Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1520

 

DATE :

Le 29 mai 2023

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Chantal Donaldson

Présidente

Mme Diane Bertrand, Pl. Fin.

Membre

Mme Dyan Chevrier, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

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SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Plaignant

c.

 

JOSÉE BOILEAU (numéro de certificat 178040, numéro BDNI 2709901)

 

Intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION

[1]          À la demande du syndic de la Chambre de la sécurité financière (ci-après : « syndic »), le comité a rendu séance tenante, conformément à l’article 142 du Code des professions, l’ordonnance suivante :

Non-divulgation, non-diffusion, et non-publication de tout renseignement ou information qui pourrait permettre d’identifier les consommateurs concernés par la plainte disciplinaire, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

 

APERÇU

[2]  Il s’agit d’un dossier où l’on reproche à l’intimée, Mme Josée Boileau, de ne pas s’être acquittée de son mandat avec diligence. Cette dernière devait, à la demande de son client, compléter une proposition d’assurance vie dans le but d’assurer la vie de sa conjointe et de son enfant à la suite de changements intervenus dans la situation familiale de ces derniers.

[3]  L’analyse des besoins financiers (ci-après : « ABF ») des consommateurs a été complétée le 26 mai 2021.

[4]  Mme Boileau a cessé d’exercer sa profession de conseillère en sécurité financière le 21 juin 2021.

[5]  La conjointe du client est décédée subitement le 3 août 2021, et ce, sans que le mandat ne soit accompli.

[6]  La plainte comprend un seul chef d’infraction laquelle est rattachée à deux articles législatifs distincts et est ainsi libellée :

LA PLAINTE

1.    À Salaberry-de-Valleyfield et ailleurs au Québec, entre le 26 mai 2021 et le 21 juin 2021, l’intimée n’a pas agi avec diligence envers son client J. P.-P. en ne faisant aucun suivi en lien avec sa demande de souscrire le produit Tempo Plus 25 (fixe) 1er décès, contrevenant ainsi aux articles 23 et 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

LES FAITS

[7]  Après avoir effectué la donation de la demi-indivise de sa résidence à sa conjointe en avril 2021, le consommateur a mandaté Mme Boileau afin de faire modifier le montant de son assurance-vie (Tempo Plus 25 décroissant, 250 000 $) et afin d’obtenir un produit similaire pour sa conjointe. Il voulait également se procurer une protection pour leur enfant.

[8]  Le 5 mai 2021, l’assureur SSQ est avisé du changement de compte bancaire du consommateur par Mme Boileau.

[9]  Le 10 mai 2021, des illustrations des assurances potentielles pour le couple et pour l’enfant sont transmises à titre d’information au consommateur par Mme Boileau.

[10]        Après certains éclaircissements, le 19 mai 2021, les consommateurs optent pour deux protections (250 000 $, Tempo Plus décroissant et fixe) ainsi qu’une protection (Temp R&T 30 ans, 50 000 $) pour leur enfant.

[11]        Le 25 mai 2021, l’assureur Industrielle Alliance est avisé du changement de compte bancaire du consommateur par Mme Boileau.

[12]        Le 26 mai 2021, l’ABF signée par les deux consommateurs est complétée.

[13]        Le 26 mai 2021, à 7h07 Mme Boileau écrit un message texte à son client lui indiquant : « Je fais les autres papiers et t’envoie le tout dès que possible. »

[14]        Le 16 juin 2021, le consommateur fait un suivi auprès de Mme Boileau et lui envoie le message texte suivant : « Allo Josée, je n’ai toujours pas reçu de papiers. »

[15]        Le 21 juin 2021, Mme Boileau démissionne de ses fonctions, sans aviser le consommateur.

[16]        Aucune proposition d’assurance n’a été complétée par Mme Boileau ou soumise par cette dernière aux consommateurs.

[17]        Le 3 août 2021, la conjointe du consommateur décède subitement.

[18]        Le 5 août 2021, le consommateur apprend que le dossier n’a jamais été finalisé.

[19]        Mme Boileau était liée contractuellement avec InfoPrimes quant aux produits suggérés aux consommateurs.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[20]        Mme Boileau admet ne pas avoir fait preuve de disponibilité et de diligence à l’égard de son client et de ne pas lui avoir rendu compte entre le 26 mai et le 21 juin 2021. Elle a plaidé coupable à l’unique chef d’infraction contenue à la plainte disciplinaire. Cette dernière comprend les implications de ce plaidoyer, lequel a été donné de façon libre et volontaire.

[21]        Le comité a accepté le plaidoyer de culpabilité de Mme Boileau et l’a déclarée coupable séance tenante d’avoir contrevenu aux articles 23 et 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (ci-après : « Code de déontologie »), tels qu’allégués à la plainte disciplinaire.

[22]        Toutefois, en vertu du principe interdisant les condamnations multiples[1] , le comité ordonnera la suspension conditionnelle des procédures quant à l’article 23 du Code de déontologie.

QUESTION EN LITIGE

En tenant compte des circonstances, quelle est la sanction adéquate ?

ANALYSE

[23]        Les articles 23 et 24 du Code de déontologie édictent ce qui suit :

Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière

23. Le représentant doit faire preuve de disponibilité et de diligence à l’égard de son client ou de tout client éventuel.

24. Le représentant doit rendre compte à son client de tout mandat qui lui a été confié et s’en acquitter avec diligence.

[24]        Le syndic recommande une radiation temporaire d’un (1) à trois (3) mois à la discrétion du comité, la publication d’un avis de la décision, en plus de la condamnation de Mme Boileau au paiement des déboursés et des frais de publication de cet avis.

[25]        Mme Boileau n’est pas représentée par avocat. Elle a toutefois mentionné lors de l’audition que cette sanction lui paraissait juste, sans pour autant y donner son accord.

[26]        L’article 24 du Code de déontologie est impératif. Le représentant doit s’acquitter de ses mandats avec promptitude, ce qui inclut, évidemment, qu’il doit l’exécuter.  À défaut, il doit relater l’empêchement ou le retard d’exécution de manière précise et détaillée à ses clients.

[27]        En droit, la négligence (antonyme de diligence) est une faute non intentionnelle due à un manque d’attention, qui consiste à ne pas avoir posé un acte qui aurait dû être posé. Mme Boileau a été négligente. Elle devait, tout comme elle l’avait indiqué par texto, compléter la proposition d’assurance, et ce, non seulement dans un délai raisonnable, mais également avec diligence, à savoir avec rapidité, empressement et hâte.

[28]        Comme elle quittait la profession et que le mandat était en cours, son client aurait dû être avisé de la situation et du nom et des coordonnées de son ou de ses successeurs. Le comité y voit également un manque de professionnalisme.

[29]        Mme Boileau a quitté la profession de représentant et la faute a duré un mois.

[30]        Considérant l’ensemble des circonstances du dossier, le comité imposera une radiation temporaire d’une durée d’un mois à Mme Boileau.

[31]        Le comité ordonnera la publication de l’avis de la présente décision aux frais de Mme Boileau et condamnera cette dernière au paiement des déboursés.

[32]        Le comité considère que le client doit pouvoir s’attendre à ce que son représentant agisse dans son meilleur intérêt avec rigueur et rapidité.

[33]        Cette sanction vise la dissuasion du professionnel de récidive et l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession, et ce, afin d’assurer la protection du public.

[34]        La sanction recommandée par le syndic se situe à l’intérieur des fourchettes de sanction en semblable matière[2].

[35]        Le comité accordera, à la demande de Mme Boileau, un délai de six (6) mois pour le paiement des déboursés.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité prononcée à l’audience pour l’unique chef d’infraction mentionné à la plainte disciplinaire pour avoir contrevenu aux articles 23 et 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures à l’égard de l’article 23 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

ET PROCÉDANT À RENDRE LA DÉCISION SUR SANCTION :

ORDONNE la radiation temporaire de Mme Boileau pour une période d’un mois;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de cette dernière, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans les lieux où Mme Boileau a eu son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où elle a exercé ou pouvait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 7 de l’article 156 du Code des professions;

CONDAMNE Mme Boileau, au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions ;

ACCORDE à Mme Boileau un délai de six (6) mois pour le paiement des déboursés;

PERMET la notification de la présente décision aux parties par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile, soit par courrier électronique.

 

 

 

(S) Me Chantal Donaldson __________________________________

Me Chantal Donaldson

Présidente du comité de discipline

 

 

(S) Diane Bertrand __________________________________

Mme Diane Bertrand, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(S) Dyan Chevrier __________________________________

Mme Dyan Chevrier, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Alain Galarneau

POULIOT PRÉVOST GALARNEAU

Procureur du plaignant

 

Mme Josée Boileau

Intimée, présente et non représentée

 

 

Date d’audience :

Le 14 février 2023

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Kienapple c. R., 1974 CanLII 14 (CSC), [1975] 1 RCS 729.

[2]     CSF c. Beaudoin, 2021 QCCDCSF 59, CSF c. Turenne, 2021 QCCDCSF 40, CSF c. Brouillard, 2003 CanLII 57158 (QC CDCSF).

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