Chambre de la sécurité financière (Québec)

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comité de discipline

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

canada

province de québec

 

 

 

N°:

CD00-1388

DATE :

26 mai 2022

le comité[1] :

Me George R. Hendy

M. Denis Petit, A.V.A.

Président

Membre

 

 

Syndic de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

DAVID VEILLEUX, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurances collectives et représentant de courtier en épargne collective (certificat numéro 133951, BDNI 1607941)

 

Partie intimée

décision sur SANCTION

conformément à l’article 142 du code des professions, le comité a RÉITÉRÉ l’ordonnance suivante :

Ordonnance de non-divulgation, de non-diffusion et de non-publication du nom et prénom des consommateurs concernés par la plainte disciplinaire ainsi que toute information permettant de les identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas à tout échange d’information prévu à la Loi sur l’encadrement du secteur financier (RLRQ, c. E-6.1) et de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D‑9.2).

[1]          Le 2 décembre 2021[2], le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») déclare M. David Veilleux coupable de l’unique chef d’infraction, soit :

1.         À Québec, entre le 14 avril et 3 mai 2017, l’intimé a autorisé un tiers à confectionner des lettres de mandat de transfert laissant faussement croire que les clients avaient signé celles-ci, alors que les signatures y apparaissant avaient été tirées d’autres lettres, contrevenant ainsi à l’article 16 Loi sur la distribution de produits et services financiers.

APERÇU
[2]          M. Veilleux doit être sanctionné pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers en ayant autorisé un tiers, à savoir une adjointe à l’emploi de son entreprise, à confectionner des lettres de mandat de transfert laissant faussement croire que les clients avaient signé celles-ci, alors que les signatures y apparaissant avaient été tirées d’autres lettres.
[3]          Lors de l’audition sur sanction tenue le 28 mars 2022, les parties ont présenté une recommandation commune sur sanction, soit l’imposition d’une amende de 12 000 $ et la condamnation de M. Veilleux au paiement des déboursés.
QUESTION EN LITIGE
[4]          Le Comité doit déterminer si la recommandation commune des parties déconsidère l’administration de la justice ou si elle est contraire à l’intérêt public.
REPRÉSENTATIONS DES PARTIES
[5]          Le plaignant a souligné que la sanction habituellement imposée pour ce type d’infraction est une période de radiation temporaire, mais a précisé que M. Veilleux n’avait pas lui-même confectionné les faux documents. Il est plutôt question d’un manque d’encadrement de sa part envers une adjointe de son cabinet.
[6]          Comme facteurs atténuants, le plaignant a mentionné :

a)            la collaboration de M. Veilleux à l’enquête du syndic;

b)            l’implantation d’une nouvelle structure au sein de son cabinet et l’embauche de plusieurs professionnels qui détiennent une expérience et des compétences importantes, ce qui réduit le risque de récidive;

c)            l'absence de profit personnel pour M. Veilleux et de préjudice pour les consommateurs;

d)            M. Veilleux démontre des regrets face aux gestes posés;

e)            l’expérience professionnelle de M. Veilleux.

[7]          Le plaignant a indiqué que l’antécédent disciplinaire de M. Veilleux constitue plutôt un facteur neutre en l’espèce, datant de plus de vingt ans et concernant une situation particulière qui n’a pas de lien avec le présent cas.
[8]          Le plaignant a invoqué la jurisprudence suivante à l'appui de ses représentations :

a)            Chambre de la sécurité financière c. Rondeau, 2019 QCCDCSF 48;

b)            Chambre de la sécurité financière c. Stamatopoulos, 2016 QCCDCSF 42;

c)            Chambre de la sécurité financière c. Savage, 2019 QCCDCSF 46;

d)            Chambre de la sécurité financière c. Labrecque, 2020 QCCDCSF 5;

e)            Chambre de la sécurité financière c. Thibault, 2014 CanLII 59942 (QC CDCSF).

[9]          Le plaignant soumet que la recommandation commune soumise par les parties n'est pas en conflit avec la marge de manœuvre offerte par la jurisprudence pour des cas semblables et qu'elle ne déconsidère pas l'administration de la justice ni n’est contraire à l'intérêt public.
[10]       M. Veilleux a tout d’abord confirmé les propos du plaignant. Il a par la suite fait part au Comité que les mesures qu’il a mises en place au sein de son cabinet permettront d’éviter qu’une telle situation ne se produise de nouveau.
[11]       Comme facteurs atténuants, M. Veilleux a ajouté l’absence d’intention malveillante, une remise en question importante à la suite du processus disciplinaire et l’implantation d’un mécanisme de révision des tâches réalisées par les adjointes.
[12]       Il a enfin référé à ces décisions à l’appui de la recommandation commune des parties :

a)            Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA);

b)            Travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux (Ordre professionnel des) c. Tremblay, 2022 QCCDTSTCF 6.

ANALYSE ET MOTIFS
[13]       Lorsque des parties, représentées par des procureurs d’expérience, présentent des recommandations communes au comité, ce dernier ne doit pas s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction proposée. Il doit y donner suite, sauf s’il juge qu’elle est contraire à l’intérêt public ou qu’elle déconsidère l’administration de la justice[3].
[14]       Pour les raisons ci-après, le comité donnera suite à la recommandation commune présentée par les parties et condamnera M. Veilleux au paiement d’une amende de 12 000 $, en plus du paiement des déboursés.
[15]       La gravité objective de l’infraction reprochée est indéniable. L’infraction commise est au cœur de l’exercice de la profession et porte atteinte à l’image de celle-ci.
[16]       Toutefois, M. Veilleux n’a posé aucun geste proactif, ce n’est pas lui qui a falsifié les lettres de mandat, mais bien une employée chargée de voir à la signature de nouvelles lettres de transfert de mandat. Il avait par contre la responsabilité de la superviser. Bien qu’il y ait eu délégation, la responsabilité professionnelle de M. Veilleux demeure. Il ne s’en décharge pas du fait de la délégation.
[17]       En plus de ces éléments, le comité considère les éléments suivants pertinents au présent dossier :

                    Bien que l’acte fautif ait été commis pour cinq lettres de transfert de mandat, il s’agit d’un même événement, circonscrit dans le temps;

                    Il n’y a eu aucun préjudice pour les consommateurs et M. Veilleux n’en a tiré aucun bénéfice;

                    M. Veilleux a remis en question ses façons de faire et a apporté des correctifs importants à sa pratique, notamment par la mise en place d’un mécanisme de révision des tâches réalisées par les adjointes;

                    Il n’y a aucune intention malveillante de la part de M. Veilleux.

[18]       Bien que l’imposition d’une période de radiation temporaire soit commune pour ce type d’infraction, chaque cas est un cas d’espèce, et le comité est d’avis que l’imposition d’une amende élevée, à savoir 12 000 $, respecte les objectifs de la sanction disciplinaire, à savoir la protection du public, la dissuasion du professionnel de récidiver, l’exemplarité à l’égard des pairs et le droit du professionnel d’exercer sa profession[4].
[19]       Qui plus est les précédents jurisprudentiels sont, pour le comité, des guides et non pas des carcans dans la détermination d’une sanction[5].
[20]       En l’espèce, le comité juge que le fait que M. Veilleux ne soit pas l’auteur de la falsification se dissocie des précédents pour lesquels une période de radiation temporaire a été imposée.
[21]       Considérant ce qui précède, après révision des éléments, tant objectifs que subjectifs, atténuants qu'aggravants qui lui ont été présentés, le comité est d'avis que l'imposition de la sanction recommandée par les parties constitue une sanction juste et appropriée, adaptée à l’infraction pour laquelle M. Veilleux a été trouvé coupable, ainsi que respectueuse des principes d'exemplarité et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction.
[22]       Le comité entérinera donc la représentation commune sur sanction des parties.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 12 000 $ sous l’unique chef d’infraction contenu à la plainte disciplinaire;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

PERMET la notification de la présente décision à l’intimé par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), à savoir par courrier électronique.

 

 

 

 

(S) Me George R. Hendy

 

Me GEORGE R. HENDY

Président du comité de discipline

 

 

(S) M. Denis Petit, A.V.A.

 

M. DENIS PETIT, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

Me Karoline Khelfa

CDNP AVOCATS INC.

Avocats de la partie plaignante

Me Véronique Gendron
TREMBLAY BOIS
MIGAULT LEMAY s.e.n.c.r.l.
Avocats de la partie intimée

Date d’audience : 28 mars 2022

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]      Le troisième membre, M. Richard Charette, étant dans l’impossibilité d’agir, la présente décision est rendue par les deux autres membres du comité, conformément à l’article 118.5 du Code des professions et à l’article 371 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[2] Chambre de la sécurité financière c. Veilleux, 2021 QCCDCSF 72.

[3] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

[4] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 43.

[5] R. c. Lacasse2015 CSC 64, par. 57; Serra c. Médecins (Ordre professionnel des)2021 QCTP 2, par. 104Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Khiar2017 QCTP 98, par. 30-31.

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