Chambre de la sécurité financière (Québec)

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comité de discipline

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

canada

province de québec

 

 

 

N°:

CD00-1533

DATE: Le 16 juillet 2024

 


le comité :

Me Madeleine Lemieux

M. Antonio Tiberio

M. Éric F. Gosselin, Pl. Fin.

Présidente

Membre

Membre

 

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Partie plaignante

c.

JUSTINA JBEILI, conseillère en sécurité financière et représentante de courtier en épargne collective (certificat numéro 226561, BDNI 3960851)

 

Partie intimée

 

décision rectifiée sur CULPABILITÉ ET SANCTION

 

conformément à l’article 142 du code des professions, le comité a prononcé l’ordonnance suivante :

         Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non‑diffusion des noms et prénoms des consommateurs concernés par la plainte disciplinaire ainsi que de toute information permettant de les identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas à tout échange d’information prévu à la Loi sur l’encadrement du secteur financier (RLRQ, c. E-6.1) et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

ATTENDU QU’une erreur s’est glissée dans la décision sur culpabilité et sanction rendue le 9 juillet 2024, en ce qui a trait à l’orthographe du prénom de l’intimée dans l’entête de la décision.

VU le libellé de l’article 161.1 du Code des professions, il y a lieu pour le comité de rectifier la décision.

EN CONSÉQUENCE, le comité rectifie la décision du 9 juillet 2024 pour reproduire correctement le prénom de l’intimée dans l’entête de la décision.

 

 
[1]             L’intimée fait l’objet d’une plainte disciplinaire qui contient cinq chefs d’infraction qui touchent deux consommateurs.
[2]             Les reproches sont de ne pas avoir procédé à une analyse complète des besoins financiers, de ne pas avoir fourni les explications nécessaires ou utiles à la compréhension et à l’appréciation de la souscription de contrats de fonds distincts et d’avoir fourni des renseignements inexacts à une banque.
[3]             L’intimée, représentée par avocat, a plaidé coupable aux cinq chefs d’infraction. Lors de l’audience, le comité l’a déclarée coupable des cinq chefs d’infraction contenus à la plainte disciplinaire.
[4]             Les procureurs ont présenté une recommandation commune de sanctions. Le comité doit décider si cette recommandation commune déconsidère l’administration de la justice ou est contraire à l’intérêt public. Pour les raisons qui suivent, le comité a retenu les sanctions recommandées par les parties.
LA PLAINTE
[5]             La plainte disciplinaire se lit comme suit :

1. À Montréal, le ou vers le 24 février 2021, l’intimée n'a pas recueilli tous les renseignements et n'a pas procédé à une analyse complète et conforme des besoins de F.P.C., alors qu'elle lui a fait souscrire le contrat de fonds distinct N0 […]98, contrevenant ainsi à l'article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.

 

2. À Montréal, entre le 24 février 2021 et le 27 février 2021, l'intimée n'a pas agi en conseillère consciencieuse en ne fournissant pas à F.P.C. les explications nécessaires ou utiles à la compréhension et à l'appréciation de la souscription du contrat de fonds distinct N0 […]98, pour un montant de 8 000 $, et ce, au moyen d'un prêt REER, contrevenant ainsi aux articles 12, 13 et 14 du Code de déontologie de Ia Chambre de la sécurité financière.

 

3. À Montréal, le ou vers le 24 février 2021, l'intimée a fourni des renseignements inexacts à B2B Banque dans le document intitulé « Demande de prêt REE de B2B Banque » N0 de EASE # […]56 notamment à l'égard du salaire brut annuel et de l’actif de P.E.E.F., contrevenant ainsi à l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

 

4. À Montréal, entre le 24 février 2021 et le 1er mars 2021, l'intimée n'a pas cherché à avoir une connaissance complète des faits relatifs à la situation financière de P.E.E.F. avant de lui recommander de faire une contribution additionnelle dans le fonds distinct N0 […]03, pour un montant de 10 000 $, et ce, au moyen d'un prêt REER, contrevenant ainsi aux articles 12 et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

5. À Montréal, entre le 24 février 2021 et le 1er mars 2021, l’intimée n'a pas agi en conseillère consciencieuse en ne fournissant pas à P.E.E.F. les explications nécessaires ou utiles à la compréhension et à l’appréciation de la souscription additionnelle dans le fonds distinct N0 […]03, pour un montant de 10 000 $ et ce, au moyen d'un prêt REER, contrevenant ainsi aux articles 12, 13 et 14 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

CONTEXTE
[6]             Les parties ont convenu d’un énoncé conjoint des faits dont le comité retient ce qui suit.
[7]             Au moment des événements reprochés, l’intimée est âgée de 27 ans; elle est certifiée en assurance de personnes depuis le 11 décembre 2018. Elle est conseillère en sécurité financière pour le cabinet Les services financiers Primerica Ltée; elle est aussi représentante de courtier en épargne collective pour le compte de Les placements PFSL du Canada Ltée depuis avril 2020.
[8]             Les consommateurs impliqués sont un couple, respectivement âgés de 59 et 58 ans dont la langue maternelle est l’espagnol. Ils ont peu de connaissances en placements.
[9]             Tous les événements reprochés se sont déroulés sur une courte période entre le 22 février 2021 et le 4 mars 2021.
[10]          L’intimée rencontre les consommateurs à leur domicile le 22 février 2021. Elle complète de façon manuscrite un document intitulé « Entrée de données de l’ABF [analyse de besoins financiers] » pour chacun d’eux, qu’ils ont tous deux signé.
[11]          En lien avec le chef 1 de la plainte, l’intimée reconnaît qu’elle n’a pas recueilli tous les renseignements et qu’elle n’a pas procédé à une analyse complète des besoins financiers de ses clients lorsqu’elle leur a fait souscrire des contrats de fonds distincts auprès de Primerica. Ainsi, elle omet d’inscrire le montant du REER collectif détenu par la consommatrice auprès de son employeur. Elle ne connait pas non plus les montants détenus dans son compte-chèques, ne traite pas de l’horizon de placements ni de la tolérance au risque des consommateurs.
[12]          L’intimée complète ensuite le formulaire de cotisation - contrat individuel à capital variable - Fonds Simple Bon Sens de Primerica; ces formulaires sont signés par les consommateurs.
[13]          Les deux consommateurs signent des demandes de prêt REE auprès de B2B Banque; le prêt demandé pour la consommatrice est au montant de 8 000 $ et celui de son époux est de 10 000 $. Il s’agit de prêts à un taux d’intérêt variable; les informations inscrites sur la demande de prêt ne correspondent pas aux informations inscrites dans l’ABF, notamment quant aux revenus de monsieur.
[14]          Les prêts sont accordés et les deux consommateurs déposent ces montants dans leurs comptes REER pour l’année 2020.
[15]          En lien avec les chefs 2 et 5, l’intimée reconnaît qu’elle n’a pas donné à ces consommateurs toutes les explications nécessaires pour qu’ils comprennent les transactions qu’ils ont faites.
[16]          Enfin, en lien avec le chef 3, les documents transmis à B2B Banque pour l’obtention de ces emprunts contiennent des informations erronées notamment quant aux revenus du consommateur et quant à son actif.
[17]          En raison de l’évolution des marchés, les taux d’intérêt de ces prêts ont augmenté et ces prêts sont toujours dus par les consommateurs.
LA SANCTION
[18]          Les parties recommandent conjointement de condamner l’intimée au paiement d’une amende de 2 000 $ pour chacun des chefs 1, 2 et 3 et d’imposer une réprimande pour les chefs 4 et 5.
[19]          Rappelons les principes généraux en matière de sanctions disciplinaires. La sanction ne vise pas à punir le professionnel; l’objectif premier de la sanction est la protection du public puis la dissuasion du professionnel de récidiver et enfin l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession. Chaque cas est un cas d’espèce et le comité doit tenir compte des facteurs propres à chaque situation.
[20]          Le comité doit aussi tenir compte de l’harmonisation des sanctions et voir dans les fourchettes de sanction un outil, tout en tenant compte de la globalité des sanctions.
[21]          Lorsque la sanction fait l’objet d’une recommandation commune négociée par des avocats expérimentés, le comité doit y donner suite sauf s’il considère que la sanction est contraire à l’intérêt public ou est de nature à déconsidérer l’administration de la justice. Il n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la suggestion[1].
[22]          Le comité est d’avis que les sanctions ne sont pas contraires à l’intérêt public, qu’elles sont raisonnables eu égard aux circonstances propres à ce dossier et eu égard aux sanctions généralement imposées pour des infractions similaires. Le comité retient donc ces recommandations.
[23]          Les facteurs retenus par les parties sont les suivants :
a.    Facteurs liés à l’intimée :
a.    Elle est âgée de 27 ans;
b.    Au moment de la commission des infractions, l’intimée était certifiée notamment en épargne collective depuis avril 2020 et en assurance de personnes depuis décembre 2018;
c.    Au moment des infractions, elle étudiait à temps plein à l’université;
d.    Elle n’a pas d’antécédent disciplinaire;
e.    Elle a plaidé coupable à tous les chefs contenus à la plainte disciplinaire;
f.     L’intimée est toujours active dans l’industrie des services financiers, mais est plus particulièrement impliquée dans le courtage hypothécaire;
g.    L’intimée a touché une commission totale de 360,00 $ pour les deux prêts REER;
h.    En tout temps pertinent, et encore à ce jour, l’intimée touche de faibles revenus;
i.      Le 26 février 2024, l’intimée a complété avec succès la formation offerte par la CSF portant sur l’Analyse des besoins financiers;
b.    Facteurs liés aux infractions :
a.    Les infractions ont été commises sur une courte période et elles visaient un seul couple de consommateurs;
b.    Il s’agit d’infractions au cœur même de l’exercice de la profession.
[24]          Le comité est d’accord avec les facteurs retenus par les parties. Le comité retient tout particulièrement le fait que l’intimée a suivi la formation offerte par la Chambre et que le risque de récidive est, à toutes fins utiles, inexistant.
[25]           Lorsque les amendes imposées par le comité de discipline sont plus élevées, on constate que l’infraction est commise par une personne qui possède une large expérience[2], ou encore que l’intimé a déjà reçu une mise en garde formelle pour une infraction similaire[3].  
[26]          Il n’y a eu aucune preuve que les infractions commises par l’intimée ont causé des préjudices financiers aux consommateurs ni aucune preuve d’intention malhonnête de sa part.
[27]          Enfin, les réprimandes imposées sous les chefs 4 et 5 se justifient par le principe de la globalité des sanctions et par le fait qu’il s’agit « d’infractions miroirs » aux infractions des chefs 1 et 2 de la plainte pour lesquels le comité impose des amendes.

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimée prononcée sous le chef d’infraction 1 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, c. D-9.2, r. 10)  
RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimée prononcée sous le chef d’infraction 2 de la plainte pour avoir contrevenu aux articles 12, 13 et 14 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3).
ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures en ce qui concerne les articles 13 et 14 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);
RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimée prononcée sous le chef d’infraction 3 pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).
RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimée prononcée sous le chef 4 de la plainte pour avoir contrevenu aux articles 12 et 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);
ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures en ce qui concerne l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);
RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimée prononcée sous le chef 5 de la plainte pour avoir contrevenu aux articles 12, 13 et 14 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);
ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures en ce qui concerne les articles 13 et 14 du Code de déontologie de la chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3).
ET SE PRONONÇANT SUR SANCTION
CONDAMNE l’intimée à une amende de 2 000 $ pour chacun des chefs d’infraction 1, 2 et 3 de la plainte;
IMPOSE une réprimande pour chacun des chefs d’infraction 4 et 5 de la plainte;
CONDAMNE l’intimée au paiement des débours conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, C. c-26);
ACCORDE à l’intimée un délai de douze mois à compter de la notification de la présente décision pour acquitter les amendes et les débours;
PERMET la notification de la présente décision aux parties par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c.C-25.01), soit par courrier électronique.

 

 

 

(S) Me Madeleine Lemieux

 

Me MADELEINE LEMIEUX

Présidente du comité de discipline

 

(S) Antonio Tiberio

 

M. ANTONIO TIBERIO

Membre du comité de discipline

 

(S) Éric F. Gosselin

 

M. ÉRIC F. GOSSELIN, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Valérie Déziel

CDNP AVOCATS

Procureure de la partie plaignante

 

Me René Vallerand

DONATI MAISONNEUVE

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience : 22 avril 2024

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

[2] Chambre de la sécurité financière c. Daigle, 2015 QCCDCSF 41.

[3] Chambre de la sécurité financière c. Beaulac, 2022 QCCDCSF 48.

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