Chambre de la sécurité financière (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1413

CD00-1414

 

DATE :

22 février 2023

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

M. Antonio Tiberio

Membre

 

M. Bruno Therrien, Pl. Fin. 

Membre

 

______________________________________________________________________

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Partie plaignante

c.

STEVE GAUTHIER, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 176986)

Et

MÉLODIE LÉVESQUE, conseillère en sécurité financière (numéro de certificat 200434)

            Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]          Le 31 octobre 2022, le présent Comité de discipline (Comité) de la Chambre de sécurité financière (CSF) a déclaré les intimés coupables sous chacun des chefs d’infraction contenus dans les plaintes disciplinaires portées respectivement contre eux et impliquant la même cliente J.B.

APERÇU

[2]           En ce qui concerne la plainte CD00-1413, l’intimé Gauthier sera sanctionné pour avoir contrevenu à :

a)     L’article 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (CDCSF), en ne recommandant pas, entre les 28 janvier et 21 février 2016, à sa cliente d'attendre l'émission du nouveau contrat d'assurance avant de résilier le contrat existant, lui créant un découvert d’assurance (CHEF 1);

b)     L’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF) en lui faisant signer en blanc le 3 août 2016 une « Lettre d’engagement » et une « Analyse financière personnelle » (CHEFS 2 et 3);

c)      Article 34 CDCSF Avoir omis volontairement le 3 août 2016 de divulguer à l’assureur qu’il avait agi à titre de conseiller auprès de sa cliente pour la souscription d’une assurance vie (CHEF 4);

d)     Article 24 CDCSF Avoir négligé de s’acquitter du mandat confié par sa cliente., entre les 7 septembre 2016 et 5 avril 2018, de corriger sa date de naissance sur une police d’assurance (CHEF 5).

[3]           En ce qui concerne chacune des deux infractions de la plainte CD00-1414, l’intimée Lévesque sera sanctionnée pour avoir contrevenu à l’article 35 CDCSF :

a)     En signant, le ou vers le 3 août 2016, à titre de conseillère, une proposition d’assurance-vie PPC souscrite avec la compagnie Foresters, sans avoir agi à ce titre auprès de J.B. (CHEF 1)

b)     En attestant faussement, le ou vers le 3 août 2016, avoir été témoin de la signature de J.B. sur la proposition d’assurance-vie PPC souscrite avec la compagnie Foresters (CHEF 2)

[4]           Les procureurs ont présenté des recommandations communes sur sanction à l’égard de chacun de ces chefs d’infraction.

[5]           Pour M. Gauthier, ils suggèrent le paiement d’une amende de 10 000 $ pour le chef 1, de 7 500 $ pour chacun des chefs 2 et 3, de 3 000 $ pour le chef 4, le tout totalisant 28 000 $ en amendes et l’imposition d’une réprimande pour le chef 5.

[6]           Pour Mme Lévesque, ils suggèrent pour le chef d’infraction 1 le paiement d’une amende de 3 000 $ et d’une autre de 3 500 $ pour le chef d’infraction 2, pour un total de
6 500 $.

[7]           Les parties demandent également la condamnation des deux intimés au paiement des déboursés, lesquels s’élèvent, selon les informations fournies par Me Courville, à environ 5 000 $ pour les deux plaintes. 

[8]           Le procureur de l’intimé a confirmé souscrire aux représentations de son confrère. Il assure que ses clients ont pris acte de la décision sur culpabilité. Il rappelle que les intimés sont un couple et sont associés dans le cabinet Assurance épargne et placement Steve Gauthier inc. de sorte que le paiement des amendes de 28 000 $ pour M. Gauthier et de 6 500 $ pour Mme Lévesque auxquelles s’ajoutent les déboursés constitue une charge importante, d’autant plus que M. Gauthier a perdu son contrat de représentant avec Industrielle Alliance (IA).

[9]           Dans les circonstances, en raison des aléas concernant leurs revenus, les intimés demandent de leur octroyer un an pour le paiement des amendes et déboursés, sans fixer les modalités afin qu’ils puissent en aménager le paiement selon leurs capacités au cours de l’année en cause.

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

[10]        Rappelant que la détermination des sanctions est un exercice sérieux, voire laborieux, le procureur du syndic mentionne d’abord que des périodes de radiation constituent la sanction souvent retenue par le Comité de discipline pour des infractions de nature semblable aux trois premières commises par M. Gauthier.

[11]       Toutefois, le syndic tient compte de la lettre de terminaison par l’assureur de son contrat de représentant à partir du 12 décembre 2022. Cette fin de contrat entraîne des conséquences importantes sur la pratique de M. Gauthier et pour son cabinet. Entre autres, il devra se reconstituer une clientèle ayant perdu celle développée depuis ses débuts en 2009 en raison de cette fin de contrat avec IA. Dans les circonstances, le syndic conclut qu’une période de radiation serait alors punitive.

[12]       Il y a absence d’antécédent disciplinaire et les procureurs croient que l’expérience du présent processus disciplinaire devrait préserver les intimés de récidiver.

[13]       Après révision des décisions[1] sur sanction rendues sur des infractions de même nature, les procureurs avancent que le paiement d’amendes totalisant 28 000 $ se situe dans la moyenne haute de la fourchette des amendes ordonnées, et qu’elles tiennent compte de l’ensemble des faits propres à ce dossier, des facteurs objectifs et subjectifs, aggravants et atténuants.

QUESTION EN LITIGE

[14]       Le comité doit déterminer si la recommandation commune des parties déconsidère l’administration de la justice ou si elle est contraire à l’intérêt public.

ANALYSE ET MOTIFS

[15]        Comme rappelé par le procureur du syndic, les sanctions doivent répondre aux quatre critères énoncés par la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[2] : la protection du public, la dissuasion du professionnel de récidiver, l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables sans oublier le droit pour le professionnel visé d’exercer sa profession.

[16]       À cette fin, les procureurs ont évoqué divers facteurs. Au titre des facteurs aggravants, le Comité retient que les infractions commises par chacun des intimés sont d’une gravité objective élevée, qu’elles se situent au cœur de l’exercice de la profession et qu’elles portent atteinte à l’image de la profession.

[17]       En outre, M. Gauthier a provoqué un découvert d’assurance à sa cliente, lui a causé préjudice et a mis en péril la protection du public.

[18]       Parmi les facteurs subjectifs, il y a notamment l’expérience et l’âge des intimés. M. Gauthier exerce comme représentant en assurances de personnes depuis 2009 alors que Mme Lévesque le fait depuis 2013. Au moment des événements en 2016, ils sont respectivement âgés de 33 et 30 ans. Les intimés n’ont aucun antécédent disciplinaire.

[19]       Les deux plaintes impliquent une seule et même assurée. Il y a absence de mauvaise foi ou d’intention malveillante. De plus, M. Gauthier, ayant perdu sa charge de clients en assurances auprès d’IA, devra refaire sa clientèle afin de pouvoir continuer ses activités en assurances de personnes. Devant ce fait, le Comité convient qu’une période de radiation pourrait être qualifiée de punitive.

[20]       Par ailleurs, après étude de l’ensemble des décisions soumises au soutien de leurs recommandations, les amendes proposées par les procureurs sont conformes à celles imposées habituellement pour ce même type d’infractions.

[21]       Aussi, considérant les faits propres à la présente affaire ainsi que les facteurs objectifs et subjectifs tant aggravants qu’atténuants mentionnés, le Comité est d’avis que les recommandations communes des parties ne sont pas contraires à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice tel qu’énoncé par la Cour Suprême[3]. Le Comité y donnera donc suite. 

[22]       Par conséquent, M. Gauthier sera condamné au paiement d’une amende de 10 000 $ sous le chef 1, de 7 500 $ sous chacun des chefs 2 et 3, et d’une amende de
3 000 $ sous le chef 4 pour un pour un total de 28 000 $. Le Comité lui imposera une réprimande sous le chef 5. 

[23]       Pour sa part, Mme Lévesque sera condamnée au paiement d’une amende de 3 000 $ sous le chef d’infraction 1 et de 3 500 $ sous le chef d’infraction 2, pour un total de 6 500 $.

[24]       Les intimés seront condamnés au paiement des déboursés. Le Comité accueillera leur demande pour un délai d’un an pour les acquitter ainsi que les amendes, en laissant à leur discrétion d’en fixer les modalités, pourvu qu’il les acquitte complètement dans l’année qui suit la présente décision.

DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS, le Comité de discipline :

         PLAINTE CD00-1413 – Steve Gauthier

CONDAMNE l’intimé sous le chef d’infraction 1 au paiement d’une amende de
10 000 $;

CONDAMNE l’intimé sous chacun des chefs d’infraction 2 et 3 au paiement d’une amende de 7 500 $;

CONDAMNE l’intimé sous le chef d’infraction 4 au paiement d’une amende de 3 000 $;

Ces amendes totalisent 28 000 $;

IMPOSE à l’intimé une réprimande sous le chef d’infraction 5;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

ACCORDE à l’intimé une année à partir de la présente décision pour le paiement des amendes et déboursés;  

ORDONNE la notification de la présente décision à l’intimé par moyen technologique, conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), soit par courrier électronique.

 

         PLAINTE CD00-1414 – Mélodie Lévesque

CONDAMNE l’intimée au paiement d’une amende de 3 000 $ sous le chef d’infraction 1 et de 3 500 $ sous le chef d’infraction 2, totalisant 6 500 $;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

ACCORDE à l’intimée une année à partir de la présente décision pour le paiement des amendes et déboursés; 

ORDONNE la notification de la présente décision à l’intimée par moyen technologique, conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), soit par courrier électronique.

 

 

(S) Me Janine Kean

__________________________________

Me Janine Kean

Présidente du Comité de discipline

 

(S) Antonio Tiberio

__________________________________

M. Antonio Tiberio

Membre du Comité de discipline

 

(S) Bruno Therrien

__________________________________

M. Bruno Therrien, Pl. Fin.

Membre du Comité de discipline

 

 

 

 

Me Claude G. Leduc

ML AVOCATS s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

 

Me Martin Courville

AD LITEM AVOCATS, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie intimée

 

 

Date d’audience :

Le 10 février 2023

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 

A0850

A0860

 

A0010

A0250

A0830

A1320



[1] CSF c. Lamontagne, 2020 QCCDCSF 61; CSF c. Caro, 2017 QCCDCSF 74; CSF c. Lévesque, 2016 CanLII 39912 (QC CDCSF); CSF c. Trudeau, 2017 QCCDCSF 65; CSF c. Platanitis, 2019 QCCDCSF 68; CSF c. David, 2020 QCCDCSF 43; CSF c. Couture, 2019 QCCDCSF 3; CSF c. Tremblay, 2017 QCCDCSF 80; CSF c. Nantel, 2015 QCCDCSF 18; CSF c. Kendall, 2017 QCCDCSF 92; CSF c. Sauvé, 2012 CanLII 97167 (QC CDCSF); CSF c. Bourque, 2022 QCCDCSF 54; CSF c. Chalifour, 2021 QCCDCSF 61; CSF c. Beauvais, 2018 QCCDCSF 6; CSF c. Caron, 2018 QCCDCSF 33.

[2] 2003 CanLll 32934 (QC CA). 

[3]     R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43; Duval c. Comptables professionnels agréés (Ordre des), 2022 QCTP 36.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.