Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1423 et CD00-1424

 

DATE :

Le 22 décembre 2022

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. François Faucher, Pl. Fin.

Membre

M. Alain Legault

Membre

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SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Partie plaignante

c.

CHRISTIAN BOUCHER, conseiller en sécurité financière et planificateur financier (numéro de certificat 104298 et numéro de BDNI 1432831)

Et

MARTIN LACHANCE, conseiller en sécurité financière, représentant de courtier en épargne collective et planificateur financier (numéro de certificat 118002 et numéro de BDNI 1662021)

Partie intimée

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DÉCISION SUR SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

         Non-divulgation, non-diffusion et non-publication du nom et prénom du consommateur impliqué dans la présente plainte disciplinaire, y compris, le cas échéant, ceux d’autres consommateurs mentionnés dans la preuve, ainsi que toute information permettant de les identifier. Il est entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

 

I - APERÇU

[1]           Par décision rendue le 23 août 2022, les intimés ont été déclarés coupables sous chacun des chefs d’infraction portés contre eux et doivent maintenant être sanctionnés pour ces manquements déontologiques.

[2]           L’intimé Christian Boucher (CD00-1423):

a)    Sous le premier chef d’infraction, pour avoir contrevenu à l’article 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière en transmettant à L.B., entre le 22 mai 2015 et le 8 décembre 2016, des informations fausses, incomplètes ou inexactes quant aux frais de gestion applicables à ses investissements détenus chez Placements CI (CI)[1].

b)    Sous le deuxième chef d’infraction, pour avoir contrevenu à l’article 31 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière ayant fait défaut d’agir, entre mai et décembre 2016, avec professionnalisme et modération, en dénigrant et tenant à L.B. des propos mensongers à l’égard de son représentant Louis Hudon (M. Hudon) et en exerçant une pression indue sur L.B. pour qu’il lui transfère la gestion de ses investissements chez CI[2].

[3]           Quant à monsieur Martin Lachance, visé par la plainte CD00-1424, il doit être sanctionné sous le seul chef d’infraction porté contre lui pour avoir contrevenu à l’article 19 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières ayant transmis également à L.B., entre le 22 mai 2015 et le 8 décembre 2016, des informations fausses, incomplètes ou inexactes quant aux frais de gestion applicables à ses investissements détenus chez Placements CI (CI)[3].

[4]           Les procureurs indiquent ne pas avoir trouvé des décisions rendues par le Comité de discipline de la CSF sur des infractions commises sur des faits semblables à ceux en l’espèce. Toutefois, ils ont dressé un certain parallèle avec ceux rapportés dans les affaires St-Pierre, Mireault et Talbot[4], qui concluent soit à une amende ou à des périodes de radiation de courte durée.

[5]           Aussi, les procureurs recommandent conjointement une radiation temporaire de courte durée sous chacun des chefs d’infraction.

[6]           Concernant monsieur Boucher, une radiation de 45 jours est proposée sous le chef 1 et une autre de 30 jours sous le chef 2, à purger de façon concurrente. Ils demandent aussi la publication d’un avis de la décision ainsi que la condamnation de monsieur Boucher au paiement des débours.

[7]           Quant à monsieur Lachance, ils proposent une radiation de 30 jours, la publication d’un avis de la décision ainsi que sa condamnation au paiement des débours.

[8]           Ces recommandations sont le fruit de négociations sérieuses et tiennent compte des faits propres au présent dossier et de l’ensemble des circonstances tout en respectant les critères énoncés par la Cour d’appel[5] pour la détermination des sanctions.

[9]           Enfin, renvoyant à l’affaire Anthony-Cook[6], ils soumettent que celles-ci ne déconsidèrent pas l’administration de la justice et ne sont pas contraires à l’intérêt public.

QUESTION EN LITIGE

Dans le cas de recommandations communes, le Comité y donnera suite à moins que celles-ci ne soient de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou contraires à l’intérêt public.  

ANALYSE ET MOTIFS

[10]        Pendant dix-huit mois, les intimés ont cherché à convaincre L.B. que les frais de gestion qu’il payait étaient beaucoup plus élevés que ce que son représentant monsieur Hudon lui laissait croire. À force d’insister auprès de L.B., les intimés ont miné la confiance que celui-ci avait envers monsieur Hudon, son ami depuis plus de trente ans, devenu également son représentant depuis plus de 20 ans. L.B. s’estimant avoir été ainsi lésé durant toutes ces années, a porté plainte auprès d’Investia contre monsieur Hudon et a procédé au transfert, vers le cabinet des intimés, de son portefeuille, lequel s’élevait à plus de trois millions.

[11]        L’amitié des deux hommes n’y a pas survécu. Bien que les intimés aient tenté de corriger leur erreur dès qu’ils s’en sont aperçus avec les relevés CI lors du transfert des actifs par L.B., le mal était fait.

[12]        La gravité objective des infractions commises par les intimés ne fait pas de doute.

[13]        Le manque de rigueur dans l’analyse des frais de gestion payés par L.B. a mené les intimés à des résultats erronés. Aveuglé par l’ampleur du portefeuille de L.B. dont il souhaitait le transfert vers son cabinet, monsieur Boucher s’est abstenu de vérifier certains faits, préférant se fermer les yeux.  

[14]        Il a agi de façon déloyale envers un collègue et a tenu des propos mensongers à son égard au cours d’une période de dix-huit mois. Monsieur Boucher a même participé à la rédaction de la plainte portée par L.B. contre monsieur Hudon.

[15]        Le consommateur L.B. et son représentant ont subi tous deux un préjudice découlant du bris de leurs longues amitié et relation professionnelle sans compter la perte financière pour monsieur Hudon engendrée par le transfert par L.B. de son portefeuille en faveur des intimés.

[16]        Aussi, au cours de l’enquête du syndic, bien que reconnaissant l’erreur commise, monsieur Boucher a tenté de l’attribuer à monsieur Hudon qualifiant de frauduleuses les déductions fiscales inscrites aux déclarations de revenus de L.B. Par ses propos tenus à l’enquêteur, il a démontré un manque important d’introspection, ce qui est de nature à inquiéter pour le futur.

[17]        Pour sa part, bien qu’il s’agisse d’un facteur neutre, monsieur Lachance a collaboré à l’enquête offrant une version franche des faits. Il s’agit, dans son cas, du défaut d’agir avec compétence et professionnalisme.

[18]        Quant aux facteurs subjectifs, mentionnons :

a)    L’implication d’un seul et même consommateur, L.B.;

b)    Il y a absence d’antécédent disciplinaire pour les deux intimés.

[19]        Enfin, en raison des faits très particuliers du présent cas, du dépôt de ces plaintes disciplinaires et du processus qui a suivi, le risque de récidive paraît plutôt faible.

[20]        À l’instar des procureurs, le Comité estime que les faits rapportés dans les décisions soumises aux fins de leurs recommandations sont peu comparables à ceux du présent dossier. Par ailleurs, l’affaire Mireault révèle certains éléments similaires. 

[21]        Déterminer une sanction juste et appropriée est un exercice laborieux. Nul doute que les recommandations communes soumises par les parties sont le fruit de négociations sérieuses entre procureurs d’expérience. Aussi, le Comité ne met pas en doute qu’ils ont procédé à une analyse soignée des éléments pertinents dans le respect des principes de la détermination des sanctions, dont la dissuasion des intimés et l’exemplarité à l’égard de leurs pairs.  

[22]        Par conséquent, le Comité donnera suite aux recommandations communes des parties, estimant qu’elles ne sont pas de nature à déconsidérer l’administration de la justice ni contraires à l’intérêt public.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PLAINTE CD00-1423

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé Boucher pour une période de quarante-cinq jours sous le premier chef d’infraction porté contre lui;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé Boucher pour une période de trente jours sous le deuxième et dernier chef d’infraction porté contre lui à purger de façon concurrente avec la précédente ;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de
l’intimé Boucher, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans les lieux où l’intimé a eu son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pouvait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 7 de l’article 156 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

CONDAMNE l’intimé Boucher au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

PERMET la notification de la présente décision à l’intimé Boucher par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), à savoir par courrier électronique.

 

PLAINTE CD00-1424

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé Lachance pour une période de trente jours sous l’unique chef d’infraction porté contre lui;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de
l’intimé Lachance, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans les lieux où l’intimé a eu son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pouvait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 7 de l’article 156 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

CONDAMNE l’intimé Lachance au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

PERMET la notification de la présente décision à l’intimé par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), à savoir par courrier électronique.

 

(S) Me Janine Kean

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Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(S) François Faucher

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M. François Faucher, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(S) Alain Legault

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M. Alain Legault

Membre du comité de discipline

 

 

Me Mathieu Cardinal

CDNP AVOCATS INC.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Nathalie Dubé

LANGLOIS AVOCATS, S.E.N.C.R.L.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 7 décembre 2022

 

 

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

A0820

A2260

A0822



[1] Article 16 du Code DCSF et article 16 de la LDPSF.

[2] Article 16 de la LDPSF et l'article 31 du Code DCSF.

[3] Article 16 de la LDPSF et l’article 19 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières

[4] CSF c. St-Pierre, 2012 CanLII 97160 (QC CDCSF); CSF c. Mireault, 2022 QCCDCSF 11; CSF c. Talbot, 2018 QCCDCSF 56.

[5] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA).

[6] R. c. AnthonyCook, 2016 CSC 43 (CanLII), [2016] 2 RCS 204.

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