Chambre de la sécurité financière (Québec)

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comité de discipline

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

canada

province de québec

 

 

 

N°:

CD00-1485

DATE:

31 août 2022

le comité[1] :

Me Madeleine Lemieux

M. John Di Nezza

 

Présidente

Membre

 

 

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Partie plaignante

c.

MATHIEU CAMIRÉ, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 166363 et numéro de BDNI 1804501)

 

Partie intimée

 

décision sur SANCTION

 

conformément à l’article 142 du code des professions, le comité a prononcé l’ordonnance suivante :

         Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non‑diffusion du nom et prénom du consommateur concerné par la plainte disciplinaire ainsi que de toute information permettant de l’identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas à tout échange d’information prévu à la Loi sur l’encadrement du secteur financier (RLRQ, c. E-6.1) et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

[1]             L’intimé a plaidé coupable à une accusation d’avoir fait défaut de procéder à une analyse complète et conforme des besoins financiers de son client.
[2]             Le syndic demande l’imposition d’une amende de 5 000 $ alors que l’intimé considère plutôt que l’amende devrait être l’amende minimale de 2 000 $.
[3]             Le comité doit donc déterminer la sanction appropriée et doit aussi se prononcer sur les déboursés qui seront à la charge de chacune des parties.
LA PLAINTE
[4]             L’intimé a fait l’objet d’une plainte disciplinaire qui comporte trois chefs d’infraction. Le comité a acquitté l’intimé des chefs 1 et 3 et l’intimé a plaidé coupable au chef 2 qui se lit comme suit :

À Candiac, le ou vers le 24 janvier 2019, l’intimé n’a pas procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de S.B., alors qu’il lui a fait souscrire la police d’assurance invalidité N0 […], contrevenant ainsi à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.

 

LE CONTEXTE
[5]             Les trois chefs d’infraction de la plainte concernent un même consommateur, S.B.
[6]             Le premier chef porte sur des événements qui se sont produits en 2017. Client de longue date, S.B. contacte l’intimé pour obtenir des produits d’assurance- invalidité. L’intimé procède alors à la préparation d’une analyse des besoins financiers (ABF) conforme aux exigences de la profession. Cette ABF a été faite le 17 novembre 2017.
[7]             Quelques treize mois plus tard, en janvier 2019, S.B. contacte à nouveau l’intimé pour modifier ses protections d’assurance-invalidité, il veut les augmenter parce que sa situation a changé.
[8]             Il y a eu des conversations entre l’intimé et S.B. à ce sujet et il y a des notes au dossier. Mais l’intimé n’a pas refait une ABF complète et conforme. C’est l’infraction du deuxième chef de la plainte disciplinaire et c’est l’infraction à laquelle l’intimé a plaidé coupable.
[9]             Le troisième chef de la plainte porte sur la couverture d’assurance de cette police d’assurance-invalidité souscrite en 2019 et le comité a acquitté l’intimé.
LA SANCTION
[10]          Le comité est d’avis que la sanction juste et raisonnable est l’imposition d’une amende de 2 000 $ pour les motifs qui suivent.
[11]          Il est bien connu que la sanction vise non pas à punir le professionnel, mais à assurer la protection du public. La sanction doit dissuader la récidive et être un exemple pour les autres professionnels.
[12]          La sanction doit aussi tenir compte des particularités de chaque cas, dont le contexte et les facteurs aggravants ou atténuants propres au dossier.
[13]          Les fourchettes de sanction sont des guides d’application des principes et objectifs pertinents à la détermination de la sanction.
[14]          Comme l’écrit le juge en chef Wagner dans l’arrêt Lacasse[2], il y aura toujours des situations qui vont commander des sanctions qui se situent à l’extérieur de la fourchette en autant que la sanction qui déroge à la fourchette établie respecte les principes et objectifs établis de détermination de la peine.
[15]          Le syndic soutient que la fourchette des sanctions pour avoir fait défaut de compléter une ABF conforme est une amende qui se situe entre 4 000 $ et
6 000 $ et retient donc une amende moyenne de 5 000 $, d’où sa demande de l’imposition d’une amende de ce montant. Le syndic s’appuie sur la décision du comité rendue dans le dossier Caro[3], décision dans laquelle le comité retient une amende moyenne de 5 000 $; le comité note toutefois que dans l’affaire Caro, l’intimée a des antécédents disciplinaires ce qui n’est pas le cas dans le présent dossier.
[16]          De son côté, l’intimé soumet des décisions dans lesquelles le défaut de compléter une ABF conforme a entraîné la condamnation au paiement d’amendes inférieures à 4 000 $.
[17]          Aussi, dans Tremblay[4], l’amende imposée par le comité a été de 2 000 $; l’intimé dans ce cas a plaidé coupable et il n’avait pas d’antécédents disciplinaires.
[18]          Dans Frenette[5], le comité impose une amende de 2 000 $; l’intimé Frenette avait lui aussi plaidé coupable, il a exprimé des regrets, il s’agit d’un événement isolé et la sanction a fait l’objet d’une recommandation commune.
[19]            Enfin dans Laliberté[6], le comité impose une amende de 2 500 $; l’intimé Laliberté n’a pas d’antécédents disciplinaires et le comité retient que le manquement de l’intimé n’a pas causé de préjudice au consommateur.   
[20]          La fourchette des sanctions est donc plus large que la moyenne de
5 000 $ d’amende notamment quand l’intimé n’a pas d’antécédents disciplinaires ou n’a pas reçu d’avertissements administratifs. La sanction dépend donc clairement des circonstances particulières à chaque cas.
[21]          Qu’en est-il de l’intimé? Âgé de 38 ans, celui-ci détient une certification en épargne collective depuis 2006 et en assurance de personnes depuis 2005. Il possède donc une quinzaine d’années d’expérience au moment des événements. La commission qu’il a reçue au moment de la souscription de la police d’assurance-invalidité est de 373 $. Comme la police n’a pas été renouvelée, il n’a pas touché la commission de 20 $ qui lui aurait été versée au renouvellement.
[22]          L’intimé a plaidé coupable à la première accusation, il est conscient d’avoir commis une infraction, et dit-il, il a réalisé la nécessité de compléter une ABF et de la mettre sur papier. Il témoigne avoir tiré une leçon de cet événement et déclare qu’il s’assure désormais de mieux documenter ses analyses et ses démarches.
[23]          Il a au surplus réduit de façon drastique son offre de produits de couverture en assurance-invalidité. D’une moyenne de 20 polices d’assurance-invalidité par année, il ne fait souscrire depuis la plainte disciplinaire que deux à trois polices par année.
[24]          Le comité est d’avis que le risque de récidive est à toutes fins utiles inexistant et que le processus disciplinaire a atteint l’objectif de dissuasion.
[25]          La préparation d’une ABF conforme par le représentant est une étape fondamentale de son travail. Plusieurs décisions du comité de discipline parlent de l’ABF comme étant la pierre angulaire du travail du représentant. Il s’agit donc d’une infraction qui est grave.
[26]          Toutefois, le comité retient que l’infraction commise par l’intimé est un geste isolé au cours d’une carrière d’une quinzaine d’années; l’intimé n’a pas d’antécédents disciplinaires et n’a pas reçu non plus d’avertissements administratifs pour des défauts de compléter une ABF.
[27]          Il n’y a eu aucune intention malicieuse de la part de l’intimé et un seul consommateur est concerné. Il n’y a pas de preuve que le consommateur a subi un préjudice quelconque à la suite du manquement de l’intimé.
[28]          Considérant les circonstances propres à ce dossier, le comité est d’avis que l’amende minimale est la sanction appropriée et qu’au surplus cette amende se situe à l’intérieur de la fourchette des sanctions imposées dans des circonstances similaires. L’intimé demande un délai de trois mois pour payer l’amende et les frais et le syndic ne s’y objecte pas. Ce délai lui sera donc accordé.
[29]          Le comité entend mitiger les déboursés comme l’article 151 du Code des professions le lui permet. Ainsi, le comité condamnera l’intimé à payer les frais de signification de la plainte et les déboursés reliés à l’audition sur sanction, les autres déboursés étant à la charge du plaignant. L’intimé a en effet plaidé coupable à la première occasion sur le chef 2 de la plainte et il a été acquitté des deux autres chefs d’infraction.

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $ pour le chef d’infraction 2 ;

ACCORDE un délai de trois mois pour le paiement de l’amende ;

CONDAMNE l’intimé au paiement des frais de signification de la plainte et au paiement des déboursés pour l’audition sur sanction conformément à l’article 151 du Code des professions;

PERMET la notification de la présente décision aux parties par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile, soit par courrier électronique.

 

 

 

(S) Me Madeleine Lemieux

 

 

Me MADELEINE LEMIEUX

Présidente du comité de discipline

 

(S) John Di Nezza

 

M. JOHN DI NEZZA

Membre du comité de discipline

 

 

Me Sandra Robertson

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Avocats de la partie plaignante

 

Me René Vallerand

DONATI MAISONNEUVE S.E.N.C.R.L.

Avocats de la partie intimée

Date d’audience : 25 août 2022

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]      Le troisième membre du comité de discipline, M. Michel McGee, étant dans l’impossibilité d’agir, la présente décision est rendue par les deux autres membres, conformément aux dispositions de l’article 371 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[2]      R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, cité dans Chambre de la sécurité financière c. Tremblay 2021 QCCDCSF 70, par. 33

[3]      Chambre de la sécurité financière c. Caro 2021 QCCDCSF 41

[4]      Chambre de la sécurité financière c. Tremblay 2021 QCCDCSF 70

[5]      Chambre de la sécurité financière c. Frenette, 2020 QCCDCSF 64

[6]      Chambre de la sécurité financière c. Laliberté, 2013 CanLII 43423

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