Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

comité de discipline

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

canada

province de québec

 

 

 

 

 

N°:

CD00-1507

 

DATE: Le 4 octobre 2022

 

le comité :

Me Michel A. Brisebois

Président

 

Mme Sonia Comeau

Membre

 

M. Jean-Michel Bergot

Membre

 

 

 

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

 

Plaignant

 

c.

 

JÉRÔME ST-LAURENT (certificat numéro 220621)

 

 

Intimé

 

décision sur CULPABILITÉ RECTIFIÉE

 

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE : 
         de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et prénom de l’ex-conjointe de l’intimé mentionnés lors de la preuve et dans les pièces ainsi que de toute information permettant de l’identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas à tout échange d’information prévu à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.
[1]          La plainte disciplinaire déposée contre l’intimé M. Jérôme St-Laurent (« l’intimé ») contient le chef unique d’infraction suivant :
                    « À Rimouski, entre le 10 février 2020 et le 17 mars 2021, l’intimé n’a pas agi avec professionnalisme en négligeant d’informer la Compagnie d’assurance Combined d’Amérique qu’il faisait l’objet d’accusations criminelles dans le cadre du dossier N0 100-01-023540-202, contrevenant ainsi à article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers[1]. »
[2]          L’intimé n’est pas présent à l’audition puisque la tentative de signification de l’avis d’audition s’est avérée infructueuse, il a déménagé sans aucune indication de sa nouvelle adresse, tel qu’il appert du rapport de signification déposé sous la pièce P-1. De plus, aucun procureur n’est présent en son nom.
[3]          La procureure du plaignant demande l’autorisation de procéder en l’absence de l’intimé, conformément à l’article 144 du Code des professions, compte tenu qu’une Ordonnance de notification par un autre mode que celui prévu par la loi a été rendue en date du 15 août 2022, informant l’intimé que l’audition était fixée au 24 août 2022, tel que prévu à la pièce P-2.
[4]          La pièce P-3 confirme la tentative de notification par moyen technologique le 15 août 2022, mais l’intimé n’a pas téléchargé le document ainsi transmis.
[5]          La permission de procéder sans la présence de l’intimé est accordée par le comité de discipline et une ordonnance d’exclusion des témoins est prononcée.

LES FAITS

[6]          Le premier témoin du plaignant est M. Kamel Mokrane, lequel a fait l’enquête dans le présent dossier.
[7]          Pendant son témoignage, le plaignant dépose les pièces P-4 à P-11.
[8]          Lesdites pièces confirment l’attestation du droit de pratique de l’intimé, une lettre de l’Autorité des marchés financiers, une lettre de résiliation de l’entente de l’intimé avec la Compagnie Combined Assurances (« Combined ») (pour laquelle l’intimé agit à titre de représentant) en date du 17 mars 2021, un courriel relativement à l’enquête chez Combined, le plumitif de la Cour du Québec confirmant la culpabilité de l’intimé pour vol le 7 décembre 2020, suite à des accusations de vol et de fraude, une entente entre l’intimé et Combined confirmant le statut de représentant des ventes indépendant en date du 12 juin 2017, ainsi que deux bulletins de conformité de Combined en avril 2019 et août 2020 (confirmant l’obligation des représentants de divulguer des accusations et dossier criminel).
[9]          Il ressort du témoignage de M. Mokrane que lors de son enquête, il n’a jamais réussi à rejoindre l’intimé, et ce, malgré qu’il ait obtenu le numéro de cellulaire de ce dernier par l’entremise de son père. Tous les messages laissés à l’intimé sont demeurés sans réponse. M. Mokrane voulait vérifier les faits racontés par M. Luc Carrier, vérificateur-auditeur des services extérieurs et enquêteur chez Combined et de M. Irois Gaudet, gérant régional chez Combined.
[10]       M. Carrier et M. Gaudet expliquent que l’intimé a une entente avec Combined depuis le 12 juin 2017 et qu’ils ont appris que, pendant la durée de l’entente, il avait été trouvé coupable et condamné, entre autres, pour vol pour des gestes commis chez son employeur précédent. La preuve démontre que l’intimé a admis ceci, mais n’a jamais avisé Combined, tel que ses obligations contractuelles le prévoyaient.

REPRÉSENTATIONS DU PLAIGNANT

[11]       Le plaignant souligne que l’intimé avait l’obligation contractuelle de divulguer à Combined les accusations portées contre lui, ainsi que son dossier criminel et que le défaut de le faire est une faute déontologique le rendant coupable du deuxième paragraphe de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.
[12]       Il ajoute que ce défaut de divulgation démontre un manque de transparence qui est inacceptable de la part d’un représentant.
[13]       Il soumet les causes Longpré[2], Bernard[3] et Kostarides[4] à l’appui de ses arguments tout en mentionnant que ces causes ne traitent pas de faits identiques à la présente instance, mais que les principes sont applicables au présent dossier.

QUESTION EN LITIGE

Est-ce que le non-respect de l’obligation contractuelle de l’intimé envers La Compagnie d’Assurances Combined est une faute déontologique au sens du deuxième paragraphe de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers ?

ANALYSE ET MOTIFS

[14]       L’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers stipule :
        « Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients.
           Il doit agir avec compétence et professionnalisme. »
[15]       En agissant comme il l’a fait, l’intimé n’a pas agi avec compétence et professionnalisme et est donc en contravention avec le second alinéa de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.
[16]       L’intimé signe son entente avec Combined le 12 juin 2017 et, en cours de mandat, il reçoit des directives de rappel concernant son obligation de divulgation avec des exemples précis de situations qui doivent être divulguées.
[17]       L’intimé néglige d’aviser Combined de son dossier criminel de 2020 et continue de travailler, en espérant sans doute que personne ne s’aperçoive du fait qu’il a été trouvé coupable de vol.
[18]       Il est évident pour le comité que l’intimé se doutait qu’il y aurait des conséquences lorsque Combined apprendrait la commission de ces infractions au Code criminel.
[19]       Dans la décision Longpré, le chef d’infraction pertinent est le suivant :
« 21. À Saint-Jean-sur-Richelieu, le ou vers le 19 juin 2009, l’intimé, Richard Longpré, a fait de fausses déclarations sur un questionnaire de vérification de son employeur, Investia Services Financiers inc., en contravention des articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, 34 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, 10, 13 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières. »
[20]       Le comité considère la faute sérieuse, tel qu’en fait foi le paragraphe 36 de la décision :
« 36. La fausse déclaration de l’intimé sur le questionnaire de vérification de son employeur est certes une faute sérieuse et en l’instance ladite infraction ne peut être complètement détachée de l’ensemble du dossier. L’intimé a pu tenter d’ainsi camoufler des actes qu’il savait déontologiquement reprochables. »
[21]       La décision Bernard traite également d’une fausse déclaration et d’une accusation en vertu de l’article 16 de la même loi :
« [5] Essentiellement on reproche à l’intimé d’avoir, à trois reprises, donné de faux renseignements à son assureur dans le cadre de la souscription d’une assurance responsabilité professionnelle en laissant faussement croire qu’il n’avait pas fait l’objet d’une sanction disciplinaire et en omettant de déclarer la réclamation d’une cliente. »
[22]       Les représentations de l’intimé dans le dossier Bernard sont intéressantes pour notre cause :
« [46] Pour la procureure de l’intimé, ces articles visent principalement le représentant dans le cadre de services professionnels. Ici, il est question de sa propre assurance professionnelle et non d’un geste posé dans sa relation avec des clients. 
[47] La procureure de l’intimé reconnait cependant que le Comité a juridiction à l’égard de celui-ci. Un lien existe, car il a besoin d’assurance pour exercer ses activités. C’est pourquoi il a plaidé coupable et a reconnu les faits. »
[23]       Enfin, la cause Kostarides traite d’une fausse déclaration de l’intimée lorsqu’elle pose sa candidature pour devenir membre du comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière et nous retenons le paragraphe 23 de la décision :
« [23] Le CDCSF a pour mission la protection du public. Chacun de ses membres s’en trouve imparti. Ils se doivent d’être notamment rigoureux dans l’exercice de leur profession s’ils souhaitent en faire partie afin de veiller à ce que leurs pairs respectent leurs obligations déontologiques. »
[24]       Mme Kostarides a plaidé coupable pour avoir contrevenu à l’article 16, deuxième paragraphe de la loi.
[25]       Bien que la jurisprudence déposée par le plaignant ne traite pas de dossier criminel, le comité la considère très pertinente puisqu’elle confirme la nécessité d’être transparent et honnête envers son employeur en répondant aux informations demandées, c’est la seule façon que le public puisse faire un choix éclairé en choisissant un représentant.
[26]       La loi exige évidemment d’être compétent, mais le professionnalisme est tout aussi important, car le public a le droit de savoir avec qui il fait affaire.
[27]       Le fait de savoir que notre représentant a un dossier criminel pour vol peut affecter la confiance d’un client envers son représentant et le représentant qui cache cette information fait-il preuve de professionnalisme? Poser la question c’est y répondre.
[28]        Il est vrai que l’intimé se devait de respecter les conditions de son entente avec Combined et de ne pas l’avoir fait est certes un manque de professionnalisme, mais le comité considère que même en l’absence d’une telle entente, le professionnalisme nécessaire pour être représentant oblige la divulgation d’accusation et de dossier criminel.
[29]       Il est à noter que dans notre cas sous étude, le dossier criminel est en lien avec l’emploi.
POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :
Déclare l’intimé coupable d’avoir contrevenu au deuxième paragraphe de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.
CONVOQUE les parties, avec l’assistance de la secrétaire du comité de discipline, à une audition sur sanction.
PERMET la notification de la présente décision à l’intimé par moyen technologique, conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), à savoir par courrier électronique.

 

 

(S) Me Michel A. Brisebois

 

 

Me MICHEL A. BRISEBOIS

Président du comité de discipline

 

(S) Sonia Comeau

 

 

Mme SONIA COMEAU

Membre du comité de discipline

 

(S) Jean-Michel Bergot

 

 

M. Jean-Michel Bergot

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Sandra Robertson

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Procureure du plaignant

 

M. Jérôme St-Laurent

Absent et non représenté

 

Date d’audience :

24 août 2022

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]      RLRQ, c. D-9.2.

[2] Chambre de la sécurité financière c. Longpré, 2010 CanLII 99852 (QC CDCSF).

[3] Chambre de la sécurité financière c. Bernard, 2017 QCCDCSF 73.

[4] Chambre de la sécurité financière c. Kostarides, 2022 QCCDCSF 37.

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