (24) mois pour effectuer le paiement des amendes;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26;

DISPENSE la secrétaire du comité de discipline de la publication de la décision.

 

 

 

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Marie Guédo_____________________

Mme MARIE GUÉDO, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Catherine Felber__________________

Mme CATHERINE FELBER, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Véronique Poirier

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représente lui-même.

 

Date d’audience :

24 février 2011

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Me Micheline Rioux c. Denis Boisvert, dossier CD00-0557, décisions sur culpabilité en date du 16 mai 2006 et sur sanction en date du 3 août 2006; Me Micheline Rioux c. Pierre Berry, CD00-0636, décision sur culpabilité et sanction en date du 8 novembre 2007; Me Micheline Rioux c. François Binet, CD00-0623, décisions en date du 4 juin 2007 sur culpabilité et du 20 février 2008 sur sanction; Venise Levesque c. Jean Larochelle, CD00-0728, décisions sur culpabilité en date du 10 novembre 2009 et du 30 novembre 2010 sur sanction; Me Micheline Rioux c. Marc-André Trottier, CD00-0370, décision de correction en date du 9 avril 2002 et décision du 25 février 2002 sur culpabilité et sanction; Me Micheline Rioux c. Brigitte Chamberland, CD00-0418, décisions sur culpabilité en date du 11 octobre 2002 et sur sanction en date du 17 juillet 2003; Me Micheline Rioux c. Linda Marleau, CD00-0537, décisions sur culpabilité en date du 3 mars 2005 et sur sanction en date du 17 octobre 2005; Venise Levesque c. Norman Burns, CD00-0731, décisions sur culpabilité en date du 15 juin 2009 et sur sanction en date du 1er mars 2010.

[2]     Maurice Brazeau c. Micheline Rioux, Cour du Québec numéro 500-22-017059-050.

[3]     Cette décision de la Cour du Québec a été citée à plusieurs reprises par le comité de discipline, notamment dans les décisions rendues dans les affaires Di Fabio, Boucher et Jarry.

[4]     R. c. Douglas, 2002 162 C.C.C. 3rd (37).

[5]     Ce principe a été repris par le Tribunal des professions à quelques reprises. Voir à cet effet Maurice Malouin c. Maryse Laliberté, dossier 760-07-000001-010, décision en date du 7 mars 2002. Voir aussi Mathieu c. Dentistes, 2004 QCTP 027.

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