Chambre de la sécurité financière (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1534

 

DATE :

Le 26 juillet 2024

 

 

LE COMITÉ :

Me Chantal Donaldson

Présidente

M. David Blondeau, Pl. Fin.

Membre

M. Frédérick Scheidler

Membre

 

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

                     Plaignant

c.

 

STEVE LANDRY, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 239386 et BDNI 4065971)

 

                    Intimé

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

APERÇU

[1]       Dans le cadre de la sollicitation d’une nouvelle conseillère pour la société Primerica, l’intimé, M. Steve Landry, a écrit, dans des échanges de textos avec la candidate potentielle, des propos discréditant les compagnies d’assurance et les banques. Se faisant, il a commis une faute déontologique puisqu’un conseiller ne doit pas dénigrer un autre assureur ou une institution financière. La conduite d’un représentant doit être empreinte d’objectivité et de modération.

 

[2]       La plainte est ainsi libellée :

LA PLAINTE :

Dans la province de Québec, en décembre 2022 et février 2023, l’intimé n’a pas agi avec professionnalisme et n’a pas fait preuve de modération en discréditant les compagnies d’assurance et les institutions financières en faisant notamment les commentaires suivants :

 

a)    « Nous sommes les justiciers sur le marché qui expliquons aux familles où qu’ils se font avoir auprès des banques et compagnies d’assurances »;

 

b)    « Nous sommes contre toutes les compagnies d’assurance car ils vendent des produits inappropriés pour la classe moyenne »;

contrevenant ainsi aux articles 6 et 32 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (ci-après : Code de déontologie).

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[3]       M. Landry a plaidé coupable au seul chef d’infraction contenu à la plainte disciplinaire. Il comprend les implications de ce plaidoyer lequel a été donné de façon libre et volontaire à la suite de pourparlers tenus entre les parties et leurs procureurs respectifs.

[4]        Aussi, le comité a accepté le plaidoyer de culpabilité de M. Landry et l’a déclaré coupable séance tenante d’avoir contrevenu aux articles 6 et 32 du Code de déontologie.

[5]       Comme le chef d’infraction est rattaché à deux articles législatifs distincts, et compte tenu du principe interdisant les condamnations multiples[1], le comité ordonne la suspension conditionnelle des procédures quant à l’article 6 du Code de déontologie. Ainsi, M. Landry sera sanctionné uniquement en vertu de l’article 32.

[6]          Les parties ont déposé une recommandation commune quant à la sanction à être imposée. Elles recommandent une amende de 2 500 $ et que les frais et débours soient assumés par M. Landry. Ce dernier demande qu’un délai de dix mois lui soit accordé pour acquitter le montant de l’amende à raison de dix versements mensuels consécutifs et égaux.

[7]          Le comité n’est pas lié par les recommandations communes sur sanction qui lui sont présentées. Rappelons cependant, qu’elles ne peuvent être écartées à moins de démontrer qu’elles sont susceptibles de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elles sont contraires à l’intérêt public[2].

QUESTION EN LITIGE

La recommandation commune des parties déconsidère-t-elle l’administration de la justice ou est-elle contraire à l’intérêt public ?

ANALYSE

[8]          Au moment de l’infraction, M. Landry bénéficiait de peu d’expérience à titre de conseiller. Il a exercé, pour le compte de la société Primerica, une activité de démarchage en recrutement de représentants par l’entremise de la sollicitation d’une connaissance par textos.

[9]          Ces échanges de textos ont été déposés en preuve de consentement des parties. On peut y lire textuellement les deux phrases reprochées dans le libellé de la plainte disciplinaire.

[10]       Affirmer que toutes les compagnies d’assurance vendent des produits inappropriés pour la classe moyenne et que les banques et les compagnies d’assurances bernent les familles démontre un manque de professionnalisme.

[11]       Lorsqu’on adhère à une profession, le professionnel est soumis à des règles déontologiques. À titre de conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective, M. Landry est soumis dans l’exercice de ses fonctions au Code de déontologie.

[12]       Les articles 6 et 32 du Code de déontologie édictent ce qui suit:

 

Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière

 

6.La conduite du représentant doit être empreinte de dignité, de discrétion, d’objectivité et de modération.

32. Le représentant ne doit pas dénigrer, dévaloriser ou discréditer un autre représentant, un cabinet, une société autonome, un assureur ou une institution financière.

[13]       Ces articles dictent et limitent le comportement des membres de la Chambre afin d’assurer une image digne de la profession et une conduite respectueuse et empreinte de professionnalisme des conseillers.

[14]       Un représentant peut désapprouver le comportement des différents assureurs et/ou institutions financières sans être automatiquement passible d’un blâme. Toutefois, les commentaires se doivent d’être rédigés avec respect, et ce, même s’ils expriment un profond désaccord. Une critique peut être constructive.

[15]       Un conseiller doit se comporter de façon objective et modérée face à ses compétiteurs.

[16]       Par son plaidoyer de culpabilité, M. Landry reconnaît avoir dévalorisé les assureurs et les banques et avoir manqué de modération dans ses écrits lors des échanges de textos avec la personne qu’il tentait de convaincre à se joindre à l’équipe de représentants Primerica.

[17]       La sanction imposée pour ce genre d’infraction est souvent une amende de 2 000 $, tel qu’il appert de nombreuses décisions rendues par les tribunaux[3].

[18]       La sanction convenue entre les parties se situe légèrement au-dessus de la fourchette des sanctions imposées pour des infractions similaires. Les parties expliquent cet écart par la gravité objective des propos tenus et au fait qu’il s’en est pris à tous les assureurs et institutions financières.

[19]       Le comité note également que M. Landry a collaboré durant l’enquête, qu’il a plaidé coupable, qu’il n’a pas d’antécédent disciplinaire, qu’il était en début de carrière, que les gestes posés n’ont provoqué aucun préjudice financier et qu’il exprime un certain regret.

[20]       Après considération des circonstances propres à cette affaire, le comité imposera la sanction suggérée par les parties puisqu’elle ne déconsidère pas l’administration de la justice et qu’elle n’est pas contraire à l’intérêt public.

[21]       En conséquence, le comité condamne M. Landry au paiement d’une amende de 2 500 $ sous le seul chef d’infraction en lien avec l’article 32 du Code de déontologie. De plus, le comité condamne ce dernier au paiement des déboursés.

[22]       Le syndic ne s’oppose pas au délai demandé par M. Landry afin de payer l’amende proposée, aussi considérant les représentations faites lors de l’audition, le comité accorde à M. Landry un délai de dix mois à compter du 31e jour suivant la notification de la décision pour le paiement de ladite amende en dix versements consécutifs et égaux.

 

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de M. Landry prononcée à l’audience du 18 avril 2024 relativement au seul chef d’infraction de la plainte pour avoir contrevenu aux articles 6 et 32 du Code de déontologie;

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures quant à l’article 6 du Code de déontologie.

 

ET STATUANT SUR LA SANCTION :

CONDAMNE M. Landry au paiement d’une amende de 2 500 $ sous le seul chef d’infraction en lien avec l’article 32 du Code de déontologie;

ACCORDE à M. Landry un délai de dix mois à compter du 31e jour suivant la notification de la présente décision pour le paiement de ladite amende en dix versements consécutifs et égaux, sous peine de déchéance du bénéfice du terme;

CONDAMNE M. Landry au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions;

PERMETS la notification de la présente décision aux parties par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile, soit par courrier électronique.

 

 

 

 

 

 

 

(S) Me Chantal Donaldson _________________________________Me Chantal Donaldson

Présidente du comité de discipline

 

 

 

(S) David Blondeau _________________________________

M. David Blondeau, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

(S) Frédérick Scheidler _________________________________

M. Frédérick Scheidler

Membre du comité de discipline

 

 

Me Derek Chen

ML Avocats S.E.N.C.R.L.

Procureurs du plaignant

 

 

Me René Vallerand                                                 

Donati Maisonneuve S.E.N.C.R.L.

Procureurs de l’intimé

 

Date d’audience :

18 avril 2024

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

A2260



[1] Kienapple c. R., 1974 CanLII 14 (CSC).

[2] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

[3] CSF c. St-Pierre, 2012 CanLII 97160 (QC CDCSF); CSF c. Beauregard, 2013 CanLII 43434 (QC CDCSF), CSF c. Morin, 2022 QCCDCSF 62; CSF c. Sakaris, 2022 QCCDCSF 56.

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