Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

 

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

N° :

CD00-1502

 

 

 

DATE :

Le 1er août 2022

 

______________________________________________________________________

 

 

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. BGilles Lacroix, A.V.C., Pl. Fin.

Membre

Mme Dyan Chevrier, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

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SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Partie plaignante

 

c.

 

DIMITRA KOSTARIDES, conseillère en sécurité financière (certificat numéro 162615, BDNI 3676361)

 

Partie intimée

 

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SUR SANCTION

 

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[1]           La plainte comporte un seul chef d’infraction.

[2]           Ce chef reproche à l’intimée de ne pas avoir répondu véridiquement ou complètement à la question numéro 27 du formulaire intitulé « Nomination form member of the disciplinary committee Chambre de la sécurité financière », alors qu’elle posait, le 24 septembre 2020, sa candidature pour devenir membre du Comité de discipline (Comité) de la Chambre de la sécurité financière (CSF)[1].

[3]           Ce faisant, elle a contrevenu, selon le syndic, aux obligations déontologiques suivantes :

a)     D’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients, D’agir avec compétence et professionnalisme[2],

b)     D’avoir une conduite empreinte de dignité, de discrétion, d’objectivité et de modération[3];

c)     D’exercer ses activités de façon honnête ou non négligente[4].

d)     D’agir et de mener ses activités professionnelles de manière responsable avec respect, intégrité et compétence[5],

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[4]           L’intimée, qui se représente seule, enregistre un plaidoyer[6] de culpabilité, sous l’unique chef d’infraction porté contre elle.

[5]           Prenant soin de s’assurer que l’intimée comprend que, par son plaidoyer, elle reconnait le geste reproché et que celui-ci constitue une infraction déontologique, le Comité l’en déclare coupable séance tenante, pour avoir contrevenu aux dispositions invoquées au soutien de cet unique chef d’infraction.

[6]           Respectant la règle interdisant les condamnations multiples, le Comité retient plus particulièrement le 2e alinéa de l’article 16 LDPSF, pour avoir manqué de compétence et professionnalisme. Le Comité ordonne l’arrêt conditionnel des procédures quant aux autres dispositions invoquées au soutien de ce chef d’infraction.

LE CONTEXTE

[7]           Un énoncé des faits, signé par les deux parties le 30 mai 2022, révèle ce qui suit :

a)     L’intimée était au moment de l’infraction certifiée en assurance de personnes et en épargne collective[7];

b)     Elle possédait la certification en assurance de personnes depuis le 1er juin 2004;

c)      Elle a également déjà eu sa certification en épargne collective du 30 septembre 1994 au 31 mai 2003. Le 18 juin 2003, elle a soumis une demande de remise en vigueur de sa certification en épargne, mais celle-ci a été refusée. Par la suite, elle a de nouveau été certifiée en épargne collective du 8 mars 2018 au 12 novembre 2021;

d)     Le 24 septembre 2020, l’intimée signait le formulaire « Nomination form member of the disciplinary committee Chambre de la sécurité financière » et à la lumière des informations mentionnées, a été nommée membre du comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière;

e)     Cependant, il appert qu’elle n’a pas répondu véridiquement notamment à la question numéro 27 du formulaire;

f)       La question numéro 27 se lit comme suit: « To the best of your knowledge, are you affected by any of the following situations: Have you been found guilty of a criminal act* or been convicted during the course of civil or administrative proceedings (including bankruptcy or disposal of property)? »;

g)     L’intimée aurait dû répondre « YES » à la question plutôt que « NO » puisque :

1.    Le 13 février 2004, le Bureau de décision de révision en valeurs mobilières a émis une ordonnance lui interdisant certaines opérations sur valeurs;

2.    Le 22 juin 2004, le comité décisionnel du Bureau des services financiers décide de refuser la délivrance du certificat de l’intimée dans la discipline de courtage en épargne collective car il est d’avis qu’elle ne représente pas la « probité nécessaire »;

3.    Le 6 décembre 2006, deux (2) de ses propriétés ont été saisies puis vendues sous contrôle de justice en raison d’un défaut de verser les sommes dues à la suite d’une entente de dédommagement survenue dans le contexte d’un litige civil où l’intimée avait notamment signé un « Partial Acquiescence to the demand »;

h)     Le 18 novembre 2021, en raison notamment de la présente enquête, l’intimée a démissionné de ses fonctions à titre de membre du comité de discipline;

i)       L’intimée n’a aucun antécédent disciplinaire;

j)       Elle est présentement âgée de 55 ans;

k)      Bien qu’elle soit toujours certifiée en assurance de personnes, l’intimée occupe maintenant un emploi comme directrice des ressources humaines pour une firme en technologie;

l)       L’intimée reconnait que le processus de sélection pour devenir membre du comité de discipline devait être pris au sérieux. Elle a fait preuve de négligence lorsqu’elle a rempli le formulaire de manière expéditive en faisant abstraction d’événements de son passé professionnel.

 

RECOMMANDATIONS SUR SANCTION

Le plaignant

[8]           En l’absence de précédents du CDCSF sur des infractions semblables, le syndic s’est inspiré de décisions rendues par d’autres ordres professionnels[8], pour soumettre sa recommandation. Il en ressort que les sanctions imposées sur ce type d’infraction liées à la profession sont de deux ordres : une période de radiation dans les cas graves, et le paiement d’une amende dans les autres cas.

[9]           Considérant les faits rapportés et les facteurs énoncés plus particulièrement aux alinéas h) à i) de l’énoncé des faits, le plaidoyer de culpabilité et l’entière collaboration de l’intimée, le syndic recommande le paiement d’une amende dont il laisse par ailleurs au Comité le soin d’en fixer le montant.

[10]        Enfin, il demande la condamnation de l’intimée au paiement des déboursés.

L’intimée

[11]       Madame Kostarides suggère de lui imposer l’amende minimale de 2 000 $[9].

[12]       Toutefois, si le Comité estime qu’une amende plus substantielle s’impose, elle demande de lui accorder un délai pour en effectuer le paiement.

QUESTION EN LITIGE

Quelle est l’amende appropriée à l’infraction commise par l’intimée?

ANALYSE ET MOTIFS

[13]        En matière disciplinaire, la sanction doit coller aux faits du dossier, chaque cas étant un cas d’espèce. Parmi les facteurs objectifs que la sanction doit atteindre, il y a d’abord la protection du public, ensuite « la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité à l'égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et enfin, le droit par le professionnel visé d'exercer sa profession »[10].

[14]        Les condamnations, occultées par la réponse négative de l’intimée sur le formulaire de candidature, remontent aux années 2000 à 2006. Bien que très sérieuses, elles s’avèrent être des condamnations de nature civile et non criminelle.

[15]        L’intimée n’avait pas encore siégé comme membre du Comité de discipline de la CSF quand le syndic a entrepris l’enquête à son sujet. Elle n’a pas cherché à nier les faits et a démissionné aussitôt.

[16]        Aucun consommateur n’est impliqué dans l’infraction commise.

[17]        L’intimée n’a aucun antécédent disciplinaire à la CSF. Il s’agit d’un événement unique alors qu’en septembre 2020, elle exerçait la profession depuis déjà une vingtaine d’années.

[18]        L’intimée exprime des regrets sincères et reconnaît qu’elle se devait de remplir le formulaire de candidature avec toute l’attention nécessaire et non à la hâte.

[19]        Elle exerce actuellement en ressources humaines. Cependant, sa pratique en épargne collective lui manque. Elle désire l’exercer à nouveau. Par ailleurs, elle n’a pas l’intention de renouveler son certificat en assurance de personnes.

[20]        Selon les décisions soumises par le syndic, une radiation est retenue principalement dans le cas de gestes répétés sur une certaine période ou lorsqu’il y a une pluralité de chefs d’infraction ou encore quand il y a fraude ou condamnations criminelles. Dans les autres cas, des amendes sont ordonnées.

[21]        Le Comité croit l’intimée sincère quand elle déclare qu’elle voulait remplir rapidement le formulaire constatant l’échéance imminente pour le soumettre. Cela ne l’excuse toutefois pas.

[22]        Cependant, il ne s’agit pas d’une erreur commise par malhonnêteté, mais en raison de la négligence de l’intimée.

[23]        Le CDCSF a pour mission la protection du public. Chacun de ses membres s’en trouve imparti. Ils se doivent d’être notamment rigoureux dans l’exercice de leur profession s’ils souhaitent en faire partie afin de veiller à ce que leurs pairs respectent leurs obligations déontologiques.

[24]        Aussi, considérant le critère d’exemplarité à l’égard de ceux qui pourraient être tentés d’imiter l’intimée, le Comité estime qu’il y a lieu de retenir une amende supérieure à l’amende minimale.

[25]        Par conséquent, le Comité condamnera l’intimée au paiement d’une amende de 3 750 $, ainsi qu’à celui des déboursés.

[26]       Un délai de 12 mois lui sera accordé pour ledit paiement.

[27]       Enfin, le Comité ordonnera la notification de la décision à l’intimée par voie électronique.

 

PAR CES MOTIFS, le Comité de discipline :

RÉITÈRE PRENDRE ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée sous l’unique chef d’infraction porté contre elle;

RÉITÈRE DÉCLARER l’intimée coupable sous l’unique chef d’infraction porté contre elle, pour avoir contrevenu au 2e alinéa de l’article 16 LDPSF;

ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions invoquées sous cet unique chef d’infraction.

ET STATUANT SUR LA SANCTION :

CONDAMNE l’intimée au paiement d’une amende de 3 750 $ sous le seul chef d’infraction contenu à la plainte;

ACCORDE à l’intimée un délai de 12 mois pour ledit paiement;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés, conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

ORDONNE la notification de la présente décision à l’intimée par moyen technologique, conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), en l’occurrence par courrier électronique.

 

                                 (S) Me Janine Kean

 

__________________________________

Me Janine Kean

Président du comité de discipline

 

(S) BGilles Lacroix

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M. BGilles Lacroix, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(S) Dyan Chevrier

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Mme Dyan Chevrier, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Julie Piché

Syndic de la Chambre de la sécurité financière

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimée se représente seule.

 

Date d’audience :

7 juin 2022

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 

A2210

A2212

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE

 

 

LA PLAINTE

 

 

À Montréal, le ou vers le 24 septembre 2020, alors qu’elle posait sa candidature pour devenir membre du Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière, l’intimée n’a pas agi de manière responsable et professionnelle en ne répondant pas véridiquement ou complètement à la question numéro 27 du formulaire intitulé « Nomination form member of the disciplinary committee Chambre de la sécurité financière », contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, aux articles 6 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et à l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières.

 

 

Se rendant ainsi passible d’une ou plusieurs des sanctions prescrites par les articles 376 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers et du Code des professions.

 

 

MONTRÉAL, ce 9 février 2022

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Le texte de ce chef se trouve en Annexe.

[2] Article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF).

[3] Article 6 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (Code DCSF).

[4] Article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[5] Article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (Règlement).

[6] Plaidoyer signé le 28 avril 2022.

[7] P-1, attestation de droit de pratique.

[8] Émond c. Avocats (Ordre professionnel des), 2010 QCTP 6, jugement rendu le 13 janvier 2010; Ordre des comptables professionnels agréés du Québec c. Tirabasso, 2019 CanLII 25884 (QC CPA), décision sur culpabilité et sanction rendue le 21 mars 2019; Carrier c. Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, 2019 CanLII 66881 (QC CPA), décision sur culpabilité et sanction rendue le 4 juillet 2019; Tremblay c. Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, 2019 CanLII 98834 (QC CDOII), décision sur culpabilité et sanction rendue le 24 septembre 2019; Loiselle c. Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, 2020 QCCDCPA 21, décision sur culpabilité et sanction rendue le 21 mai 2020.

[9] Article 376 LDPSF.

[10] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 37-38.

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