Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de l'assurance c. Blouin COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE

2025 QCCDCHA 15

(ANCIENNEMENT CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE) CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

: CD00-1570 DATE : 10 novembre 2025

LE COMITÉ :

M e Claude Mageau M. Sylvain Jutras, A.V.C., Pl. Fin. M me Dyan Chevrier, A.V.A.

Président Membre Membre

SYNDIQUE DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE Partie plaignante c. GENEVIÈVE BLOUIN, conseillère en sécurité financière, représentante en assurance collective de personnes, planificatrice financière et représentante de courtier en épargne collective, (certificat 150481, BDNI 1444891)

Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-divulgation, non-diffusion, et non-publication de tout renseignement ou information qui pourrait permettre d’identifier la consommatrice concernée par la plainte disciplinaire dont les initiales apparaissent dans la plainte et dont le nom apparait dans la preuve ainsi que tout renseignement ou information contenus dans la preuve qui permettrait de les identifier, étant entendu que la présente

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ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

L’INFRACTION REPROCHÉE [1] La plainte disciplinaire déposée contre Geneviève Blouin (« Mme Blouin ») contient le chef unique d’infraction de ne pas avoir « fait preuve de compétence et de professionnalisme en ne donnant pas suite aux demandes de sa cliente M-F.M. quant au transfert de son CRI, contrevenant ainsi aux articles 160.1 de la Loi sur les valeurs mobilières et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières. » 1

[2] L’audition de la plainte est fixée au 24 juillet 2025 alors que Mme Blouin n’est pas représentée par avocat et que la plaignante est représentée par M e Alain Galarneau.

[3] Mme Blouin informe alors le comité qu’elle a l’intention d’enregistrer un plaidoyer de culpabilité à l’infraction reprochée.

LE PROJET DE LOI 92 [4] Le 3 juin 2025, l’Assemblée nationale du Québec a adopté le 3 juin 2025 la Loi modifiant diverses dispositions principalement dans le secteur financier (« Loi 92 ») laquelle est en vigueur le 4 juillet 2025 2 .

[5] La Loi 92 prévoit entre autres la fusion de la Chambre de la sécurité financière et de la Chambre de l’assurance de dommages au sein d’une nouvelle chambre, soit la Chambre de l’assurance 3 .

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Annexe 1 : la plainte disciplinaire. Projet de Loi 92, (2025 chapitre 16). Art. 18 de la Loi 92.

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[6] Elle prévoit aussi que les membres du comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière en fonction le 3 juillet 2025 deviennent les membres du comité de discipline de la Chambre de l’assurance 4 .

[7]

Cependant, le législateur prévoit spécifiquement à l’article 38 de ladite loi que :

« L’audition d’une plainte devant le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière ou du comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se poursuit ou est entreprise devant le comité de discipline de la Chambre de l’assurance. Toutefois, à compter du 4 juillet 2025, seule l’audition d’une plainte portant uniquement sur les dispositions du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (chapitre D-9.2, r. 3), du Code de déontologie des experts en sinistre (chapitre D-9.2, r. 4), du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (chapitre D-9.2, r. 5), du Règlement sur la formation 14 continue obligatoire de la Chambre de l’assurance de dommages (chapitre D-9.2, r. 12.1) ou du Règlement sur la formation continue obligatoire de la Chambre de la sécurité financière (chapitre D-9.2, r. 13.1) peut être entreprise devant le comité de discipline de la Chambre de l’assurance. Dans les autres cas, l’audition doit être entreprise devant le Tribunal administratif des marchés financiers. » (nos soulignés)

[8] Ainsi, à compter du 4 juillet 2025, seule l’audition d’une plainte portant uniquement sur les dispositions mentionnées audit article dont plus particulièrement celles en vertu du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière peut être entreprise devient le présent comité.

[9] Tel que mentionné plus haut, la plainte disciplinaire déposée contre Mme Blouin ne lui reproche pas d’avoir commis une infraction concernant une de ces dispositions, mais plutôt en vertu des dispositions de la Loi sur les valeurs

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Art. 36 de la Loi

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mobilières et du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières.

[10] Cela étant, afin de respecter l’intention du législateur clairement exprimée audit article 38 de la Loi 92 le comité informe alors les parties qu’à moins que la plainte disciplinaire ne soit modifiée, il n’aura d’autre alternative que de décliner compétence.

LA MODIFICATION DE LA PLAINTE DISCIPLINAIRE [11] Faisant suite à cette indication de la part du comité, le procureur de la plaignante présente alors au comité une demande en modification de la plainte afin qu’elle se lise comme suit :

« À Québec, entre les mois de juillet et septembre 2021, l’Intimée n’a pas fait preuve de compétence et de professionnalisme en ne donnant pas suite aux demandes de sa cliente M-F.M. quant au transfert de son CRI, contrevenant ainsi à l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière. » (nos soulignés)

[12] De plus, il déclare au comité qu’il en a préalablement informé Mme Blouin, ce qu’elle confirme.

[13] Faisant suite à une question du président, le procureur de la plaignante informe le comité qu’au moment des faits reprochés à la plainte, Mme Blouin détenait à la fois un certificat en assurance de personnes, en assurance collective de personnes et en épargne collective.

[14] La procureure de la plaignante prétend que cette modification ne change rien à la substance de la plainte disciplinaire, car les faits reprochés sont les mêmes et que seulement le facteur de rattachement allégué est modifié.

[15]

Mme Blouin est d’accord avec la modification proposée.

[16] Après avoir délibéré, le comité accepte la modification de la plainte disciplinaire conformément à l’article 145 du Code des professions, car cette

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modification ne change pas la substance de la plainte et ne cause pas préjudice à Mme Blouin.

[17] Cette modification de la plainte ayant été effectuée, le comité peut, par conséquent, entreprendre l’audition de la plainte conformément à l’article 38 de la Loi 92.

LE PLAIDOYER DE CULPABILITÉ [18] Mme Blouin plaide coupable à l’infraction reprochée à la plainte modifiée et le comité en prend acte après s’être assuré qu’elle en comprenait bien le sens.

[19] Par la suite, le procureur de la plaignante présente un bref exposé des faits à partir des pièces qui sont déposées de consentement avec Mme Blouin.

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[20] Mme Blouin intervient pour expliquer plus particulièrement que les demandes de la consommatrice faisant l’objet de son manque de suivi concernaient bien un mandat qu’elle exécutait à titre de représentante en assurance de personnes pour SunLife du Canada compagnie d’assurance-vie (SunLife) 6 .

[21] Cela étant, le comité déclare Mme Blouin coupable de l’unique chef d’infraction reprochée pour avoir contrevenu à l’article 24 du Code de déontologie lequel prévoit que « le représentant doit rendre compte à son client de tout mandat qui lui a été confié et s’en acquitter avec diligence. »

APERÇU [22] Tel que mentionné plus haut, au moment de l’infraction reprochée, Mme Blouin détient à la fois une certification en assurance de personnes, assurance collective de personnes, planification financière et à titre de représentant de courtier pour un courtier en épargne collective 7 .

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Pièces P-1 à P-21 Pièce P-4 Pièce P-1

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[23] La consommatrice M.F.M. détient pendant plus de trente ans jusqu’en 2018 un compte de retraite immobilisé (CRI) collectif à titre d’employée d’une grande chaine de magasins.

[24] En juin 2018, par l’intermédiaire de Mme Blouin agissant à titre de conseillère en sécurité financière pour SunLife, M.F.M. procède au transfert de son CRI collectif au montant de 30 600$ à un compte enregistré (CRI) à intérêts de SunLife. 8

[25] En juillet 2021, M.F.M. désire décaisser son compte transféré mais réalise que contrairement à ses instructions, lors du transfert effectué en 2018 un montant de 528,70$ avait été laissé dans son CRI collectif.

[26] Le 27 juillet 2021, M.F.M. demande à Mme Blouin des explications afin de savoir pourquoi le solde de 528,70$ n’avait pas été transféré en 2018 tel que requis 9 .

[27] Le 3 août 2021, M.F.M. est informée par courriel envoyé par Mme Blouin à sa sœur C.M. que des vérifications seront faites pour tenter d’expliquer le défaut d’avoir transféré le solde de 528,70$.

[28] Le 30 septembre 2021, M.F.M. reçoit de SunLife un chèque au montant de 134,67$ correspondant au solde de 528,70$ moins les frais de gestion de fonds et les impôts fédéral et provincial, mais sans recevoir d’explications pourquoi le transfert n’avait pas été complètement effectué en 2018 10 .

[29] En juillet 2022, n’ayant toujours pas su de la part de Mme Blouin pourquoi le transfert n’avait pas été complètement fait en 2018, M.F.M. demande des explications directement à SunLife 11 .

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Pièces P3 - et P-4 Pièces P-6 Pièces P-18 Pièce P-19

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[30] En juin 2023, SunLife explique à M.F.M. la teneur des frais déduits du montant de 528,70$, confirme que le transfert des fonds en 2018 n’avait pas été complètement exécuté sans toutefois lui expliquer ou lui donner les raisons pour ce défaut 12 .

[31] Lors de sa rencontre avec l’enquêteur de la plaignante Mme Blouin reconnait avoir fait défaut de donner suite aux demandes de sa cliente et admet sa faute. 13

[32] Les parties font une recommandation commune de sanction, à savoir la condamnation de Mme Blouin au paiement de l’amende minimale de 2 000$ et des déboursés.

QUESTION EN LITIGE « La recommandation commune de sanction soumise par les parties doit-elle être entérinée par le Comité? »

DÉCISION [33] Pour les raisons ci-après mentionnées, le comité est d’opinion que la recommandation commune doit être entérinée, car elle ne va pas à l’encontre de l’intérêt public ou ne mine pas la confiance du public dans l’administration de la justice.

ANALYSE [34] Lorsque les parties présentent une recommandation commune de sanction, le comité n’a pas à déterminer si la sanction recommandée est juste et appropriée, mais doit plutôt se demander si elle respecte le critère de l’intérêt public à savoir si elle ne mine pas la confiance du public dans l’administration de la justice ou ne va pas à l’encontre de l’intérêt public de toute autre façon 14 .

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Pièce P-20 Pièce P-21 R. c. Anthony‑Cook, [2016] 2 RCS 204 et R. c. Nahanee, 2022 CSC 37, par. 1.

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[35] Ce critère établi par la Cour Suprême en matière criminelle s’applique aussi en matière disciplinaire

15 .

[36] Ainsi dans un tel cas « le rôle du Conseil est différent lorsque les parties lui présentent une recommandation commune sur sanction. Dès lors, il n’est plus question de déterminer ce que devrait être la sanction appropriée, ni même d’examiner la justesse de la sanction proposée par les parties mais uniquement de considérer si celle-ci déconsidère la justice ou est contraire à l’intérêt public 16 ».

[37] Au soutien de la recommandation commune, le procureur de la plaignante soumet plusieurs décisions du comité le paiement d’amendes a été ordonné pour des infractions similaires à celle reprochée à Mme Blouin 17 .

[38] Des représentations des parties, le comité retient les éléments pertinents suivants concernant les facteurs liés à l’infraction :

L’infraction reprochée est au cœur même de l’exercice de sa profession;

Il n’y a aucune intention malicieuse de la part de Mme Blouin;

Le préjudice causé à la consommatrice est restreint.

[39] Aussi, il considère que les éléments suivants sont pertinents à titre de facteurs subjectifs:

Le plaidoyer de culpabilité de Mme Blouin;

Elle a collaboré pleinement à l’enquête de la plaignante;

15 Conea c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 2022 QCTP 56, par.45 16 Gaudy c. Chiropraticiens (Ordre professionnel des), 2023 QCTP 48, par. 10 17 Chambre de la sécurité financière c. Houle, 2018 QCCDCSF 64; Chambre de la sécurité

financière c. Chen, 2017 QCCDCSF 79; Chambre de la sécurité financière c. Leemhuis, 2017 QCCDCSF 8; Chambre de la sécurité financière c. Lacasse, 2016 CanLII 47381 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Morteau, 2016 CanLII 29395 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Mainville, 2015 QCCDCSF 23

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Elle a admis les faits et n’a pas tenté d’esquiver sa responsabilité;

Elle n’a aucun antécédent disciplinaire même si elle a un antécédent administratif remontant à 2009 pour un manque de suivi;

Son risque de récidive apparait faible

[40] Considérant ce qui procède, le Comité est d’avis que la recommandation commune faite par les parties doit être entérinée et il condamnera Mme Blouin au paiement d’une amende de 2 000$ et des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline : RÉITÈRE la modification de la plainte disciplinaire ordonnée à l’audience du 29 juillet 2025 pour qu’elle se lise comme suit : « À Québec, entre les mois de juillet et septembre 2021, l’Intimée n’a pas fait preuve de compétence et de professionnalisme en ne donnant pas suite aux demandes de sa cliente M-F.M. quant au transfert de son CRI, contrevenant ainsi à l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière. »; RÉITÈRE la déclaration de culpabilité annoncée à l’audience le 29 juillet 2025 sous l’unique chef d’infraction de la plainte disciplinaire modifiée pour avoir contrevenu à l’article 24 du Code de déontologie de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3); ET STATUANT SUR LA SANCTION : CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 2 000$ pour le chef unique d’infraction; CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursées conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RCRQ, c. C-26); PERMET la notification de la présente décision aux parties par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), à savoir par courrier électronique.

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(S) Me Claude Mageau M e CLAUDE MAGEAU Président du comité de discipline

(S) Sylvain Jutras M. SYLVAIN JUTRAS, A.V.C., PL. FIN. Membre du comité de discipline

(S) Dyan Chevrier M ME DYAN CHEVRIER, A.V.A. Membre du comité de discipline

M e Alain Galarneau Pouliot, Prévost, Galarneau Avocat de la partie plaignante

M me Geneviève Blouin Intimée, présente et non représentée

Dates d’audience : 29 juillet 2025

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

A1342

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ANNEXE 1

PLAINTE DISCIPLINAIRE

À Québec, entre les mois de juillet et septembre 2021, l’Intimée n’a pas fait preuve de compétence et de professionnalisme en ne donnant pas suite aux demandes de sa cliente M-F.M. quant au transfert de son CRI, contrevenant ainsi aux articles 160.1 de la Loi sur les valeurs mobilières et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières.

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