Chambre de la sécurité financière c. Villeneuve COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE (ANCIENNEMENT CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE)
2025 QCCDCHA 8
CANADA PROVINCE DE QUÉBEC
N°: CD00-1556 DATE : 23 septembre 2025
LE COMITÉ :
M e Marie-Josée Bélainsky Présidente M. Frédéric Blouin, A.V.A., Pl. Fin. Membre M. Martin Lachance Membre
JEANINE GUINDI, SYNDIQUE DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE
Partie plaignante c. ALAIN VILLENEUVE, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (certificat 178956, BDNI 3523241)
Partie intimée
DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION
CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :
• Ordonnance de non-divulgation, non-diffusion, et non-publication de tout renseignement ou information qui pourrait permettre d’identifier la consommatrice concernée par la plainte disciplinaire ainsi que tout renseignement ou information contenue dans les pièces et, plus particulièrement les pièces P-2 et P-3 qui permettrait de l’identifier,
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étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.
APERÇU
[1] M. Alain Villeneuve (« M. Villeneuve ») fait l’objet d’une plainte disciplinaire qui contient un seul chef d’infraction se lisant comme suit :
À Sherbrooke, le ou vers le 22 février 2018, alors qu’il complétait la « Déclaration d’assurabilité » avec C.R., l’Intimé n’a agi pas avec compétence, professionnalisme et honnêteté en ne reproduisant pas fidèlement les réponses qu’elle lui a données quant à sa consommation d’alcool et de drogues, contrevenant ainsi à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.
[2] M. Villeneuve, représenté par avocat, a plaidé coupable à l’infraction lui étant reprochée. Après s’être assuré qu’il comprenait bien le sens et les conséquences de son plaidoyer de culpabilité, le comité de discipline (« comité ») a déclaré M. Villeneuve coupable d’avoir contrevenu à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers.
[3] Cependant, en vertu du principe interdisant les condamnations multiples 1 , le comité a ordonné la suspension conditionnelle des procédures concernant l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.
[4] La sanction ne visera donc que la contravention à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers.
[5] Les parties soumettent une recommandation commune sur sanction, soit le paiement d’une amende de 10 000 $, et la condamnation de M. Villeneuve au paiement des déboursés.
1 Kienapple c. R., 1974 CanLII 14 (CSC), [1975] 1 RCS 729.
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[6] Pour les raisons qui suivent, le comité entérinera la sanction recommandée par les parties.
CONTEXTE
[7] Les faits reprochés remontent à 2018 et visent les agissements de M. Villeneuve à titre de représentant en assurance de personnes pour le cabinet Industrielle Alliance, assurances et services financiers inc.
[8] Le 8 février 2018, M. Villeneuve rencontre la cliente, C.R., qui souhaite obtenir, entre autres, un contrat d’assurance-vie et invalidité. M. Villeneuve recueille alors tous les renseignements pertinents afin de conseiller C.R. sur la nature des produits d’assurance appropriés.
[9] Le 22 février 2018, M. Villeneuve rencontre à nouveau C.R. et une proposition d’assurance contenant l’ensemble des informations requises par l’assureur est complétée et signée par C.R.
[10]
Le 2 mars 2018, le contrat d’assurance vie et invalidité entre en vigueur.
[11] Le 31 mai 2019, C.R. présente une réclamation à l’assureur pour une période d’invalidité débutant le 28 mai 2019.
[12] Le 31 octobre 2019, après enquête de l’assureur, la réclamation est refusée au motif que les dossiers médicaux de C.R. ont permis de dévoiler non seulement un historique de consommation qui s’élevait à plus de 12 consommations d’alcool par semaine, mais également un usage de marijuana plus d’une fois par semaine alors qu’elle avait répondu négativement à ces questions dans la proposition d’assurance. De plus, il y avait eu en 2017, une consultation médicale en lien avec des troubles nerveux qui n’avait pas été déclarée dans la proposition d’assurance.
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[13] En l’espèce, C.R. avait répondu par l’affirmative à la question du nombre de consommations par semaine. Toutefois, M. Villeneuve a décidé de modifier la réponse de C.R. en y répondant par la négative, étant d’avis que sa consommation, limitée à une ou deux boissons par jour, ne dépassait pas 12 consommations par semaine.
[14] Quant à l’usage de marijuana, C.R. avait répondu par l’affirmative et M. Villeneuve a modifié cette réponse en répondant par la négative au motif que la légalisation de la marijuana était imminente.
[15] Il est indéniable que la déclaration d’assurabilité de la cliente transmise à l’assureur est fondamentale lors d’une proposition d’assurance vie et invalidité, comme celle soumise par C.R.
[16] Le rôle du représentant est, par conséquent, de s’assurer qu’une information juste et complète soit transmise à l’assureur, car ce dernier doit être en mesure de se fier sur la véracité des faits déclarés par le client que lui transmet le représentant.
[17] En modifiant les réponses de C.R. quant au nombre de consommations d’alcool par semaine et en ne déclarant pas son usage de marijuana, M. Villeneuve a commis une faute très sérieuse, car non seulement il a induit en erreur l’assureur mais en plus, il a causé préjudice à C.R. qui s’est vu, par la suite, refuser sa réclamation pour invalidité.
[18] Par son plaidoyer de culpabilité, M. Villeneuve reconnait avoir commis une infraction déontologique qui a conduit non seulement au refus de la réclamation, mais également à l’annulation même de la police d’assurance.
QUESTION EN LITIGE
-
La recommandation commune de sanction soumise par les parties est-elle contraire à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice ?
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[19] Le comité est d’avis que la recommandation commune de sanction soumise par les parties n’est pas contraire à l’intérêt public, qu’elle ne déconsidère pas l’administration de la justice et qu’elle est raisonnable eu égard aux circonstances propres à ce dossier et aux sanctions généralement imposées pour des infractions similaires.
[20] Pour les raisons ci-après énoncées, le comité imposera donc la sanction recommandée par les parties.
ANALYSE
[21] Comme mentionné plus haut, les parties recommandent conjointement de condamner l’intimé au paiement d’une amende de 10 000 $ et de le condamner au paiement des déboursés.
[22] En matière de sanction disciplinaire, les principes généraux nous rappellent que la sanction ne vise pas à punir le professionnel, mais plutôt à protéger le public, à dissuader le professionnel de récidiver sans oublier le critère de l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession 2 .
[23] Lorsqu’une sanction fait l’objet d’une recommandation commune des parties, le comité doit y donner suite sauf s’il considère que la sanction est contraire à l’intérêt public ou qu’elle est de nature à déconsidérer l’administration de la justice. Il n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la suggestion 3 .
Des facteurs énoncés par les parties, le comité retient les facteurs suivants :
a) Facteurs liés à l’infraction:
2 Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA). 3 R. c. Anthony‑Cook, 2016 CSC 43 (CanLII), [2016] 2 RCS 204.
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Il s’agit d’une infraction au cœur même de l’exercice de la profession;
La commission de l’infraction remonte à sept (7) ans;
Il n’y a aucune intention malicieuse;
Un seul consommateur visé;
Il a remboursé une somme d’environ 14 000$ à la plaignante, soit l’équivalent de la réclamation refusée par l’assureur.
b) Facteurs liés à l’intimé :
I.
III.
IV.
V.
Il a plaidé coupable au chef d’infraction;
En 2018, au moment de la commission de l’infraction, il avait dix (10) ans d’expérience à titre de représentant en assurances de personnes;
Il n’a aucun antécédent disciplinaire;
Il a coopéré à l’enquête de la syndique;
Il semble constituer un faible risque de récidive.
[25] Considérant ce qui précède ainsi que les autorités soumises 4 , le Comité est d’avis que la recommandation commune présentée par les parties doit être entérinée et condamne l’intimé au paiement d’une amende de 10 000$ quant à la plainte.
M. Villeneuve sera aussi condamné au paiement des déboursés.
4 Chambre de la sécurité financière c. Kabeya, 2020 QCCDCSF 13. ; Chambre de la sécurité financière c. Kabeya, 2020 QCCDCSF 27 ; Chambre de la sécurité financière c. Lachance, 2006 CanLII 59870 (QC CDCSF)
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POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :
PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de M. Villeneuve sous l’unique chef d’infraction de la plainte;
RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de M. Villeneuve prononcée à l’audience du 29 mai 2025 sous l’unique chef d’infraction de la plainte pour avoir contrevenu aux dispositions qui y sont mentionnées;
RÉITÈRE la suspension conditionnelle des procédures en ce qui concerne l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 3);
ET STATUANT SUR SANCTION :
CONDAMNE M. Villeneuve au paiement d’une amende de 10 000 $ pour l’unique chef d’infraction de la plainte;
CONDAMNE M. Villeneuve au paiement des débours conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);
PERMET la notification de la présente décision aux parties par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), à savoir par courrier électronique.
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(S) M e Marie-Josée Bélainsky M e MARIE-JOSÉE BÉLAINSKY Présidente du comité de discipline
(S) Frédéric Blouin M. FRÉDÉRIC BLOUIN, A.V.A., Pl. Fin. Membre du comité de discipline
(S) Martin Lachance M.MARTIN LACHANCE Membre du comité de discipline
M e ALAIN GALARNEAU POULIOT, Prévost, Galarneau Procureur de la partie plaignante
M e MARTIN COURVILLE Ad Litem Avocats s.e.n.c.r.l. Procureur de la partie intimée
Date d’audience : 29 mai 2025 COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ
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