Chambre de la sécurité financière (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1521

 

DATE :

28 mars 2024

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Madeleine Lemieux

Présidente

M. Sylvain Jutras, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

M. Bruno Therrien, Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Partie plaignante

c.

SERGE PAQUETTE (numéro de certificat 173092, BDNI 2056321)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

conformément à l’article 142 du code des professions, le comité a prononcé l’ordonnance suivante :

         Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non‑diffusion des noms et prénoms des consommateurs concernés par la plainte disciplinaire ainsi que de toute information permettant de les identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas à tout échange d’information prévu à la Loi sur l’encadrement du secteur financier (RLRQ, c. E-6.1) et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

 

[1]        L’intimé, qui est maintenant retraité, fait l’objet d’une plainte disciplinaire qui contient un seul chef d’infraction; le syndic lui reproche un manque de professionnalisme et de diligence dans l’exécution du mandat confié par deux consommateurs quant à la résiliation d’une assurance-vie temporaire. Il a plaidé non coupable à cette accusation.

 

LA PLAINTE

 

[2]        La plainte se lit comme suit :

 

Dans la région de St-Jérôme, en novembre 2014, l’intimé n’a pas agi avec compétence et professionnalisme en omettant de réaliser le mandat confié par ses clients A.B. et L.M., à savoir l’annulation seulement des avenants « Assurance temporaire » des contrats numéro 790[…] et numéro 796[…], contrevenant ainsi au deuxième paragraphe de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et à l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

[3]        Alors que l’intimé avait reçu mandat de résilier seulement une police d’assurance-vie temporaire, c’est aussi une police d’assurance-vie qu’on qualifiera de permanente qui a été résiliée par l’assureur. Le comité doit décider si, dans l’exécution de ce mandat, l’intimé a manqué de compétence, de professionnalisme et de diligence comme le soutient le syndic ou si, au contraire, comme le prétend l’intimé, certes il y a eu erreur, mais ce n’est pas son erreur; et d’ajouter l’intimé, si le comité est d’avis qu’il a commis une erreur, il ne s’agit pas d’une faute dont la gravité est suffisamment importante pour constituer une faute déontologique.

 

LE CONTEXTE

 

[4]        L’intimé rencontre les deux consommateurs A.B. et L.M. qui sont des conjoints, à l’été 2013 dans le cadre du règlement de la succession du père de L.M.; l’intimé était le représentant de la personne décédée. Il détient alors un certificat en assurances de personnes et il est inscrit comme représentant de courtier pour un courtier en épargne collective.  

[5]        L’intimé leur offre ses services à titre de représentant et une première rencontre a lieu en octobre de la même année. L’intimé complète alors une analyse des besoins financiers (« ABF ») des consommateurs. 

 

[6]        Chacun des consommateurs est à ce moment détenteur d’une assurance-vie auprès de la Compagnie d’assurance-vie Transamerica du Canada (Transamérica, devenue IVARI) émise en novembre 1994. La police s’intitule « Temporaire jusqu’à 100 ans »; leurs protections sont identiques.

 

[7]        Ces polices d’assurance comprennent deux produits distincts; le premier produit est une « assurance-vie permanente sans participation dont les primes garanties sont exigibles du vivant de l’assuré; jusqu’à 100 ans ». Les consommateurs désignent ce volet comme étant leur assurance-vie permanente. Le capital assuré est de 100 000 $.

 

[8]        Le second produit de cette police est une assurance-vie temporaire, renouvelable tous les 20 ans; le capital assuré est de 150 000 $.

 

[9]        Après la confection de l’ABF, l’intimé rencontre à nouveau les consommateurs et leur recommande de résilier le volet assurance-vie temporaire de ces polices d’assurance et de souscrire une assurance maladie grave auprès d’un autre assureur. Les consommateurs sont d’accord avec cette recommandation et donnent mandat à l’intimé de la mettre à exécution.

 

[10]      L’assurance-vie temporaire qui est à résilier ne viendra à échéance que le 26 novembre 2014 soit environ un an plus tard. Pendant cette année, il y aura donc chevauchement de deux protections, soit l’assurance-vie temporaire et l’assurance maladie grave nouvellement souscrite.

 

[11]      Transamerica envoie aux consommateurs l’avis de renouvellement de leurs assurances-vie temporaires le 30 septembre 2014. Voici ce qu’on peut notamment y lire :

[…]

AVIS DE RENOUVELLEMENT

Police no :                   L790[…]

Assuré principal :      L.M.

 

Nos dossiers indiquent que votre police/couverture d’assurance temporaire doit être renouvelée le 26 novembre 2014.

 

Régime de base ou avenant temporaire à renouveler

Assuré(s)

Nouvelle prime mensuelle ($)

Date du prochain renouvellement

Date d’expiration de la couverture

*transformable et renouvelable de 20 ans

L.M.

71,82

26 novembre 2034

26 novembre 2043

 

Cet avis indique la prime de renouvellement de votre couverture d’assurance vie temporaire seulement. Il n’inclut pas la prime de toute autre couverture d’assurance vie ou garantie ni celle de tout avenant annexé à cette police, le cas échéant.

[…]

 

[12]      On constate à la lecture de cet avis de Transamerica qu’il porte précisément sur le seul produit qui doit faire l’objet d’un renouvellement c’est-à-dire l’assurance-vie temporaire et qu’on y précise que le montant de la prime est seulement la prime de la portion assurance-vie temporaire; le numéro de l’avenant qu’on trouve par ailleurs sur la police émise en 1994 n’y est pas inscrit.

 

[13]      L’intimé rédige pour ses clients deux lettres de résiliation de ces assurances-vie temporaires. Voici comment sont libellées ces lettres adressées à Transamerica à l’attention de l’intimé, signées par les consommateurs :

            […]

Objet : Résiliation de la police temporaire

Référence :     L790[…] L.M.

Par la présente je demande à ce que la police citée en référence soit résiliée en date du renouvellement du terme.

[…]

[14]      On constate à la lecture de cette courte lettre que l’objet est bel et bien la résiliation de la police temporaire et qu’on fait référence au terme de cette police, terme qui ne peut porter que sur le produit qui a un terme c’est-à-dire l’assurance-vie temporaire renouvelable aux 20 ans.

 

[15]      Le 26 novembre, par lettre, Transamerica confirme la résiliation dans ces termes :

 

No de police :              L790[…]

Assuré (primaire) :     L.M.

 

Par la présente, nous confirmons que votre police d’assurance a été résiliée le 26 novembre 2014.

[…]

 

[16]      On comprend à la lecture de cette lettre que Transamerica a résilié la police d’assurance au complet, c’est-à-dire autant le produit « assurance-vie permanente 100 ans » que le produit d’assurance-vie temporaire.

 

[17]      Cette lettre de Transamerica est envoyée à la fois aux consommateurs et au représentant; personne ne réalise en novembre 2014 que c’est toute la police d’assurance qui est résiliée. Pour les consommateurs, cet avis ne fait que confirmer les instructions qu’ils ont données à l’intimé concernant leurs polices d’assurance-vie temporaire.

 

[18]      Les consommateurs ne réaliseront pas non plus que Transamerica ne prélève plus le paiement des primes de leur assurance-vie; les seuls prélèvements à leur compte de banque sont faits par Sécurité Desjardins; A.B. témoigne qu’il a cru que les prélèvements dans son compte étaient agglomérés et faits par le cabinet de l’intimé pour tous les produits d’assurance détenus par lui et sa conjointe.

 

[19]      Quant à l’intimé, son témoignage n’est pas des plus limpides quant à savoir s’il a lu ou non cette lettre de Transamerica. Il témoigne ne pas se souvenir si oui ou non il l’a lue; il ajoute l’avoir peut-être lue vite. 

 

[20]      En entrevue avec l’enquêteur de la Chambre, il dit ne pas avoir lu cette lettre, que ce type de correspondance est traité par son adjointe qui lui a dit que Transamerica confirmait la résiliation de l’assurance tel que demandé. Le syndic y voit un aveu extrajudiciaire du défaut d’avoir lu la lettre lui-même ou d’avoir délégué une tâche à une personne sans l’avoir supervisée.

 

[21]      L’intimé explique que cette entrevue avec l’enquêteur de la Chambre a eu lieu alors qu’il était à son chalet et qu’il n’avait pas ses dossiers avec lui et qu’il ne s’agit pas d’un aveu clair, sans ambiguïté et sans équivoque[1].

 

[22]      Le comité est d’avis qu’il est plus que probable que l’intimé n’a pas lu ni même vu la lettre de Transamerica en novembre 2014; même si le comité retenait que l’intimé a lu la lettre, chose certaine il n’y a pas accordé suffisamment d’attention pour en saisir le contenu et constater que ce sont toutes les couvertures d’assurance-vie de ses clients avec Transamerica qui sont résiliées.

 

[23]      Il a présumé que cette lettre ne venait que confirmer la demande qu’il venait tout juste de faire à Transamerica : résilier la police d’assurance-vie temporaire qui était le seul produit qui avait un terme et qui devait être renouvelé.

 

[24]      Les consommateurs, tout comme l’intimé, ne réaliseront que quelque sept années plus tard que leurs polices d’assurance-vie permanentes ont été résiliées en novembre 2014. À l’occasion d’un changement d’institution financière et de représentant, en septembre 2021, les consommateurs communiquent avec le bureau de l’intimé pour gérer les paiements préautorisés; l’examen du dossier des consommateurs chez l’intimé révélera qu’ils ne détiennent aucune police d’assurance chez IVARI.

 

[25]      Les consommateurs ont entrepris des démarches d’abord pour comprendre, puis pour obtenir réparation pour la perte de leurs assurances-vie permanentes qu’ils avaient cru, à tort, toujours en vigueur.

 

[26]      IVARI a tout d’abord refusé de remettre les polices d’assurances-vie temporaires  en vigueur en raison du long délai entre la résiliation et la demande de remise en vigueur; IVARI acceptera finalement de remettre en vigueur les deux polices d’assurances-vie permanentes aux mêmes conditions, dans la mesure où les consommateurs paient les primes pour les huit années passées et passent des examens médicaux; le représentant d’IVARI témoigne que c’est une chose que la compagnie ne fait jamais quand une police d’assurance a cessé d’être en vigueur pour une aussi longue période.

 

[27]      La police d’assurance-vie permanente de L.M. est remise en vigueur, mais pas celle de A.B.; l’examen médical a révélé l’existence d’une condition médicale et IVARI a refusé de réémettre la police d’assurance; A.B. a obtenu une autre assurance-vie pour un capital beaucoup moins élevé et des primes plus élevées.

 

[28]      Entre novembre 2014 et septembre 2021, il y a eu seulement deux rencontres entre les consommateurs et l’intimé; comme ces rencontres n’avaient pas pour objet leurs assurances-vie, aucune révision de leurs dossiers n’est faite; le comité retient que c’était la décision des consommateurs de ne pas rencontrer annuellement le représentant comme il les y invitait parce qu’ils n’en sentaient pas le besoin. 

 

[29]      De son côté, l’intimé n’a pas cru nécessaire ou même utile de réviser périodiquement les dossiers des consommateurs à défaut par ceux-ci de souhaiter le rencontrer annuellement.

 

ANALYSE ET MOTIFS

 

[30]      Pour le syndic, l’intimé a contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers qui impose un devoir de compétence et de professionnalisme au représentant. Le syndic considère que l’intimé a également contrevenu à l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière qui impose au représentant de s’acquitter de tout mandat confié par le client avec diligence.

 

[31]      Le fardeau de la preuve repose sur les épaules du syndic. Il doit prouver par prépondérance de preuve que les gestes reprochés ont été commis par l’intimé.

 

[32]      Les gestes reprochés doivent avoir un niveau de gravité suffisamment élevé pour constituer une faute déontologique. Il est bien connu que la simple erreur n’est pas une faute déontologique sinon la vie des professionnels serait invivable si le moindre écart de conduite constituait une faute déontologique[2].

 

[33]      Enfin, il faut distinguer entre un comportement souhaitable et un comportement acceptable d’un professionnel en ce qu’un comportement peut ne pas être souhaitable et être néanmoins acceptable et ne pas constituer une faute déontologique[3].

 

[34]      Pour les raisons qui suivent, le comité est d’avis que l’intimé n’a pas commis une faute déontologique en novembre 2014.

 

[35]      Le syndic reproche d’abord à l’intimé d’avoir manqué de rigueur dans la rédaction de la lettre de résiliation en ne précisant pas qu’elle ne visait que l’avenant d’assurance-vie temporaire et en n’inscrivant pas le numéro de cet avenant dans sa lettre à Transamerica. C’est ce qu’il considère être un manquement de compétence et de professionnalisme.

 

[36]      Pour l’intimé, il n’y a aucune ambiguïté dans la lettre qu’il a rédigée; l’objet de la lettre dit bien « résiliation de la police temporaire »; des deux produits inclus dans la police, un seul était une assurance-vie temporaire et avait une date de renouvellement; sa réponse à Transamerica ne pouvait donc porter que sur l’assurance-vie temporaire; ce n’était, selon lui, qu’un copié-collé de l’avis de renouvellement que l’assureur venait tout juste d’envoyer aux consommateurs qui ne contenait pas non plus le numéro de l’avenant.

 

[37]      De son côté, le représentant de l’assureur témoigne que pour IVARI, la lettre de résiliation est claire : en indiquant le numéro de police sur l’avis de résiliation, c’est la police en entier qui allait être résiliée. La référence à l’objet de la lettre et la suite de correspondance sont pour lui sans pertinence.

 

[38]      Le devoir de compétence tout comme le devoir de professionnalisme sont des devoirs généraux qui s’évaluent dans le contexte précis des événements qui donnent lieu à la plainte. Chaque cas est forcément un cas d’espèce. Un geste ou le défaut de poser un geste sera examiné dans son contexte et non pas isolément.

[39]      Le comité est d’avis que les lettres de résiliation rédigées par l’intimé peuvent porter à confusion quoiqu’en dise l’intimé et quoiqu’en dise le représentant de l’assureur. Toutefois, ces lettres s’inscrivent dans une chaîne de communications qui comprend d’abord une police d’assurance avec deux produits bien distincts, un avis de renouvellement pour un seul de ces deux produits et un avis de résiliation qui porte précisément sur le seul produit qui a fait l’objet de l’avis de renouvellement.

 

[40]      Il n’est pas déraisonnable de penser que les lettres rédigées par l’intimé sont une réponse aux avis de renouvellement envoyés par l’assureur et ne portent que sur ce qui a fait l’objet des avis de renouvellement de l’assureur.

 

[41]      Ces lettres à l’assureur auraient-elles pu être mieux rédigées et plus précises? Sûrement. Mais cette rédaction, même si elle n’est pas parfaite, n’est pas suffisamment fautive pour constituer une faute déontologique qui, rappelons-le, doit avoir un niveau de gravité suffisamment élevé pour constituer un écart de conduite.

 

[42]      Comme l’écrit le Tribunal des Professions dans l’affaire Duval[4], nous sommes dans le domaine de la distinction entre le comportement souhaitable et le comportement acceptable :          

 

[11]            Comme le soulignait le procureur de l’intimé, il faut distinguer en droit disciplinaire entre le comportement souhaitable et le comportement acceptable. La faute déontologique naît d’un comportement qui se situe en dessous du comportement acceptable. Un professionnel peut avoir une conduite qui s’éloigne du comportement souhaitable sans être inacceptable. Dans ce cas, il ne commet pas de faute déontologique.

 

[43]      Il aurait été souhaitable que l’intimé ait été plus précis dans la lettre de résiliation, mais cette lettre ne dénote pas pour autant un comportement inacceptable. Cet imbroglio aurait été facilement évité si l’assureur avait, de son côté, porté attention à l’objet pourtant clairement indiqué sur les lettres préparées par l’intimé ou, au moins, avait demandé des précisions au représentant.

 

[44]      Le comité est donc d’avis que cet imbroglio, auquel a contribué la lettre de résiliation, certes de rédaction imparfaite, est un manquement qui ne constitue pas une faute déontologique. L’intimé sera acquitté d’avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers en ne manquant pas de professionnalisme ni de compétence.

 

[45]      Mais, selon le syndic, il y a un deuxième volet en ce qui a trait à l’exécution du mandat. IVARI a envoyé une lettre de confirmation de résiliation de la police et cette lettre est sans ambiguïté : c’est la police au complet qui a été résiliée. Or, ce n’est pas le mandat qui a été donné à l’intimé par les consommateurs. Ce faisant, l’intimé aurait contrevenu à l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière qui impose au représentant le devoir de s’acquitter de tout mandat confié par son client avec diligence.

 

[46]      Il ne fait pas de doute que l’intimé avait reçu un mandat bien précis de ses clients qui était de résilier seulement la police d’assurance-vie temporaire. Ce qui explique l’annulation de toute la police incluant l’assurance-vie permanente, c’est l’imbroglio décrit plus haut dans la chaine de correspondances entre l’intimé et Transamerica.

 

[47]      Pour le comité, il est assez évident qu’une lecture attentive de cette lettre de confirmation provenant d’IVARI qui, finalement, tient sur une ligne, permet de constater immédiatement que c’est la police d’assurance au complet qui est résiliée.

 

[48]      Le syndic formule ainsi la question : est-ce qu’un professionnel prudent et diligent, dans les mêmes circonstances, aurait agi de la même manière? Il prend appui dans les propos du juge Gonthier dans l’arrêt St-Jean c. Mercier[5]. Cet arrêt a été rendu en matière de responsabilité civile et il ne faut pas confondre la faute civile génératrice de dommages et la faute déontologique qui consiste à enfreindre les règles de la profession.

 

[49]      La question peut se poser ainsi : si un représentant demande au nom de ses clients la résiliation d’un seul produit d’assurance, inclus dans une police d’assurance qui comprend deux produits d’assurance, doit-il lire la lettre de confirmation de l’assureur qui répond affirmativement à sa demande?

 

[50]       Le comité est d’avis que l’intimé pouvait raisonnablement présumer que la réponse de Transamerica était une réponse à sa demande et rien d’autre, demande qui elle-même était une réponse à l’avis de renouvellement envoyé par Transamerica, d’où le fait que l’intimé s’est fié aux propos de son adjointe qui lui a signalé que Transamerica avait résilié la police tel que demandé. Puisque la demande ne portait que sur l’assurance-vie temporaire, la réponse de Transamerica ne pouvait porter que sur l’assurance-vie temporaire.

 

[51]      Les faits du présent dossier s’apparentent aux faits de l’affaire Lemieux[6] et le comité de discipline a rejeté les accusations; dans cette affaire, le syndic avait prouvé que les modifications demandées au contrat d’assurance n’avaient pas été faites malgré le mandat donné au représentant; cette preuve à elle seule n’est pas suffisante pour conclure à la faute déontologique.

 

[52]      Le comité écrit : 

 

[47]        Avec égard, nous ne partageons pas cet avis. Il est certes aisé de déclarer en rétrospective qu’il aurait été préférable que l’intimé fasse émettre les contrats au nom de Ferronnerie plutôt qu’au nom des actionnaires, mais, selon le témoignage de l’intimé, s’il a fait émettre les polices en cause au nom des actionnaires plutôt qu’au nom de Ferronnerie c’est parce que, par expérience, dans un tel cas l’assureur allait émettre plus rapidement les contrats.

 

[53]      Le fait de ne pas avoir porté attention au texte de la lettre est certes une erreur; mais, encore une fois, il s’agit d’une faute qui ne revêt pas un degré de gravité suffisamment élevé pour constituer une faute déontologique. Comme l’écrit l’auteur Guy Cournoyer, maintenant juge à la Cour d’appel, « La faute déontologique n’est pas consommée au moindre écart » [7].

 

[54]      L’intimé sera donc également acquitté d’avoir contrevenu à l’article 24 du Code déontologie de la Chambre de la sécurité financière, en ne manquant pas de diligence dans l’exécution de son mandat.

 

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

 

ACQUITTE l’intimé sous l’unique chef d’infraction contenu à la plainte disciplinaire d’avoir contrevenu aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

CONDAMNE le plaignant au paiement des déboursés, conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

PERMET la notification de la présente décision aux parties par moyen technologique, conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), à savoir par courrier électronique.

 

 

 

 

 

 

 

 

(S) Me Madeleine Lemieux

__________________________________

ME MADELEINE LEMIEUX

Présidente du comité de discipline

 

(S) Sylvain Jutras

__________________________________

M. SYLVAIN JUTRAS, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(S) Bruno Therrien

__________________________________

M. BRUNO THERRIEN, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Jack Kermezian

ML AVOCATS

Procureur de la partie plaignante

 

Me Josée Cavalantia

Me Cassandra Duchesne

INF AVOCATS

Procureures de la partie intimée

 

Dates d’audience :

19 et 20 février 2024

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]   Chambre de la sécurité financière c. Laviolette, 2022 QCCDCSF 21, par. 303.

[2]     Ordre des architectes du Québec c. Duval, 2003 QCTP 144, et; Médecins (Ordre professionnel des) c. Bissonnette, 2019 QCTP 51.

[3]     Ordre des architectes du Québec c. Duval, préc., note 2.

[4]     Ordre des architectes du Québec c. Duval, préc., note 2.

[5]     St-Jean c. Mercier, 2002 CSC 15, par. 53

[6]     Chambre de la sécurité financière c. Lemieux, 2010 CanLII 99870 (QC CDCSF).

[7]     Guy Cournoyer, « La faute déontologique : sa formulation, ses fondements et sa preuve », Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire (2016), vol. 416, Éditions Yvon Blais.

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