Chambre de la sécurité financière (Québec)

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comité de discipline

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

canada

province de québec

 

 

 

N°:

CD00-1481

DATE:

9 mai 2022

le comité :

Me Claude Mageau

Mme Pascale Gagné

M. Patrick Haussmann, A.V.C.

Président

Membre

Membre

 

 

Syndic de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

VINCENT ST-GERMAIN, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 157095 et numéro BDNI 1789271)

 

Partie intimée

décision sur SANCTION

conformément à l’article 142 du code des professions, le comité a prononcé l’ordonnance suivante :

Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non‑diffusion des noms et prénoms des consommateurs concernés par la plainte disciplinaire ainsi que de toute information permettant de les identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas à tout échange d’information prévu à la Loi sur l’encadrement du secteur financier (RLRQ, c. E-6.1) et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

[1]          Le 21 février 2022, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») déclare M. Vincent St-Germain (« M. St-Germain ») coupable des deux chefs d’infraction suivants :

1.         Dans la région de Québec, entre le 26 mai 2020 et le 30 juin 2020, l’intimé n’a pas agi avec professionnalisme en négligeant de collaborer avec son cabinet dans le traitement de la plainte des clients F.G. et I.V., contrevenant ainsi aux articles 13 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières.

2.         Dans la région de Québec, depuis le 11 mars 2021, l’intimé entrave le travail de l’enquêteur de la Chambre de la sécurité financière en ne répondant pas aux demandes de renseignements qui lui sont faites et en négligeant de transmettre les documents demandés dans un courriel du 11 mars 2021, contrevenant ainsi à l’article 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

APERÇU
[2]          Le comité tient une audition sur sanction le 14 avril 2022 à laquelle M. St‑Germain n’est pas présent, ni représenté, et ce, même si valablement notifié à cet effet et après avoir été notifié aussi de la décision sur culpabilité[1].
[3]          M. St-Germain doit être sanctionné pour avoir contrevenu à l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines des valeurs mobilières en ayant négligé de collaborer avec son employeur Groupe Cloutier dans le traitement de la plainte de ses deux clients F.G. et I.V. (chef d’infraction 1) et pour avoir entravé le travail de l’enquêtrice du syndic contrevenant ainsi à l’article 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (chef d’infraction 2).
[4]          La procureure du plaignant recommande au comité qu’une période de radiation temporaire d’un mois soit ordonnée à M. St-Germain pour le chef d’infraction 1 et une période de radiation temporaire de trois mois pour le chef d’infraction 2, les deux radiations devant être purgées de façon concurrente.
[5]          Elle suggère aussi qu’un avis de la décision soit publié et que M. St‑Germain soit condamné aux déboursés.
[6]          Enfin, elle recommande que les périodes de radiation temporaire et l’avis de publication n’aient lieu qu’au moment où M. St-Germain soit réinscrit comme représentant, le cas échéant.
LA QUESTION EN LITIGE
i.             En tenant compte des circonstances propres au dossier de M. St‑Germain, quelles sont les sanctions appropriées que le comité devrait rendre?
ANALYSE ET MOTIFS
[7]          M. St‑Germain doit être sanctionné pour deux chefs d’infraction faisant suite à des plaintes faites par deux consommateurs concernant des représentations qu’il leur aurait faites.
[8]          En droit disciplinaire, contrairement au droit criminel où on retrouve au Code criminel les objectifs et principes devant guider les tribunaux pour l’imposition d’une peine, le Code des professions est très laconique relativement aux objectifs généraux de la sanction disciplinaire[2].
[9]          En fait, le seul véritable guide pour le décideur en matière disciplinaire en ce qui concerne les objectifs de la sanction se trouve à l’arrêt Pigeon c. Daigneault[3].
[10]       La Cour d’appel établit que la règle fondamentale en matière d’imposition d’une sanction disciplinaire doit être son individualisation[4].
[11]       Ainsi, elle explique qu’une sanction doit atteindre les objectifs suivants :
(i)            La protection du public;
(ii)          La dissuasion du professionnel de récidiver;
(iii)         L’exemplarité à l’égard des autres membres;
(iv)         Le droit du professionnel d’exercer sa profession (ce critère arrivant en dernier lieu)[5].
[12]       Le Tribunal des professions dans l’affaire Serra mentionne qu’« en matière disciplinaire, le principe jurisprudentiel établissant que la sanction ne doit pas être punitive signifie que les mesures prises ne doivent pas uniquement sanctionner un comportement fautif mais veiller à ce que ce comportement ne se reproduise plus » et que « le but visé par la sanction disciplinaire est la protection du public et pour l’atteindre, les conseils de discipline doivent trouver un juste équilibre entre tous ces objectifs, en insistant à l’occasion sur l’un ou l’autre en relation avec le cas particulier, mais pas au détriment des autres objectifs »[6].
[13]       De plus, il conclut qu’« en définitive, un conseil de discipline qui ne considère pas à sa juste valeur les principes de l’individualisation et de la proportionnalité risque fort de commettre une erreur de principe et d’imposer une sanction manifestement non indiquée »[7].
[14]       Compte tenu de ce qui précède, le comité est d’opinion que la recommandation de sanctions faite par la procureure du plaignant appuyée par les précédents jurisprudentiels soumis[8] est tout à fait appropriée pour les raisons suivantes.
[15]       Tout d’abord, sans contredit, la gravité objective de l’infraction reprochée est indéniable, plus particulièrement en ce qui concerne l’infraction d’entrave reprochée au chef d’infraction 2.
[16]       En effet, comme le mentionne la Cour d’appel du Québec « la jurisprudence et la doctrine ont réitéré à maintes reprises l’importance fondamentale de collaborer avec le syndic et les tribunaux ont tendance à sanctionner l’entrave du travail du syndic plus sévèrement en raison de son effet hautement préjudiciable sur le système »[9].
[17]       Le Tribunal des professions dans l’affaire Serra a aussi déclaré récemment que « le devoir de collaboration du professionnel est essentiel au bon fonctionnement du système professionnel mis en place par le Code des professions » et que « l’entrave au travail du syndic est une faute déontologique grave »[10].
[18]       L’importance de cette obligation du professionnel à l’égard de son syndic a d’ailleurs été consacrée en 2008 par le législateur lorsqu’il a ajouté l’article 130 (4) du Code des professions prévoyant dorénavant que l’infraction d’entraver le travail du syndic dans son enquête en est une permettant l’obtention de l’ordonnance exceptionnelle qu’est la radiation provisoire du professionnel, si la protection du public l’exige au sens de l’alinéa 2 de l’article 133 du Code des professions[11].
[19]       En plus de cette très grande gravité objective de l’infraction d’entrave, le comité considère les éléments objectifs suivants pertinents quant aux infractions reprochées à M. St-Germain :

                    Son attitude désinvolte démontrée face aux demandes répétées de l’enquêtrice du syndic et de son employeur;

                    Le fait qu’il n’a toujours pas répondu aux demandes de l’enquêtrice du syndic et de la syndique adjointe;

                    Sa fausse représentation faite à l’enquêtrice à l’effet qu’il était en arrêt de travail au moment où elle lui demandait de lui fournir les renseignements et documents demandés.

[20]       Au niveau subjectif, le comité est d’opinion qu’il existe un seul facteur pouvant militer en faveur de M. St‑Germain soit le fait qu’il n’ait pas d’antécédent disciplinaire.
[21]       Il n’était pas un jeune représentant sans expérience lorsqu’il a commis les infractions reprochées, ayant près de vingt années d’expérience.
[22]       M. St-Germain n’est plus inscrit à titre de représentant de courtier en épargne collective depuis le 30 juin 2020 et ne l’est plus à titre de représentant en assurance de personnes depuis le 31 octobre 2021.
[23]       Il n’a pas collaboré avec son employeur pour répondre à la deuxième plainte des deux consommateurs, et ce, malgré plusieurs demandes de ce faire.
[24]       M. St-Germain n’a toujours pas répondu aux nombreuses demandes de renseignements et de documents faits par le bureau du syndic.
[25]       Cette désinvolture de sa part s’est poursuivie une fois la plainte disciplinaire déposée par son absence de participation au processus disciplinaire tant au niveau de l’audition sur culpabilité que celle sur sanction.
[26]       Il a faussement prétendu à l’enquêtrice avoir été en arrêt de travail alors que la preuve est à l’effet que pendant la période où l’enquêtrice tentait d’obtenir l’information demandée, il avait soumis onze propositions d’assurance individuelle à titre de représentant en assurance de personnes[12].
[27]       En plus, tel que mentionné par l’enquêtrice du syndic, pendant cette période, la boîte vocale de M. St-Germain était saturée de messages et il était par conséquent impossible pour ses clients de le rejoindre.
[28]       Cette attitude de la part de M. St-Germain amène le comité à croire que le risque de récidive est élevé advenant qu’il décide de revenir dans l’industrie comme représentant.
[29]       Parmi les décisions soumises par la procureure du plaignant, on retrouve aux affaires Butler[13] et Seales[14] des cas où le comité a ordonné des radiations temporaires pour une période de trois mois pour avoir entravé le travail du syndic ou d’avoir fait défaut de lui répondre.
[30]       Ainsi, dans l’affaire Butler, le comité a ordonné une telle période de radiation temporaire à l’intimé qui n’avait pas d’antécédent disciplinaire, n’était plus inscrit comme représentant et qui avait aussi été congédié par son employeur pour ne pas avoir collaboré et répondu aux demandes de documents et de renseignements du syndic.
[31]       Dans l’affaire Seales, pour quatre chefs d’infraction d’avoir fait défaut de répondre au syndic et d’avoir nui à son travail sur une période de deux mois, la même sanction a été ordonnée par le comité.
[32]       Dans cette affaire Seales, l’intimé, qui n’avait pas d’antécédent disciplinaire, avait aussi fait l’objet d’une radiation temporaire pour une période d’une année pour un autre chef d’infraction lui reprochant d’avoir mis en place un stratagème de prête-nom.
[33]       En plus de ces deux décisions, le comité a répertorié plusieurs autres décisions où des radiations temporaires pour une période de trois mois avaient aussi été ordonnées par le comité pour le même genre d’infraction[15].
[34]       Le comité est d’opinion qu’une telle période temporaire de radiation pour trois mois est appropriée en l’espèce dans sa globalité pour les deux infractions reprochées.
[35]       Cela étant, le comité considère que la suggestion de sanctions présentée par la procureure du plaignant est appropriée dans les circonstances.
[36]       En considérant les éléments tant objectifs que subjectifs, atténuants qu’aggravants, le comité est d’avis qu’il s’agit dans sa globalité d’une sanction juste et appropriée, respectueuse des principes de protection du public, d’exemplarité et de dissuasion et conforme aux principes jurisprudentiels applicables.
[37]       Le comité ordonnera donc la radiation temporaire de M. St-Germain pour une période d’un mois sous le chef d’infraction 1 et une radiation temporaire pour une période de trois mois sous le chef d’infraction 2, lesdites radiations devant être purgées de façon concurrente.
[38]       Ces radiations temporaires seront cependant exécutoires seulement au moment où M. St-Germain reprendra son droit de pratique, le cas échéant, à la suite de l’émission à son nom d’un certificat de la part de l’Autorité des marchés financiers.
[39]       Le comité est aussi d’avis d’ordonner la publication d’un avis de la décision et de condamner M. St-Germain au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline statuant sur sanction quant aux deux chefs d’infraction de la plainte disciplinaire :

ordonne, sous le chef d’infraction 1, la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois;

ordonne, sous le chef d’infraction 2, la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois mois, à être purgée de façon concurrente avec celle ordonnée au chef d’infraction 1;

ORDONNE que ces périodes de radiation temporaire ne commencent à courir, le cas échéant, qu’au moment où l’intimé reprendra son droit de pratique, à la suite de l’émission à son nom d’un certificat par l’Autorité des marchés financiers ou par toute autre autorité compétente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal circulant dans les lieux où ce dernier a eu son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’article 156 (7) du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de ne procéder à cette publication qu’au moment où l’intimé reprendra son droit de pratique et que l’Autorité des marchés financiers ou toute autre autorité compétente émettra un certificat en son nom;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

PERMET la notification de la présente décision à l’intimé par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25), à savoir par courrier électronique.

 

 

 

 

(S) Me Claude Mageau

 

Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

 

(S) Pascale Gagné

 

Mme PASCALE GAGNÉ

Membre du comité de discipline

 

 

(S) Patrick Haussmann

 

M. PATRICK HAUSSMANN, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

Me Sylvie Poirier

CDNP AVOCATS INC.

Avocats de la partie plaignante

M. Vincent St-Germain
Partie intimée
Absent et non représenté

Date d’audience : 14 avril 2022

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]      Pièce CS-1.

[2]      Serra c. Médecins (Ordre professionnel des), 2021 QCTP 2 (CanLII), par. 112.

[3]      Id., par. 113; Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA).

[4]      Pigeon c. Daigneault, préc., note 3, par. 37.

[5]      Pigeon c. Daigneault, préc., note 3, par. 43.

[6]      Serra c. Médecins (Ordre professionnel des), préc., note 2, par. 111 et 116.

[7]      Id., par. 121.

[8]      Pigeon c. Daigneault, préc., note 3; Chambre de la sécurité financière c. Côté, 2020 QCCDCSF 30 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Aoui, 2020 QCCDCSF 54 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Auclair, 2017 QCCDCSF 6 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Michaud, 2020 QCCDCSF 6 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Butler, 2010 CanLII 99879 (QC CDCSF); Serra c. Médecins (Ordre professionnel des), 2021 QCTP 1 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Seales, 2015 QCCDCSF 14 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Dupras-Doroftei, 2021 QCCDCSF 50 (CanLII).

[9]      Terjanian c. Lafleur, 2019 QCCA 230 (CanLII), par. 50; Anthony Battah et Fedor Jila, « Les sanctions en matière d’entrave au travail du syndic : fini, les tapes sur les doigts », Barreau du Québec, Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire (2017), Yvon Blais, p. 203-220.

[10]     Serra c. Médecins (Ordre professionnel des), préc., note 8, par. 122.

[11]     Code des professions, RLRQ, c. C-26, art. 130 (4).

[12]     Chambre de la sécurité financière c. St-Germain, 2022 QCCDCSF 8 (CanLII); Pièces P-26 à P-33.

[13]     Chambre de la sécurité financière c. Butler, préc., note 8.

[14]     Chambre de la sécurité financière c. Seales, préc., note 8.

[15]     Chambre de la sécurité financière c. D'Amore, 2010 CanLII 99843 (QC CDCSF), conf. par 2011 QCCQ 20563 (CanLII) et 2012 QCCA 100 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Haché, 2010 CanLII 99862 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Nadeau, 2010 CanLII 99844 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Rai, 2009 CanLII 37371 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Morin, 2010 CanLII 99850 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Trempe, 2010 CanLII 99863 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Jolicoeur, 2006 CanLII 59881 (QC CDCSF).

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