Chambre de la sécurité financière (Québec)

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comité de discipline

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

canada

province de québec

 

 

 

N°:

CD00-1504

DATE:

18 juillet 2022

le comité :

Me Michel A. Brisebois

Président

M. Antonio Tiberio

Membre

M. Marc Gagnon, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

 

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Partie plaignante

c.

EILEEN KARPMAN, conseillère en sécurité financière (certificat numéro 117428)

 

Partie intimée

décision sur CULPABILITÉ ET sanction

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE : 
         Non-diffusion, non-divulgation et non-publication du nom du consommateur impliqué et de toute l’information permettant de l’identifier. Toutefois, il est entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.
[1]          La plainte disciplinaire déposée contre Mme Eileen Karpman (« Mme Karpman ») contient le chef unique d’infraction suivant :

 « À Pierrefonds, entre le mois de septembre 2018 et le 21 avril 2020, l’intimée n’a pas agi avec compétence et professionnalisme en demandant, à quatre (4) reprises un congé de primes pour le contrat 04-[…] sans fournir à sa cliente M.P. toutes les informations nécessaires à la compréhension de ces demandes et en ne s’assurant pas d’obtenir son consentement, contrevenant ainsi aux articles 13 et 14 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière »[1].

 

[2]          Mme Karpman plaide coupable à l’infraction reprochée, un plaidoyer de culpabilité écrit[2] est déposé à cet effet, et le comité déclare Mme Karpman coupable de l’infraction décrite au paragraphe 1 des présentes lors de l’audition.
[3]          Les parties déposent aussi le document intitulé « Énoncé conjoint des faits et représentations communes sur sanction »[3] dans lequel les faits suivants sont admis :

« 1.      L’Intimée détient un certificat d’exercice délivré par l’Autorité des marchés financiers (AMF) portant le numéro 117428 pour la période du 27 janvier 2019 au 31 mai 2022, dans la catégorie d’assurance de personnes, le tout tel qu’il appert de l’attestation de l’AMF, pièce PS-1;

2.         M.P. est une cliente de longue date de l’Intimée, tel qu’il appert d’une proposition pour une assurance-vie souscrite par M.P. par l’intermédiaire de l’Intimée en 2001, pièce PS-2, une confirmation de l’émission du contrat numéro 04-[…], pièce PS-3, et de relevés en lien avec ce contrat, pièce PS-4 en liasse;

3.         Le 4 septembre 2018, M.P. rencontre l’Intimée;

4.         Lors de cette rencontre :

a-        M.P. explique à l’Intimée qu’elle souhaite souscrire à une assurance-vie pour ses filles, K.G. et J.G.G.;

b-        Le budget mensuel total de M.P. est de 40 $ pour acquitter les primes liées aux deux contrats projetés;

c-         Les niveaux de tolérance au risque et de connaissances liées aux placements de M.P. sont bas;

Le tout, tel qu’il appert d’une Financial Needs Analysis datée du 4 septembre 2018 et de notes manuscrites de l’Intimée, pièce PS-5, et des notes au dossier de l’Intimée, pièce PS-6;

5.          Tel qu’il appert des notes au dossier de l’Intimée, pièce PS-6, « Based on her budget of $40.00/mth, she applied for each daughter $130,000, (...) for $40.94/mth + $49.92/mth for a total additional monthly premium of $90.86. I will put her policy #[…] on premium holiday to offset the additional $50/month »;

6.          Dans les jours suivants, M.P., par l’entremise de l’Intimée, souscrit aux contrats d’assurance-vie numéros […]-6 et […]-9 respectivement aux noms de J.G.G. et K.G., tel qu’il appert de l’Application no […]51, pièce PS-7, l’Application no […]52, pièce PS-8, et de lettres d’Industrielle Alliance datées des 11 et 18 septembre 2019 confirmant l’émission des contrats, pièce PS-9 et pièce PS-10;

7.          La prime mensuelle payable pour le contrat numéro […]-6 est au montant de 49,92 $, tel qu’il appert dudit contrat, pièce PS-9;

8.          La prime mensuelle payable pour le contrat numéro […]-9 est au montant de 40,94 $, tel qu’il appert dudit contrat, pièce PS-10;

9.          Le 15 octobre 2018, l’Intimée demande un congé de primes d’une durée de six (6) mois sur le contrat d’assurance numéro […]-3 au nom de M.P., tel qu’il appert d’un courriel de l’Intimée à D.S. transféré peu après à Industrielle Alliance, pièce PS-11;

10.        Le 28 janvier 2019, l’Intimée révise les besoins financiers de M.P., tel qu’il appert des notes manuscrites de l’Intimée, pièce PS-12;

11.        La même journée, cette révision mène à l’ajout d’une garantie pour maladie grave au contrat numéro […]-3, tel qu’il appert de la demande numéro […]28, pièce PS-13 en liasse;

12.        Le lendemain, M.P., par l’entremise de l’Intimée, a demandé et obtenu le retrait d’une somme de 300 $ de son fonds d’accumulation lié au contrat numéro […]-3, tel qu’il appert de la demande et sa preuve d’envoi, pièce PS-14 en liasse, et de la confirmation de transaction datée du 3 février 2019, pièce PS-15;

13.        Le 14 avril 2019, l’Intimée demande un nouveau congé de primes d’une durée de six (6) mois sur le contrat d’assurance numéro […]-3 au nom de M.P., tel qu’il appert d’un courriel de l’Intimée à D.S. transféré le lendemain à Industrielle Alliance, pièce PS-16;

14.        Alors que le solde du fonds d’accumulation en lien avec le contrat numéro […]-3 s’élevait à 2 114,88 $ en date du 17 avril 2018, pièce PS-4 en liasse, il s’élève à 1 652,03 $ en date du 17 avril 2019, tel qu’il appert du relevé du contrat en date du 17 avril 2019, pièce PS-17;

15. Pendant la même période :

a-    Des dépôts de 599,04 $ ont été effectués en lien avec le contrat numéro […]-6, tel qu’il appert du relevé dudit contrat, pièce PS-18;

b-    Des dépôts de 532,22 $ ont été effectués en lien avec le contrat numéro […]-9, pièce PS-19;

16.        Le 30 septembre 2019, l’Intimée demande un nouveau congé de primes d’une durée de six (6) mois sur le contrat d’assurance numéro […]-3 au nom de M.P., tel qu’il appert d’un courriel de l’Intimée à D.S. transféré le 3 octobre 2019 à Industrielle Alliance, pièce PS-20;

17.        Le 19 avril 2020, le solde du fonds d’accumulation en lien avec le contrat numéro […]-3 s’élevait à 811,31 $, tel qu’il appert du relevé du contrat en date du 19 avril 2020, pièce PS-21;

18.        Le 21 avril 2020, l’Intimée demande un nouveau congé de primes d’une durée de six (6) mois sur le contrat d’assurance numéro […]-3 au nom de M.P., tel qu’il appert d’un courriel de l’Intimée à D.S. transféré le même jour à Industrielle Alliance, pièce PS-22;

19.        Le 24 avril 2020, M.P. communique avec l’Intimée parce qu’elle a des questions et inquiétudes après avoir reçu un relevé, tel qu’il appert d’un échange de messages-textes entre M.P. et l’Intimée entre les 24 avril et 30 juillet 2020, pièce PS-23;

20.        La même journée, l’Intimée a une conversation téléphonique avec M.P., lors de laquelle elle lui explique que « the additional $50.00 is coming out of the funds of her policy # […]3 », tel qu’il appert des notes au dossier de l’Intimée, pièce PS-6;

21.        Suite à cet échange, M.P. a apporté des modifications aux contrats d’assurance-vie aux noms de ses filles respectant son budget mensuel de 40 $, tel qu’il appert de 2 formulaires de Request for Change datés du 6 juin 2020, pièce PS-25 et pièce PS-26, et des confirmations des transactions, pièce PS-27 en liasse et pièce PS-28 en liasse;

22.        Dans le cadre d’une plainte formulée par M.P. à Industrielle Alliance visant l’Intimée, cette dernière a expliqué ce qui suit :

« I received a phone call from my client in September of 2018, requesting a life insurance policy for her two daughters, for a total monthly premium of $40.00. I erroneously touted the proposal as a promotion, whereby which she could obtain $90.00 worth of coverage for a monthly outlay of $50.00. I explained that she could withdraw $600.00 from the accumulation fund of her life insurance policy and apply it towards the $90.00 monthly premium of her two daughters’ policies. The client expressed confusion with this concept, so I subsequently told her that I would simplify this for her. I advised Industrial Alliance to put her policy on a premium holiday, thereby offsetting the additional monthly premium of $50.00 »

Tel qu’il appert d’un Statement de l’Intimée daté du 22 septembre 2020, pièce PS-29;

23.        Dans le cadre de la plainte de M.P. à Industrielle Alliance, des modifications ont été apportées dans les contrats d’assurance de M.P. et ceux de ses filles, tel qu’il appert d’une lettre de N.B. d’Industrielle Alliance, à M.P. datée du 16 décembre 2020, pièce PS-30, et d’un Release signé par M.P. en date du 18 janvier 2021, pièce PS-32;

24. Dans le cadre de l’enquête, les informations suivantes ont été obtenues :

a-        L’Intimée a perçu une rémunération en lien avec les contrats numéros […]-9, […]-6 et […]-3, tel qu’il appert d’une lettre de D.B. d’Industrielle Alliance datée du 29 décembre 2020, pièce PS-31;

b-        M.P. n’a jamais bénéficié d’une promotion ou boni lors de la souscription de ses contrats, tel qu’il appert d’une lettre de D.B. d’Industrielle Alliance datée du 4 mars 2021, pièce PS-33;

c-         Des demandes de congé de primes ont été effectuées par l’Intimée et traitées selon une politique d’Industrielle Alliance, tel qu’il appert d’une lettre de R.V.D.H. d’Industrielle Alliance datée du 15 octobre 2021, pièce PS-36;

25.        Dans le cadre de l’enquête, l’Intimée a confirmé ne pas avoir obtenu le consentement de M.P. avant de faire les demandes de congé de primes, pièces PS-11, PS-16, PS-19 et PS-22, tel qu’il appert d’une lettre de l’Intimée à G.S., enquêteur, datée du 9 mars 2021, pièce PS-34, d’un enregistrement d’une conversation téléphonique entre l’Intimée et M.R., enquêteur, pièce PS-35, et d’échanges de courriels entre l’Intimée et M.R., enquêteur, pièce PS-37 en liasse;

26.        L’Intimée pratique la profession depuis plus de deux décennies et n’a pas d’antécédent disciplinaire;

27.        En tout temps durant l’enquête menée par la plaignante ainsi que dans le cadre des présentes procédures, l’Intimée a offert son entière collaboration. »

 

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

 

[4]          La procureure du plaignant soulève que Mme Karpman n’a pas de dossier disciplinaire, mais considère que les circonstances objectives suivantes sont aggravantes.
[5]          Elle souligne que Mme Karpman possède 25 années d’expérience, que la durée de l’infraction est d’une année et demie, que la façon d’agir est non appropriée puisqu’aucun consentement de la cliente n’a été obtenu et qu’il y a absence d’explication sur la raison d’agir.
[6]          De plus, le comportement de Mme Karpman est au coeur de l’exercice de la profession et porte donc atteinte à son image, ce qui explique que la relation professionnelle avec sa cliente n’a pas survécu.
[7]          Le procureur de Mme Karpman plaide que sa cliente a collaboré avec le syndic, qu’il n’y a aucun risque de récidive et il dépose la pièce I-2, laquelle est une lettre de Mme Karpman manifestant son regret et ses excuses.
[8]          Les deux parties ont présenté quelques causes de jurisprudence à l’appui de leurs recommandations communes de sanction, que le comité respectera.
[9]          Les parties considèrent qu’une amende de quatre mille dollars (4 000 $), plus les frais, est une sanction raisonnable dans les circonstances, compte tenu qu’il n’y a aucune preuve de préméditation ni de stratagème dans ce dossier.
QUESTION EN LITIGE
i.             La recommandation commune des parties doit-elle être confirmée par le comité?
ANALYSE ET MOTIFS
[10]       Les articles 13 et 14 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière stipulent :

« 13. Le représentant doit exposer à son client ou à tout client éventuel, de façon complète et objective, la nature, les avantages et les inconvénients du produit ou du service qu’il lui propose et s’abstenir de donner des renseignements qui seraient inexactes ou incomplets. »

« 14. Le représentant doit fournir à son client ou à tout client éventuel les explications nécessaires à la compréhension et à l’appréciation du produit ou des services qu’il lui propose ou lui rend. »   

[11]       En agissant comme elle l’a fait, Mme Karpman n’a pas respecté ses obligations envers ces articles.
[12]       Lorsqu’une recommandation commune de sanction est présentée par les parties, le comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la suggestion, mais doit plutôt y donner suite sauf dans les cas où elle déconsidère l’administration de la justice ou est contraire à l’intérêt public[4]. Tout en tenant compte des particularités de chaque dossier, il est bien établi qu’une sanction disciplinaire ne vise pas à punir un professionnel, mais plutôt à assurer la protection du public[5].
[13]       Les fourchettes jurisprudentielles de sanction sont pour un décideur des guides et non des carcans dans la détermination d’une sanction[6].
[14]       Le comité est d’accord avec les parties que la sanction proposée respecte le principe de la parité et de la globalité des sanctions. Le comité considère également que les représentations communes sont justes et raisonnables et qu’elles remplissent les objectifs visés par les sanctions en droit disciplinaire relativement à la protection du public, la dissuasion et l’exemplarité.
[15]       Le comité atteste que les recommandations soumises par les parties ne déconsidèrent pas l’administration de la justice ni ne sont contraires à l’intérêt public.
[16]       Par conséquent, le comité confirme la recommandation commune d’imposer à Mme Karpman le paiement d’une amende de quatre mille dollars (4 000 $) et le paiement des déboursés.
[17]       Le comité est d’accord que cette sanction est justifiée par les circonstances aggravantes et atténuantes apparaissant à la pièce P-1 et que la jurisprudence déposée est pertinente aux faits du dossier de Mme Karpman.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimée sous l’unique chef d’infraction contenu à la plainte disciplinaire;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimée prononcée sous l’unique chef d’infraction de la plainte disciplinaire pour avoir contrevenu aux articles 13 et 14 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLDQ, c. D-9.2, r-3);

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures quant à l’article 14 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r-3);

ET STATUANT SUR LA SANCTION

CONDAMNE l’intimée au paiement d’une amende de quatre mille dollars  (4 000 $) pour l’unique chef de la plainte;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

PERMET la notification de la présente décision à l’intimée par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), soit par courrier électronique.

 

 

(S) Me Michel Brisebois

 

 

 

Me MICHEL A. BRISEBOIS

Président du comité de discipline

 

 

(S) Antonio Tiberio

 

 

M. ANTONIO TIBERIO

Membre du comité de discipline

 

(S) Marc Gagnon

 

 

M. MARC GAGNON, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Maryse Ali

CDNP AVOCATS INC.

Procureure de la partie plaignante

 

Me David Létourneau

TRIVIUM AVOCATS INC.

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience :

14 juin 2022

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

A0740



[1]      RLRQ, c. D-9.2, r-3.

[2]      Pièce I-1.

[3]      Pièce P-1.

[4]      R. c. AnthonyCook, 2016 CSC 43 (CanLII), [2016] 2 RCS 204.

[5]      Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA).

[6]      Serra c. Médecins (Ordre professionnel des), 2021 QCTP 2 (CanLII), par. 104; Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Khiar, 2017 QCTP 98 (CanLII), par. 30-31.

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