Chambre de la sécurité financière c. Maharjan COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE
2025 QCCDCHA 5
(ANCIENNEMENT CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE) CANADA PROVINCE DE QUÉBEC
N° : CD00-1572 DATE : 8 octobre 2025
LE COMITÉ :
M e Madeleine Lemieux Présidente M me Diane Bertrand, Pl. Fin. Membre M me Isabelle Provost, Pl. Fin. Membre
SYNDIQUE ADJOINTE DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE Partie plaignante c. BABIN MAHARJAN, (certificat 245575, BDNI 4118371) Partie intimée
MOTIFS ÉCRITS DE LA DÉCISION SUR DEMANDE EN RETRAIT DE LA PLAINTE DISCIPLINAIRE RENDUE SÉANCE TENANTE LE 1 ER OCTOBRE 2025
[1] La plaignante a déposé devant le Comité la plainte disciplinaire datée du 17 avril 2025 reprochant à M. Babin Maharjan l’infraction suivante :
« À Montréal, entre les ou vers les 18 janvier et 25 février 2023, l’Intimé a manqué d’intégrité en complétant des propositions d’assurance-prêt pour environ 23 clients de l’institution financière où il travaillait, et ce, à l’insu de
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ces derniers, contrevenant ainsi aux articles 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières. »
[2] Lors de l’appel du rôle tenu le 21 mai 2025, la plainte a d’abord été fixée pour audition sur culpabilité au 31 juillet 2025.
[3] À cette date, la procureure de la syndique adjointe a demandé la remise de l’audition afin de lui permettre de faire certaines vérifications reliées à l’entrée en vigueur de la Loi modifiant diverses dispositions principalement dans le secteur financier (« la Loi 92 »).
L’audition a été reportée au 1
er octobre 2025.
[5] À cette date, la procureure de la syndique adjointe présente une demande pour permission de retirer la plainte en raison de l’article 38 de la Loi 92 qui ne permettrait pas au comité d’entreprendre l’audition du présent dossier qui reproche à M. Maharjan une infraction en vertu du Règlement sur la déontologie dans les disciplines des valeurs mobilières.
[6] Elle ajoute que selon cet article 38 de la Loi 92, l’audition doit être entreprise devant le Tribunal administratif des marchés financiers (« TAMF ») et qu’à cet effet, si sa demande pour permission de retirer la plainte est accueillie par le comité, le dossier de M. Maharjan sera soumis à l’Autorité des marchés financiers (« AMF ») pour qu’il suive son cours.
[7] Enfin, elle informe le comité qu'elle a déjà avisé M. Maharjan des instructions de sa cliente quant à cette situation.
[8] Après avoir délibéré, le comité accueille, séance tenante, la demande de retrait de la plainte et que des motifs écrits de cette décision sont à venir.
MOTIFS DE LA DÉCISION
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[9] Le 3 juin 2025, l’Assemblée nationale du Québec a adopté la Loi 92, laquelle est en vigueur depuis le 4 juillet 2025
1 .
[10] Cette loi prévoit entre autres la fusion de la Chambre de la sécurité financière et la Chambre de l’assurance des dommages au sein d’une nouvelle chambre soit, la Chambre de l’assurance « à laquelle s’applique la partie III de la Loi sur les compagnies (Chapitre C-38) ». 2
[11] Cette loi prévoit aussi que « Les membres du comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière et de la Chambre de l’assurance de dommages en fonction le 3 juillet 2025 deviennent les membres du comité de discipline de la Chambre de l’assurance. Les dispositions des chapitres I et II du titre VI de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (chapitre D-9.2), telles qu’elles se lisent à cette date, s’appliquent à eux jusqu’à la prise de règles analogues par la Chambre de l’assurance. 3 »
[12] Par conséquent, « jusqu’à la prise de règles analogues par la Chambre de l’assurance », le comité est gouverné par les dispositions de la LDPSF comme il l’était avant l’entrée en vigueur de la Loi 92.
[13] Cependant, le législateur établit spécifiquement à l’article 38 que « L’audition d’une plainte devant le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière ou du comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se poursuit ou est entreprise devant le comité de discipline de la Chambre de l’assurance. Toutefois, à compter du 4 juillet 2025, seule l’audition d’une plainte portant uniquement sur les dispositions du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (chapitre D-9.2, r. 3), du Code de déontologie des experts en sinistre (chapitre D-9.2, r. 4), du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (chapitre D-9.2, r. 5), du Règlement sur la formation continue obligatoire de la Chambre de l’assurance de dommages (chapitre D-9.2, r. 12.1) ou du Règlement sur la formation
1 Loi modifiant diverses dispositions principalement dans le secteur financier (2025, chapitre 16). 2 Ibid, art.18. 3 Ibid, art. 36.
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continue obligatoire de la Chambre de la sécurité financière (chapitre D-9.2, r. 13.1) peut être entreprise devant le comité de discipline de la Chambre de l’assurance. Dans les autres cas, l’audition doit être entreprise devant le tribunal administratif des marchés financiers. 4 »
LE RETRAIT D’UNE PLAINTE DISCIPLINAIRE [14] L’arrêt de la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Palacios rappelle la juridiction d’un conseil de discipline en matière de retrait de plainte :
« [60] Aucune disposition de la Loi sur la police ne prévoit l’obligation pour le Commissaire de soumettre sa décision de retirer une citation à l’approbation du Comité. De plus, aucune disposition ne donne au Comité le pouvoir d’approuver ou de refuser une demande du Commissaire de retirer une citation déposée selon les articles 178, 185 ou 215 LP.
[61] On remarquera qu’il en est de même en ce qui concerne le régime disciplinaire prévu au Code des professions.
[62] La jurisprudence disciplinaire québécoise est cependant constante à affirmer le pouvoir d’un comité de discipline d’approuver ou de refuser le retrait d’une plainte que celle-ci ait été portée par le syndic ou par un plaignant privé. Tel que déjà indiqué plus haut, il existe également une décision de la Cour supérieure en ce sens.
[63] Le motif principal invoqué au soutien de l’affirmation du droit de regard d’un comité de discipline sur le retrait d’une plainte vient de la nécessité pour le Comité saisi d’une plainte d’assurer la protection de l’intérêt public avant celui de l’intérêt des parties en présence. Pour cette même raison d’intérêt public, ainsi qu’à cause du caractère sui generis du droit disciplinaire, les règles du droit civil en matière de désistement ne sauraient s’appliquer sans distinction au droit disciplinaire. Ainsi, une fois
4 Supra note 1, art. 38.
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qu’une plainte disciplinaire est déposée, elle appartient au comité de discipline qui doit accepter ou refuser son retrait total ou partiel à la différence des recours civils à l’égard desquels un désistement peut avoir effet sans l’intervention du tribunal. Au surplus, selon la Cour supérieure, rien dans la loi ne prévoit qu’un comité de discipline puisse être dessaisi unilatéralement d’une plainte dont il a été saisi conformément aux exigences procédurales applicables. 5 »
[15] Ainsi, une fois déposée devant le comité, la plainte disciplinaire devient celle du comité et non plus celle de la plaignante.
[16] Cependant, le comité ne pourrait pas forcer la plaignante à continuer les procédures devant lui en tout temps et sans motif sérieux
6 .
[17] Enfin, le comité a « le devoir d’exercer judiciairement son pouvoir d’autoriser ou de refuser le retrait d’une plainte
7 ».
L’article 38 de la Loi 92 est clair et sans équivoque.
[19] Il exprime la volonté du législateur que le comité ne puisse entreprendre après le 4 juillet 2025 , date d’entrée en vigueur de la Loi 92, l’audition des plaintes disciplinaires qui ont pu être portées pour des infractions à d’autres lois ou règlements que ceux qui y sont décrits, à savoir : le Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, Code de déontologie des experts en sinistre, Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, du Règlement sur la formation continue obligatoire de la Chambre de l’assurance de dommages ou du Règlement sur la formation continue obligatoire de la Chambre de la sécurité financière.
5 Palacios c. Comité de déontologie policière, 2007 QCCA 581. 6 Tassé c. Chiropraticiens du Québec, 2001 QCTP 74. 7 Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Gourdeau, 2016 CanLII 12869 (QC CDOIQ).
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[20] Ainsi, à compter du 4 juillet 2025, la compétence du comité est spécifiquement limitée par l’article 38 de la Loi 92.
[21] Par conséquent, le comité ne peut, à compter du 4 juillet 2025 « entreprendre », l’audition d’une plainte disciplinaire lorsque l’infraction reprochée est une infraction au Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières comme c’est le cas dans le présent dossier.
[22] Le législateur a expressément indiqué qu’une telle audition soit « entreprise » devant le TAMF.
[23] Devant cette absence claire de compétence, le comité doit accueillir la demande en retrait, car entreprendre l’audition de la plainte constituerait un excès de compétence.
[24] Enfin, une telle décision ne va pas être à l’encontre d’une saine administration de la justice et de la protection du public, car elle ne fait que respecter la volonté clairement exprimée du législateur.
[25] En conséquence, le comité accueillera la demande en retrait de la plainte disciplinaire de la plaignante, le tout sans frais.
PAR CES MOTIFS, le comité de discipline : ACCUEILLE la requête pour permission de retrait, sans frais.
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(S) M e Madeleine Lemieux M e Madeleine Lemieux Présidente du comité de discipline
(S) Diane Bertrand _________________________________ M me Diane Bertrand, Pl. Fin. Membre du comité de discipline
(S) Isabelle Provost _________________________________ M me Isabelle Provost, Pl. Fin. Membre du comité de discipline
M e Marie-Hélène Sylvestre CDNP Avocats Procureure de la partie plaignante
M. Babin Maharjan Intimé, présent et se représentant seul
Date d’audience et de la décision : 1 er octobre 2025 COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ A0072