comité de discipline CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE |
|||||||||
canada province de québec |
|
||||||||
|
|
||||||||
N° : |
CD00-1531 |
||||||||
DATE : |
9 août 2024 |
||||||||
le comité : |
Me Claude Mageau M. Marc Binette, Pl. Fin. Mme Johanie Patenaude |
Président Membre Membre |
|||||||
|
|
||||||||
Syndic de la Chambre de la sécurité financière |
|||||||||
|
Partie plaignante |
||||||||
c. |
|||||||||
MATHIEU CAMIRÉ, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 166363 et numéro de BDNI 1804501) |
|||||||||
|
Partie intimée |
||||||||
décision sur SANCTION |
|||||||||
conformément à l’article 142 du code des professions, le comité a prononcé l’ordonnance suivante :
Ordonnance de non-divulgation, non-diffusion et non-publication de tout renseignement ou information qui pourrait permettre d’identifier la consommatrice concernée par la plainte disciplinaire ainsi que ceux contenus dans les pièces, étant entendu que la présente ordonnance ne s`applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.
APERÇU
[1] Le 19 février 2024, le comité trouve l’intimé, M. Mathieu Camiré (« M. Camiré ») coupable des deux chefs d’infraction de la plainte disciplinaire.
[2] En ce qui concerne le chef d’infraction 1, le comité détermine que M. Camiré n’a pas exercé ses activités avec professionnalisme en minimisant l’importance et la véracité de l’information transmise à un assureur lors de la soumission d’une proposition[1].
[3] Quant au chef d’infraction 2, le comité conclut qu’en faisant défaut de s’assurer que son stagiaire, M. Robert St-Cyr, procède à une analyse complète et conforme des besoins financiers (« ABF ») de sa cliente, M. Camiré a commis une faute déontologique[2].
[4] M. Camiré est représentant en assurance de personnes depuis 2005 pour Primerica et représentant de courtier pour un courtier en épargne collective pour Les Placements PFSL du Canada inc. depuis 2008. Il est aussi, depuis le 1er mars 2020, représentant en courtage hypothécaire pour Intelligence Hypothécaire.
[5] Au moment de la commission des actes reprochés, M. Camiré n’avait pas d’antécédent disciplinaire, même si le 31 août 2022, il a été condamné à une amende de 2 000 $ par une autre formation du comité pour ne pas avoir procédé à une ABF pour des faits postérieurs à ceux du présent dossier[3].
[6] Le procureur du syndic recommande au comité que M. Camiré soit condamné au paiement d’une amende de 5 000 $ pour le chef d’infraction 1 et d’une amende de 7 000 $ pour le chef d’infraction 2 de même qu’une interdiction d’agir comme superviseur de stagiaire pour une période de deux ans lui soit imposée.
[7] De plus, il recommande au comité que M. Camiré soit condamné au paiement des déboursés[4] et qu’il soit ordonné à la secrétaire du comité de faire publier aux frais de M. Camiré un avis de la décision[5].
[8] Le procureur de M. Camiré, au contraire, demande au comité que ce dernier soit condamné au paiement de l’amende minimale pour les deux chefs d’infraction et prétend qu’une interdiction d’agir comme superviseur de stagiaire de même qu’une publication d’un avis de la décision ne sont pas nécessaires.
QUESTION EN LITIGE
DÉCISION
[9] Pour les raisons qui suivent, le comité condamnera M. Camiré au paiement d’une amende de 4 000 $ pour le chef d’infraction 1 et de 5 000 $ pour le chef d’infraction 2.
[10] De plus, le comité est d’opinion qu’une ordonnance d’interdiction d’agir comme superviseur de stagiaire et de publication d’un avis de la présente décision n’est pas nécessaire, mais il condamnera M. Camiré au paiement des déboursés.
ANALYSE
- En tenant compte des circonstances propres au cas de M. Camiré, quelle est la sanction appropriée que le comité doit imposer?
[11] La règle fondamentale bien connue en matière de sanction disciplinaire est son individualisation laquelle doit atteindre les objectifs de protection du public, de dissuasion et du droit du professionnel d’exercer sa profession[6].
[12] De plus, la sanction ne doit pas être punitive et « les mesures prises ne doivent pas uniquement sanctionner un comportement fautif, mais veiller à ce que ce comportement ne se produise plus, dans un maintien des normes professionnelles propres à assurer la protection du public »[7].
[13] La gravité objective des infractions reprochées à M. Camiré est certes sérieuse, car elle implique un manque de diligence et de professionnalisme en lien avec l’exercice de la profession.
[14] Tout de même, elle est moins importante qu’une infraction reprochant à un professionnel un manque d’intégrité ou d’honnêteté.
[15] Cela étant, le comité considère par conséquent la gravité objective des infractions reprochées comme étant intermédiaire[8].
[16] Le procureur du syndic soumet comme facteurs subjectifs aggravants l’âge et l’expérience de M. Camiré et le fait qu’il a minimisé le sérieux de la démarche auprès de la relève quant au chef d’infraction 1, tout comme il a minimisé auprès de son stagiaire l’importance de la confection d’une ABF d’un client, quant au chef d’infraction 2.
[17] Il souligne comme facteur subjectif atténuant le fait que M. Camiré n’a pas d’antécédent disciplinaire même si, tel que mentionné plus haut, il a fait l’objet d’une condamnation par le comité le 31 août 2022[9].
[18] De plus, il souligne que M. Camiré a collaboré à l’enquête du syndic, ce qu’il considère comme étant un facteur neutre.
[19] Le procureur de M. Camiré souligne lui aussi l’absence d’antécédent disciplinaire de ce dernier et le fait qu’il a collaboré à l’enquête, mais ajoute qu’il n’a jamais, lors de l’audition, contesté les faits reprochés, ayant présenté uniquement une défense en droit prétendant que ceux-ci n’étaient pas suffisamment sérieux pour constituer une faute déontologique.
[20] Il mentionne également que le témoignage de M. Camiré sur sanction démontre clairement qu’il a appris sa leçon et qu’il procédera dorénavant avec plus de rigueur au niveau de la gestion de sa pratique.
[21] Il insiste aussi beaucoup sur le fait que M. Camiré a mentionné qu’il n’agira plus à l’avenir comme superviseur de stagiaire.
[22] Le comité est d’accord avec les procureurs des parties que la radiation temporaire de M. Camiré n’est pas une sanction appropriée dans le présent cas et que des amendes doivent plutôt être ordonnées.
[23] Il est aussi d’accord avec le procureur du syndic que l’amende minimale, telle que suggérée par le procureur de M. Camiré, n’est pas une sanction adéquate en l’espèce.
[24] En effet, même si les infractions reprochées ne sont pas empreintes de malhonnêteté, elles sont néanmoins sérieuses, car elles visent l’exercice de la profession.
[25] De plus, le comité est d’opinion que la faute déontologique constatée par le chef d’infraction 1 est moins grave que celle constatée au chef d’infraction 2.
[26] En effet, il est vrai que de transmettre une information inexacte et fictive à un assureur, même sur un point administratif comme les coordonnées bancaires d’une cliente, est sérieux, car un tel geste minimise l’importance de transmettre à l’assureur une information vraie et exacte.
[27] Cette faute est d’autant plus sérieuse, car elle a été commise en présence de la relève potentielle de la profession.
[28] Cependant, ce manquement lui apparaît moins grave que celui reproché au chef d’infraction 2 qui est un manquement rattaché à un élément fondamental de la pratique, à savoir la préparation de l’ABF d’un client lors de la formation et la supervision d’un stagiaire.
[29] Après avoir analysé les autorités transmises par les parties et la jurisprudence applicable en l’espèce, le comité considère qu’une amende de
4 000 $ pour le chef d’infraction 1 et une de 5 000 $ pour le chef d’infraction 2 sont appropriées.
[30] De plus, le comité lui accordera un délai de trois mois pour acquitter lesdites amendes, tel que demandé par M. Camiré.
[31] M. Camiré sera aussi condamné au paiement des déboursés[10].
La demande d’interdiction d’agir à titre de superviseur et la publication d’un avis de la décision
[32] Le procureur du syndic demande en plus qu’il soit interdit à M. Camiré d’agir comme superviseur de stagiaire pour une période de deux ans et qu’un avis de la décision soit publié conformément à l’alinéa 7 de l’article 156 du Code des professions.
[33] Il prétend que l’interdiction d’agir comme superviseur de stagiaire s’impose même si M. Camiré a témoigné à l’effet qu’il n’agira plus comme superviseur.
[34] De plus, si une telle limitation est ordonnée, il considère que le comité devra aussi ordonner la publication d’un avis de la décision étant donné l’absence de circonstances exceptionnelles qui pourraient empêcher une telle publication[11].
[35] M. Camiré prétend qu’une telle limitation n’est pas nécessaire.
[36] Enfin, si le comité est d’opinion qu’une telle limitation est nécessaire, il demande que la publication d’un tel avis ne soit pas ordonnée compte tenu qu’il exerce dans un petit milieu et qu’elle aurait un effet dévastateur sur sa pratique.
[37] Le comité considère pour les raisons qui suivent qu’une ordonnance interdisant à M. Camiré d’agir à titre de superviseur de stagiaire n’est pas nécessaire en l’espèce.
[38] L’article 156 alinéa 1 (g) du Code des professions applicable par le biais de l’article 376 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (« LDPSF ») permet au comité de limiter ou suspendre le droit d’exercer des activités professionnelles.
[39] Dans un tel cas, le comité doit décider par la suite si un avis de la décision sur sanction doit être publié « dans un journal circulant dans le lieu où le professionnel a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où le professionnel a exercé ou pourrait exercer sa profession »[12].
[40] Le principal but de la publication d’un avis de la décision est la protection du public et en l’absence de circonstances exceptionnelles, celle-ci doit être ordonnée[13].
[41] Le comité considère qu’une telle ordonnance de sa part n’est pas nécessaire, car statutairement, M. Camiré n’aura plus légalement la qualité pour agir comme superviseur de stagiaire une fois la présente décision sur sanction rendue.
[42] En effet, le Règlement relatif à la délivrance en vertu duquel M. Camiré a été trouvé coupable au chef d’infraction 2 prévoit à son article 45 qu’afin d’agir comme superviseur, le représentant doit satisfaire à plusieurs conditions, dont celle de « ne pas au cours des cinq dernières années précédant la demande du postulant, avoir fait l’objet d’une sanction disciplinaire imposée en vertu de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (c. D-9.2) »[14] (nos soulignés).
[43] Le comité ayant trouvé M. Camiré coupable d’avoir contrevenu à l’article 16 de la LDPSF en la présente instance au chef d’infraction 1 et le condamnant au paiement d’une amende de 4 000 $ pour ladite infraction, il s’ensuit que, pour les cinq prochaines années suivant la présente décision, il n’aura plus statutairement qualité pour agir à titre de superviseur.
[44] Cela étant, il serait superflu et inutile pour le comité d’imposer une telle limitation.
[45] De plus, une telle limitation à la pratique de M. Camiré n’étant pas imposée, un avis de la présente décision n’a pas à être publié.
[46] Pour toutes ces raisons, considérant les facteurs tant objectifs que subjectifs, atténuants qu’aggravants, le comité est d’opinion que des amendes de 4 000 $ pour le chef d’infraction 1 et de 5 000 $ pour le chef d’infraction 2 de même qu’une condamnation aux déboursés selon l’article 151 du Code des professions constituent dans sa globalité une sanction appropriée et respectueuse des principes de protection du public, d’exemplarité et de dissuasion tout en étant conforme aux principes jurisprudentiels.
PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :
CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 4 000 $ pour le chef d’infraction 1 et d’une amende de 5 000 $ pour le chef d’infraction 2;
ACCORDE à l’intimé un délai de trois mois à compter de la date de la présente décision pour payer lesdites amendes;
CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ c C-26);
PERMET la notification de la présente décision aux parties par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), à savoir par courrier électronique.
|
(S) Me Claude Mageau |
|
Me CLAUDE MAGEAU Président du comité de discipline
(S) Marc Binette |
|
M. Marc Binette, Pl. Fin. Membre du comité de discipline
(S) Johanie Patenaude |
|
Mme Johanie Patenaude Membre du comité de discipline |
Me Claude G. Leduc
ML AVOCATS S.E.N.C.R.L.
Avocat de la partie plaignante
Me René Vallerand
DONATI MAISONNEUVE S.E.N.C.R.L.
Avocat de la partie intimée
Date d’audience : 9 mai 2024
COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ
A0070
A1510
[1] Décision sur culpabilité, par. 62 à 76.
[2] Article 48.1 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant (« Règlement relatif à la délivrance »); Décision sur culpabilité, par. 118-119.
[3] Chambre de la sécurité financière c. Camiré, 2022 QCCDCSF 45.
[4] Article 151 du Code des professions.
[5] Article 156 du Code des professions.
[6] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 38.
[7] Serra c. Médecins (Ordre professionnel des), 2021 QCTP 2 (CanLII), par. 111.
[8] Landry c. Guimont, 2017 QCCA 238 (CanLII), par. 73.
[9] Chambre de la sécurité financière c. Camiré, préc., note 3.
[10] Article 151 du Code des professions.
[11] Pellerin c. Avocats (Ordre professionnel des), 2009 QCTP 120 (CanLII).
[12] Article 156, al. 6 du Code des professions.
[13] Pellerin c. Avocats (Ordre professionnel des), préc., note 10, par. 27; Mathieu c. Dentistes, 2004 QCTP 27 (CanLII); Jovanovic c. Médecins (Ordre professionnel des), 2005 QCTP 20 (CanLII); Rousseau c. Ingénieurs (Ordre professionnel des), 2005 QCTP 41 (CanLII); Duperron c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 2007 QCTP 28 (CanLII)
[14] Art. 45 (1) du Règlement sur la délivrance.