Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 COMITÉ DE DISCIPLINE

 

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

N° :

CD00-1470

 

 

 

DATE :

11 novembre 2022

 

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Chantal Donaldson

Présidente

M. Denis Croteau, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

M. Christian Fortin

Membre

______________________________________________________________________

 

 

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

 

Plaignant

 

c.

 

 

FRANÇOIS DUBÉ, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 217303)

 

 

Intimé

 

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DÉCISION SUR SANCTION

 

 

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[1]  À la demande du syndic de la Chambre de la sécurité financière (ci-après : « syndic »), le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (ci-après : « comité ») a prononcé séance tenante, conformément à l’article 142 du Code des professions, l’ordonnance suivante :

Non-divulgation, non-diffusion, et non-publication de tout renseignement ou information qui pourrait permettre d’identifier les nom et prénom de la consommatrice concernée par la plainte disciplinaire, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

APERÇU

[2]  Ayant été déclaré coupable d’avoir fait défaut de répondre dans les plus brefs délais et de façon complète aux demandes du syndic dans le cadre d’une enquête effectuée à son égard, M. Dubé doit être sanctionné.

[3]  Ce dernier a néanmoins été acquitté quant à l’infraction d’entrave incluse à la plainte.

[4]  La plainte disciplinaire est ainsi libellée :

LA PLAINTE

Dans la province de Québec, depuis le 10 décembre 2020, l’intimé fait défaut de collaborer et de répondre sans délai aux demandes d’un enquêteur du syndic de la Chambre de la sécurité financière, contrevenant ainsi à l’article 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et à l’article 42 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[5]  Ainsi, ce dernier sera sanctionné en vertu d’un seul des deux articles de loi contenus au chef d’infraction apparaissant à la plainte disciplinaire portée contre lui, à savoir l’article 42 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (ci-après : « Code de déontologie »).

LES FAITS

[6]  Malgré plusieurs demandes de l’enquêtrice, M. Dubé a tardé à lui transmettre une copie de la documentation conservée en archive à son bureau à la suite de rencontres intervenues avec une cliente potentielle. Les documents n’ont été remis au syndic que dans le cadre de l’audition sur culpabilité de la présente instance.

[7]  De plus, lors de l’enquête, quatre questions supplémentaires écrites ont été posées à M. Dubé. Au moment de l’audition sur sanction, ce dernier n’avait toujours pas répondu à ces quatre questions.

[8]  Le comité doit donc décider de la sanction appropriée à imposer à ce dernier pour ces manquements déontologiques.

QUESTION EN LITIGE

[9]          En tenant compte des circonstances propres au dossier de M. Dubé, quelle est la sanction adéquate ?

ANALYSE ET MOTIFS

[10]       Le syndic recommande comme sanction une courte période de radiation temporaire, il laisse la durée de la radiation à la discrétion du comité. Il demande que M. Dubé soit condamné au paiement des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions.

[11]       M. Dubé se représente seul. Il n’a pas de pièce ni de jurisprudence à soumettre au comité.

[12]       L’article 42 du Code de déontologie édicte ceci :

42. Le représentant doit répondre, dans les plus brefs délais et de façon complète et courtoise, à toute correspondance provenant du syndic, du cosyndic, d’un adjoint du syndic, d’un adjoint du cosyndic ou d’un membre de leur personnel agissant en leur qualité.

[13]       Une infraction à cet article est sérieuse.

[14]       En effet, un système professionnel qui assure la protection du public exige l’entière coopération et collaboration des membres avec le syndic[1]. Lorsqu’une demande d’enquête est déposée auprès du syndic, il lui faut agir avec diligence. La collaboration du représentant à son enquête est alors essentielle[2].

[15]       La sanction disciplinaire ne vise cependant pas à punir le professionnel.

[16]       Ladite sanction a comme objectif premier la protection du public. Elle doit permettre la dissuasion du professionnel de récidiver et être exemplaire à l’égard des autres membres de la profession. Elle doit également tenir compte du droit du professionnel d’exercer sa profession[3].

[17]       De plus, la sanction doit être individualisée en ce qu’elle doit correspondre au contexte propre à la situation et être proportionnelle à la gravité de la violation[4].

[18]       Qu’en est-il pour ce dossier ? Rappelons que c’est l’absence de réponse de M. Dubé aux questions de l’enquêtrice et le long délai utilisé afin de finalement lui transmettre le contenu du dossier conservé qui doivent être sanctionnés.

[19]       Ces comportements dénotent un manque de respect pour les autorités régissant l’exercice de la profession et doivent être dissuadés.

[20]       Ces reproches sont forcément en lien avec une demande d’enquête.

[21]       Durant une enquête, les infractions présumées pour lesquelles le syndic est appelé à enquêter sont confidentielles. En effet, certaines dénonciations s’avèrent à l’occasion non fondées et n’auront aucune suite de la part du syndic. Dans le cas qui nous occupe, ces infractions présumées n’ont pas été réellement exposées au comité. Le comité ignore donc le contenu exact des allégations initialement reprochées à M. Dubé par la consommatrice.

[22]       Toutefois, il est important de mentionner que la preuve ne révèle pas que M. Dubé a été animé d’une intention malveillante ou malhonnête ou qu’il ait voulu cacher des choses à l’enquêtrice. Ni la bonne foi ni la probité de M. Dubé ne sont en cause. Nous sommes plutôt en présence de négligence et de nonchalance, qui est peut-être provoquée par une incompréhension de la loi, laquelle est pourtant claire.

[23]       La nature du reproche invoqué permet d’en évaluer la gravité afin d’assurer la protection du public. Plus les allégations sont graves à l’encontre d’un représentant plus l’enquête est exécutée avec rapidité par le syndic afin de pouvoir être en mesure de prendre les actions nécessaires de protection des consommateurs.

[24]       Dans le cas présent et en tenant compte de la pandémie, le syndic a pris neuf mois et deux jours avant de fixer une première entrevue avec le représentant, ce qui corrobore le fait qu’il ne s’agit pas d’infractions parmi les plus sérieuses que peut commettre un représentant. Il n’en demeure pas moins que la collaboration du représentant à toute enquête du syndic est essentielle, et ce, peu importe la gravité de l’infraction alléguée.

[25]       D’ailleurs, le représentant a tout intérêt à collaborer à l’enquête du syndic, car ce défaut est parfois sanctionné plus sévèrement que l’infraction à la base de l’enquête[5]

[26]       Faute d’avoir reçu la version des faits de M. Dubé quant aux allégations portées contre lui, le syndic a suspendu son enquête.

[27]       La suspension du dossier ne peut être d’une durée indéfinie.

[28]       Ainsi, il se pourrait qu’une fois l’ensemble des faits connus, qu’il y ait simplement fermeture du dossier d’enquête s’il y a absence de faits justifiant le dépôt d’une plainte. Dans le cas contraire, le dossier d’enquête pourrait se conclure par le dépôt d’une plainte officielle par le syndic quant aux allégations de la consommatrice. Dans les deux cas, il est dans l’intérêt de tous que l’enquête soit effectuée et qu’elle connaisse une conclusion, quelle qu’elle soit.

[29]       Le statu quo n’est pas une option.

[30]       En réponse à la question du comité quant aux raisons pour lesquelles il n’a pas répondues aux questions écrites de l’enquêtrice, M. Dubé répond qu’il avait compris du dépôt de la présente plainte que le dossier était suspendu en attendant la décision. Il ajoute « qu’il pourrait effectivement répondre à l’enquêtrice » alors que le Code de déontologie l’oblige à le faire. Compte tenu de cette inexécution et de ce manque de compréhension ou cette nonchalance démontrée face à ses obligations déontologiques, le comité ordonnera à M. Dubé de répondre aux quatre questions de l’enquêtrice[6], incluses dans un courriel daté du 15 décembre 2020, dans un délai de 20 jours de la notification de la présente décision, à moins que ce ne soit déjà fait, afin que l’enquête puisse suivre son cours et connaisse une conclusion, et ce, en conformité avec le libellé de l’article 42 du Code de déontologie.

[31]       La durée de l’infraction est un facteur aggravant.

[32]    Au moment des faits reprochés, M. Dubé était conseiller en sécurité financière et il avait quatre ans d’expérience. Ce dernier n’a pas d’antécédent disciplinaire.

[33]       Même si M. Dubé croyait déjà avoir transmis électroniquement les documents demandés à l’enquêtrice, à compter du moment où ce dernier apprend que l’enquêtrice ne les a pas reçus, il avait l’obligation de les transmettre dans les plus brefs délais.

[34]       La transmission des documents le jour de l’audition ne respecte pas les termes clairs du libellé de l’article 42 du Code de déontologie et ce long délai doit également être tenu en compte dans l’établissement de la sanction.

[35]       Toutefois, le manque de communication entre l’enquêtrice et M. Dubé est considéré comme un facteur atténuant par le comité.  Ces imbroglios étant dus, en grande partie, à l’utilisation de nouvelles techniques informatiques de transmission de documents utilisés pour communiquer entre eux.

[36]       Dans les circonstances, le comité ordonnera la radiation temporaire de M. Dubé pour une période d’un mois et le condamnera au paiement des déboursés.

 

PAR CES MOTIFS, le Comité de discipline :

ORDONNE à M. Dubé de répondre aux quatre questions de l’enquêtrice incluses dans le courriel daté du 15 décembre 2020 dans un délai de 20 jours de la notification de la présente décision;

ORDONNE la radiation temporaire de M. Dubé pour une période d’un mois;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de
M. Dubé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans les lieux où l’intimé a eu son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pouvait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 7 de l’article 156 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

CONDAMNE M. Dubé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

PERMET la notification de la présente décision à M. Dubé par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), à savoir par courrier électronique.

 

 

 

(S) Me Chantal Donaldson

_________________________________Me Chantal Donaldson

Présidente du comité de discipline

 

 

(S) Denis Croteau

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M. Denis Croteau, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(S) Christian Fortin

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M. Christian Fortin

Membre du comité de discipline

 

 

Me Maryse Ali

CDNP AVOCATS INC.

Procureure du plaignant

 

M. François Dubé

Intimé, présent et non représenté

 

Date d’audience :

16 juin 2022

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

A0430

 



[1] CSF c. Auclair, 2017 QCCDCSF 6 (CanLII), par. 45.

[2] Ibid. par. 49

[3] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 38

[4] Ibid. par. 37

[5] Voir par exemple CSF c. Soucy, 2002 CanLII 49162 (QC CDCSF).

[6] CSF c. Nadeau, 2010 CanLII 99844 (QC CDCSF); CSF c. Butler, 2010 CanLII 99879 (QC CDCSF); CSF    c. Rai, 2009 CanLII 37371 (QC CDCSF).

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