Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

:

 

CD00-1495

 

DATE :

Le 8 août 2022

 

 

LE COMITÉ :

Me Madeleine Lemieux

M. Bruno Therrien, Pl. Fin.

M. Ndangbany Mabolia, Pl. Fin.

Présidente Membre Membre

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Partie plaignante

c.

 

 

 

 

ROBERT ST-CYR, conseiller en sécurité financière (certificat numéro 226088)

Partie intimée

 


 

DÉCISION SUR SANCTION

 


 

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

 

         Ordonnance  de  non-divulgation,  de  non-publication  et  de non-diffusion des noms et prénoms des consommateurs mentionnés à la plainte disciplinaire, aux pièces déposées (à l’exception des pièces P-1, P-134 et P-138 à P-147) ainsi que toute information permettant d’identifier les consommateurs, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas à tout échange d’information prévu à la Loi sur l’encadrement du secteur financier (RLRQ, c. E-6.1)


 

et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

 

[1]          Le 19 mai 2022, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (« le comité ») déclare M. Robert St-Cyr coupable des six chefs d’infraction suivants :

 

1.      À Drummondville et ailleurs au Québec, entre le 26 juin 2020 et le 17 novembre 2020, l’intimé a exercé ses activités de façon malhonnête en soumettant environ cinquante (50) propositions d’assurance-vie à la Compagnie d’assurance-vie Primerica du Canada contenant de faux renseignements lui permettant ainsi de recevoir indument des avances de commissions d’un montant d’environ 16 000 $, contrevenant ainsi à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière1.

 

2.      À Drummondville et ailleurs au Québec, entre le 19 juillet 2020 et le 23 juillet 2020, l’intimé a exercé ses activités de façon malhonnête en utilisant sans autorisation et à son avantage personnel l’information confidentielle du numéro du compte bancaire de son client L.C.K. dans deux (2) propositions d’assurance, contrevenant ainsi aux articles 27 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

3.      À Drummondville et ailleurs au Québec, entre le 2 juillet 2020 et le 31 août 2020, l’intimé a exercé ses activités de façon malhonnête en utilisant sans autorisation et à son avantage personnel l’information confidentielle du numéro de compte bancaire de sa cliente K.C.-G. dans six (6) propositions d’assurance, contrevenant ainsi aux articles 27 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

4.      À Drummondville et ailleurs au Québec, entre le 26 juin 2020 et le 26 août 2020, l’intimé a exercé ses activités de façon malhonnête en utilisant sans autorisation et à son avantage personnel l’information confidentielle du numéro de compte bancaire de son client M.L. dans dix (10) propositions d’assurance, contrevenant ainsi aux articles 27 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

5.      À Drummondville et ailleurs au Québec, entre le 1er juillet 2020 et le 6 octobre 2020, l’intimé a exercé ses activités de façon malhonnête en utilisant sans autorisation et à son avantage personnel l’information confidentielle du numéro de compte bancaire de son client L.C. dans quatorze (14) propositions d’assurance, contrevenant ainsi aux articles 27 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 


 

1 Le premier chef d’infraction a fait l’objet d’un amendement lors de l’audition de la première journée, lequel a été accueilli séance tenante par le Comité.


 

6.      À Drummondville et ailleurs au Québec, depuis le 7 octobre 2021, l’intimé entrave le travail aux enquêteurs du bureau du syndic :

 

a.      En négligeant de se présenter à la reprise de la rencontre avec les enquêteurs à laquelle il était dûment convoqué, à compter de 13h40 le 7 octobre 2021;

 

b.      En négligeant de se présenter à la rencontre par visioconférence du 22 octobre 2021 à laquelle il était dûment convoqué;

 

c.       En négligeant de transmettre les documents demandés notamment la preuve de son hospitalisation, ses relevés téléphoniques entre juin et décembre 2020 ainsi que la lettre de Primerica qu’il pouvait retenir à titre de représentant;

 

d.      En transmettant de faux renseignements aux enquêteurs en lien avec la façon d’obtenir ses relevés téléphoniques.

 

Se rendant ainsi passible d’une ou plusieurs des sanctions prescrites par les articles 376 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et du Code des professions.

7. 

APERÇU

 

[2]          Le comité tient une audition sur sanction le 13 juillet 2022; l’intimé n’est ni présent ni représenté.

 

[3]          La décision sur culpabilité lui a été signifiée le 31 mai 2022. L’avis de l’audition sur sanction lui a également été notifié le 20 juin 2022; le comité a donc procédé en son absence conformément à l’article 144 du Code des professions.

 

[4]          M. St-Cyr doit être sanctionné pour avoir contrevenu à l’art. 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière; il a été trouvé coupable d’avoir exercé ses activités de façon malhonnête en soumettant environ 50 propositions d’assurance-vie contenant de faux renseignements, d’avoir utilisé sans autorisation et à son bénéfice personnel les numéros de compte bancaire d’au moins quatre de ses clients. Il a également été trouvé coupable d’entrave au travail des enquêteurs du bureau du syndic.

 

[5]          La procureure du plaignant recommande une radiation permanente sous chacun des chefs 1 à 5 et une radiation entre 6 et 12 mois sous le chef d’infraction 6 soit l’accusation d’entrave.


 

[6]          Le comité doit donc décider de la sanction appropriée à imposer à l’intimé.

 

ANALYSE ET MOTIFS

 

 

[7]          Comme le rappelle le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière dans l’affaire St-Germain2, le véritable guide pour le décideur en matière de sanction disciplinaire est l’arrêt Pigeon c. Daigneault rendu par la Cour d’appel en 20033.

[8]          Ainsi, la sanction doit coller aux faits du dossier et chaque cas est un cas d’espèce.

 

[38]  La sanction disciplinaire doit permettre d'atteindre les objectifs suivants: au premier chef la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité à l'égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et enfin, le droit par le professionnel visé d'exercer sa profession (Latulippe c. Léveillé (Ordre professionnel des médecins), 1998 QCTP 1687 (CanLII), [1998] D.D.O.P. 311; Dr J. C. Paquette c. Comité de

discipline de la Corporation professionnelle des médecins du Québec et al, 1995 CanLII 5215 (QC CA), [1995] R.D.J. 301 (C.A.); et R. c. Burns, 1994 CanLII 127

(CSC), [1994] 1 R.C.S. 656).

 

[39]   Le Comité de discipline impose la sanction après avoir pris en compte tous les facteurs, objectifs et subjectifs, propres au dossier. Parmi les facteurs objectifs, il faut voir si le public est affecté par les gestes posés par le professionnel, si l'infraction retenue contre le professionnel a un lien avec l'exercice de la profession, si le geste posé constitue un acte isolé ou un geste répétitif Parmi les facteurs subjectifs, il faut tenir compte de l'expérience, du passé disciplinaire et de l'âge du professionnel, de même que sa volonté de corriger son comportement. La délicate tâche du Comité de discipline consiste donc à décider d'une sanction qui tienne compte à la fois des principes applicables en matière de droit disciplinaire et de toutes les circonstances, aggravantes et atténuantes, de l'affaire.

 

[9]          L’infraction dont l’intimé a été trouvé coupable est une infraction qui est très grave. Il a mis sur pied un stratagème de dépôt de propositions d’assurance fictives. Ce faisant, il a trompé l’assureur à qui il a transmis des informations qui étaient fausses. L’assureur doit pouvoir se fier que les représentants lui fournissent des informations véridiques.

 

 


 

2 Chambre de la sécurité financière c. St-Germain, 2022 QCCDCSF 25

3 Pigeon c. Daigneault 2003 CanLII 32934 (C.A.)


 

[10]       L’intimé a utilisé des informations que des consommateurs lui avaient données en toute confiance soit leurs numéros d’assurance sociale et leurs coordonnées bancaires. L’intimé a utilisé ces informations, à leur insu, pour son bénéfice personnel.

 

[11]       Les consommateurs doivent pouvoir faire totalement confiance que le représentant avec qui ils font affaire n’utilisera jamais les informations qu’ils lui donnent à d’autres fins que celles pour lesquelles ils les lui donnent. Le représentant a en effet accès à une grande quantité d’informations provenant de ses clients.

 

[12]       Plusieurs consommateurs ont été affectés par les gestes de l’intimé. Outre l’utilisation de leurs données personnelles, des prélèvements ont été faits dans leurs comptes de banque pour des sommes qu’ils n’avaient pas à payer. Certes, ils ont été remboursés par Primerica des sommes prélevées sans droit dans leurs comptes de banque, mais il n’en demeure pas moins qu’ils ont subi des inconvénients, vécu des inquiétudes et qu’ils ont faire des démarches pour que la situation soit rectifiée.

 

[13]       L’intimé n’a pas d’antécédents disciplinaires; toutefois, il n’aura été détenteur d’un certificat de représentant que pendant une courte période entre octobre 2018 et novembre 2021. Les événements à l’origine de la plainte disciplinaire se sont produits de juin 2020 à la mi-novembre 2020.

 

[14]       Le stratagème mis en place par l’intimé lui a permis de toucher environ 16 000$ en commissions versées par l’assureur alors que les propositions d’assurance se sont avérées des propositions fictives. L’intimé n’a pas remboursé cette somme à Primerica.

 

[15]       Au soutien de sa recommandation, la procureure du syndic soumet des autorités dans lesquelles les comités de discipline ont ordonné des radiations


 

permanentes pour des situations similaires4. La recommandation du syndic se situe donc à l’intérieur de la fourchette des sanctions imposées pour des infractions de même nature.

 

[16]       Ces décisions illustrent d’ailleurs jusqu’à quel point l’honnêteté et l’intégrité sont des attributs fondamentaux de la fonction de représentant.

 

[17]       Le comité ordonnera donc la radiation permanente de l’intimé pour chacun des chefs 1 à 5 de la plainte disciplinaire.

 

[18]       Pour ce qui est du chef d’infraction 6, les sanctions imposées par les comités de discipline sont maintenant presque toujours des périodes de radiation temporaire qui varient selon différents éléments.

 

[19]       Dans l’affaire Serra5, le Tribunal des professions énumère les critères qui doivent guider le comité de discipline pour déterminer la sanction en matière d’entrave au travail du syndic:

 

[149]     En m’inspirant des critères avancés par les auteurs Battah et Jila, je considère que pour l’imposition d’une sanction en matière d’entrave, les conseils de discipline peuvent, entre autres, considérer les éléments suivants :

 

-           la nature de l’entrave, s’il s’agit d’une entrave « active » (ex. fausse déclaration) ou « passive » (défaut de répondre);

 

-           si l’entrave a empêché le syndic de faire son enquête ou d’intervenir au moment opportun;

 

-          la durée de l’entrave, ses causes et à quel moment elle a pris fin;

 

-          l’impact de l’entrave sur l’enquête;

 

-          le fait que des tiers ont été ou non affectés par l’entrave;

 

-         la gravité de l’infraction faisant l'objet de l'enquête et le fait qu’il y ait eu ou non le dépôt d’une plainte à l’issue de l’enquête.

 

 


 

4 Chambre de la sécurité financière c. Adler Jacob, No CD00-1227, Chambre de la sécurité financière c. Bernard, No CD00-1213, Chambre de la sécurité financière c. Fortin, No CD00-1315 5 Serra c. Médecins (Order professionnel des) 2021 QCTP 1


 

[150]    Les auteurs Battah et Jila font également la démonstration de l’émergence d’une nouvelle école de pensée en matière de sanction pour l’entrave, dans la foulée de la modification législative de 2008 d’intégrer l’entrave comme motif de demande de radiation provisoire. Leur analyse démontre que les sanctions en matière d’entrave ont véritablement reçu un coup de barre ces dernières années, passant de sanctions de réprimandes et amendes à des sanctions de périodes de radiation temporaire.

 

[20]       Les faits démontrent que la juste sanction pour le chef 6 est l’imposition d’une radiation temporaire de 12 mois à être purgée de façon concurrente avec les sanctions imposées sous les chefs d’infraction 1 à 5.

 

[21]       Les gestes de l’intimé sont nombreux et l’entrave est à la fois active et passive : défaut de se présenter à des rencontres auxquelles il a été convoqué, défaut de retourner les appels de l’enquêteur du bureau du syndic, défaut de produire les documents demandés par l’enquêteur.

 

[22]       Il a communiqué des informations qui tendent à induire l’enquêteur du bureau du syndic en erreur : soi-disant séjour à l’hôpital, soi-disant communications avec les consommateurs, soi-disant communications de Primerica, informations incorrectes à propos du fournisseur de service téléphonique.

 

[23]       En conséquence de l’inaction et des défauts de l’intimé, l’enquêteur a dû faire des démarches et force est de constater que les documents qu’il a demandés à l’intimé ne lui ont jamais été produits. Tout ceci a entrainé des conséquences directes sur l’enquête.

 

[24]       L’entrave a aussi entrainé des conséquences sur des tiers; l’absence de l’intimé lors des audiences et son manque de collaboration et à l’enquête et à l’audition ont fait en sorte que les consommateurs ont dû témoigner lors de l’audience sur culpabilité.

 

[25]       Enfin, l’infraction commise par l’intimé est une infraction grave.


 

[26]       Bref, tous les critères énoncés par le Tribunal des professions dans l’affaire Serra sont rencontrés et le comité ordonnera donc une radiation temporaire de 12 mois pour le chef d’infraction 6.

 

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

 

ORDONNE la radiation permanente de l’intimé en ce qui a trait aux chefs d’infraction 1 à 5 de la plainte disciplinaire;

 

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de 12 mois en ce qui a trait au chef d’infraction 6;

 

ORDONNE que les périodes de radiation soient purgées de façon concurrente;

 

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c.C-25);

 

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans les lieux où l’intimé a eu son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pouvait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 7 de l’article 156 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

 

PERMET la notification de la présente décision à l’intimée par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), à savoir par courrier électronique.


 

 

(S) Me Madeleine Lemieux

 

Me MADELEINE LEMIEUX

Présidente du comité de discipline

 

 

(S) Bruno Therrien

M. BRUNO THERRIEN, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(S) Ndangbany Mabolia

M. NDANGBANY MABOLIA , Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Sandra Robertson

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Avocate de la partie plaignante

 

M Robert St-Cyr Partie intimée

Absente et non représentée

 

Date d’audience : le 13 juillet 2022

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ A0430

A0620 A0830

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