Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

No :      CD00-1511

 

DATE : 12 décembre 2022

 

 

LE COMITÉ :             Me Madeleine Lemieux                               Présidente

                                    M. Sylvain Jutras, A.V.C., Pl. Fin.              Membre

                                    M Alain Legault                                            Membre

 

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

                        Partie plaignante

c.

 

JULIE MOREAU, conseillère en sécurité financière et représentante de courtier en épargne collective (numéro de certificat 124296, BDNI 1615131)

                        Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION RECTIFIÉE

 

conformément à l’article 142 du code des professions, le comité a prononcé l’ordonnance suivante :

         Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non‑diffusion des noms et prénoms des consommateurs mentionnés à la plainte disciplinaire, aux pièces déposées ainsi que toute information permettant de les identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas à tout échange d’information prévu à la Loi sur l’encadrement du secteur financier (RLRQ, c. E-6.1) et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

[1]          L’intimée, représentée par avocat, a plaidé coupable à une accusation d’avoir fait défaut de répondre sans délai aux demandes d’un enquêteur de la Chambre de la sécurité financière.

[2]          Les parties ont formulé une recommandation commune de sanction, soit une période de radiation temporaire d’un mois. Le comité doit donc décider si la sanction recommandée déconsidère l’administration de la justice ou est contraire à l’ordre public.

 

LA PLAINTE

 

[3]          La plainte disciplinaire se lit comme suit :

 

Dans la région de Québec, depuis le 7 mars 2022, l’intimée néglige de collaborer et de répondre sans délai aux demandes d’un enquêteur du syndic de la Chambre de la sécurité financière, contrevenant ainsi aux articles 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 42 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

LE CONTEXTE

 

[4]          Les parties ont déposé un énoncé conjoint des faits à partir duquel le comité retient les faits pertinents qui suivent.

 

[5]          L’intimée était, au moment des infractions et encore actuellement, représentante de courtier en épargne collective et conseillère en sécurité financière.

 

[6]          Vers le 3 décembre 2021, l’intimée est avisée qu’un dossier d’enquête a été ouvert à son égard par le bureau du Syndic en lien notamment avec des allégations d’avoir fait défaut d’exercer ses activités avec compétence et professionnalisme. Cette lettre contient également un rappel des obligations déontologiques de collaboration de la représentante.

 

[7]          Le 10 février 2022, l’enquêteur Kamel Mokrane, après un appel téléphonique du même jour avec l’intimée, lui demande, par courriel, de lui transmettre son dossier complet. Ce à quoi l’intimée répond qu’elle lui transmettra les documents demandés au courant de la semaine qui suit.

 

[8]          Le 7 mars 2022, la période des REÉR étant terminée, l’enquêteur transmet à l’intimée un courriel lui rappelant qu’elle devait transmettre les documents demandés le 10 février dernier.

 

[9]          En réaction à ce courriel, l’adjointe de l’intimée demande plus d’informations et lui indique qu’il peut contacter l’intimée par téléphone puisqu’elle ne peut lire ses courriels.

 

[10]       Ainsi, le 9 mars 2022, une conversation téléphonique entre l’enquêteur et l’intimée a lieu pour discuter du contenu de la demande. L’intimée l’informe qu’elle a subi une opération aux yeux et qu’elle ne peut utiliser un écran jusqu’au 21 mars 2022. Elle confirme avoir un dossier client qui est sur support papier et que son adjointe travaille à distance. Il est alors convenu qu’un nouvel appel aura lieu le 21 mars.

 

[11]       Le 21 mars 2022, lors d’un appel téléphonique, l’intimée mentionne à l’enquêteur que son adjointe va passer sous peu pour numériser le dossier afin de lui transmettre.

 

[12]       Le 19 avril 2022, l’enquêteur Mokrane n’a toujours pas reçu les documents. Il transmet un courriel à l’intimée lui rappelant toutes les démarches faites auprès d’elle pour obtenir son dossier client et lui rappelle l’ampleur de ses obligations déontologiques de collaboration et qu’en cas de défaut ceci pourrait « être considéré comme une entrave au travail du syndic ».

 

[13]       Vers le 27 mai 2022, le plaignant dépose la présente plainte disciplinaire contre l’intimée pour avoir négligé de collaborer et répondre sans délai aux demandes d’un enquêteur.

 

[14]       Après avoir discuté avec le procureur du syndic le 20 juin 2022, l’intimée transmet finalement, le 23 juin 2022, son dossier client à l’enquêteur.

 

[15]       Le 21 octobre 2022, la syndique adjointe, Me Julie Dagenais, informe l’intimée qu’elle est d’opinion que la preuve recueillie durant l’enquête démontre qu’elle n’avait pas agi avec compétence et professionnalisme dans le dossier de sa cliente, Mme N.B. et que la décision du syndic doit être considérée comme une mise en garde qui sera consignée à son dossier.

 

LA SANCTION

 

[16]       Les parties recommandent conjointement la sanction suivante qu’elles estiment juste et raisonnable :

 

-     Chef 1 : radiation temporaire d’un (1) mois exécutoire à l’expiration du délai d’appel de la décision à venir.

 

-     Ordonnance de publication d’un avis de la décision dans un journal circulant dans le lieu où la représentante a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156 du Code des professions.

 

[17]       De plus, elles recommandent d’un commun accord de condamner l’intimée aux déboursés, incluant les frais de publication d’un avis de la décision à venir.

 

[18]       L’article 342 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers interdit formellement l’entrave au travail du syndic. L’article 42 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière oblige le représentant à répondre dans les plus brefs délais à toute correspondance provenant du syndic.

 

[19]       Le syndic a tenu compte de la période pendant laquelle l’intimée pouvait avoir des motifs raisonnables pour retarder sa réponse aux demandes de transmission du dossier-client. Toutefois, à compter de mars 2022, il n’y avait plus de raison pour autant tarder à répondre à la demande du syndic.

 

[20]       L’intimée, par son plaidoyer de culpabilité, le reconnaît et elle a exprimé au comité regretter sa conduite.

 

[21]       La suggestion de sanction des parties tient compte des facteurs suivants :

 

a.    Facteurs liés à l’intimée :

 

                                          i.    Elle est âgée de 52 ans.

 

                                        ii.    Elle est toujours active en assurances de personnes et en épargne collective.

 

                                       iii.    Au moment de la commission des infractions, l’intimée avait au moins 22 ans d’expérience.

 

                                       iv.    Elle a plaidé coupable au chef contenu à la plainte disciplinaire.

 

                                        v.    Elle admet ainsi avoir fait preuve de laxisme afin de répondre à la demande de l’enquête une fois rétablie de son opération à l’œil.

 

                                       vi.    Elle a fait l’objet d’une condamnation par le Comité de discipline dans le dossier CD00-0301 le 17 octobre 2000 pour avoir notamment fait défaut de répondre dans les plus brefs délais aux correspondances émanant des enquêteurs du syndic.  Le Comité l’avait condamnée à payer une amende de 1 000 $ à l’époque.

 

                                      vii.    En octobre 2014, une mise en garde lui a été servie relativement à un défaut d’exercer ses activités avec compétence et professionnalisme notamment puisqu’elle n’avait pas effectué l’opération demandée par sa cliente et de ne pas avoir fait les suivis requis.

 

b.    Facteurs liés aux infractions :

 

                                          i.    L’intimée a finalement collaboré et transmis les informations demandées et l’enquête a pu se poursuive.

 

                                        ii.    Le défaut de collaborer à l’enquête du syndic constitue une infraction grave qui nuit à la protection du public.

 

[22]       Le comité est d’accord avec les facteurs énoncés plus haut et sur lesquels les parties se sont entendues. Le comité retient également que l’intimée n’avait pas d’intention malveillante ni malhonnête et est d’avis que la sanction recommandée rencontre les objectifs d’exemplarité et de dissuasion de la sanction disciplinaire.

[23]       Enfin, le comité constate que la sanction recommandée par les parties se situe à l’intérieur de la fourchette des sanctions imposées pour cette infraction commise dans des circonstances similaires[1], et qu’elle ne déconsidère pas l’administration de la justice ni n’est contraire à l’intérêt public[2].

 

[24]       Le comité imposera donc à l’intimée une radiation temporaire d’une période d’un mois, ordonnera la publication d’un avis de la décision et condamnera l’intimée aux déboursés.

 

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

 

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité prononcée sous l’unique chef d’infraction de la plainte pour avoir contrevenu aux articles 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 42 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures en ce qui concerne l’article 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

 

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimée pour une période d’un mois quant à l’article 42 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimée, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans les lieux où l’intimée a eu son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où elle a exercé ou pouvait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 7 de l’article 156 du Code des professions;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions.

 

PERMET la notification de la présente décision aux parties par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile, soit par courrier électronique.

 

 

 

(S) Me Madeleine Lemieux

__________________________________

ME MADELEINE LEMIEUX

Présidente du comité de discipline

 

 

(S) Sylvain Jutras

__________________________________

M. SYLVAIN JUTRAS, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(S) Alain Legault

__________________________________

M. ALAIN LEGAULT

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Julie Piché

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Procureure du plaignant

 

Me Dominic Bouchard

DB AVOCATS INC.

Procureur de l’intimée

 

Date de l’audition : 23 novembre 2022

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 

A0430



[1] Chambre de la sécurité financière c. Auclair, 2017 QCCDCSF 6 (CD00-1177 - culpabilité); Chambre de la sécurité financière c. Auclair, 2017 QCCDCSF 42 (CD00-1177 - sanction); Chambre de la sécurité financière c. Touchette, 2017 QCCDCSF 87 (CD00-1225); Chambre de la sécurité financière c. Aoui, 2020 QCCDCSF 35 (CD00-1409 - culpabilité); Chambre de la sécurité financière c. Aoui, 2020 QCCDCSF 54 (CD00-1409 - sanction); Chambre de la sécurité financière c. Côté, 2020 QCCDCSF 30 (CD00-1415).

[2] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

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