Chambre de la sécurité financière c. Douville COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE CANADA PROVINCE DE QUÉBEC
2025 QCCDCSF 3
N° : CD00-1549 DATE : 6 février 2025 ______________________________________________________________________
LE COMITÉ : Me Chantal Donaldson Présidente Mme Monique Puech Membre M. Bruno Therrien Membre ______________________________________________________________________
SYNDIQUE ADJOINTE DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE Plaignante c.
ÉRIC DOUVILLE, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 148790) Intimé ______________________________________________________________________
DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION ______________________________________________________________________
APERÇU
[1] Il s’agit d’un dossier où la syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière (ci-après : « la plaignante ») reproche à l’intimé, M. Éric Douville, de ne pas avoir répondu à ses demandes dans les plus brefs délais.
[2] La plainte initiale reprochait également à M. Douville d’avoir nui et entravé au travail du syndic. Faute de preuve à l’appui, les articles de rattachement à ces deux reproches ont été retirés à la demande de la plaignante.
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[3] La demande initiale de l’enquêtrice de la Chambre de la sécurité financière, à l’effet de lui transmettre le dossier complet d’un consommateur, a été formulée alors que M. Douville était en arrêt de travail pour une période indéterminée pour cause de maladie. Dans les circonstances, l’enquêtrice a suspendu son enquête.
[4] Quelques mois plus tard, n’ayant pas réussi à rejoindre M. Douville, l’enquêtrice contacte la directrice d’agence du nouvel employeur de ce dernier afin de s’informer de la date de son début d’emploi et du poste qu’il occupe. Elle l’informe également que M. Douville fait l’objet d’une enquête en cours, mais refuse de répondre à la question de l’employeur quant à la nature de l’enquête puisque les enquêtes sont confidentielles.
[5] Le 13 mai 2024, l’enquêtrice consent un nouveau délai de 15 jours à M. Douville afin qu’il lui transmette le dossier complet du consommateur. Elle reçoit le dossier le 25 juin 2024, soit vingt-huit (28) jours après le délai convenu et treize (13) jours après le dépôt de la présente plainte.
CONTEXTE
[6] M. Douville a initialement plaidé non coupable au seul chef d’infraction compris dans la plainte disciplinaire déposée le 12 juin 2024. Laquelle plainte se lisait comme suit :
LA PLAINTE 1. Dans la région de Montréal, depuis le 12 janvier 2024, l’intimé a entravé le travail de l’enquêteur de la Chambre de la sécurité financière en faisant défaut de répondre à ses demandes, contrevenant ainsi aux articles 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, 42 et 44 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.
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[7] Bien que ladite plainte ne contienne qu’un seul chef d’infraction, elle reprochait néanmoins trois infractions distinctes à M. Douville en lien avec trois différents articles de loi relativement à la même trame factuelle. En effet, la plainte lui reprochait d’avoir contrevenu premièrement à l’article 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (ci-après: « Loi »), deuxièmement à l’article 42 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (ci-après: « Code ») et troisièmement à l’article 44 du Code.
[8]
Les articles 342 de la Loi et 42 et 44 du Code édictent ce qui suit :
Loi sur la distribution de produits et services financiers 342. Nul ne peut entraver le travail d’un enquêteur, notamment en l’induisant en erreur.
Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière 42. Le représentant doit répondre, dans les plus brefs délais et de façon complète et courtoise, à toute correspondance provenant du syndic, du cosyndic, d’un adjoint du syndic, d’un adjoint du cosyndic ou d’un membre de leur personnel agissant en leur qualité.
44. Le représentant ne doit pas nuire au travail de l’Autorité des marchés financiers, de la Chambre ou de l’un de ses comités, du syndic, d’un adjoint du syndic, du cosyndic, d’un adjoint du cosyndic ou d’un membre de leur personnel ou d’un dirigeant de la Chambre.
[9] Le matin de l’audition, M. Douville informe le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (ci-après : « comité ») qu’il entend plaider coupable puisqu’il « ne peut pas nier qu’il a manqué les délais » pour remettre le dossier à l’enquêtrice. Il ajoute qu’il est quelqu’un de responsable et il tient à expliquer les circonstances de son retard d’exécution.
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[10] Cet aveu de culpabilité couvre l’infraction commise en contravention de l’article 42 du Code uniquement.
[11] Un plaidoyer de culpabilité doit être libre, volontaire et éclairé et correspondre à l’admission des faits sous-jacents à chaque infraction reprochée afin d’être accepté par le comité.
[12] M. Douville se représente seul, car il explique ne pas avoir présentement les moyens financiers pour payer un avocat, ayant perdu son emploi le 26 août 2024.
[13] Les articles 342 de la Loi et 44 du Code représentent des infractions d’entrave et de nuisance tandis que l’article 42 du Code oblige les représentants à répondre aux demandes du syndic (ou à un de ses représentants) dans les plus brefs délais. Bien que dans certaines circonstances le défaut de répondre au syndic dans les plus brefs délais puisse constituer de l’entrave ou de la nuisance, le comité n’y voit pas un automatisme.
[14] Ces trois infractions sont distinctes l’une de l’autre et la preuve ou la reconnaissance des faits sous-jacents à chacune de ces différentes infractions doivent être prouvées ou admises avant que le comité puisse accepter un plaidoyer de culpabilité ou reconnaître un représentant coupable de chacune de ces infractions. En d’autres mots, il faut prouver ou reconnaître la commission des trois infractions, à savoir : l’entrave, la nuisance et le défaut d’exécution dans les plus brefs délais.
[15] La gravité de chacune de ces infractions n’est pas équivalente, l’entrave au travail du syndic a une gravité objective très élevée 1 . Il faut distinguer cette dernière du défaut
1 Fortin c. Arpenteurs-géomètres (Ordre professionnel des) 2024QCTP 57, par. 45 à 47.
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de ne pas avoir remis le dossier demandé dans les plus brefs délais, laquelle infraction est tout de même sérieuse. Le devoir de collaboration avec le syndic est essentiel au bon fonctionnement du système professionnel mis en place par le Code des professions 2 .
[16] Dans la décision Audioprothésistes (Ordre professionnel des) c. St-Pierre 3 , le Tribunal des professions mentionne : [49] Il y a lieu de bien circonscrire la notion d’« entrave ». [56] […] il faut se demander de prime abord si les faits mis en preuve démontrent clairement qu’il y a eu entrave au travail du syndic.
[60] En droit disciplinaire, il incombe au syndic de démontrer la commission de l’infraction déontologique par une preuve prépondérante. La balance des probabilités requiert une analyse complète et rigoureuse de toute la preuve.
[61] Compte tenu des conséquences que peut avoir une condamnation pour un professionnel, la preuve doit être de haute qualité, claire et convaincante. Une preuve approximative ou qui laisse place à l’ambiguïté ne répond pas aux critères énoncés par la jurisprudence.
[17] Ici, les parties ne se sont pas entendues avant l’audition sur une trame factuelle au soutien des trois infractions reprochées, telles que formulées en un seul chef d’infraction. Le procureur de la plaignante a confirmé que les échanges de courriels intervenus entre l’enquêtrice et M. Douville (pièces P-1 à P-17) constituaient la trame factuelle.
[18] Les pièces P-1 à P-17, les deux communications enregistrées par l’enquêtrice (P-18 et P-19) ainsi que le certificat médical et la lettre de congédiement (D-1 et D-2) ont tous été produits de consentement des parties.
2 Serra c. Médecins (Ordre professionnel des), 2021 QCTP 2, par. 122. 3 Audioprothésistes (Ordre professionnel des) c. St-Pierre 2015 QCTP 107, par. 49, 56, 60 et 61.
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PLAIDOYER DE CULPABILITÉ
[19] Après avoir pris connaissance de l’ensemble des pièces, le comité était en mesure, séance tenante, d’accepter le plaidoyer de culpabilité libre, volontaire et éclairé de M. Douville quant à l’infraction incluse à l’article 42 du Code et le reconnaître coupable de ne pas avoir répondu, dans les plus brefs délais, à la demande de l’enquêtrice.
[20] Toutefois, les faits tels que reconnus par ce dernier et inclus dans la preuve étaient insuffisants quant aux infractions d’entrave et de nuisance. La rédaction du libellé de la plainte peut, lorsque plusieurs infractions sont en cause et regroupées dans un seul chef d’infraction, rendre difficile la compréhension et la distinction desdites infractions reprochées et ainsi en rendre l’admission plus complexe et délicate si une seule est admise.
[21] Dans les circonstances, le comité a suspendu l’audience, afin de permettre à la plaignante de compléter sa preuve quant aux liens de rattachement des infractions aux articles 342 de la Loi et 44 du Code.
[22] À la reprise de l’audition, le comité a été informé que la plaignante n’avait aucune preuve additionnelle à ajouter et qu’elle désirait réamender sa plainte afin d’y retirer les articles 342 de la Loi et 44 du Code relatifs à l’entrave et à la nuisance. Précisons que la plainte avait déjà été amendée pour être limitée dans le temps à la suite de la remise du dossier à l’enquêtrice. Le comité a donc accepté le réamendement de la plainte et permis le retrait de ces deux articles.
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[23] Le comité a accepté le plaidoyer de culpabilité de M. Douville quant à l’article 42 du Code et l’a reconnu coupable, séance tenante, d’avoir omis de répondre, dans les plus brefs délais, à l’enquêtrice.
La position de la plaignante
[24] Selon la position de la plaignante, puisque la condition médicale de M. Douville lui permettait un retour au travail, l’enquête reprenait son cours et le dossier du consommateur (déjà demandé en juillet 2023) devait lui être remis. Comme M. Douville a repris le travail le 12 janvier 2024, c’est à cette date, selon la plaignante, qu’a débuté la commission de l’infraction quant au retard à lui remettre le dossier du consommateur.
[25] Le 3 janvier 2024, l’enquêtrice effectue un premier suivi concernant le retour au travail de M. Douville. Compte tenu de l’absence de réponse à ce courriel ainsi que l’absence de réponse concluante à celui du 21 février et qu’il n’a pas donné suite aux courriels du 22 mars et 16 avril 2024, selon la plaignante, il enfreint à nouveau son obligation de répondre au syndic de façon complète et dans les plus brefs délais, puisqu’il aurait omis de lui indiquer sa date de retour au travail. Le libellé de la plainte reproche un délai d’inexécution de 5 mois et demi à savoir entre le 12 janvier et le 25 juin 2024.
La position de M. Douville
[26] À la suite de la suspension de son dossier d’enquête en septembre 2023, ce n’est que le 22 février 2024, qu’il constate pour la première fois que l’enquêtrice cherche à lui parler. En raison de ses troubles de mémoire, il oublie tout simplement de la recontacter en début de semaine, tel qu’il lui avait indiqué dans son courriel de réponse.
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[27] Dès qu’il est informé par le bureau de la conformité d’Industrielle Alliance (ci-après : « IA »), en date du 13 mai 2024, qu’une enquêtrice de la Chambre de la sécurité financière tente de le joindre, il communique sans délai avec cette dernière. Lors de cette conversation téléphonique, l’enquêtrice lui accorde un délai de 15 jours pour lui remettre le dossier du consommateur, à savoir jusqu’au 28 mai 2024. Comme il a remis à l’enquêtrice une copie papier du dossier le 25 juin 2024, il reconnaît donc qu’il ne s’est pas exécuté dans les plus brefs délais entre le 29 mai et le 25 juin 2024.
Recommandations sur sanction de chacune des parties
[28] La plaignante recommande comme sanction, à l’unique infraction restante, une amende de 3 500$ compte tenu de la gravité objective de l’infraction et des longs délais invoqués avant que M. Douville ne se conforme aux demandes de l’enquêtrice. Tandis que M. Douville recommande « un blâme » (réprimande), car selon lui, le délai de l’infraction n’est que de 28 jours. Aux fins de l’imposition de la sanction, il demande que ses problèmes de santé soient considérés ainsi que la perte de son nouvel emploi à la suite de cette affaire. Il indique avoir déjà payé assez chèrement ce manquement, qu’il qualifie d’oubli, étant toujours sans revenu au moment de l’audition.
QUESTION EN LITIGE Dans les circonstances de la présente affaire, quelle est la sanction juste et appropriée à imposer à M. Douville pour ne pas avoir répondu aux demandes de l’enquêtrice, dans les plus brefs délais?
[29] Pour les motifs qui suivent, le comité conclut que la sanction juste et appropriée pour M. Douville est l’imposition d’une réprimande et la condamnation à payer les déboursés pour avoir contrevenu à l’article 42 du Code.
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ANALYSE
[30] C’est dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault 4 de la Cour d’appel du Québec que l’on retrouve les objectifs et principes devant guider les tribunaux pour l’imposition d’une peine en matière disciplinaire. La règle fondamentale est son individualisation. Selon la Cour, la sanction doit coller aux faits du dossier. En d’autres mots, l’analyse doit porter sur l’individu en fonction du geste qu’il a posé. Chaque cas est un cas d’espèce. Ainsi, la sanction doit correspondre au contexte propre à la situation et être proportionnelle à la gravité de la violation.
[31] Selon cet arrêt, la sanction en droit disciplinaire doit atteindre les objectifs de protection du public, de dissuasion du professionnel de récidiver, d’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession, le tout en considérant en dernier lieu, le droit du professionnel d’exercer sa profession.
[32] Dans l’affaire Serra 5 , le Tribunal des professions mentionne que pour atteindre ces objectifs « les conseils de discipline doivent trouver un juste équilibre entre tous ces objectifs, en insistant à l’occasion sur l’un ou l’autre en relation avec le cas particulier, mais pas au détriment des autres objectifs ». Au paragraphe 121, le Tribunal ajoute qu’« [e]n définitive, un conseil de discipline qui ne considère pas à sa juste valeur les principes de l’individualisation et de la proportionnalité risque fort de commettre une erreur de principe et d’imposer une sanction manifestement non indiquée. »
[33] Rappelons que la sanction disciplinaire ne vise pas à punir le professionnel. Ce principe jurisprudentiel signifie que la peine imposée ne doit pas uniquement
4 Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 37 et 38. 5 Supra note 2, par. 116 et 121.
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sanctionner un comportement fautif, mais veiller à ce que ce comportement ne se reproduise plus, dans un esprit de maintien des normes professionnelles et ainsi assurer la protection du public 6 . La sanction qui satisfait ces objectifs sera juste et appropriée, au-delà, elle devient punitive.
Suspension de l’enquête
[34] M. Douville a 28 ans d’expérience dans le domaine de l’assurance-vie. Il est sans antécédent disciplinaire.
[35] Il a été en arrêt de travail, pour des raisons médicales (invalidité) de février 2021 à décembre 2022. Par la suite, il a effectué un retour au travail progressif, d’un jour par semaine de décembre 2022 jusqu’en juin 2023, il est retombé en invalidité totale de juin jusqu’en décembre 2023.
[36] Du 12 janvier au 26 août 2024, il occupe un nouvel emploi chez IA à titre de directeur des ventes. Auparavant, il était rattaché au cabinet Beneva inc.
[37] Le 6 juillet 2023, alors qu’il est en période d’invalidité, une enquêtrice de la Chambre de la sécurité financière transmet un courriel à M. Douville, par l’entremise de son adresse personnelle afin de l’informer de l’ouverture d’une demande d’enquête à son égard. L’enquêtrice lui mentionne qu’elle communiquera avec lui sous peu afin d’avoir sa version des faits. Entre-temps, elle lui demande de lui faire parvenir dans les 15 jours suivants la réception du courriel, le dossier complet et intégral d’assurance d’un consommateur incluant les contrats en vigueur ou non, ses notes, courriels et messages textes.
6 Supra note 2, par. 111.
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[38] Le 21 juillet 2023, constatant alors qu’il a reçu cette demande, M. Douville répond au courriel de l’enquêtrice en l’informant « qu’il vient de voir qu’elle lui avait envoyé un email, qu’il est désolé de lui répondre tardivement, qu’il est en arrêt de travail pour une rechute d’un précédent arrêt de travail de 2 ans et qu’il va l’appeler lundi prochain ».
[39] Le 3 août 2023, l’enquêtrice remercie M. Douville pour son courriel. Elle l’informe à nouveau que dans le cadre de cette enquête, elle aurait besoin de sa version des faits, mais elle ne mentionne pas ce qui lui serait reproché et elle ajoute « que si votre état de santé ne vous permettait pas de collaborer pour le moment, veuillez nous fournir une copie de votre arrêt de travail. Sinon, je communiquerai avec vous dans les prochaines semaines pour organiser une rencontre téléphonique ».
[40] Dans ces deux cas, le comité ne décèle aucune indication d’urgence à s’exécuter. En effet, si M. Douville transmet son billet médical, l’enquête sera suspendue, sinon l’enquêtrice communiquera avec lui dans les prochaines semaines pour fixer une rencontre téléphonique.
[41] Le 19 septembre 2023, M. Douville transmet son billet médical à l’enquêtrice. Il s’excuse du délai, il l’informe qu’il a des troubles cognitifs qui lui causent des problèmes de mémoire. Il mentionne également qu’il revoit son médecin à la fin septembre et il conclut en indiquant : « Je vous tiendrai au courant ».
[42] Ledit billet médical est daté du 29 août 2023, il confirme l’arrêt de travail pour une durée indéterminée, qu’une expertise a été réalisée le 17 août et que la médecin est en attente du rapport d’expertise. Des difficultés cognitives sont au cœur du problème fonctionnel de M. Douville. Dans les circonstances, l’enquêtrice suspend son dossier.
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[43] Cette suspension ne laisse planer aucune possibilité de graves blâmes à l’endroit de M. Douville. En effet, plus une allégation est grave, plus rapide sera la vitesse d’exécution du syndic dans son rôle de protection du public.
[44] À ce moment, M. Douville ignore toujours la nature des faits qu’on lui reproche. Toutefois, M. Douville témoigne à l’effet qu’il a tout de même une bonne idée de la nature du reproche et qu’il n’est aucunement inquiet. En effet, il avait été contacté par ce client au printemps 2023. Le client tenait alors un discours à l’effet que : « les polices d’assurance-vie participantes des compagnies d’assurance étaient un concept de fraude et qu’il fallait les annuler au profit de polices temporaires et investir la différence ». Au soutien de cette affirmation, le nouveau conseiller du client lui avait remis un livre à cet effet.
[45] M. Douville n’accorde aucune crédibilité à ces propos tenus par le consommateur ni à l’auteur dudit livre. De plus, comme il n’a pas reçu de préavis de remplacement pour cette police de la part du consommateur, il croit que l’enquête pour ce dossier ne mènera pas au dépôt d’une plainte disciplinaire.
La reprise de l’enquête
[46] Plusieurs mois plus tard, à savoir le 3 janvier 2024, l’enquêtrice écrit à M. Douville, toujours par l’entremise de son courriel personnel, pour s’enquérir de sa date de retour au travail, le cas échéant. Ce courriel restera sans réponse. M. Douville explique que compte tenu de sa condition médicale, on lui avait recommandé de couper complètement les communications dans le cadre de son processus de guérison. Il consultait le moins possible ses appareils électroniques. De plus, son courriel personnel
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contenait majoritairement des courriels indésirables de publicité et concours non sollicités, il le consultait donc rarement.
[47] Le 12 janvier 2024, M. Douville commence un nouvel emploi de directeur des ventes chez IA et son employeur lui assigne une nouvelle adresse courriel professionnelle. À compter de cette date, c’est cette adresse courriel qu’il utilise dans le cadre de son travail.
[48] Le 21 février 2024, l’enquêtrice tente un second suivi concernant son retour au travail à l’adresse courriel personnelle de M. Douville. Le lendemain matin, M. Douville répond à l’enquêtrice en l’informant qu’il lui revient en début de semaine prochaine. Toutefois, M. Douville oublie par la suite de donner suite à ce courriel.
[49] Le 22 mars 2024, n’ayant toujours pas reçu d’information concernant le retour au travail de M. Douville, elle lui fait parvenir un autre courriel de suivi à son adresse personnelle l’enjoignant de lui faire parvenir la date de son retour au travail dans les 5 jours suivants la réception de ce courriel. Ce courriel n’est pas ouvert par M. Douville.
[50] Le 15 avril 2024, l’enquêtrice confirme avec la réceptionniste d’IA que M. Douville travaille effectivement à cet endroit et elle laisse un message à son intention sur la boîte vocale du poste 630328 d’IA ainsi qu’un message sur la boîte vocale de sa résidence. M. Douville allègue ne pas avoir reçu lesdits messages et que la boîte vocale de sa résidence n’est pas fonctionnelle. De plus, son bureau chez IA n’avait pas de téléphone fixe, il utilisait son téléphone portable. Pour ce qui est de la boîte vocale, les représentants reçoivent un courriel à l’effet qu’ils ont reçu un message et M. Douville n’était pas familier avec ce système de messagerie électronique.
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[51] Le 16 avril 2024, l’enquêtrice lui transmet, à son adresse courriel personnelle, un message intitulé « Dernier suivi -IMPORTANT » dans lequel elle réclame les documents déjà demandés. Cette correspondance sera également transmise par courrier Xpresspost au domicile de M. Douville le 25 avril 2024 et reçue par sa conjointe. M. Douville ne se souvient pas avoir vu cette lettre à ce moment.
[52] Le 2 mai 2024, l’enquêtrice appelle Mme Chantal Bérubé (directrice d’agence chez IA) pièce P-18. Lors de cette conversation téléphonique, le nouvel employeur est avisé que M. Douville fait l’objet d’une enquête et l’enquêtrice lui pose des questions quant au travail de M. Douville. Après avoir répondu aux questions de l’enquêtrice, Mme Bérubé a demandé : « est-ce que je peux connaître c’est quoi l’enquête exactement? » En réponse, l’enquêtrice ajoute: « Non, malheureusement c’est confidentiel, je ne peux pas vous donner des détails de l’enquête. Ça concerne une enquête en cours à la CSF. » Évidemment, cet appel a suscité de l’inquiétude et des questionnements de la part du nouvel employeur face à son nouveau directeur des ventes.
[53] Rappelons que les informations et renseignements colligés au dossier du syndic ont un caractère confidentiel et sont protégés par un serment de discrétion au stade de l’enquête conformément à l’article 124 du Code des professions 7 .
[54] Le but de cette confidentialité est de protéger le secret des renseignements recueillis dans le cadre de l’enquête du syndic et de s’assurer que ce dernier puisse mener efficacement son enquête. 8
7 Guay c. Gesca ltée, 2013 QCCA 343, par. 49, 52, 82, 85 et 97. 8 Farhat c. ordre des opticiens d’ordonnances du Québec, [1999] R.J.Q. 1699 (C.S.), par. 41.
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[55] L’enquêteur a souvent accès à des informations confidentielles et personnelles concernant des tiers, et ce, même à leur insu. Il serait totalement inapproprié que ces renseignements deviennent accessibles et à la portée de tous. C’est pourquoi le dossier d’enquête n’est accessible à personne, pas même au professionnel faisant l’objet de l’enquête 9 .
[56] De plus, le travail du syndic est comparable au travail d’un enquêteur policier. Dans certaines situations, il serait inadéquat de laisser savoir à l’accusé ce que l’on cherche, au risque de voir disparaître la preuve. Le syndic doit avoir le temps d’enquêter et d’analyser les faits sans être incommodé. Ce principe cesse au moment du dépôt de la plainte disciplinaire et cède le pas à l’obligation de divulgation de la preuve 10 .
[57] En mai 2024, l’enquête est toujours en cours et l’enquêtrice refuse d’en divulguer l’objet.
[58] À la suite de cet appel, M. Douville a été questionné par son supérieur. Ce dernier voulait savoir quel était l’objet ou la nature de l’enquête. M. Douville l’ignorait puisque l’enquêtrice ne lui a pas révélé. Toutefois, M. Douville a informé son supérieur de ses soupçons quant à la nature du reproche et il lui a dit qu’il n’était pas inquiet. Il a d’ailleurs montré à son supérieur une photo des pages du livre, au soutien des prétentions du consommateur, qu’il a conservé.
[59] Cette hypothèse de M. Douville quant à la source de l’enquête a calmé, à ce moment, les inquiétudes de son employeur.
9 Dubois c. Robert, 2007 QCCS 1538, par. 32. 10 Psychologues (Ordre professionnel des) c. Turgeon, 2013 QCTP 32, par. 53.
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[60] Le 9 mai 2024, un courriel intitulé « URGENT, DERNIER RAPPEL » est transmis aux deux adresses courriel de M. Douville à savoir son adresse courriel personnelle et à sa nouvelle adresse courriel professionnelle. Ce courriel fait suite à l’envoi du 22 avril et vise à apporter quelques corrections et précisions aux dates qui y sont mentionnées. Cette lettre contient la mention suivante : « Veuillez nous faire parvenir une copie du dossier client complet et intégral pour M. (D. R.) et communiquer avec nous dès la réception de la présente. En cas de défaut, le syndic déposera un chef d’entrave à votre égard. »
[61] Le 13 mai 2024, M. Douville répond à l’enquêtrice et lui demande de l’appeler sur son cellulaire. Lors de cette conversation téléphonique 11 , M. Douville l’informe qu’il est facilement joignable en tout temps sur son portable et réitère avoir beaucoup de troubles de mémoire en lien avec ses problèmes cognitifs et présente à multiples reprises ses excuses pour les délais que son retard a pu engendrer. L’enquêtrice accorde un délai de 15 jours pour que le dossier du consommateur lui soit transmis 12 . M. Douville ne travaillant plus chez Beneva inc., il doit récupérer le dossier qui date de plusieurs années.
[62] Lors de cette conversation, M. Douville demande des informations au sujet de l’enquête. Il comprend que l’enquête est confidentielle. Toutefois, il demande précisément à l’enquêtrice : « Qu’est-ce que je peux dire à IA ? » L’enquêtrice lui répond : « Pour le moment, ne donner pas de détails puisque ça ne concerne pas IA. Je vais vérifier avec la syndique adjointe, si on vous questionne, ce que vous avez le droit ou pas et je vais vous revenir par courriel aussitôt que j’ai la réponse. Il n’y a pas
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de plainte. C’est une demande d’enquête à votre égard, il n’y a pas d’incidence sur votre pratique, on essaie de comprendre ce qui s’est passé ». Cette question restera sans réponse de la part de l’enquêtrice.
[63] Selon ce nouveau délai accordé, le dossier du consommateur aurait donc dû être reçu au plus tard le 28 mai 2024 par l’enquêtrice.
[64] Le 30 mai, M. Douville écrit à l’enquêtrice pour lui demander de quelle façon il doit lui transmettre le dossier. Elle lui répond presque instantanément : « Veuillez répondre à ce courriel sécurisé ». Plus tard dans la journée, elle lui écrit : « Je ne vois pas votre réponse ».
[65] M. Douville explique avoir numérisé et transmis le dossier par courriel sécurisé le 30 mai 2024. Treize (13) jours plus tard, la présente plainte disciplinaire est déposée. M. Douville ne comprend pas pourquoi, car il est convaincu d’avoir numérisé le dossier et l’avoir transmis à l’enquêtrice le 30 mai 2024. Il indique que ce n’est qu’à la suite du dépôt de la plainte qu’il constate que cela n’avait pas fonctionné puisque le dossier était trop volumineux.
[66] Par la suite, M. Douville photocopie le dossier et il va en remettre une copie à l’enquêtrice à son bureau le 25 juin 2024.
Les manquements reprochés
[67] La plainte a été déposée à l’encontre de M. Douville le 12 juin 2024 et reproche à ce dernier d’avoir fait défaut de répondre aux demandes de l’enquêtrice entre le 12 janvier 2024 et le 25 juin 2024.
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[68] Rappelons qu’au départ, l’enquêtrice demandait uniquement la transmission du dossier du consommateur. Considérant l’état de santé de M. Douville et son arrêt de travail, l’enquête a été suspendue. Le libellé de la plainte disciplinaire n’étant pas spécifique quant aux demandes, le comité comprend, à la suite des explications du procureur de la plaignante, qu’une deuxième demande n’aurait pas été répondue dans les plus brefs délais, à savoir, celle relative à son retour au travail.
Demande relative au retour au travail
[69] La preuve démontre que l’enquêtrice a eu connaissance du retour au travail de M. Douville le ou vers le 15 avril 2024, et ce, sans l’intervention de ce dernier. À compter de cette connaissance par l’enquêtrice, le comité ne peut pas reprocher à M. Douville de ne pas avoir informé l’enquêtrice d’un fait dont elle a déjà manifestement connaissance. Quant à cette infraction, si infraction il y a, ne peut-être qu’antérieur au 15 avril 2024.
[70] M. Douville a pris connaissance d’un seul courriel de l’enquêtrice lui demandant cette information avant cette date, soit celui du 21 février 2024, avec comme seule réponse qu’il reviendrait à l’enquêtrice en début de semaine. Ce qu’il n’a pas fait.
[71] M. Douville explique la situation notamment à cause de ses problèmes de mémoire et qu’il consultait rarement son courriel personnel. Il ajoute qu’en aucun temps, il n’a refusé de répondre à l’enquêtrice. Il n’a pas tenté de cacher de l’information. Il est de bonne foi et toujours sous médication. De plus, son retour au travail était public, connu de l’Autorité des marchés financiers (ci-après : « AMF ») et facilement vérifiable
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puisque ses coordonnées apparaissaient au registre des entreprises et individus autorisés à exercer de l’AMF.
[72] M. Douville aurait dû répondre aux courriels de l’enquêtrice dans les plus brefs délais, toutefois, encore faut-il qu’il en ait eu connaissance 13 . Sans prendre connaissance de ces demandes, il ne pouvait pas y répondre.
[73] Sans la preuve claire et convaincante, de la part de la plaignante, que M. Douville a eu connaissance des courriels transmis à son adresse personnelle, cela ne peut pas représenter un manquement déontologique. Il est plausible que, dans les circonstances particulières de M. Douville, occupant un nouvel emploi avec nouvelle une adresse courriel professionnelle, et souffrant de problèmes de santé relatifs à sa mémoire, qu’il n’est pas vu le courriel du 22 mars 2024 envoyé à son adresse courriel personnelle.
[74] Rappelons qu’après le 15 avril, l’enquêtrice savait que M. Douville était retourné au travail, il était donc devenu inutile de lui rappeler. Dès lors, aucune infraction relative à ce reproche ne peut être imputée à M. Douville. Le comité ne retient pas cet évènement comme étant un manquement déontologique.
Demande relative à l’obtention du dossier du consommateur
[75] Le comité doit sanctionner M. Douville pour ne pas avoir répondu, dans les plus brefs délais, à la demande de l’enquêtrice quant à l’obtention du dossier du consommateur.
13 CSF c. Hanahem, 2010 CanLII 99864 (QC CDCSF), par. 89.
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[76] Compte tenu du délai accordé le 13 mai 2024, le comité retient que la durée de l’infraction à ce manquement commence le 29 mai 2024 et non pas le 12 janvier 2024. La durée de l’infraction étant de 28 jours, à savoir, du 29 mai au 25 juin 2024.
[77] La plaignante demande l’imposition d’une amende de 3 500$. Son procureur plaide qu’une réprimande banaliserait l’infraction. Il cite cinq (5) jurisprudences 14 au soutien de sa recommandation. Dans l’affaire Moreau, l’intimée avait des antécédents en matière de non-collaboration avec la justice et il s’agissait de recommandations communes, lesquelles doivent être suivies à moins qu’elles ne déconsidèrent l’administration de la justice ou qu’elles ne soient contraires à l’intérêt public, ces faits sont différents du présent dossier.
[78] Dans les quatre (4) autres affaires soumises, il s’agit de dossiers qui concernent l’entrave et/ou la nuisance, tandis que la présente plainte ne comporte pas ces infractions. De plus, dans l’affaire St-Germain, l’intimé avait une attitude désinvolte, il n’avait pas répondu aux demandes et avait fait de fausses représentations au syndic. Dans l’affaire Drouin, le comportement de l’intimé avait nui au travail du syndic et au bon fonctionnement de l’enquête. Dans l’affaire Dupras-Doroftei, l’intimé n’avait pas répondu de manière complète à la demande de renseignements et avait omis de fournir l’intégralité du dossier. Ces jurisprudences diffèrent de la présente affaire.
[79] Dans le présent cas, l’enquêtrice détient le dossier tel que demandé depuis le 25 juin 2024. Lors de la continuation de l’audition tenue le 19 novembre 2024, M. Douville n’a toujours pas été avisé de l’objet de la plainte et on ne lui a toujours pas demandé
14 CSF c. Moreau, 2022 QCCDCSF 63; CSF c. Touchette, 2017 QCCDCSF 87; CSF c. St-Germain, 2022 QCCDCSF 25; CSF c. Drouin, 2021 QCCDCSF 67; CSF c. Dupras-Doroftei, 2021 QCCDCSF 50
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sa version des faits, malgré les indications écrites de l’enquêtrice à l’effet qu’elle communiquerait avec lui à cet égard.
[80] Le comité est conscient des obligations de confidentialité du syndic et respecte son travail. Cela étant dit, à moins que la demande d’enquête ne soit manifestement non fondée et que le syndic ne ferme son dossier, éventuellement, l’enquêtrice n’aura d’autres choix que de révéler au représentant la nature et la teneur des faits reprochés afin d’avoir sa version des faits pour compléter son enquête.
[81] La gravité de l’infraction faisant l’objet de l’enquête et le dépôt ou non d’une plainte à issue de l’enquête sont des éléments à considérer pour l’imposition d’une sanction d’entrave 15 . Ces éléments doivent aussi être considérés lors de l’établissement de la sanction relative aux infractions de « délai élevé ou excessif » pour répondre au syndic. En effet, la gravité de l’objet de l’enquête et sa conclusion sont assurément pertinentes dans la détermination de la peine à une infraction connexe et de moindre gravité.
[82] Questionné à ce sujet par le comité, le procureur de la plaignante indique ignorer également l’objet de l’enquête, tout ce qu’il peut dire, c’est qu’elle est toujours en cours. Cela étant dit, comment expliquer l’absence de réponse à la demande précise de M. Douville quant à l’information qu’il doit fournir à son nouvel employeur, IA? L’enquêtrice s’étant engagée à vérifier auprès de la syndique adjointe et lui revenir.
[83] Bien qu’il soit convaincu de la bonne foi de l’enquêtrice, M. Douville se questionne également sur la nécessité d’avoir contacté son nouvel employeur à deux reprises (la réceptionniste le 15 avril et Mme Bérubé le 2 mai) alors que la demande d’enquête
15 Supra note 2, par. 149.
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concerne un client de La Capitale (maintenant Beneva inc.) et que l’enquêtrice sait déjà qu’il a repris le travail.
[84] L’employeur de M. Douville a eu connaissance de l’existence de la présente plainte en août 2024. À ce moment, son supérieur est venu le rencontrer pour l’informer qu’en raison de ce « deuxième » dossier disciplinaire (l’enquête en cours et la présente plainte), IA mettait fin à son emploi immédiatement. Comme son nouvel employeur ne le connaissait pas beaucoup, il désirait en rester là, en lui recommandant d’aller régler ses dossiers avec la CSF et l’AMF.
La sanction
[85] La fourchette des sanctions pour l’infraction d’avoir contrevenu à l’article 42 du Code varie habituellement de l’imposition d’une amende à de courtes radiations temporaires. Tout comme la fourchette des sanctions pour l’entrave, ces fourchettes ont évolué ces dernières années et elles sont maintenant plus strictes. Rappelons que les fourchettes sont des guides et non des carcans 16 .
[86] Le Tribunal des professions dans l’affaire Serra 17 a fait une analyse des sanctions en matière d’entrave. Par analogie, le comité s’inspire de cette analyse pour déterminer la peine à imposer à M. Douville. Cette revue des sanctions démontre que, précédemment, pour une première infraction d’entrave, la sanction était généralement de l’ordre de la réprimande et de l’amende 18 . Aujourd’hui, cette sanction varie de l’imposition d’une amende à une radiation temporaire.
16 Supra note 2, par. 104. 17 Précité, note 2, par. 148, 149 et 150. 18 Médecins (Ordre professionnel) c. Li, 2013, CanLII 20916 (QC CDCM); Médecins (Ordre professionnel) c. Rock, 2016 CanLII 16913 (QC CDCM)
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[87] Il s’agit de la première sanction disciplinaire pour M. Douville. L’infraction de « réponse hors délai » est moins grave que l’infraction d’entrave, il s’agit d’une infraction passive et les circonstances particulières du présent dossier permettent de s’écarter de la fourchette maintenant plus stricte des infractions relatives à l’article 42 du Code.
[88] De plus, il est fréquent que les infractions d’entrave et de nuisance soient jointes avec celle de l’article 42 du Code, de sorte que les sanctions imposées sont habituellement considérées dans leur ensemble 19 . La détermination de la peine se fait de façon globale, dissimulant ainsi la sanction pour une infraction à l’article 42 du Code uniquement. La jurisprudence sur les sanctions aux manquements à cet article seul est moins fréquente et la fourchette pour la contravention à cet article est moins délimitée.
[89] Le comité pour la détermination de la présente sanction tient compte également que le délai de réponse à l’enquêtrice est élevé, à savoir 28 jours après l’expiration du délai accordé, et constitue un facteur aggravant.
[90] Les facteurs atténuants retenus sont les suivants : - M. Douville s’est conformé à la demande; - il a plaidé coupable; - il n’a pas d’antécédent disciplinaire en 28 ans de carrière; - il exprime des regrets; - il y a absence d’intention malveillante ou malhonnête; - il n’a pas démontré un manque de respect pour les autorités régissant l’exercice de la profession;
- - -
il a des problèmes de santé relatifs à sa mémoire; le délai n’a causé aucun préjudice à l’enquête outre le retard; le retard n’a pas rendu l’enquête impossible;
19 CSF c. Auclair, 2017 QCCDCSF 6 par. 44 et 45.
CD00-1549 PAGE : 24 - rien ne laisse présager que l’infraction qui fait l’objet de l’enquête est grave; - il n’y a pas eu dépôt d’une plainte à l’issue de l’enquête à ce jour; - il n’y a eu aucun impact sur les tiers; - il a perdu un emploi bien rémunéré.
[91] Compte tenu des éléments présentés, tant objectifs que subjectifs, atténuants qu’aggravants, le comité condamne M. Douville à une réprimande et au paiement des déboursés.
[92] Il s’agit d’une sanction appropriée et proportionnelle en considération des facteurs propres à la situation de M. Douville et de nature à atteindre les objectifs de la sanction disciplinaire, notamment, la protection du public, la dissuasion de récidive, de même que celui de l’exemplarité à l’égard des pairs.
[93] En ce qui a trait à l’exemplarité, le comité fait siens les propos tenus dans l’affaire Bénie 20 à savoir : « [q]uant à ce dernier objectif, rappelons que la réprimande est l’une des sanctions prévues au Code des professions et que, même si elle se révèle être la moins sévère, elle conserve son importance notamment en raison de l’antécédent disciplinaire qui demeurera au dossier de l’intimée. »
[94] Une amende serait une sanction inadéquate puisqu’ajouter des conséquences monétaires à la perte de son emploi ne viendrait pas contribuer à l’objectif de dissuasion de récidive. Cet objectif est déjà atteint. M. Douville regrette amèrement la situation. Les risques de récidives sont très faibles (voire nul) ayant eu comme conséquence la perte de son emploi. La protection du public est assurée.
20 CSF c. Bénie, 2018 QCCDCSF 65 par. 50
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PAR CES MOTIFS, le comité de discipline : RÉITÈRE le retrait des liens de rattachement des infractions aux articles 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 44 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité.
PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de M. Douville quant au seul chef d’infraction mentionné à la plainte remodifiée pour avoir contrevenu à l’article 42 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.
RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de ce dernier prononcée sous l’unique chef d’infraction contenu à la plainte pour avoir contrevenu à l’article 42 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.
DÉCLARE M. Douville coupable de ne pas avoir répondu, dans les plus brefs délais, entre le 29 mai et le 25 juin 2024 (à savoir 28 jours) à la demande de l’enquêtrice quant à la transmission du dossier du consommateur. ET STATUANT SUR SANCTION :
IMPOSE à M. Douville une réprimande sous l’unique chef d’infraction. CONDAMNE ce dernier au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions.
PERMET la notification de la présente décision à M. Douville par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile soit par courrier électronique.
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(S) M e Chantal Donaldson __________________________________ M e Chantal Donaldson Présidente du comité de discipline
(S) Monique Puech __________________________________ M me Monique Puech Membre du comité de discipline
(S) Bruno Therrien __________________________________ M. Bruno Therrien Membre du comité de discipline
M e Alain Galarneau Pouliot, Prévost, Galarneau, S.E.N.C. Procureur de la plaignante
M. Éric Douville Intimé, présent et non représenté
Dates d’audience : 30 octobre et 19 novembre 2024 COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ A0430