Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Chambre de la sécurité financière c. André COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

2025 QCCDCSF 4

: CD00-1542 DATE : 10 février 2025 ______________________________________________________________________

LE COMITÉ : Me Chantal Donaldson Présidente M. Frédéric Blouin, A.V.A., Pl. Fin. Membre M. Ndangbany Mabolia, Pl. Fin. Membre ______________________________________________________________________

SYNDIQUE DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE Plaignante c.

ERNST ANDRÉ conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 229899) Intimé ______________________________________________________________________

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION ______________________________________________________________________

ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-DIFFUSION ET NON-PUBLICATION

[1] À la demande de la syndique de la Chambre de la sécurité financière (ci-après « syndique »), le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (ci-après : « comité ») a rendu séance tenante, conformément à l’article 142 du Code des professions, l’ordonnance suivante :

Non-divulgation, non-diffusion, et non-publication du nom et prénom de la consommatrice concernée par la plainte ainsi que toutes les informations qui pourraient permettre de l’identifier contenues dans les pièces, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

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APERÇU [2] La syndique reproche à l’intimé, M. Ernst André, d’avoir exercé ses activités professionnelles de façon négligente et de ne pas avoir agi en conseiller consciencieux en recommandant à sa cliente une récente connaissance sans procéder à aucune vérification quant à ses qualifications.

[3] À la demande de la cliente, M. André a facilité la remise d’argent comptant à la personne référée. Les sommes remises devaient servir comme mise de fonds à l’achat d’une propriété.

[4] À la suite de cette référence, cette dame a subtilisé la somme de 17 000$ à la cliente et aucune transaction immobilière n’a été effectuée.

[5] La plainte est ainsi libellée :

LA PLAINTE : Dans la région de Montréal, vers juillet 2022, l’Intimé n’a pas agi en conseiller consciencieux en ne procédant à aucune vérification quant aux qualifications de la personne référée à M-J.P. à titre notamment de courtière hypothécaire, contrevenant ainsi aux articles 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[6] M. André a reconnu les faits à la première occasion et il a plaidé coupable au seul chef d’infraction contenu à la plainte disciplinaire. Il est représenté par avocat et il comprend les implications de ce plaidoyer lequel a été donné de façon libre et volontaire.

[7] Ladite plainte est rattachée à deux articles législatifs distincts, lesquels édictent ce qui suit :

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Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière

12. Le représentant doit agir envers son client ou tout client éventuel avec probité et en conseiller consciencieux, notamment en lui donnant tous les renseignements qui pourraient être nécessaires ou utiles. Il doit accomplir les démarches raisonnables afin de bien conseiller son client.

35. Le représentant ne doit pas exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente.

[8] M. André admet deux fautes, premièrement, avoir recommandé à sa cliente M me Sonia Davis Fuoco à titre de courtière hypothécaire alors qu’elle ne l’était pas. Deuxièmement, avoir laissé passer sous silence une situation alarmante concernant une remise, par sa cliente, de 17 000$ en argent comptant à cette dernière.

[9] Ces faits, tels qu’admis dans les circonstances propres à ce dossier, démontrent qu’il n’a pas agi en conseiller consciencieux et qu’il n’a pas accompli les démarches raisonnables afin de bien conseiller sa cliente. Ces comportements constituent également de la négligence dans l’exercice de ses activités professionnelles et représentent des manquements déontologiques.

[10] En conséquence, le comité a accepté le plaidoyer de culpabilité de M. André et l’a déclaré coupable séance tenante d’avoir contrevenu aux articles 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (ci-après « Code »).

[11] Toutefois, en vertu du principe interdisant les condamnations multiples 1 , et après avoir entendu les procureurs, le comité ordonne la suspension conditionnelle des procédures quant à l’article 35 du Code.

[12] M. André doit donc être sanctionné pour avoir contrevenu, uniquement, à l’article 12 du Code. Comme sanction, les parties recommandent conjointement une radiation

1 Kienapple c. R., 1974 CanLII 14 (CSC)

CD00-1542 PAGE : 4 temporaire d’un mois et la publication d’un avis de la décision, en plus de la condamnation de ce dernier au paiement des déboursés.

[13] Rappelons que le comité n’est pas lié par les recommandations communes sur sanction qui lui sont présentées. Cependant, elles ne peuvent être écartées à moins de démontrer qu’elles sont susceptibles de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elles soient contraires à l’intérêt public 2 .

QUESTION EN LITIGE

La recommandation commune des parties déconsidère-t-elle l’administration de la justice ou est-elle contraire à l’intérêt public?

ANALYSE

[14] Alors que sa cliente avait besoin d’aide pour l’achat et le financement d’une résidence, M. André lui recommande une dame récemment rencontré dans un milieu informel, qui prétendait travailler en courtage hypothécaire.

[15] Sans connaître ses accréditations, M. André n’a fait aucune vérification d’usage auprès des autorités compétentes afin de valider ses dires. Comme il avait peu ou pas de raisons de croire que M me Fuoco détenait le titre professionnel allégué, il se devait de vérifier cette information. Il a été négligent en n’accomplissant pas les démarches requises pour adéquatement référer sa cliente et bien la conseiller.

[16] De plus, à la demande de sa cliente, il l’a accompagnée à la banque afin d’aller chercher un montant d’argent comptant qui devait servir comme mise de fonds pour l’achat d’une propriété. L’argent retiré était en devise canadienne et américaine. Par la suite, ils sont allés au bureau de change pour effectuer la conversion des dollars américains à un taux plus favorable.

2 R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

CD00-1542 PAGE : 5 [17] Une transaction en argent liquide de 17 000$, sans raison apparente, aurait dû, chez un conseiller, éveiller des soupçons ou des inquiétudes face à cette demande inhabituelle provenant, de ce qu’il croyait, une courtière hypothécaire.

[18] Une mise de fonds est par sa nature destinée au vendeur du bien. Pourquoi remettre pareille somme d’argent comptant à une intermédiaire, qui n’est ni notaire ni avocate, en vue de l’achat d’un immeuble. C’est une faute que de ne pas avoir soulevé cette irrégularité évidente.

[19] La remise des sommes d’argent par la cliente à Mme Fuoco ne s’est pas effectuée en présence de M. André. Ce dernier n’a pas non plus été impliqué dans les pourparlers et la rédaction des offres d’achats intervenus entre elles.

[20] Auparavant, M. André avait donné à sa cliente deux autres références de personnes exerçant dans le domaine de l’immobilier. Comme M me Fuoco lui avait indiqué habiter sur la même rue que la cliente, il croyait que ce serait plus facile pour la cliente de faire affaire avec celle-ci. Il a assisté uniquement à leur première rencontre, lors de leur présentation l’une à l’autre, et M me Fuoco lui avait fait la promesse que sa cliente serait entre bonnes mains pour l’achat de sa maison.

me Fuoco a disparu avec

[21] Au final, aucune transaction immobilière n’a eu lieu et M la somme d’argent qui lui a été remise par la cliente.

[22] Reconnaissant avoir recommandé M me Fuoco à sa cliente, M. André a immédiatement souhaité remettre pareille somme à cette dernière, mais il ne disposait pas des liquidités nécessaires pour ce faire. M. André est ou était en proposition de consommateur depuis 2021.

[23] Prenant connaissance de ces faits, le cabinet avec lequel M. André était rattaché, à savoir, l’Industrielle Alliance, a mis fin au contrat de représentant de M. André et ce dernier s’est retrouvé sans travail le 30 juin 2023.

CD00-1542 PAGE : 6 [24] Concomitamment, Industrielle Alliance a remis 17 000$ à la cliente lésée devenant ainsi subrogée dans les droits de la cliente à l’encontre de la débitrice et de M. André, le cas échéant.

[25] Au moment de l’infraction, M. André avait 3 ans d’expérience à titre de représentant et il n’a aucun antécédent disciplinaire. Ce dernier n’a bénéficié d’aucun avantage à la suite de cette référence. Il éprouve des regrets et reconnaît ses fautes. Il a, depuis, remis très sérieusement en question ses méthodes de travail. M. André affirme qu’il a appris de ses erreurs et qu’il ne les recommettra pas.

[26] Après avoir été plus d’un an sans emploi, M. André a recommencé à travailler en août 2024. Au moment du rattachement à son nouveau cabinet, l’Autorité de marchés financiers lui a imposé deux conditions/restrictions pour l’exercice de son travail de représentant, soit : il doit être rattaché à un cabinet dont il n’est pas dirigeant responsable et il doit être supervisé dans ses activités de façon rapprochée. Il est donc présentement sous étroite supervision dans le cadre de sa pratique professionnelle pour une période d’un an.

[27] Rappelons que la sanction disciplinaire ne vise pas à punir le professionnel, elle a comme objectif la protection du public, la dissuasion de récidive du représentant, l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession, le tout en considérant, en dernier lieu, le droit du professionnel d’exercer sa profession 3 .

[28] L’infraction commise par M. André relève de la négligence et aucune malhonnêteté n’est en cause. Dans ces circonstances, tenant compte que M. André a coopéré à l’enquête, qu’il s’agit d’un acte isolé et de la gravité objective de l’infraction qui est au cœur de l’exercice de la profession, le comité impose les sanctions suggérées par

3 Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 37 et 38.

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les parties et radie M. André pour une période temporaire d’un mois, ordonne la publication d’un avis de la décision et condamne ce dernier au paiement des déboursés.

[29] Une seule jurisprudence est soumise au comité par le procureur de la plaignante au soutien de cette recommandation commune 4 . De l’aveu même de ce dernier, elle n’est pas dans le même registre et les faits sont « un peu lointain » du cas sous étude. Toutefois, il la soumet, à défaut d’en avoir trouvé une comprenant des faits similaires.

[30] Les faits très singuliers du présent dossier ne permettent effectivement pas d’établir la fourchette des sanctions applicable en pareille matière. M. André a fait défaut de respecter son obligation générale de prudence et de diligence à l’instar de la décision Blanchet 5 .

[31] L’obligation de bien conseiller sa cliente incombe au représentant de s’assurer que la personne recommandée (ou le produit proposé) est adéquate et comble les besoins exprimés 6 . [32] Les sanctions suggérées par les parties ne déconsidèrent pas l’administration de la justice, ne sont pas contraires à l’intérêt public et remplissent les objectifs visés par les sanctions en droit disciplinaire, elles sont donc retenues par le comité.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de M. André quant au seul chef d’infraction mentionné à la plainte disciplinaire pour avoir contrevenu aux articles 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

4 CSF c. Chaussé, 2015 QCCDCSF 13. 5 CSF c. Blanchet, 2006 CanLII 59848 (QC CDCSF), par. 83. 6 Blanchet c. CSF, 2010 QCCQ 4230, par. 73 et 74.

CD00-1542 PAGE : 8 RÉITÈRE la déclaration de culpabilité prononcée à l’audience sous l’unique chef d’infraction contenu à la plainte pour avoir contrevenu aux articles 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

RÉITÈRE la suspension conditionnelle des procédures à l’égard de l’article 35 Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

ET STATUANT SUR SANCTION :

ORDONNE la radiation temporaire de M. André pour une période d’un mois;

ORDONNE à la secrétaire du comité de faire publier, aux frais de M. André, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans les lieux ce dernier a eu son domicile professionnel ou dans tout autre lieu il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’article 156 (7) du Code des professions;

CONDAMNE M. André au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions; PERMET la notification de la présente décision à M. André par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile, soit par courrier électronique.

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(S) Chantal Donaldson Me Chantal Donaldson Présidente du comité de discipline

(S) Frédéric Blouin M. Frédéric Blouin, A.V.A., Pl. Fin Membre du comité de discipline

(S) Ndangbany Mabolia M. Ndangbany Mabolia, Pl. Fin. Membre du comité de discipline

Me Alain Galarneau Pouliot, Prévost, Galarneau, S.E.N.C. Procureurs de la plaignante

Me Jean-Paul Perron Boro, Frigon, Gordon, Jones Procureurs de l’intimé

Date d’audience : 10 septembre 2024

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ A0070

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