Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

comité de discipline

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

canada

province de québec

 

 

 

N° :

CD00-1505

DATE :

25 novembre 2022

le comité :

Me Claude Mageau

M. Felice Torre, A.V.A., Pl. Fin.

M. Claude Poirier, A.V.A.

Président

Membre

Membre

 

 

Syndic de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

ROY VALADE, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (certificat 129926, BDNI 1817121)

 

Partie intimée

décision sur CULPABILITÉ

conformément à l’article 142 du code des professions, le comité a prononcé l’ordonnance suivante :

Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non‑diffusion du nom et prénom de la consommatrice concernée par la plainte disciplinaire ainsi que de toute information permettant de l’identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas à tout échange d’information prévu à la Loi sur l’encadrement du secteur financier (RLRQ, c. E-6.1) et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

[1]          Le syndic de la Chambre de la sécurité financière (le « syndic ») reproche à M. Roy Valade (« M. Valade ») deux chefs d’infraction dont le premier est de ne pas avoir « recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers » de sa cliente D.M.L. contrairement à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (le « Règlement ») et le deuxième est de ne pas avoir « cherché à avoir une connaissance complète des caractéristiques des produits d’investissement recommandés à D.M.L. » contrairement aux articles 9 et 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière[1].
[2]          M. Valade est présent à l’audition, mais n’est pas représenté par avocat, alors que le syndic est représenté par Me Maryse Ali.
APERÇU
[3]          M. Valade détenait un certificat d’exercice en assurance de personnes pour la période du 1er janvier 2016 au 12 novembre 2019 et comme représentant de courtier en épargne collective pour la période du 1er janvier 2016 au 26 janvier 2022[2].
[4]          D.M.L., qui est âgée de plus de 80 ans, devient la cliente de M. Valade en mai 2016.
[5]          Cette dernière est la sœur d’une cliente de longue date de M. Valade et elle doit investir la somme de 300 000 $ provenant de la vente récente de sa maison.
[6]          À cet effet, M. Valade rencontre une première fois D.M.L. en mai 2016, et par la suite lors d’une deuxième rencontre le 7 juin 2016, il prépare une analyse de ses besoins financiers[3].
[7]          Lors de cette même rencontre, D.M.L souscrit auprès d’Empire Vie une proposition pour un fonds de placement garanti 75/100 (c’est‑à‑dire 75% garanti à l’échéance et 100% garanti au moment du décès) pour la somme de 300 000 $ à être déposée dans un compte non enregistré[4].
[8]          À cette même date, elle souscrit aussi auprès d’Empire Vie une proposition pour un fonds de placement garanti 75/100 au montant de 6 646 $ pour son compte CELI[5].
[9]          Ces sommes sont investies dans différents fonds distincts.
[10]       À la « Brochure documentaire et dispositions du contrat »[6] (la « Brochure »), il est stipulé que si le contrat de fonds de placement est établi à compter du 80e anniversaire de la rentière, la garantie sur la prestation au moment du décès de la rentière est de 75 % de tous les dépôts effectués réduits proportionnellement en fonction des retraits.
[11]       Il est aussi indiqué que les frais d’assurance annuels sont plus élevés pour le fonds de placement garanti 75/100 que pour celui garanti 75/75.
[12]       M. Valade a toujours cru et mentionné à D.M.L. que la garantie sur la prestation au moment du décès était de 100 % et non de 75 %.
[13]       Le 27 août 2020, D.M.L. demande le transfert de ses comptes non enregistrés et CELI d’Empire Vie à Industrielle Alliance.
QUESTIONS EN LITIGE
i.             L’analyse des besoins financiers (pièce P-3) exécutée par M. Valade en juin 2016, était-elle complète et conforme aux besoins financiers de D.M.L.?
ii.            M. Valade avait-il une connaissance complète des caractéristiques des produits d’investissement recommandés à D.M.L. afin de bien la conseiller?
ANALYSE ET MOTIFS
i.       L’analyse des besoins financiers (pièce P-3) exécutée par M. Valade en juin 2016, était-elle complète et conforme aux besoins financiers de D.M.L.?
[14]       Le comité doit déterminer si l’analyse des besoins financiers de D.M.L. (« l’ABF ») non datée et préparée par M. Valade en juin 2016 est complète, conforme et respecte l’article 6 du Règlement.
[15]       Après avoir analysé l’ensemble de la preuve, c’est sans hésitation que le comité est d’opinion que le syndic a démontré de façon prépondérante, claire et convaincante que M. Valade est coupable de ce premier chef d’infraction.
[16]       En effet, le contenu de l’ABF, la version de M. Valade donnée à l’enquêteur du syndic lors de son entrevue du 16 novembre 2021[7] de même que le contenu de son témoignage en audience, mènent irrémédiablement le comité à une telle conclusion.

 

[17]       L’article 6 du Règlement prévoit :

« 6.      Le représentant en assurance de personnes doit, avant de faire remplir une proposition d’assurance ou d’offrir un produit d’assurance de personnes comportant un volet d’investissement, dont un contrat individuel à capital variable, analyser avec le preneur ses besoins ou ceux de l’assuré.

Ainsi, selon le produit offert, le représentant en assurance de personnes doit analyser avec le preneur, notamment, ses polices ou contrats en vigueur ou ceux de l’assuré, selon le cas, leurs caractéristiques et le nom des assureurs qui les ont émis, ses objectifs de placement, sa tolérance aux risques, le niveau de ses connaissances financières et tout autre élément nécessaire, tels ses revenus, son bilan financier, le nombre de personnes à sa charge et ses obligations personnelles et familiales.

Le représentant en assurance de personnes doit consigner les renseignements recueillis pour cette analyse dans un document daté. Une copie de ce document doit être remise au preneur au plus tard au moment de la livraison de la police. »

[18]       Tout d’abord, à sa face même, l’ABF que M. Valade reconnaît avoir préparé est déficient en ce qu’il n’est pas daté comme le requiert ledit article.
[19]       M. Valade, lors de son entrevue avec l’enquêteur du syndic, constate lui-même que le document n’est pas daté et ajoute qu’il a été confectionné lors de la même rencontre où D.M.L. a souscrit les contrats de fonds de placement[8], soit le 7 juin 2016[9].
[20]       Il ressort que cette ABF est incomplète et non conforme, car elle ne contient pas l’information suivante concernant D.M.L. :

                    Les détails de son contrat d’assurance vie avec London Life;

                    Ses connaissances en matière de placement et sa tolérance aux risques;

                    Son budget;

                    Son bilan et toutes ses sources de revenus.

[21]       Ainsi, pour les revenus, la seule mention retrouvée à l’ABF à ce sujet est qu’elle avait approximativement 30 000 $ de revenus annuellement.
[22]       D’ailleurs, lors de l’entrevue avec l’enquêteur, M. Valade admet qu’aucune ventilation des revenus n’avait été faite, qu’il avait indiqué à l’ABF le montant approximatif que D.M.L. lui avait mentionné sans vérifier auprès d’elle le bien-fondé de cette estimation faite et sans en obtenir les détails[10].
[23]       En plus, lors de son entrevue, M. Valade admet ne pas avoir parlé avec D.M.L. de son budget[11].
[24]       Il y mentionne aussi avoir évalué sa tolérance aux risques[12] et ses connaissances financières[13], mais ne pas les avoir indiquées à l’ABF.
[25]       Lors de son témoignage en défense, M. Valade n’a pas nié ces déficiences de l’ABF, mais a plutôt insisté sur le fait que selon lui, il est un honnête représentant et que les placements faits dans les fonds distincts par D.M.L. étaient tout à fait appropriés pour elle.
[26]       À sa demande, il a aussi fait entendre comme témoin M.L., une des filles de D.M.L.
[27]       Elle mentionne à son témoignage avoir assisté à la rencontre du 7 juin 2016 avec D.M.L. et M. Valade.
[28]       Son témoignage n’a aucunement porté sur le contenu de l’ABF préparée par M. Valade.
[29]       Il a porté plutôt sur les placements recommandés par M. Valade à sa mère et comment elle était d’opinion qu’il lui avait bien expliquée ses options.
[30]        En plus, elle mentionne qu’elles étaient très satisfaites des services de M. Valade et que selon elle, les placements recommandés par M. Valade à sa mère étaient tout à fait appropriés.
[31]       Cette preuve n’est malheureusement d’aucun secours pour M. Valade qui n’est pas accusé d’avoir recommandé un produit d’investissement qui ne convenait pas à D.M.L., mais plutôt de ne pas avoir recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme de ses besoins financiers.
[32]       Le syndic ayant présenté une preuve non contredite, prépondérante, claire et convaincante, le comité doit par conséquent trouver M. Valade coupable du chef d’infraction 1 pour avoir contrevenu à l’article 6 du Règlement.
ii.       M. Valade avait-il une connaissance complète des caractéristiques des produits d’investissement recommandés à D.M.L. afin de bien la conseiller?
[33]       Le deuxième chef d’infraction reproche à M. Valade de ne pas avoir « cherché à avoir une connaissance complète des caractéristiques des produits d’investissements » recommandés à D.M.L. contrevenant ainsi, selon le syndic, aux articles 9 et 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.
[34]       L’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière prévoit que :

« 9.      Dans l’exercice de ses activités, le représentant doit tenir compte des limites de ses connaissances ainsi que des moyens dont il dispose. Il ne doit pas notamment entreprendre ou continuer un mandat pour lequel il n’est pas suffisamment préparé sans obtenir l’aide nécessaire. »

[35]       L’article 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, quant à lui, est à l’effet que :

« 12. Le représentant doit agir envers son client ou tout client éventuel avec probité et en conseiller consciencieux, notamment en lui donnant tous les renseignements qui pourraient être nécessaires ou utiles. Il doit accomplir les démarches raisonnables afin de bien conseiller son client. »

[36]       Le comité est d’opinion que le plaignant a renversé son fardeau de démontrer par prépondérance de preuve, de manière claire et convaincante, que M. Valade est aussi coupable du deuxième chef d’infraction de la plainte.
[37]       M. Valade a recommandé à D.M.L. de souscrire des contrats de fonds de placement garanti 75/100 d’Empire Vie.
[38]       Au premier contrat, elle investit la somme de 300 000 $, provenant de la vente de sa maison dans un compte non enregistré[14] et au deuxième, elle investit la somme de 6 646 $ dans son compte CELI[15].
[39]       En investissant dans le fonds de placement garanti 75/100, D.M.L. devient titulaire d’un contrat individuel à capital variable émis par Empire Vie et dont les conditions sont décrites à la Brochure.
[40]       Pour ce fonds de placement garanti 75/100, il existe en ce qui concerne la prestation à l’échéance, une garantie de 75 % (le chiffre du haut) et pour ce qui est de la prestation au décès du rentier une garantie de 100 %.
[41]       Cependant, cette garantie sur la prestation au décès de 100 % du montant investi n’existe que pour les contrats établis avant le 80e anniversaire de naissance du rentier :
 

« Garantie sur la prestation au décès d’un FPG 75/100 de l’Empire Vie

Si vous décédez avant la date d’échéance, la prestation au décès est payée à la personne que vous avez nommée comme bénéficiaire.  La prestation au décès correspond au plus élevé des montants suivants :

1)    la valeur de marché des unités de catégorie de fonds au crédit de votre contrat; et

2)    pour les contrats établis :

      avant le 80e anniversaire de naissance du rentier : 100% de tous les dépôts effectués réduits proportionnellement en fonction des retraits;

      à compter du 80e anniversaire de naissance du rentier : 75% de tous les dépôts effectués réduits proportionnellement en fonction des retraits.

Pour des détails sur le fonctionnement de la garantie sur la prestation au décès, consultez les sections 6.9 et 6.10. » (nos soulignés)[16]

[42]       Cette description de la garantie est reprise de façon plus détaillée à la section 6 de la Brochure avec un tableau montrant cette distinction fondamentale quant au montant de la garantie lorsque le titulaire a 80 ans ou plus au moment de la date d’effet du contrat[17].
[43]       Cette condition particulière du contrat concernant l’âge de la rentière fait en sorte que la caractéristique première du produit change complètement en ce qu’au lieu d’être un fonds de placement garanti 75/100, il en devient un 75/75.
[44]       Cette condition étant fondamentale, c’est avec raison qu’elle fait partie des faits saillants du contrat énumérés aux deux premières pages de la Brochure.
[45]       La preuve est aussi à l’effet que même si à cause de son âge, D.M.L. bénéficiait d’une garantie sur la prestation au décès de seulement 75 %, elle payait néanmoins les frais d’assurance d’un fonds de placement avec une garantie de 100 %.
[46]       En effet, telle qu’expliquée par l’enquêteur M. Lévesque, cette anomalie est constatée à partir des états de compte de D.M.L. qui démontrent qu’elle payait les frais d’assurance annuels d’un fonds de placement garanti 75/100 (0.600 %)[18].
[47]       Donc, même si la garantie sur la prestation au décès est dans les faits de 75 % et que, par conséquent, les frais d’assurance devraient être inférieurs
(0.100 % au lieu de 0.600 %), Empire Vie a néanmoins facturé à D.M.L. les frais d’assurance d’un fonds de placement avec une garantie sur la prestation de décès de 100 %.
[48]       Le comité est d’opinion qu’on ne peut cependant pas reprocher à M. Valade de ne pas avoir connu cette pratique de l’assureur, car elle ne peut être constatée qu’à partir d’une analyse attentive des états de compte et non pas à partir de la lecture de la Brochure.
[49]       Il en est tout autre cependant en ce qui concerne la condition du contrat qui diminue à 75 % la garantie sur la prestation au décès applicable à D.M.L. à cause de son âge de 80 ans au moment où le contrat a été établi.
[50]       En effet, la preuve non contredite devant le comité est à l’effet que M. Valade ne connaissait pas cette condition du contrat qui affectait grandement D.M.L., et ce, même s’il savait qu’elle était alors âgée de 80 ans, puisque sa date de naissance est indiquée aux deux propositions qu’il a préparées[19].

 

[51]       En effet, lors de son entrevue avec l’enquêteur du syndic, M. Valade déclare à de nombreuses reprises que selon lui la garantie sur la prestation au décès pour D.M.L. était de 100 % et non 75 %[20].
[52]       Il admet aussi avoir présumé une telle chose et que s’il avait vérifié les conditions du contrat et su que la garantie n’était pas de 100 %, mais de 75 % au moment du décès, il aurait plutôt recommandé à D.M.L. de souscrire des fonds mutuels[21].
[53]       Ainsi, si M. Valade avait pris connaissance, si ce n’est que des faits saillants de la Brochure, il aurait réalisé immédiatement qu’il n’avait pas une connaissance complète du produit recommandé.
[54]       Cette condition de garantie à 100 % était importante pour la cliente, car elle n’avait pas un besoin immédiat du capital investi et voulait avant tout préserver le montant investi pour être laissé à ses deux filles à titre de bénéficiaires du contrat lors de son décès.
[55]       Ces admissions faites à l’enquêteur par M. Valade constituent des aveux extrajudiciaires de sa part démontrant qu’il ne connaissait pas cette caractéristique fondamentale du produit recommandé à sa cliente.
[56]       L’aveu est la reconnaissance d’un fait de nature à produire des conséquences juridiques contre son auteur et il est judiciaire ou extrajudiciaire[22].
[57]       L’aveu judiciaire est une preuve complète et suffisante du fait admis et sa valeur probante est équivalente à une confession de jugement[23].

 

[58]       En ce qui concerne l’aveu extrajudiciaire, le Code civil du Québec prévoit que la valeur probante de l’aveu extrajudiciaire est laissée à l’appréciation du tribunal[24].
[59]       La Cour d’appel du Québec dans l’affaire Henri Cousineau et Fils Inc. c. Axa Assurance Inc. déclare :
« [20] C'est au juge du fond que reviendra la tâche d'apprécier le poids réel de cet aveu. À ce sujet, je fais miens les commentaires des auteurs Tessier et Dupuis[6] :
L'aveu extrajudiciaire fait aussi preuve contre la partie qui en est l'auteur, pourvu que le tribunal accorde pleine valeur probante au témoignage ou à l'écrit qui le contient. Suivant l'article 2852, al. 2 C.c.Q., la force probante de l'aveu extrajudiciaire est laissée à l'appréciation du tribunal. Ce dernier jouit d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier les circonstances dans lesquelles l'aveu a été fait, qui peuvent influer sur le poids à y attacher. À la différence de l'aveu judiciaire, la partie à qui on oppose ce prétendu aveu extrajudiciaire peut en contester la valeur et la portée, sans être tenue d'en demander formellement la révocation pour cause d'erreur de fait. Cependant, l'erreur inexcusable ne peut être invoquée pour contester un aveu extrajudiciaire. Il incombe à la partie qui prétend qu'un aveu lui a été extorqué par crainte, menace ou violence d'en faire la preuve, suivant l'article 2852 C.c.Q. La contestation de l'aveu extrajudiciaire, laissée à l'appréciation du tribunal, qui pourrait l'écarter s'il n'est pas probant, peut survenir pour d'autres motifs que l'erreur de fait.
[21] Selon les faits que lui révélera cette preuve, le juge pourrait parvenir à la conclusion que l’aveu est vicié et qu’il n’emporte pas la preuve que Cousineau a été vraiment payée. Dans une telle hypothèse, Axa ne pourrait faire triompher la thèse du paiement, laquelle est au fondement même de sa requête en irrecevabilité. »[25] (référence omise)
[60]       Ces aveux de la part de M. Valade concernant la garantie sur la prestation en cas de décès sont clairs, sans équivoque, et n’ont pas été niés ou amoindris par son témoignage rendu devant le comité.
[61]       En plus de ce qui précède, la preuve démontre que la connaissance de M. Valade du produit recommandé était déficiente en ce qui concerne la question des retraits à être diminués des dépôts effectués lors du calcul de la prestation à l’échéance et au décès.
[62]       En effet, selon M. Valade, tel que mentionné à l’enquêteur lors de son entrevue, la prestation à remettre à la consommatrice, soit à l’échéance ou au décès, doit être réduite de la valeur réelle des retraits[26].
[63]       Cette compréhension de M. Valade du produit recommandé n’est pas conforme aux termes du contrat qui prévoit, au contraire, que les retraits doivent être réduits « proportionnellement » à la valeur de marché des unités de catégorie de fonds au crédit du contrat[27].
[64]       Cette « réduction proportionnelle » fait en sorte que la réduction des retraits sera moindre que la valeur réelle des retraits effectués si la valeur des unités est plus élevée au moment de l’échéance ou au décès, mais au contraire, si la valeur des unités est alors moindre qu’au moment du dépôt, la réduction des retraits de la prestation sera plus élevée que la valeur réelle des retraits effectués.
[65]       À cet effet, on trouve à la Brochure un tableau explicitant clairement et démontrant l’application de l’expression « réduit proportionnellement » en ce qui concerne les retraits effectués[28].
[66]       Cette question de la réduction proportionnelle des retraits qui vaut autant lors de l’échéance du contrat que lors du décès de la rentière est une autre illustration que M. Valade n’avait pas une connaissance complète du produit d’investissement recommandé à D.M.L. et qu’il n’a pas cherché à s’en informer adéquatement.
[67]       Tel que mentionné précédemment, si M. Valade avait fait une lecture de la Brochure, il aurait alors réalisé qu’il n’avait pas une connaissance complète et exacte du produit qu’il recommandait à D.M.L.
[68]       Compte tenu de ce qui précède, le comité considère que la preuve a démontré de façon prépondérante, claire et convaincante que M. Valade ne connaissait pas les caractéristiques de base du produit d’investissement offert à D.M.L., qu’il n’en avait pas une connaissance suffisante pour le lui recommander et qu’en plus, il n’a pas fait les démarches raisonnables pour bien la conseiller.
[69]       En ce faisant, M. Valade a contrevenu ainsi aux articles 9 et 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et doit aussi être déclaré coupable du deuxième chef d’infraction.
[70]       Plus particulièrement, en ce qui concerne l’article 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, le comité considère que la preuve a démontré que M. Valade n’a pas agi en conseiller consciencieux, mais qu’elle n’a aucunement démontré un manque de probité de sa part.
[71]       Enfin, conformément au principe interdisant les condamnations multiples, la suspension conditionnelle sera ordonnée en ce qui concerne l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, M. Valade devant être sanctionné uniquement en vertu de l’article 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, cette disposition s’appliquant plus justement à la preuve présentée au comité.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l’intimé coupable du chef d’infraction 1 pour avoir contrevenu à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (RLRQ, c. D-9.2, r. 10);

DÉCLARE l’intimé coupable du chef d’infraction 2 pour avoir contrevenu aux articles 9 et 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures quant au chef d’infraction 2 de la plainte à l’égard de l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

CONVOQUE les parties, avec l’assistance de la secrétaire du Comité de discipline, à une audition sur sanction;

PERMET la notification de la présente décision à l’intimé par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), à savoir par courrier électronique.

 

 

 

(S) Me Claude Mageau

 

 

Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

(S) Felice Torre

 

 

M. FELICE TORRE, A.V.A., PL. FIN.

Membre du comité de discipline

 

(S) Claude Poirier

 

 

M. CLAUDE POIRIER, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

Me Maryse Ali

CDNP AVOCATS

Avocats de la partie plaignante

M. Roy Valade
Partie intimée
Présent et non représenté

Date d’audience : 20 juillet 2022

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


A N N E X E   1

 

LA PLAINTE DISCIPLINAIRE

1.    À Montréal, vers le 7 juin 2016, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de D.M.L. alors qu’il lui faisait souscrire les contrats de fonds distincts […] et […], contrevenant ainsi à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants;

 

2.    À Montréal, vers le 7 juin 2016, l’intimé n’a pas cherché à avoir une connaissance complète des caractéristiques des produits d’investissement recommandés à D.M.L., contrevenant ainsi aux articles 9 et 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

Se rendant ainsi passible d’une ou plusieurs des sanctions prescrites par les articles 376 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et du Code des professions.



[1]      Annexe 1 : Plainte disciplinaire déposée le 9 mars 2022.

[2]      Pièce P-1.

[3]      Pièce P-3.

[4]      Pièce P-4.

[5]      Pièce P-11.

[6]      Pièce P-6.

[7]      Pièces P-19.1 et P-19.2, enregistrements de l’entrevue ayant été admis en preuve par décision du comité le 20 juillet 2022 (procès-verbal du 20 juillet 2022).

[8]      Pièces P-4 et P-11.

[9]      Pièce P-19.2, min. 17.

[10]     Pièce P-19.2, min. 21.

[11]     Pièce P-19.2, min. 32.

[12]     Pièce P-19.2, min. 42.

[13]     Pièce P-19.2, min. 42-43.

[14]     Pièce P-4.

[15]     Pièce P-11.

[16]     Pièce P-6, « Faits saillants », p. 166.

[17]     Pièce P-6, sect. 6.10, p. 179-180.

[18]     Pièce P-10.1 (État de compte du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2016), pièce P-6, section 7.6, « Frais d’assurance », p. 183.

[19]     Pièces P-4 et P-11.

[20]     Pièce P-19-2, min. 38-42 et 45-50.

[21]     Pièce P-19-2, min. 45-50.

[22]     Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991, art. 2850; Catherine PICHÉ, La preuve civile, 6e éd., Éditions Yvon Blais, 2020, p. 813-815.

[23]     Catherine PICHÉ, La preuve civile, id., p. 841-842.

[24]     Code civil du Québec, préc., note 22, art. 2852, al. 2.; Catherine Piché, La preuve civile, préc., note 22, p. 845-846.

[25]     Henri Cousineau & Fils inc. c. Axa Assurances inc., 2010 QCCA 1000 (CanLII); Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Valiquette, 2019 CanLII 20194 (QC CDOPQ).

[26]     Pièce P-19.2, min. 40.

[27]     Pièce P-6, sect. 6.13, « Retraits et les garanties », p. 181.

[28]     Id.

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