Chambre de la sécurité financière (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

C A N A D A

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1529

 

DATE :

Le 10 juillet 2023

 

 

LE COMITÉ :

Me Marco Gaggino

Président

M. Denis Petit, A.V.A.  

Membre

M. Louis Larochelle

 Membre

 

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Plaignant

c.

 

NICOLE BESSETTE, conseillère en sécurité financière (certificat numéro 220611)

 

Intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ, LORS DE L’AUDIENCE, L’ORDONNANCE SUIVANTE :

         Non-divulgation, non-diffusion et non-publication des noms et prénoms du consommateur impliqué dans la plainte disciplinaire, ainsi que de toute information se trouvant dans la preuve qui permettrait de l’identifier. Toutefois, il est entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

 

 

APERÇU

[1]           L’intimée, Nicole Bessette, est citée devant le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « Comité ») sous un unique chef d’infraction. Celui-ci lui reproche de ne pas avoir cherché à avoir une connaissance complète des faits de la situation  de sa cliente alors qu’elle lui fait signer une proposition d’assurance contenant des renseignements erronés sur sa situation d’emploi[1].

[2]           Au moment des faits, Mme Bessette a peu d’expérience, elle n’est certifiée en assurances de personne que depuis le 15 avril 2019.

[3]           À l’automne 2020, Mme Bessette entre en contact avec J.L. ainsi qu’avec son ex-conjoint. Ceux-ci recherchent une meilleure couverture d’assurance visant à garantir leur prêt d’adoption que celle qu’ils détiennent alors.

[4]           Plusieurs échanges téléphoniques et par voie de courriels ont lieu entre Mme Bessette et les consommateurs au cours desquels celle-ci leur présente éventuellement pour signature une proposition d’assurance comportant un avenant en cas d’invalidité de l’un ou l’autre des assurés, soit J.L. et son ex-conjoint.

[5]           La proposition est signée électroniquement au cours de rendez-vous téléphoniques successifs avec chacun des assurés.

[6]           Mme Bessette, qui a préalablement complété l’ensemble de la proposition, ne procède pas à une lecture et à une révision de celle-ci avec les assurés; elle les guide plutôt vers les pages de signature.

[7]           Or, l’avenant d’invalidité prévoit spécifiquement, comme condition d’admissibilité, que les assurés doivent être employés et avoir travaillé huit mois ou plus au cours des douze derniers mois, ce qui n’est alors pas le cas de J.L.

[8]           Cette condition n’a pas fait l’objet de vérification de la part de Mme Bessette lorsqu’elle coche les cases appropriées dans la proposition confirmant que les deux consommateurs remplissent cette exigence.

[9]           Qui plus est, Mme Bessette n’effectue aucune vérification auprès de J.L. malgré la réception d’un courriel de celle-ci, quelques jours avant la signature de la proposition, mentionnant n’être en poste que depuis trois (3) mois à son emploi actuel.

[10]        Suite à la signature de la proposition comportant l’information erronée au sujet de la situation d’emploi de J.L., la compagnie d’assurance émet une police.

[11]        Malheureusement pour J.L., celle-ci reçoit un diagnostic de cancer quelques mois plus tard et produit une demande de prestations auprès de la compagnie d’assurance en lien avec son invalidité.

[12]        Après enquête, la compagnie d’assurance refuse la demande de prestations de J.L. et annule rétroactivement l’avenant d’invalidité au motif que l’assurée ne respecte pas, au moment de la signature de la proposition, la condition reliée à sa situation d’emploi.

[13]        À l’issue d’un plaidoyer de culpabilité enregistré lors de l’audience, le Comité déclare Mme Bessette coupable de l’unique chef d’infraction contenu à la plainte disciplinaire[2].

[14]        Les parties recommandent conjointement au Comité l’imposition d’une radiation temporaire de trente jours à Mme Bessette ainsi qu’une condamnation aux déboursés. 

[15]         S’agissant d’une recommandation commune de sanction, le Comité doit déterminer si celle-ci est contraire à l’intérêt public ou si elle déconsidère l’administration de la justice, à défaut de quoi, il doit y donner suite.

QUESTION EN LITIGE

-       La recommandation commune des parties est-elle contraire à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice ?

[16]        Selon le Comité, la recommandation commune de sanction soumise par les parties n’est pas contraire à l’intérêt public et ne déconsidère pas l’administration de la justice.

[17]        Le Comité imposera donc la sanction recommandée par les parties, et ce, pour les motifs qui suivent.

ANALYSE

[18]        Lorsqu’une sanction est suggérée conjointement par les parties, le Comité n’a pas à s’interroger sur sa sévérité ou sa clémence ; il doit y donner suite, sauf s’il la considère contraire à l’intérêt public ou si elle est de nature à déconsidérer l’administration de la justice[3]

[19]        Le Comité considère qu’il n’y a pas de disproportion entre la sanction recommandée et celle imposée dans des circonstances analogues, et ce, à la lumière des décisions soumises par le syndic[4].

[20]       De même, la sanction recommandée tient compte des différents facteurs dont le Comité doit considérer.

[21]       Ainsi, quant aux facteurs reliés à Mme Bessette :

-       Elle annonce son intention de plaider coupable à la première occasion;

-       Elle reconnaît les faits lors de l’enquête du syndic;

-       Elle a des regrets sincères et n’a pas l’intention qu’une telle situation, dont elle comprend la gravité, se reproduise;

-       Au moment des faits, Mme Bessette a peu d’expérience et ne bénéficie pas d’un encadrement optimal;

-       Elle est présentement en arrêt de travail, et ce, depuis plusieurs mois, ce qui lui cause des problèmes financiers;

-       Elle n’a pas d’antécédents disciplinaires.

[22]       Quant aux facteurs liés à l’infraction :

-       L’obligation déontologique d’effectuer les démarches nécessaires visant une connaissance complète des faits avant de proposer un produit d’assurance est au cœur de la profession; cette obligation vise la protection du public;

-       L’infraction ne découle pas d’une intention malhonnête de la part de Mme Bessette, mais de sa négligence;

-       Cette négligence se répète alors que Mme Bessette ne révise pas la proposition d’assurance avec ses clients, ce qui aurait pu lui éviter les tracas professionnels qu’elle vit présentement;

-       Par ailleurs, la négligence de Mme Bessette a eu des conséquences désastreuses pour J.L., affectant ainsi l’image de la profession;

-       L’infraction est isolée et n’implique qu’une seule victime.

[23]        Considérant ce qui précède, le Comité est d’avis que la recommandation commune présentée par les parties ne déconsidère pas l’administration de la justice et n’est pas contraire à l’intérêt public.

[24]        Pour ces motifs, le Comité imposera donc à Mme Bessette une radiation temporaire de trente jours.

[25]        Le Comité ordonnera, aux frais de Mme Bessette, la publication de l’avis de la présente décision et condamnera celle-ci au paiement des déboursés.

 

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimée à l’égard de l’unique chef d’infraction de la plainte disciplinaire;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimée à l’égard de l’unique chef d’infraction de la plainte disciplinaire pour avoir contrevenu à l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers;

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures en ce qui concerne l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers.

ET STATUANT SUR SANCTION :

IMPOSE à l’intimée une radiation temporaire de trente jours pour l’unique chef de la plainte disciplinaire;

ORDONNE à la secrétaire du Comité de faire publier, conformément à l’article 156 alinéa 7 du Code des professions, aux frais de l’intimée, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où cette dernière a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où elle a, ou pourrait, exercer sa profession;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés, conformément à l’article 151 du Code des professions;

AUTORISE la notification de la présente décision à l’intimée par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ., c. C-25.01), soit par courrier électronique.

 

 

(S) Me Marco Gaggino _________________________________

Me Marco Gaggino

Président du Comité de discipline

 

 

 

 

(S) Denis Petit _________________________________

 

M. Denis Petit, A.V.A.

 

Membre du Comité de discipline

 

 

 

 

(S) Louis Larochelle _________________________________

 

M. Louis Larochelle

 

Membre du Comité de discipline

 

 

 

 

Me Nathalie Vuille

POULIOT, PRÉVOST, GALARNEAU, S.E.N.C.

Procureure de la partie plaignante

 

Mme Nicole Bessette

Partie intimée, présente et non représentée

 

 

Date d’audience :

16 juin 2023

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 


 

ANNEXE I

 

 

Dans la province de Québec, au cours des mois de novembre et décembre 2020, l’intimée n’a pas cherché à avoir une connaissance complète des faits quant à la situation d’emploi de J.L. dans les douze (12) mois précédant la signature de la proposition d’assurance EV1028777, n’agissant pas avec compétence et professionnalisme, contrevenant ainsi aux articles 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.



[1] Voir annexe 1.

[2] Sous les articles 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers. Le Comité ordonne par ailleurs une suspension conditionnelle des procédures à l’égard de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[3]      R. c. Anthony-Cook, [2016] 2 RCS 204.

[4]     Chambre de la sécurité financière c. Bargoné-Boucher, 2021 QCCDCSF 58 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Bissonnette, 2021 QCCDCSF 60 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Boissel-Bissonnette, 2022 QCCDCSF 36 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Dorval, 2021 QCCDCSF 6 (CanLII).

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