Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1455

 

DATE :

26 juillet 2022

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ:

Me George R. Hendy

Président

M. Gaétan Tremblay, Pl. Fin

M. François Faucher, Pl. Fin

Membre

Membre

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SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Partie plaignante

 

c.

 

BRYAN BOISSEL-BISSONNETTE, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 174617)

 

Partie intimée

 

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DÉCISION SUR SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

la non-divulgation, la non-publication et  la non-diffusion du nom et prénom du consommateur impliqué à la plainte disciplinaire et de tous renseignements à la preuve qui pourrait permettre de l’ identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

 

[1]           Le 16 décembre 2021, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») a déclaré M. Bryan Boissel-Bissonnette coupable de l’unique chef d’infraction, soit :

À Longueuil, le ou vers le 21 mars 2019, l’intimé n’a pas exercé ses activités avec compétence et professionnalisme en recommandant à J.H. de souscrire à la police d’assurance invalidité N0 […] à émission simplifiée alors que le 7 janvier 2019 l’intimé avait inscrit dans la proposition d’assurance N0 […] que cette assurée avait connu un arrêt de travail du 6 mars 2017 au 12 juin 2017, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 15 du Code de déontologie de Chambre de la sécurité financière.

APERÇU

[2]  M. Boissel-Bissonnette doit être sanctionné pour avoir contrevenu à l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, en n’ayant pas exercé ses activités avec compétence et professionnalisme lorsqu’il a recommandé le produit Humania à J.H, alors qu’il aurait dû savoir qu’elle avait eu un arrêt de travail en 2017, cette information étant à son dossier client.

[3]  Lors de l’audition sur sanction tenue le 5 avril dernier, les parties ont présenté une recommandation commune sur sanction, soit l’imposition d’une amende de 5 000 $ en regard de l’unique chef d’infraction.

[4]  Pour ce qui est de la condamnation de M. Boissel-Bissonnette au paiement des déboursés, la position respective des parties diffère. Le plaignant recommande la condamnation au paiement total des déboursés alors que l’intimé suggère la condamnation à la moitié d’entre eux.

QUESTIONS EN LITIGE

[5]  Le comité doit déterminer si la recommandation commune des parties déconsidère l’administration de la justice ou si elle est contraire à l’intérêt public. Il doit de plus déterminer le pourcentage des déboursés auquel M. Boissel-Bissonnette doit être condamné.

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

[6]  Le plaignant a d’abord mentionné que la sanction suggérée par les parties est conforme aux précédents jurisprudentiels en semblable matière.

[7]  Comme facteurs objectifs, le plaignant a mentionné :

         la protection du public;

         la gravité objective de l’infraction;

         l’infraction qui est au cœur de l’exercice de la profession et qui porte atteinte à l’image de celle-ci.

[8]  Comme facteurs subjectifs liés à M. Boissel-Bissonnette, le plaignant a mentionné l’âge du représentant (36 ans), le fait qu’il est toujours actif dans l’industrie, son expérience professionnelle (soit plus d’une dizaine d’années), ce qui aurait dû le prémunir contre la commission d’une telle infraction. De même, M. Boissel-Bissonnette n’a exprimé aucun repentir et ne semble pas reconnaître sa faute. Le plaignant a également fait référence à un antécédent disciplinaire[1], de même qu’à un antécédent administratif[2]. Enfin, bien qu’il s’agisse d’un facteur neutre, M. Boissel-Bissonnette a collaboré à l’enquête du syndic.

[9]  Quant aux facteurs subjectifs liés à l’infraction, le plaignant a mentionné :

         Aucune malhonnêteté de la part de M. Boissel-Bissonnette; il s’agit plutôt d’un défaut d’agir avec compétence et professionnalisme[3];

         Une seule consommatrice est impliquée, qui n’a subi aucun préjudice puisque les primes payées lui ont été remboursées lorsque la police d’assurance a été annulée;

         Il s’agit d’une faute isolée.

[10]        Le plaignant a référé à la jurisprudence déposée par la partie intimée, en ajoutant celle-ci :

                     Chambre de la sécurité financière c. Couture, 2014 CanLII 46614 (QC CDCSF).

[11]        Le plaignant soumet que la recommandation commune soumise par les parties respecte la fourchette des sanctions imposées par la jurisprudence pour des cas semblables et qu'elle ne déconsidère pas l'administration de la justice ni n’est contraire à l'intérêt public.

[12]        M. Boissel-Bissonnette a fait part au Comité qu’il s’agit d’un incident isolé, résultant d’une situation exceptionnelle. Il aurait dû remettre en question les réponses données par sa cliente lors de la souscription de la police d’assurance, ce qu’il n’a pas fait. Il ne s’agit toutefois pas d’une négligence de la part de l’intimé, mais plutôt de la consommatrice.

[13]        Comme facteurs atténuants, M. Boissel-Bissonnette a ajouté que le risque de récidive est faible, en raison des faits très particuliers du présent cas. Il a insisté sur sa collaboration à l’enquête menée par le syndic et a ajouté qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir reconnu sa culpabilité.

[14]        Concernant l’antécédent disciplinaire et celui administratif, M. Boissel-Bissonnette a mentionné qu’il s’agit d’événements datant de plus de dix ans, qui plus est, au début de sa carrière.

[15]        Également, le dépôt de la présente plainte disciplinaire et le processus qui a suivi sont des éléments qui, selon lui, sont suffisamment dissuasifs, rendant ainsi  le risque de récidive quasiment nul.

[16]        Il a enfin référé à ces décisions à l’appui de la recommandation commune des parties :

                     Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA);

                     Chambre de la sécurité financière c. Kabeya, 2020 QCCDCSF 27;

                     Chambre de la sécurité financière c. Derkson, 2015 QCCDCSF 32;

                     Chambre de la sécurité financière c. Abadi, 2020 QCCDCSF 24;

                     Chambre de la sécurité financière c. Bazelais, 2022 QCCDCSF 5;

                     Chambre de la sécurité financière c. Dorval, 2021 QCCDCSF 6;

                     Chambre de la sécurité financière c. Haché, 2010 CanLII 99862 (QC CDCSF);

                     Chambre de la sécurité financière c. Latreille, 2013 CanLII 43427 (QC CDCSF);

                     Chambre de la sécurité financière c. Legros, 2020 QCCDCSF 52;

                     Chambre de la sécurité financière c. Mantha, 2006 CanLII 59853 (QC CDCSF);

                     Chambre de la sécurité financière c. Simard, 2018 QCCDCSF 44.

[17]        En ce qui a trait à la question des déboursés, M. Boissel-Bissonnette a plaidé que, puisque le comité a suspendu conditionnellement les procédures en regard de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et qu’il a inscrit « l’intimé devant être sanctionné uniquement en vertu de l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière »[4], imposer l’entièreté des déboursés irait à l’encontre de la volonté du comité. Il s’appuie notamment sur la décision Kabeya, ci-haut citée.

[18]        En réplique à ce dernier argument, le plaignant affirme que l’interprétation donnée de la décision Kabeya par l’autre partie est erronée et que M. Boissel-Bissonnette a été reconnu coupable sous les deux dispositions de rattachement, contrairement à l’intimé Kabeya qui a été acquitté sous l’une d’entre elles. Selon lui, le comité devrait donc condamner, M. Boissel-Bissonnette au paiement de l’ensemble des déboursés.  

ANALYSE ET MOTIFS

[19]        Lorsque des parties, représentées par des procureurs d’expérience, présentent des recommandations communes au comité, ce dernier ne doit pas s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction proposée. Il doit y donner suite, sauf s’il juge qu’elle est contraire à l’intérêt public ou qu’elle déconsidère l’administration de la justice.

[20]        Pour les raisons ci-après, le comité donnera suite à la recommandation commune présentée par les parties et condamnera M. Boissel-Bissonnette au paiement d’une amende de 5 000 $.

[21]        La gravité objective de l’infraction reprochée est indéniable. L’infraction commise est au cœur de l’exercice de la profession et porte atteinte à l’image de celle-ci.

[22]        M. Boissel-Bissonnette n’aurait pas dû recommander la police d’assurance invalidité à émission simplifiée Humania à J.H., alors que l’arrêt de travail de celle-ci la rendait inéligible pour cette couverture. Il se devait de vérifier son dossier client avant la rencontre avec J.H. et incidemment avant la soumission de cette police à l’assureur.  

[23]        Le comité considère pertinents les facteurs énoncés par les parties, notamment l’expérience professionnelle de M. Boissel-Bissonnette (plus de dix ans), aucun préjudice n’a été subi par J.H. puisque les primes d’assurance lui ont été remboursées, l’antécédent disciplinaire de M. Boissel-Bissonnette.

[24]        Considérant ce qui précède, après révision des éléments, tant objectifs que subjectifs, atténuants qu'aggravants qui lui ont été présentés, le comité est d'avis que l'imposition de la sanction recommandée par les parties constitue une sanction juste et appropriée, adaptée à l’infraction pour laquelle M. Boissel-Bissonnette a été trouvé coupable, ainsi que respectueuse des principes d'exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction.

[25]        Le comité entérinera donc la représentation commune sur sanction des parties et imposera à M. Boissel-Bissonnette le paiement d’une amende de 5 000 $.

[26]        En ce qui a trait au paiement des déboursés, la position des parties diffère. Pour les raisons ci-après exposées, le comité condamnera M. Boissel-Bissonnette au paiement complet de ceux-ci.

[27]        M. Boissel-Bissonnette prétend qu’il doit être condamné au paiement de la moitié des déboursés, puisque le comité a prononcé la suspension conditionnelle des procédures quant à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et a ajouté qu’il devait être sanctionné uniquement en regard de l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière. Il s’appuie notamment sur la décision Kabeya.

[28]        Comme mentionné dans la décision Kabeya, « la condamnation aux déboursés se faisant habituellement en proportion du nombre de manquements pour lesquels un intimé est trouvé coupable »[5]. Or, M. Boissel-Bissonnette n’a été acquitté d’aucune des dispositions de rattachement invoquées au soutien du chef d’infraction contenu à la plainte disciplinaire.

[29]        Il a en effet été reconnu coupable d’avoir contrevenu autant à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers qu’à l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, contrairement à l’intimé Kabeya qui avait été acquitté de l’une des dispositions de rattachement invoquée au soutien du chef d’infraction contenu à la plainte disciplinaire.

[30]        La suspension conditionnelle ordonnée dans la décision sur culpabilité respecte les enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Kienapple[6], dont l’application a été maintes fois répétée par les tribunaux supérieurs, dont le Tribunal des professions[7].

[31]        Qui plus est, sur la question des déboursés, le Tribunal des professions dans la décision Guillot[8], affirme ce qui suit :

« [53] Vu qu’une suspension conditionnelle des procédures aurait dû être prononcée sur le chef prévu à l’article 2.04 du Code de déontologie, et non un acquittement, il n’est plus de motif justifiant de diviser les déboursés entre les parties, et l’intimé devra en conséquence assumer tous les déboursés, […] ».

[32]        De cette façon, le comité ne voit aucune raison dans le présent cas justifiant l’imposition de seulement le paiement de la moitié des déboursés. Ainsi, il condamnera l’intimé au paiement de l’ensemble de ces frais, en conformité avec les dispositions de l’article 151 du Code des professions.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 5 000 $ sous l’unique chef d’infraction contenu à la plainte disciplinaire;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

PERMET la notification de la présente décision à l’intimé par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), à savoir par courrier électronique.

 

 

 

(S) Me George R. Hendy

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Me George R. Hendy

Président du comité de discipline

 

(S) Gaétan Tremblay

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M. Gaétan Tremblay, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(S) François Faucher

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M. François Faucher, Pl. Fin

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Marie-Christine Bourget

THERRIEN COUTURE JOLICOEUR

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Maurice Charbonneau

TRIVIUM AVOCATS INC.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

5 avril 2022

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Pièce SP-1.

[2] Pièce SP-2.

[3] Chambre de la sécurité financière c. Boissel-Bissonnette, 2021 QCCDCSF 79, décision sur culpabilité, par. 30.

[4] Préc., note 3, conclusion de la décision sur culpabilité.

[5] Chambre de la sécurité financière c. Kabeya, 2020 QCCDCSF 27, par. 85.

[6] Kienapple c. R., 1974 CanLII 14 (CSC), [1975] 1 RCS 729.

[7] Kenny c. Dentistes (Corporation professionnelle des), [1993] D.D.C.P. 214 (T.P.); Administrateurs agréés (Ordre professionnel des) c. L’Écuyer, 2005 QCTP 38; Lapointe c. Chen, 2019 QCCA 1400; Deschamps c. Gabriel, 2012 QCCQ 7874; Lessard c. Castiglia, 2007 QCCQ 11359; Bégin c. Comptables en management accrédités, 2008 QCTP 195; Psychologues (Ordre professionnel des) c. Vallières, 2018 QCTP 121; Courchesne c. Médecins (Ordre professionnel des), 2019 QCTP 53.

[8] Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Guillot, 2006 QCTP 112.

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