Chambre de la sécurité financière (Québec)

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comité de discipline

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

canada

province de québec

 

 

 

N°:

CD00-1507

DATE:

Le 25 janvier 2023

le comité :

Me Michel A. Brisebois

Président

M. Jean-Michel Bergot

Membre

Mme Sonia Comeau

Membre

 

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

 Plaignant

c.

JÉRÔME ST-LAURENT (certificat 220621)

 

 Intimé

décision sur sanction

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :
         Non-divulgation, non-publication et de non-diffusion du nom et prénom de l’ex-conjointe mentionnés lors de la preuve et dans les pièces ainsi que de toute information permettant de l’identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas à tout échange d’information prévu à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

APERÇU

[1]          La plainte disciplinaire déposée contre M. Jérôme St-Laurent (« l’Intimé ») contient l’unique chef d’infraction suivant :

 « À Rimouski, entre le 10 février 2020 et le 17 mars 2021, l’intimé n’a pas agi avec professionnalisme en négligeant d’informer la Compagnie d’assurance Combined d’Amérique qu’il faisait l’objet d’accusations criminelles dans le cadre du dossier N0 100-01-023540-202, contrevenant ainsi à article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers. »

[2]          L’audition sur culpabilité a eu lieu le 24 août 2022 devant le Comité de discipline. L’Intimé n’était pas présent à l’audition et n’est pas représenté par procureur. Le comité a constaté son défaut et l’audition a eu lieu en son absence, conformément à l’article 144 du Code des professions.
[3]          L’Intimé est un représentant au sens de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (« Loi ») et il signe une entente d’emploi avec la Compagnie Combined (« Combined ») le 12 juin 2017.
[4]          Cette entente prévoit une obligation pour l’intimé de divulguer l’existence d’un dossier criminel et il reçoit des rappels de cette directive pendant son emploi avec Combined.
[5]          Le 7 décembre 2020, au plumitif de la Cour du Québec, apparait le dossier criminel de l’Intimé suite à une déclaration de culpabilité pour vol.
[6]          L’Intimé a négligé d’aviser Combined de son dossier criminel et a continué de travailler pour cet employeur.
[7]          Lorsque M. Carrier et M. Gaudet, employés-cadres de Combined ont été mis au courant de cette situation, l’Intimé est remercié le 17 mars 2021.
[8]          Le 4 octobre 2022, le Comité a rendu une décision sur culpabilité rectifiée[1]. Il a déclaré l’Intimé coupable d’avoir contrevenu au deuxième paragraphe de l’article 16 de la Loi et il doit être sanctionné.

ANALYSE ET MOTIFS

[9]          L’audition sur sanction a été tenue le 19 décembre 2022 et l’avocate du plaignant a déposé des représentations écrites lesquelles sont reproduites en partie ci-après :

« Dans cette décision sur culpabilité rectifiée, le Comité a conclu notamment ce qui suit :

 [10]  M. Carrier et M. Gaudet expliquent que l’intimé a une entente avec Combined depuis le 12 juin 2017 et qu’ils ont appris que, pendant la durée de l’entente, il avait été trouvé coupable et condamné, entre autres, pour vol pour des gestes commis chez son employeur précédent. La preuve démontre que l’intimé a admis ceci, mais n’a jamais avisé Combined, tel que ses obligations contractuelles le prévoyaient.

[15]   En agissant comme il l’a fait, l’intimé n’a pas agi avec compétence et professionnalisme et est donc en contravention avec le second alinéa de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[16]   L’intimé signe son entente avec Combined le 12 juin 2017 et, en cours de mandat, il reçoit des directives de rappel concernant son obligation de divulgation avec des exemples précis de situations qui doivent être divulguées.

[17]   L’intimé néglige d’aviser Combined de son dossier criminel de 2020 et continue de travailler, en espérant sans doute que personne ne s’aperçoive du fait qu’il a été trouvé coupable de vol.

[18]   Il est évident pour le comité que l’intimé se doutait qu’il y aurait des conséquences lorsque Combined apprendrait la commission de ces infractions au Code criminel.

[25]   Bien que la jurisprudence déposée par le plaignant ne traite pas de dossier criminel, le comité la considère très pertinente puisqu’elle confirme la nécessité d’être transparent et honnête envers son employeur en répondant aux informations demandées, c’est la seule façon que le public puisse faire un choix éclairé en choisissant un représentant.

[26]   La loi exige évidemment d’être compétent, mais le professionnalisme est tout aussi important, car le public a le droit de savoir avec qui il fait affaire.

[27]   Le fait de savoir que notre représentant a un dossier criminel pour vol peut affecter la confiance d’un client envers son représentant et le représentant qui cache cette information fait-il preuve de professionnalisme? Poser la question c’est y répondre.

[28]   Il est vrai que l’intimé se devait de respecter les conditions de son entente avec Combined et de ne pas l’avoir fait est certes un manque de professionnalisme, mais le comité considère que même en l’absence d’une telle entente, le professionnalisme nécessaire pour être représentant oblige la divulgation d’accusation et de dossier criminel.

[29]   Il est à noter que dans notre cas sous étude, le dossier criminel est en lien avec l’emploi.

           Question en litige

           Le Comité doit déterminer quelle est la sanction juste et appropriée à imposer à l’Intimé.

           Facteurs objectifs

           Au niveau des facteurs objectifs, le Comité doit considérer les facteurs suivants :

              La nécessité des représentants d’être transparents et honnêtes envers les compagnies d’assurance et les cabinets d’assurance auxquels ils sont rattachés.

              Le professionnalisme oblige le représentant à divulguer son dossier criminel pour vol, car le tout peut affecter la confiance du client envers son représentant.

              Le professionnalisme est aussi important que d’être compétent, car le public a le droit de savoir avec qui il fait affaire.

              Le dossier criminel non divulgué par l’intimé est en lien avec l’exercice de l’activité de représentant.

              L’infraction a duré environ un (1) an.

              L’intimé savait qu’il devait divulguer à Combined qu’il faisait l’objet d’accusations criminelles ainsi que sa déclaration de culpabilité.

              L’infraction a été préméditée par l’intimé, car il a délibérément caché les accusations criminelles ainsi sa déclaration de culpabilité de vol à Combined afin de conserver son entente contractuelle avec Combined.

              L’intimé a retiré un bénéfice personnel de l’infraction, car elle lui a permis de conserver son entente contractuelle avec Combined.

           Au niveau des facteurs subjectifs, le Comité doit considérer les facteurs suivants:

              L’intimé est âgé de 37 ans

              Il a obtenu son certificat en assurance contre la maladie ou les accidents le 15 septembre 2017.

              Au moment de l’infraction, il avait environ deux ans et demi d’expérience.

              Il est inactif depuis le 8 avril 2021 à la suite de la fin de son entente avec Combined.

              Il n’a pas d’antécédent disciplinaire.

              Il n’a pas collaboré à l’enquête du syndic.

              Il n’a pas participé au processus disciplinaire.

              Il y a un risque de récidive.

           Dans le présent dossier, le seul facteur atténuant est l’absence d’antécédent disciplinaire. Tous les autres facteurs sont des facteurs aggravants. »

[10]       Le Comité est d’accord avec la question en litige suggérée par le plaignant et a pris connaissance de la jurisprudence déposée par ce dernier[2].
[11]       En s’appuyant sur cette jurisprudence, le plaignant recommande une radiation temporaire entre un (1) et six (6) mois.
[12]       Le Comité considère qu’une radiation temporaire de six (6) mois est la sanction appropriée dans ce dossier pour les raisons expliquées ci-après.
[13]       L’Intimé a travaillé comme représentant pendant environ un (1) an sans aviser son employeur de son antécédent criminel.
[14]       Les conditions de son contrat d’emploi l’obligeaient à divulguer cette importante information à son employeur.
[15]       De plus, l’antécédent criminel concerné a un lien avec son emploi.
[16]       Il n’a pas respecté son obligation de professionnalisme prévue à l’article 16 de la Loi en gardant sa situation personnelle secrète et la durée de l’infraction est un facteur aggravant.
[17]       Son employeur et ses clients étaient en droit de connaitre sa situation et bien que la sanction disciplinaire ne vise pas à punir, elle a comme objectif premier la protection du public.
[18]       La sanction doit permettre la dissuasion du professionnel de récidiver et être exemplaire à l’égard des autres membres de la profession.
[19]       Les règles à suivre concernant le travail d’un représentant ainsi que ses responsabilités envers le public, au sens de la Loi, importent peu à l’Intimé. D’ailleurs, il est à noter que l’Intimé n’a pas daigné se présenter ni se faire représenter à l’audition de son dossier.
[20]       Cette attitude et ce comportement dénotent un manque de respect pour l’exercice de la profession et doivent être dissuadés.

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

ORDONNE sous l’unique chef d’infraction contenu à la plainte disciplinaire la radiation temporaire de l’Intimé pour une période de six (6) mois.

ORDONNE que la radiation temporaire devienne exécutoire qu’à partir du moment où l’Intimé reprendra son droit de pratique et que l’Autorité des marchés financiers ou toute autorité compétente émettra un certificat en son nom.

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a eu son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession, conformément aux dispositions de l’alinéa sept (7) de l’article 156 du Code des professions, RLRQ, c. C-26.

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de ne procéder à cette publication qu’au moment où l’Intimé reprendra son droit de pratique et que l’Autorité des marchés financiers ou toute autre autorité compétente émettra un certificat en son nom.

CONDAMNE l’Intimé au paiement des déboursés, conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, c. C-26.

PERMET la notification de la présente décision aux parties par moyen technologique, conformément à l’article 133 du Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01, à savoir par courrier électronique.

 

 

(S) Me Michel A. Brisebois

 

 

Me MICHEL A. BRISEBOIS

Président du comité de discipline

 

 

(S) Jean-Michel Bergot

 

 

M. JEAN-MICHEL bERGOT

Membre du comité de discipline

 

(S) Sonia Comeau

 

 

Mme sonia comeau

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Sandra Robertson

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Procureure du plaignant

 

M. Jérôme St-Laurent

Intimé absent et non représenté

 

Date d’audience :

19 décembre 2022

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

A0060



[1] 2022 QCCDCSF 53.

[2]      Chambre de la sécurité financière c. Longpré, 2010 CanLII 99852 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Bernard, 2017 QCCDCSF 73; Chambre de la sécurité financière c. Kostarides, 2022 QCCDCSF 37.

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