Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1513

 

DATE :

Le 5 décembre 2022

 

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

Mme Mona Hanne, Pl. Fin.  

Membre

M. Ndangbany Mabolia, Pl. Fin.

Membre

 

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Partie plaignante

c.

MIHAI DUMITRACHE (numéro de certificat 213406, BDNI 3401141)

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SUR SANCTION

 

 

[1]           Le Comité de discipline (le Comité) de la Chambre de sécurité financière (la CSF) est saisi de la présente plainte portée contre l’intimé le 17 juin 2022.

[2]           Cette plainte comporte un seul chef d’infraction reprochant à l’intimé d’avoir, le ou vers le 27 février 2020, utilisé un rapport d’évaluation falsifié dans le cadre d’une demande de refinancement hypothécaire pour sa propriété, contrevenant ainsi aux articles 6 et 35 du Code déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[3]           Un plaidoyer de culpabilité signé le 17 octobre 2022 par le procureur de l’intimé a été transmis au Secrétariat dix jours précédant la présente audience.

 

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[4]           L’intimé enregistre son plaidoyer de culpabilité[1] et reconnait ainsi avoir commis les faits reprochés à la plainte portée contre lui et avoir contrevenu aux dispositions invoquées à son soutien.

[5]           Ensuite, invité par le Comité, le procureur du syndic lui fait part des faits entourant les infractions commises. 

LE CONTEXTE

[6]           L’intimé commence dans l’industrie en 2016.

[7]           En 2020, au moment des faits reprochés, l’intimé travaille dans la région de la Capitale nationale (Gatineau/Ottawa) pour le cabinet DESJARDINS CABINET DE SERVICES FINANCIERS INC./DESJARDINS FINANCIAL SERVICES FIRM INC. (« Desjardins ») en tant que représentant de courtier pour un courtier en épargne collective et détient un certificat dans la discipline de la planification financière pour ce même cabinet.

[8]           Le 14 juin 2019, l’intimé achète une propriété résidentielle à Montréal pour environ 200 000 $.

[9]           En 2020, l’intimé veut refinancer sa propriété. Le 7 février 2020, son directeur de succursale demande à une firme indépendante de procéder à l’évaluation de ladite propriété aux fins du refinancement.

[10]        Le 24 février, la firme transmet au directeur un rapport d’évaluation, signé le 20 février 2020, qui établit cet immeuble à une valeur de 235 000 $. Le directeur fait suivre ce rapport à l’intimé auquel est jointe la facture à acquitter.   

[11]        Le 27 février, l’intimé fait parvenir à son directeur le rapport d’évaluation qui indique plutôt une valeur de 295 000 $.

[12]        À l’automne 2020, une enquête interne est déclenchée sur les financements opérés par la succursale, dont celui en faveur de l’intimé. Après confirmation avec le président de la firme d’évaluation, l’enquête révèle que le rapport a été falsifié, notamment :

a)            La juste valeur marchande (JVM) est passée à 295 k$, soit 60 k$ de plus que l’évaluation initiale;

b)            Le dernier prix de vente des propriétés comparables est augmenté;

c)            L’évaluation municipale a aussi été augmentée.

[13]        Vers la fin du mois de décembre 2020, par suite de l’enquête interne, Desjardins a congédié l’intimé. L’intimé n’exerce pas depuis ce temps.

RECOMMANDATIONS DES PARTIES SUR SANCTION

[14]       Les parties recommandent d’ordonner la radiation temporaire de l’intimé pour une période de 18 mois exécutoire à l’expiration des délais d’appel[2].

[15]       De plus, elles demandent la publication de l’avis de la décision aux frais de l’intimé et la condamnation de ce dernier au paiement des déboursés prévus à l’article 151 Code des professions.

 

QUESTION EN LITIGE

Dans le cas de recommandation commune des parties sur sanction, le Comité doit déterminer si celle-ci déconsidère l’administration de la justice ou si elle est contraire à l’intérêt public[3].

 

ANALYSE ET MOTIFS

[16]        Le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la suggestion commune des parties. Tout en considérant les particularités de chaque dossier, il est bien établi que la sanction disciplinaire ne vise pas à punir le professionnel. Elle cherche plutôt à assurer la protection du public.

[17]        La gravité objective des infractions commises ne fait aucun doute. L’honnêteté est une qualité essentielle que doit posséder tout représentant. Or, les actes commis par l’intimé démontrent qu’il a agi de façon malhonnête et pour son seul intérêt. Ce comportement de l’intimé ternit l’image de la profession et est de nature à ébranler la confiance du public envers ses représentants. 

[18]        Les parties ont invoqué que l’intimé est âgé de 27 ans, qu’il a commencé à exercer en 2016 et n’a pas d’antécédent disciplinaire. Inactif depuis le 22 décembre 2021, l’intimé a indiqué ne pas vouloir revenir dans la profession. Toutefois, bien qu’il ait collaboré avec l’enquêteur, l’intimé a toujours nié les faits, et ce, jusqu’à ce qu’à la transmission de son plaidoyer de culpabilité dix jours avant la présente audience.

[19]        Par ailleurs, il s’agit d’un geste isolé qui n’implique aucun consommateur et il y a absence de préjudice pour Desjardins.

[20]        La période de radiation suggérée est comparable aux périodes de radiation d’une année ordonnées dans les affaires[4] Peng et De Grâce soumises. Par ailleurs, ces intimés ont reconnu les faits à la première occasion et ont exprimé des remords. Il n’y avait pas non plus de malhonnêteté, ce qui diffère notamment du présent cas et explique la période plus longue recommandée par les parties.

[21]        Aussi, estimant qu’en l’espèce la radiation de l’intimé pour une période de 18 mois ne déconsidère pas l’administration de la justice et n’est pas contraire à l’intérêt public, le Comité donnera suite à cette recommandation des parties.

PAR CES MOTIFS, le Comité de discipline :

PREND ACTE de nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous l’unique chef d’infraction porté contre lui;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l'intimé sous le seul chef d’infraction de la plainte, pour avoir contrevenu à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (D-9.2, r. 3);

ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures à l’égard de l’article 6 du même Code de déontologie invoqué sous ce chef d’infraction.

ET STATUANT SUR LA SANCTION :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de 18 mois sous l’unique chef d’infraction;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession, conformément aux dispositions de l’article 156 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

PERMET la notification de la présente décision par moyen technologique, conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), soit par courrier électronique.

 

 

(S) Me Janine Kean __________________________________

Me Janine Kean

Président du comité de discipline

 

(S) Mona Hanne __________________________________

Mme Mona Hanne, Pl. Fin.  

Membre du comité de discipline

 

(S) Ndangbany Mabolia __________________________________

M. Ndangbany Mabolia, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Charles-Alexandre Lacasse

ML Avocats, S.E.N.C.R.L.

Procureurs de la partie plaignante

 

 

Me Ernst Elizée Jr.

St-Aubin avocats

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

24 novembre 2022

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 

A0230



[1] Plaidoyer de culpabilité daté du 17 octobre 2022.

[2] CSF c. De Grâce, 2013 CanLII 69641 (QC CDCSF); CSF c. Cloutier, 2017 QCCDCSF(CanLII); CSF c. Peng, 2022 QCCDCSF 38 (CanLII).

[3] R. c. AnthonyCook, 2016 CSC 43 (CanLII), [2016] 2 RCS 204.

[4] Voir note 2.

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