Chambre de la sécurité financière (Québec)

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comité de discipline

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

canada

province de québec

 

 

 

N° :

CD00-1492

DATE : Le 17 novembre 2023

 


le comité :

Me Claude Mageau

M. Stéphane Prévost, A.V.C.

M. Michel Dubé, Pl. Fin.

Président

Membre

Membre

 

 

Syndic de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.                                                                                 

SYLVIE LEFEBVRE, conseillère en sécurité financière et conseillère en régimes d’assurance collective (certificat numéro 120837)

 

Partie intimée

décision sur SANCTION

conformément à l’article 142 du code des professions, le comité a prononcé l’ordonnance suivante :

Ordonnance de non-divulgation, de non-diffusion et de non-publication du nom du consommateur et de sa représentante ainsi que toute information permettant de les identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas à tout échange d’information prévu à la Loi sur l’encadrement du secteur financier (RLRQ, c. E-6.1) et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).
 
APERÇU
Décision sur culpabilité
[1]             Le 10 mai 2023, le comité trouve coupable l’intimée Mme Sylvie Lefebvre (« Mme Lefebvre ») des deux chefs d’infraction lui reprochant de ne pas s’être acquittée de son mandat, en contravention à l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (le « Code de déontologie »).
[2]          Plus particulièrement, le premier chef d’infraction lui reprochait de ne pas s’être « acquittée du mandat confié par J.P. de procéder à la demande de prestations d’invalidité ou de transmettre les informations requises pour obtenir les prestations d’invalidité de C.R. auprès de RBC » et le deuxième chef d’infraction de ne pas s’être « acquittée du mandat confié par J.P pour C.R. de procéder à l’annulation de son assurance collective accident détenue auprès de Great-West »[1].
CONTEXTE
[3]             Le comité est arrivé à la conclusion que Mme Lefebvre avait démontré une insouciance inacceptable en négligeant d’exécuter les deux mandats qui lui avaient été confiés par J.P.[2]
[4]             L’article 24 du Code de déontologie stipule que « le représentant doit rendre compte à son client de tout mandat qui lui a été confié et s’en acquitter avec diligence ».
[5]             En ce qui concerne le premier chef d’infraction, il a fallu dix mois à Mme Lefebvre pour faire sa demande pour d’obtenir des formulaires de réclamation pour son client C.R., laquelle réclamation n’a finalement pas été faite par elle, mais plutôt par un représentant de l’assureur RBC[3].
[6]             Le comité est arrivé à la conclusion que Mme Lefebvre était aussi coupable du deuxième chef d’infraction au motif qu’elle avait tardé plus d’une année avant d’annuler l’assurance collective accident de C.R. détenue auprès de Great-West[4].
[7]             Mme Lefebvre a plus de trente années d’expérience comme représentante et elle n’a aucun antécédent disciplinaire.
[8]             La procureure du syndic recommande au comité qu’il lui ordonne une période de radiation temporaire de trois mois, de même que la publication d’un avis de ladite décision et sa condamnation aux déboursés.
[9]             Au contraire, le procureur de Mme Lefebvre quant à lui est d’opinion que si le comité arrive à la conclusion qu’une période de radiation est appropriée, celle‑ci devrait l’être pour une plus courte période, à savoir un mois.
Question en litige
                En tenant compte des circonstances propres au cas de
Mme Lefebvre, quelle est la sanction appropriée que le comité doit rendre?
Décision
[10]          Pour les raisons qui suivent, le comité ordonnera la radiation temporaire de Mme Lefebvre pour une période d’un mois, la publication d’un avis de la décision et sa condamnation aux frais et déboursés.

 

ANALYSE
                En tenant compte des circonstances propres au cas de
Mme Lefebvre, quelle est la sanction appropriée que le comité doit rendre?
[11]          La règle fondamentale bien connue en matière de sanction disciplinaire est son individualisation, laquelle doit atteindre les objectifs suivants :

i.          La protection du public;

ii.         La dissuasion du professionnel de récidiver;

iii.        L’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession;

iv.        Le droit du professionnel d’exercer sa profession (critère arrivant en dernier lieu)[5].

[12]          La gravité objective des infractions reprochées en vertu de l’article 24 du Code de déontologie est certes sérieuse, car elle implique un manque de diligence, mais est tout de même moins importante qu’une infraction reprochant un manque d’intégrité ou d’honnêteté.
[13]          Mme Lefebvre a fait montre d’une négligence inacceptable en l’espèce, mais elle n’a commis aucun geste déloyal ou malhonnête à l’égard de C.R. ni de J.P.
[14]          Cela étant, le comité considère la gravité objective des infractions reprochées comme étant intermédiaire[6].
[15]          La procureure du syndic allègue les facteurs aggravants suivants au soutien de sa recommandation :

i)          Les longs délais reprochés à Mme Lefebvre;

ii)         Le fait que le comité ne l’a pas crue lors de l’audition sur culpabilité;

iii)        Sa mauvaise collaboration démontrée lors de l’enquête du syndic;

iv)       Sa longue expérience comme représentante;

v)         Le fait qu’elle ne semble pas avoir compris l’importance de la décision sur culpabilité du comité;

vi)       L’existence d’un risque de récidive.

[16]          Comme seul facteur atténuant, la procureure du syndic souligne l’absence d’antécédent disciplinaire de Mme Lefebvre.
[17]          Elle dépose une liste de décisions rendues par le comité et elle réfère plus particulièrement à la décision rendue dans l’affaire Caccia où le comité a ordonné une période de radiation temporaire de trois mois comme elle le suggère en l’espèce[7].
[18]          Même s’il reconnaît que le comité est arrivé à la conclusion qu’elle a fait montre d’une négligence inacceptable, le procureur de Mme Lefebvre est d’opinion qu’il n’est pas fondé de lui imposer une période de radiation temporaire de trois mois.
[19]          Il est en désaccord avec la prétention de la procureure du syndic à l’effet que le comité doit considérer comme un facteur aggravant le fait qu’il n’a pas cru sa cliente pour en arriver à la déclarer coupable et qu’elle n’ait pas bien collaboré lors de l’enquête du syndic.
[20]          Le procureur de Mme Lefebvre prétend que le comité doit tenir compte du fait que Mme Lefebvre a témoigné lors de l’audition sur sanction à l’effet que la décision sur culpabilité du comité l’avait amenée à remettre en question certains aspects de sa pratique.
[21]          Ainsi, elle déclare être dorénavant plus rigoureuse dans la tenue de ses dossiers en y insérant la documentation pertinente et la rédaction de notes personnelles.
[22]          La jurisprudence déposée par le procureur de Mme Lefebvre est à l’effet que des amendes ont déjà été ordonnées par le comité pour le genre d’infraction reprochée à sa cliente[8].
[23]          Il précise que la décision rendue dans l’affaire Caccia où une période de radiation temporaire de trois mois a été ordonnée, n’est pas pertinente en l’espèce, car il s’agit d’un dossier où il y avait un chef d’infraction reprochant entre autres à l’intimé d’avoir fait des fausses représentations, ce qui n’est pas le cas de Mme Lefebvre.
[24]          Il prétend que si le comité considère qu’une période de radiation temporaire doit être imposée à Mme Lefebvre, celle-ci devrait l’être pour une période d’un mois.
[25]          Le comité considère la recommandation de la procureure du syndic comme étant trop sévère.
[26]          En effet, il est d’opinion qu’une période de radiation temporaire d’un mois de même que la publication d’un avis de la décision et sa condamnation au paiement des déboursés constitue pour Mme Lefebvre les sanctions adéquates pour les infractions reprochées.
[27]          Le comité est d’avis que la décision rendue dans l’affaire Caccia[9] ne s’applique pas en l’espèce compte tenu de l’existence de fausses représentations ayant été faites par le représentant pour un des deux chefs d’infraction qui lui étaient reprochés.
[28]          De plus, le comité note que la procureure du syndic a déposé les décisions rendues dans les affaires Beaudoin[10] et Boileau[11] où le comité a effectivement ordonné des périodes de radiation temporaire d’un mois.
[29]          Dans le cas de l’affaire Beaudoin, le représentant a été sanctionné en vertu de l’article 12 du Code de déontologie pour ne pas avoir agi en conseiller consciencieux alors qu’il n’avait pas fait le suivi concernant un avis de déchéance d’assurance-vie de son client.
[30]          Pour ce qui est de l’affaire Boileau, le représentant avait été sanctionné en vertu de l’article 24 du Code de déontologie alors qu’il avait fait défaut de faire le suivi concernant la demande de souscription d’assurance-vie pour le conjoint et l’enfant de son client.
[31]          Dans le cas de Beaudoin, comme en l’espèce, le représentant n’avait pas d’antécédent disciplinaire et avait beaucoup d’années d’expérience alors que dans celui de Boileau, on n’y trouve aucune information à ce sujet.
[32]          La procureure du syndic prétend qu’il n’y a qu’un seul facteur atténuant militant en faveur de Mme Lefebvre, à savoir qu’elle n’a pas d’antécédent disciplinaire.
[33]          Elle insiste beaucoup sur le fait que le comité ne l’a pas crue lors de son témoignage rendu lors de l’audition sur culpabilité, qu’elle n’a pas bien collaboré à l’enquête du syndic et qu’elle ne semble pas avoir compris l’importance de la décision du comité.
[34]          Elle est d’opinion que ces éléments constituent des facteurs aggravants.
[35]          Concernant la crédibilité de Mme Lefebvre, le comité désire souligner qu’il ne l’a pas crue lors de l’audition sur culpabilité au motif entre autres que sa version était en contradiction avec la preuve documentaire déposée par le syndic.
[36]          Il est vrai que Mme Lefebvre n’a pas démontré une collaboration idéale lors de l’enquête du syndic et qu’elle aurait même alors fourni les informations qui étaient inexactes.
[37]          Avec respect pour l’opinion contraire, le comité est d’opinion que ces deux éléments sont pertinents au niveau de l’évaluation des risques de récidive de Mme Lefebvre et de sa réhabilitation, mais qu’ils ne sont pas en soi des facteurs aggravants.
[38]          Le comité doit se remémorer que « la détermination des risques de récidive est un exercice prospectif qui demande une analyse sérieuse et approfondie de plusieurs facteurs et qui ne devrait pas être fondé principalement sur de simples impressions tirées de certains faits. Le Conseil ne peut uniquement se fonder sur certains événements passés, mais doit aussi évaluer les impacts du processus disciplinaire sur la professionnelle avec les éléments soumis pour corriger son comportement fautif. »[12]
[39]          Le comité croit Mme Lefebvre lorsqu’elle déclare lors de l’audition sur sanction que la décision sur culpabilité l’a amenée à montrer plus de rigueur dans sa pratique professionnelle.
[40]          Il s’agit d’un élément important qui montre une volonté de corriger son comportement dérogatoire et qu’elle a bien compris l’importance de la décision du comité.
[41]          Ne pas tenir compte de cet élément ferait en sorte que la détermination des risques de récidive n’aurait pas résulté d’une analyse sérieuse et approfondie des faits pertinents en l’espèce.
[42]          Cela étant, le comité ne considère pas le risque de récidive comme élevé même si néanmoins il existe.
[43]          Enfin, la grande expérience de Mme Lefebvre, à savoir plus de trente ans dans l’industrie, est effectivement un élément pertinent pour le comité dans la détermination de sa sanction.
[44]          Cependant, le comité considère que ce fait n’est pas nécessairement aggravant comme le prétend la procureure du syndic, car pendant toute cette période, Mme Lefebvre n’a pas fait l’objet de plainte, d’avertissement ou de mise ne garde de la part du syndic et il doit par conséquent être plutôt considéré comme un facteur neutre.
[45]          Il n’en demeure pas moins que la négligence démontrée par Mme Lefebvre n’est pas minime, est inacceptable et doit être sanctionnée, entre autres, par une période de radiation temporaire afin non seulement de la dissuader de recommencer, mais aussi pour que les membres de l’industrie sachent qu’un tel comportement est répréhensible et peut amener de graves conséquences.
[46]          Pour toutes ces raisons, en considérant les éléments tant objectifs que subjectifs, atténuants qu’aggravants, le comité est d’opinion qu’une période de radiation temporaire d’un mois dans le cas de Mme Lefebvre est, dans sa globalité, une sanction appropriée et respectueuse des principes de protection du public, d’exemplarité et de dissuasion tout en étant conforme aux principes jurisprudentiels.
[47]          Le comité ordonnera aussi la publication d’un avis de la décision conformément à l’article 156 (7) du Code des professions et condamnera Mme Lefebvre au paiement des frais et déboursés en vertu de l’article 151 dudit code.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

ordonne la radiation temporaire de l’intimée pour une période d’un mois pour chacun des chefs d’infraction, à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimée, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans les lieux où cette dernière a eu son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’article 156 (7) du Code des professions (RLRQ, c. C‑26);

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

PERMET la notification de la présente décision aux parties par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), soit par courrier électronique.

 

 

 

(S) Me Claude Mageau

 

Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

(S) Stéphane Prévost

 

M. STÉPHANE PRÉVOST, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

(S) Michel Dubé

 

M. MICHEL DUBÉ, PL. FIN.

Membre du comité de discipline

 

Me Karoline Khelfa

CDNP AVOCATS

Avocats de la partie plaignante

Me Alexandre Éthier
Avocat de la partie intimée
 

Date d’audience : 18 juillet 2023

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


A N N E X E   1

LA PLAINTE DISCIPLINAIRE

1.    À Vaudreuil-Dorion, entre le 29 avril 2019 et le 12 août 2020, l’intimée ne s’est pas acquittée du mandat confié par J.P. de procéder à la demande de prestations d’invalidité ou de transmettre les informations requises pour obtenir les prestations d’invalidité de C.R. auprès de RBC, contrevenant ainsi à l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

2.    À Vaudreuil-Dorion, entre le 29 avril 2019 et le 20 août 2020, l’intimée ne s’est pas acquittée du mandat confié par J.P pour C.R. de procéder à l’annulation de son assurance collective accident détenue auprès de Great-West, contrevenant ainsi à l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

Se rendant ainsi passible d’une ou plusieurs des sanctions prescrites par les articles 376 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et du Code des professions.



[1]      Annexe 1 : La plainte disciplinaire.

[2]      Chambre de la sécurité financière c. Lefebvre, 2023 QCCDCSF 13 (CanLII), par. 93-99 et 127-131.

[3]      Chambre de la sécurité financière c. Lefebvre, préc., note 2, par. 94.

[4]      Id. par. 128-131.

[5]      Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 37.

[6]      Landry c. Guimont, 2017 QCCA 238 (CanLII), par. 73.

[7]      Chambre de la sécurité financière c. Beaudoin, 2021 QCCDCSF 59 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Caccia, 2018 QCCDCSF 15 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Boileau, 2023 QCCDCSF 15 (CanLII).

[8]      Chambre de la sécurité financière c. Bissonnette, 2021 QCCDCSF 60 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Chalifour, 2021 QCCDCSF 61 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Proulx, 2021 QCCDCSF 22 (CanLII).

[9]      Chambre de la sécurité financière c. Caccia, préc., note 7.

[10]     Chambre de la sécurité financière c. Beaudoin, préc., note 7.

[11]     Chambre de la sécurité financière c. Boileau, préc., note 7.

[12]     Serra c. Médecins (Ordre professionnel des), 2021 QCTP 2 (CanLII).

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