Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. Goulet COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE

2025 QCCDCHA 10

(ANCIENNEMENT CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE) CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

: CD00-1562 DATE : 26 août 2025

LE COMITÉ :

M e Claude Mageau M. Marc Gagnon, A.V.C., Pl. Fin. M me Linda Lamarche

Président Membre Membre

SYNDIQUE ADJOINTE DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE Partie plaignante c. ÉRIC GOULET, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives, représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 183181, BDNI 2413621)

Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-divulgation, non-diffusion, et non-publication de tout renseignement ou information qui pourrait permettre d’identifier la ville cliente concernée par la plainte disciplinaire et ses représentants ainsi que tout renseignement ou information contenus dans les pièces qui permettrait de les identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information prévus à la

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Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[1] La plainte disciplinaire déposée contre Monsieur Éric Goulet (« M. Goulet ») contient deux chefs d’infraction

1 .

[2] Le premier chef d’infraction lui reproche d’avoir fait défaut de respecter le mandat confié par sa cliente « en ne cherchant pas à avoir une connaissance complète des faits quant à son régime de retraite en vigueur » 2 .

[3] Le deuxième chef d’infraction allègue que M. Goulet « a transmis à sa cliente une information fausse inexacte quant à l’absence de soumission de la part du prestataire du régime de retraite collectif en vigueur » 3 .

LE PLAIDOYER DE CULPABILITÉ [4] M. Goulet qui est représenté par avocat plaide coupable aux deux chefs d’infraction reprochés à la plainte et le comité en prend acte après s’être assuré qu’il en comprend bien le sens.

[5] Les parties déposent de consentement les pièces de la plaignante même qu’un « Exposé conjoint des faits ».

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4 de

[6] Après avoir pris connaissance des faits, le comité déclare M. Goulet coupable des deux chefs d’infraction de la plainte pour avoir contrevenu aux dispositions qui y sont mentionnées.

[7] Cependant, afin de respecter la règle empêchant les condamnations multiples 6 , quant au chef d’infraction 1, le comité ordonne la suspension conditionnelle des procédures concernant l’article 16 de la LDPSF et l’article 12

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Annexe 1 : Plainte disciplinaire. Article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (« LDPSF ») et les articles 12 et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (Code de déontologie). Article 16 de la LDPSF et les articles 13 et 16 du Code de déontologie. Pièces P-1 à P-8. Pièce P-9. Kienapple c. R., [1975] 1 RCS 729.

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du Code de déontologie et condamnera M. Goulet uniquement pour avoir contrevenu à l’article 15 du Code de déontologie.

[8] Quant au chef d’infraction 2, toujours en vertu de cette même règle, le comité ordonne la suspension conditionnelle des procédures, quant à l’article 16 de la LDPSF et l’article 13 du Code de déontologie et condamnera M. Goulet uniquement pour avoir contrevenu à l’article 16 du Code de déontologie.

APERÇU [9] Au moment des infractions reprochées, M. Goulet est certifié comme représentant en assurance de personnes, en assurance collective de personnes pour le cabinet TGG Groupe Finances Inc. (ci-après « TGG ») et aussi comme représentant de courtier pour un courtier en épargne collective pour Desjardins Sécurité financière Investissements Inc. (ci-après « Desjardins »).

[10] La ville ABC, à la période mentionnée à la plainte disciplinaire, bénéficie d’un régime de retraite collectif pour ses employés avec la London Life (Canada Vie).

[11] M. Goulet, dans le cadre d’un mandat exclusif de représentation accordé le 1 er septembre 2022 à TGG par la ville ABC, doit notamment analyser le régime de retraite existant avec Canada Vie 7 .

[12] Pour procéder à l’analyse du régime de retraite en vigueur, M. Goulet se base sur des données datant de 2009 et de l’information obtenue verbalement du greffier de la ville ABC, lesquelles ne sont pas à jour.

[13] M. Goulet présente à la ville ABC, le 11 octobre 2022 une analyse comparative de soumissions présentées par Industrielle Alliance (IA), Desjardins et Sun life, mais aucune soumise par Canada Vie 8 .

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Pièce P-2 Pièce P-5

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[14] Desjardins est finalement le soumissionnaire retenu par la ville ABC à titre de nouveau fournisseur de services pour son régime de retraite collectif.

[15] Lorsque Canada Vie est informée de ce fait, elle vérifie auprès du greffier de la ville ABC pourquoi elle n’avait pas été invitée à soumissionner étant donné plus particulièrement qu’elle était la prestataire du régime de retraite collectif en vigueur des employés de la ville.

[16] Suite à une demande faite à M. Goulet par le greffier de la ville ABC afin de savoir pourquoi Canada Vie n’avait pas été invitée à soumissionner, M. Goulet répond faussement qu’il avait sollicité Canada Vie pour l’appel d’offres, mais que celle-ci ne pouvait pas intervenir dans le dossier 9 .

[17] Les parties font une recommandation commune de sanction, à savoir la condamnation de M. Goulet à une amende de 5 000$ quant au chef d’infraction 1, l’imposition d’une réprimande pour le chef d’infraction 2 et sa condamnation aux déboursés.

QUESTION EN LITIGE La recommandation commune de sanction soumise par les parties doit-elle être entérinée par le comité?

DÉCISION [18] Pour les raisons ci-après mentionnées, le comité est d’opinion que la recommandation commune doit être entérinée, car elle ne va pas à l’encontre de l’intérêt public ou ne mine pas la confiance du public dans l’administration de la justice.

ANALYSE [19] Une sanction disciplinaire doit être individualisée et atteindre les objectifs suivants : protection du public, dissuasion du professionnel de récidiver,

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Pièce P-8.

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exemplarité à l’égard des autres membres de la profession et en dernier lieu le droit du professionnel d’exercer sa profession 10 .

[20] Cependant, vu la recommandation commune de sanction présentée par les parties, le comité n’a pas à déterminer si la sanction recommandée est juste ou appropriée, mais il doit plutôt se demander si elle respecte le critère de l’intérêt public à savoir si elle ne mine pas la confiance du public dans l’administration de la justice ou ne va pas à l’encontre de l’intérêt public de toute autre façon 11 .

[21] Ce critère établi par la Cour suprême en matière criminelle s’applique aussi en matière disciplinaire

12 .

[22] Ce critère a été décidé par le plus haut tribunal du pays parce que « la rigueur de ce critère vise à protéger les avantages particuliers découlant des recommandations conjointes. Ce processus procure aux parties un degré élevé de certitude que la peine proposée conjointement sera infligée, en plus d’éviter le besoin de tenir des procès longs, coûteux et acrimonieux. En règle générale, les audiences de détermination de la peine basées sur des recommandations conjointes sont simples et expéditives. Elles permettent d’épargner de l’argent, ainsi que du temps et d’autres précieuses ressources qui peuvent être consacrées à d’autres instances devant les tribunaux. Bref, elles permettent au système de justice de fonctionner de manière efficace et efficiente »13.

[23] Aussi, le comité doit se remémorer qu’il doit « faire montre de retenue et de ne rejeter les recommandations conjointes que lorsque des personnes renseignées et raisonnables estimeraient que la peine proposée fait échec au bon fonctionnement du système de justice. Un seuil moins élevé que celui‑ci jetterait trop d’incertitude sur l’efficacité des ententes de règlement. Le critère de l’intérêt

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Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 38. R. c. Anthony‑Cook, [2016] 2 RCS 204 et R. c. Nahanee, 2022 CSC 37 (CanLII), par. 1. Conea c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 2022 QCTP 56 (CanLII), par. 45. R. c. Nahanee, préc. note 11, par. 2.

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public garantit que ces ententes de règlement jouissent d’un degré de certitude élevé » 14 .

[24] Les gestes reprochés à M. Goulet sont au cœur de l’exercice de la profession et en plus minent la crédibilité et la réputation de la profession.

[25] Cela étant, le comité considère comme sérieuse la gravité objective des infractions reprochées à M. Goulet.

[26] Pour soutenir leur recommandation commune de sanction, les parties soulignent les facteurs atténuants suivants militant en faveur de M. Goulet:

Plaidoyer de culpabilité;

Absence d’antécédent disciplinaire;

Collaboration à l’enquête de la plaignante;

Faible risque de récidive.

[27] Le comité est d’accord avec les parties que ces facteurs énumérés sont pertinents pour la détermination de la sanction même si la collaboration de M. Goulet à l’enquête de la plaignante est plutôt un facteur neutre qu’atténuant.

[28] Aussi, en ce qui concerne la question du risque de récidive, le comité considère qu’il est faible, étant donné notamment qu’à son témoignage, M. Goulet a déclaré sous serment qu’il n’avait plus l’intention d’agir en matière d’assurance collective et qu’il avait même transféré à un autre collègue la responsabilité du dossier de la ville ABC.

[29] Le comité considère de plus que le processus disciplinaire aura fort probablement un effet dissuasif sur M. Goulet qui agit dans la profession depuis près de 20 ans.

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R. c. Anthony‑Cook, préc. note 11, par 42.

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[30] Pour chacun des chefs d’infraction, le procureur de la plaignante a déposé plusieurs décisions rendues par le comité pour soutenir le bien-fondé de la recommandation commune des parties 15 .

[31] Même si la jurisprudence soumise n’est pas spécifiquement en matière d’assurance collective comme en l’espèce, le comité est d’opinion qu’elle est néanmoins pertinente pour le présent dossier.

[32] Ainsi, dans l’affaire Gagnon 16 , avant de formuler une recommandation de placement à un client, le représentant avait fait défaut d’obtenir l’ensemble des renseignements nécessaires à son évaluation.

[33] Un tel défaut est similaire à celui de M. Goulet de ne pas avoir obtenu l’information à jour concernant le régime de retraite collectif en vigueur de la ville ABC avant de lui faire ses recommandations s’y rapportant tel que reproché au chef d’infraction 1.

[34] Dans cette affaire de Gagnon, le comité suite à une recommandation commune avait condamné le représentant à une amende de 4 000$ pour chacun des chefs d’infraction.

[35] Aux autres décisions soumises par le procureur de la plaignante pour le chef d’infraction 1, les amendes ordonnées par le comité sont de l’ordre de 3 000 à 5 000$.

[36] En ce qui concerne le chef d’infraction 2, le procureur a soumis deux décisions en matière d’assurance de personnes les professionnels ont été

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16

Pour le chef d’infraction 1 : Chambre de la sécurité financière c. Gagnon, 2024 QCCDCSF 4; Chambre de la sécurité financière c. Rousseau, 2018 QCCDCSF 79; Chambre de la sécurité financière c. Loiselle, 2016 CanLII 52229 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Aron, 2016 QCCDCSF 57; Chambre de la sécurité financière c Gilbert, 2013 CanLII 43415 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c Lemire, 2013 CanLII 55038 (QC CDCSF). Pour le chef d’infraction 2 : Chambre de la sécurité financière c Aubrais, 2012 CanLII 97162 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c Lemieux, 2010 CanLII 99870 (QC CDCSF).

Voir note 15.

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condamnés à des amendes incomplète à leur client.

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17 pour avoir transmis de l’information inexacte ou

[37] Dans l’affaire Lemieux, le comité a condamné le représentant au paiement d’une amende de 4 000$ pour un tel chef d’infraction et dans l’affaire Aubrais, pour deux chefs d’infraction similaire, le comité a condamné le représentant au paiement d’une amende de 3 000$ en plus de lui imposer une réprimande.

[38] Vu ce qui précède, le comité est d’accord avec la recommandation commune des parties.

CONCLUSION [39] Le comité considère que la recommandation commune présentée par les parties respecte le critère de l’intérêt public ou ne mine pas la confiance du public dans l’administration de la justice et qu’elle doit donc être entérinée.

[40] Pour toutes ces raisons, le comité condamnera M. Goulet au paiement d’une amende de 5 000$ quant au chef d’infraction 1, lui imposera une réprimande quant au chef d’infraction 2 et le condamnera au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline : RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé prononcée à l’audience du 26 mai 2025 pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et aux articles 12 et 15 du Code de déontologie de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3) quant au chef d’infraction 1; RÉITÈRE la suspension conditionnelle des procédures en ce qui concerne l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et l’article 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3) quant au chef d’infraction 1;

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Chambre de la sécurité financière c Lemieux et Chambre de la sécurité financière c. Aubrais, préc. Note 15

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RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé prononcée à l’audience du 26 mai 2025 pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et aux articles 13 et 16 du Code de déontologie de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3) quant au chef d’infraction 2; RÉITÈRE la suspension conditionnelle des procédures en ce qui concerne l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et l’article 13 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3) quant au chef d’infraction 2; ET STATUANT SUR LA SANCTION : CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000$ pour le chef d’infraction 1; IMPOSE à l’intimé une réprimande pour le chef d’infraction 2; CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursées conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RCRQ, c. C-26); PERMET la notification de la présente décision aux parties par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), à savoir par courrier électronique.

(S) M e Claude Mageau M e CLAUDE MAGEAU Président du comité de discipline

(S) Marc Gagnon M. MARC GAGNON, A.V.C., PL. FIN. Membre du comité de discipline

(S) Linda Lamarche M ME LINDA LAMARCHE Membre du comité de discipline

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M e Alain Galarneau Pouliot, Prévost, Galarneau Avocat de la partie plaignante

M e Patrick J. Delisle Delisle Mathieu avocats Avocat de la partie intimée

Dates d’audience : 26 mai 2025 COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

A0740 A1320

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ANNEXE 1

PLAINTE DISCIPLINAIRE

1. À Ville A, entre septembre et octobre 2022, l’Intimé a fait défaut de respecter le mandat qui lui avait été confié, par sa cliente la ville ABC, en ne cherchant pas à avoir une connaissance complète des faits quant à son régime de retraite en vigueur, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, 12 et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière ;

2. À Ville A, le ou vers le 11 octobre 2022, l’Intimé a transmis à sa cliente la ville ABC une information fausse ou inexacte quant à l’absence de soumission de la part du prestataire du régime de retraite collectif en vigueur, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, 13 et 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

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