Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

comité de discipline

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

canada

province de québec

 

 

 

N° :

CD00-1368

DATE :

18 mai 2021

le comité :

Me Claude Mageau

M. Pierre Masson, A.V.A., Pl. Fin.

M. Bruno Therrien, Pl. Fin.

Président

Membre

Membre

 

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Partie plaignante

c.

JOSÉ DE TRINIDAD, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (certificat numéro 198722, BDNI 2903381)

 

Partie intimée

décision EN ARRÊT DES PROCÉDURES ET sur CULPABILITÉ

conformément à l’article 142 du code des professions, le comité a prononcé les ordonnances suivantes :

               Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non‑diffusion du nom et prénom de la consommatrice impliquée dans la plainte disciplinaire, ainsi que de toute information se trouvant dans la preuve qui permettrait de l’identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s'applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

 

               Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non‑diffusion de toute information révélée au témoignage de M. Jacques Houde portant sur la description, la configuration, la gestion et le fonctionnement des équipements informatiques de la Chambre de la sécurité financière de même que sur les mesures mises en place pour les protéger, étant entendu cependant que cette ordonnance ne vise pas la partie de son témoignage quant à l’existence d’une panne électrique ayant eu lieu à l’automne 2018;

               Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non‑diffusion de l’information contenue aux pièces R-2, R-3 et R‑31;

               Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non‑diffusion du témoignage rendu par M. Christian Faubert devant le comité le 11 novembre 2020.

[1]       L’intimé fait l’objet d’une plainte disciplinaire portée contre lui le 11 avril 2019 se lisant comme suit :

la plainte

1.       Dans la région de Québec, entre le 21 mars 2013 et le 16 avril 2018, l’intimé a contrefait la signature de A.D. sur le document manuscrit « Situation financière révisée 20 mars 2013 », contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[2]             Le 7 février 2020, l’intimé a déposé une Requête en arrêt des procédures, laquelle fut amendée le 24 septembre 2020.
[3]             L’intimé demande l’arrêt du processus disciplinaire contre lui pour les motifs suivants :

« 1.    L’intimé, José de Trinidad, est poursuivi devant le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (ci-après le " Comité ") pour répondre d’une plainte comportant un chef d’accusation, le tout, tel qu’il appert de ladite plainte produite au soutien des présentes comme pièce R-1;

2.         L’intimé, en vertu des principes de justice naturelle, a de bons et valables motifs pour demander l’arrêt des procédures en l’instance et ce, pour les motifs ci-après énoncés;

CHRONOLOGIE

3.         Le 25 mai 2018, à Montréal, dans le cadre de l’enquête, l’intimé a été interrogé par M. Sébastien Lévesque et Mme Annie Desroches et à cette occasion, ils ont abusé des droits de l’intimé;

4.         Or, il n’y a aucune trace des abus ni dans les notes de la rencontre, ni dans les enregistrements, ce qui ne peut s’expliquer que par la falsification des enregistrements;

5.         Le 25 juin 2019, après que l’intimé ait demandé les enregistrements originaux au plaignant, ce dernier a répondu qu’ils n’existaient plus car ils sont détruits systématiquement (voir R-3);

6.         Au mois d’octobre 2019, lors d’une conférence de gestion, le Comité a demandé au plaignant de répondre aux questions de l’intimé au sujet des enregistrements de l’entrevue;

7.         Le 29 novembre 2019, le plaignant déclare, qu’il ne peut fournir les fichiers originaux car ils ont été perdus suite à une panne du réseau informatique (voir R-2);

8.         Le 2 avril 2020, en réponse à une demande d’accès à l’information, Me Marc Beauchemin, directeur aux affaires juridiques de la CSF, déclare que les fichiers originaux de l’entrevue sont détenus par la Direction principale-performance et opérations de la CSF (voir R-5);

9.         Le 30 août 2020, un rapport d’expertise confirme la falsification des enregistrements de l’entrevue (voir R-4);

MOTIFS JUSTIFIANT L’ARRÊT DES PROCÉDURES

A - Le syndic ment délibérément au Comité

10.      Pour expliquer son refus de fournir les fichiers originaux de l’entrevue de l’intimé, le syndic a déclaré le 25 juin 2019 que la CSF détruisait systématiquement les originaux des entrevues. Or, il est difficile de croire que l’organisme quasi-judiciaire qu’est la CSF viole systématiquement la Loi (voir pièce R-6);

11.      Le 29 novembre 2019, suite à la demande du Comité de répondre aux questions entourant les enregistrements de l’entrevue de l’intimé, le syndic déclare qu’il ne peut fournir les fichiers originaux car : " cette unité a subi une panne suite à la perte de 3 disques durs donc les copies originales ont été perdues à ce moment " (voir R-2). Si cela était vrai, cela reviendrait à dire que l’équipe responsable du réseau informatique de la CSF, dont Mme Valérie Sauvé, directrice, faisait partie, a fait preuve de négligence grave au point de violer la LAI en matière de conservation de documents;

12.      Le syndic cherche à induire en erreur et à tromper le Comité pour cacher la falsification des fichiers de l’entrevue;

B – Le syndic refuse de fournir les fichiers originaux

13.      Plusieurs explications contradictoires ont jusqu’à présent étés avancées par le syndic pour justifier le refus de fournir les fichiers originaux. À ce jour, il n’a pas démontré le moindre intérêt pour appuyer ses différentes allégations par des faits;

14.      Au contraire, le syndic semble disposé à tout faire pour empêcher que les fichiers originaux soient rendus disponibles;

15.      Me Marc Beauchemin, directeur aux affaires juridiques de la CSF, a officiellement déclaré que les fichiers originaux se trouvent au sein de Direction principale-performance et opérations de la CSF;

C – Les fichiers de l’entrevue ont été falsifiés;

16.      En effet, grâce à l’expertise réalisée par Teel Technologies Canada, il est maintenant possible de prouver la manipulation des fichiers de l’entrevue;

17.      M. Jacques Houde, en sa qualité de responsable des TI de la CSF, est la personne qui a produit le DVD de l’entrevue et a disposé des fichiers originaux;

D – Les enquêteurs ont abusé de mes droits

18.      Lors de l’entrevue enregistrée du 25 mai 2018, les enquêteurs, M. Sébastien Lévesque et Mme Annie Desroches, ont abusé de mes droits;

19.      Ni les notes de la rencontre produites par Mme Desroches, ni les enregistrements divulgués de l’entrevue ne contiennent aucune trace des abus;

20.      Tous ces faits apparaissent à la preuve et concernent plus que la simple crédibilité du plaignant quand il soutient ne plus pouvoir produire les fichiers originaux en ce qu’il y va de l’intégrité intrinsèque de la preuve et du système de justice disciplinaire.

21.      Je soumets respectueusement qu’il s’agit d’analyser l’ensemble des contradictions fournies pour expliquer l’absence des fichiers et de constater que cette disparition d’un élément de preuve fondamental dans le cas présent porte atteinte à la bonne foi et à l’intégrité de l’administration de la justice et de permettre que les procédures suivent leur cours compromettrait l’intégrité du tribunal.

22.      Le remède recherché et approprié est l’arrêt définitif des procédures considérant que l’audition de plainte disciplinaire " causerait à l’intégrité du système judiciaire un préjudice irréparable ", en référence à la décision rendue par la Cour d’appel du Québec dans l’affaire de Bourdon c. Commission à la déontologie policière, (2000) CANLII 10049 (QCCA). »

[4]             En réponse à la Requête en arrêt des procédures amendée de l’intimé, le plaignant présente la position suivante :

   « […] 44.       Le plaignant soutient que la requête en arrêt des procédures de l'intimé est manifestement vouée à l'échec. Que l'on aborde cette question sous l'angle de la divulgation de la preuve ou sous l'angle de l'abus de procédure (conduite répréhensible de la poursuite), les prétentions de l'intimé sont sans fondement. Contrairement à ce qu'affirme l'intimé, les faits n'appuient pas ses allégations.

   45.     Selon l'intimé la " disparition " des traces du prétendu comportement répréhensible des enquêteurs lors de l'entrevue démontre que les enregistrements ont été falsifiés.

   46.     La thèse de l'intimé repose sur un sophisme :

i)    il prétend que ses droits ont été violés;

ii)   la preuve ne permet pas de prouver que ses droits ont été violés;

iii)  la preuve est donc falsifiée.

47.      Au chapitre du comportement répréhensible des enquêteurs lors de l'entrevue, soulignons que l'intimé se borne à formuler une allégation générale et non particularisée : " l'intimé a été interrogé par M. Sébastien Lévesque et Mme Annie Desroches et à cette occasion, ils ont abusé des droits de
l'intimé
". (Requête, par. 3 et par. 18).

48.      Dans la version antérieure de sa requête en arrêt des procédures produite au Comité de discipline, l'intimé avait été un peu plus précis en affirmant ceci :

" Lors de l'entrevue du 25 mai 2018, l'enquêteur au dossier, M. Sébastien Lévesque, a abusé de mes droits. Il m'a menacé et intimidé à répétition et avec énergie. L'enquêtrice qui prenait des notes, Mme Annie Desroches a été témoin de ces abus et n'a rien fait. Je n'étais pas assisté par un avocat. " [18]

                                                                     (notre soulignement)

49.      Cette allégation se rapproche des représentations faites lors de la conférence de gestion du 21 octobre 2019, alors que l'intimé avait affirmé avoir fait l'objet d'une enquête abusive et avoir reçu " des menaces et de l'intimidation de façon très marquée ".[19]

50.      Cette version des faits de la part de l'intimé laisse donc entendre que le comportement répréhensible de l'enquêteur Lévesque était répété et intense. Bref, facilement observable.

51.      Une analyse du contenu des enregistrements rend tout simplement invraisemblables les allégations de l'intimé. Le déroulement de l'entrevue, l'attitude de l'intimé et des enquêteurs, le ton des échanges sont autant d'éléments qui sont incompatibles avec la prétention de l'intimé.

52.      Les paroles prononcées par l'intimé à la toute fin de l'entrevue sont particulièrement éloquentes et discréditent irrémédiablement les plaintes de l'intimé :

" ... merci beaucoup de de... votre tact, de la façon dont vous travaillez c'est apprécié malgré le contexte un peu difficile, puis merci pour la compréhension du retard. "

53.      Quant aux traces de la falsification des enregistrements, l'intimé offre peu de détails dans sa requête.

54.      Pourtant, lors de la conférence de gestion du 21 octobre 2019, l'intimé avait déclaré au Comité de discipline avoir décelé " très très facilement... plusieurs anomalies dans la vidéo transmise " [20].

55.      Malgré cela, la seule précision fournie par l'intimé relativement à la falsification des enregistrements provient des informations communiquées à son expert :

"Mr de Trinidad believed that at approximately 3 hours and 40 minutes into the four-hour interview, the video and audio files had been altered."[21]

56.      En écoutant attentivement les enregistrements, il est difficile de comprendre à quoi fait référence l'intimé au juste. Dans ce passage de l'entrevue, l'intimé ne fait que répéter l'aveu fait plus tôt (vers 03 :14 :00) où il avait clairement reconnu avoir créé un document à des fins de conformité et d'avoir imité la signature de sa cliente sur le document " Situation financière révisée 20 mars 2013 " (I-75).

57.      L'allégation de falsification des enregistrements présuppose également que cette falsification aurait été réalisée simultanément sur l'enregistrement audio et sur l'enregistrement vidéo, sans laisser de traces. En tout respect, imaginer une telle prouesse technologique de la part des enquêteurs du syndic ou du personnel de la CSF relève de la fantaisie.

58.      Pour appuyer sa prétention, l'intimé ajoute que le rapport d'expert confirme la falsification des enregistrements de l'entrevue. Cette autre affirmation est inexacte. Voici ce que le rapport conclut :

" Given the data information provided on the DVD, evidence of editing was not noted. " [22]

(notre soulignement)

59.      Au final, l'allégation de falsification des enregistrements de l'entrevue n'a aucune vraisemblance.

60.      C'est dans ce contexte que les nombreuses demandes de divulgation complémentaire de la preuve formulées par l'intimé et les réponses données par le plaignant doivent être évaluées […] »

(c’est l’auteur qui souligne et références omises)

HISTORIQUE DU DOSSIER
[5]             Le 11 avril 2019, le plaignant dépose contre l’intimé la plainte disciplinaire devant le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité »).
[6]             Le 29 avril 2019, l’intimé produit une déclaration reconnaissant la faute disciplinaire d’avoir contrefait la signature de sa cliente dans un document intitulé « Situation financière révisée 20 mars 2013 »[1].
[7]             Le 6 mai 2019, l’intimé change son plaidoyer et enregistre cette fois un plaidoyer de non-culpabilité à la plainte[2].
[8]             Le 22 mai 2019, le comité de discipline tient un appel du rôle provisoire et l’audition de la plainte est alors fixée au 24 octobre 2019.
[9]             Le 12 juin 2019, après avoir divulgué sa preuve à l’intimé, le plaignant l’informe qu’il a l’intention de faire entendre l’enquêteur, M. Sébastien Lévesque, au sujet d’aveux que l’intimé aurait faits lors de son entrevue le 25 mai 2018[3].
[10]          Le 20 juin 2019, l’intimé demande au procureur du plaignant qu’on lui transmette la version originale de la vidéo de ladite entrevue[4].
[11]          Le 25 juin 2019, le procureur du plaignant, en réponse à la demande de l’intimé, lui explique que le support original de la vidéo n’existe plus[5].
[12]          Le 21 octobre 2019, l’intimé demande la remise de l’audition de la plainte prévue pour le 24 octobre 2019 et informe le comité de discipline qu’il a l’intention de présenter une Requête en arrêt des procédures[6].
[13]          La demande de remise est accueillie et le comité suggère alors à l’intimé de faire parvenir au procureur du plaignant les questions et informations qu’il recherche.
[14]          Le 28 octobre 2019, l’intimé transmet au procureur du plaignant une nouvelle série de questions relativement à l’enregistrement de l’entrevue.
[15]          Le 29 novembre 2019, le procureur du plaignant répond aux questions de l’intimé et l’informe que l’original de l’enregistrement de l’entrevue du 25 mai 2018 a définitivement été perdu à cause d’une panne électrique[7].
[16]          Le 27 janvier 2020, l’intimé présente au comité de discipline une nouvelle demande d’obtenir les fichiers originaux de la caméra ayant été utilisée pour l’enregistrement vidéo de l’entrevue[8].
[17]          Le 4 février 2020, le comité rejette la demande de l’intimé en expliquant qu’il considérait les réponses fournies par le plaignant comme raisonnables et que ce dernier s’était acquitté de son obligation de divulgation de la preuve et de transmettre l’enregistrement de l’entrevue de l’intimé[9].
[18]          Le 7 février 2020, l’intimé produit une première Requête en arrêt des procédures[10].
[19]          Le 13 février 2020, le comité fixe l’audition de la Requête en arrêt des procédures de l’intimé pour les 16 et 17 avril 2020.
[20]          Le 30 mars 2020, le comité tient une conférence de gestion et l’audition de la Requête en arrêt des procédures qui était prévue pour les 16 et 17 avril 2020 est remise au 26 et 27 juillet 2020.
[21]          Le 8 juin 2020, l’intimé présente une demande en récusation de la formation du comité de discipline alors présidée par Me Lysane Cree, qui devait entendre le dossier laquelle demande est prise en délibéré par le comité.
[22]          Le 30 juin 2020, après qu’un membre de la formation ait dû se désister pour des raisons personnelles après la prise en délibéré de la demande en récusation, le comité décline juridiction et retourne le dossier au président du comité de discipline[11].
[23]          Le 21 juillet 2020, une conférence de gestion est tenue par la formation actuelle du comité.
[24]          Le 28 juillet 2020, le comité détermine un échéancier et fixe la tenue de l’audition de la Requête en arrêt des procédures de l’intimé pour les 9, 10 et 11 novembre 2020, à Québec.
[25]          Le 24 septembre 2020, l’intimé produit la Requête en arrêt des procédures amendée.
[26]          Le 3 novembre 2020, le comité décide de procéder simultanément à l’audition par visioconférence de la Requête en arrêt des procédures amendée et de l’audition sur culpabilité de l’intimé les 9, 10 et 11 novembre 2020[12].
[27]          L’audition a effectivement lieu les 9, 10, 11 et 16 novembre 2020.
[28]          La preuve présentée devant le comité vaut donc à la fois pour déterminer le bien-fondé de la Requête en arrêt des procédures amendée de l’intimé et sa culpabilité.
PREUVE DU PLAIGNANT
[29]          Le plaignant dépose les pièces suivantes :

PIÈCE P-1 :       Attestation de droit de pratique de l’intimé;

PIÈCE P-2 :       Échange de courriels entre Sébastien Lévesque et l’intimé le 17 mai 2018;

PIÈCE P-3 :       Situation financière révisée de A.D. datée du 20 mars 2013;

PIÈCE P-4A:     Proposition d'assurance-invalidité et d'assurance contre les maladies graves de Great-West de A.D. datée du 8 mai 2013;

PIÈCE P-4B :    Demande de modification et de remise en vigueur de polices d'assurance Great-West pour A.D. datée du 28 juillet 2017;

PIÈCE P-4C :    Proposition d'assurance-vie London Life pour A.D. datée du 7 février 2013);

PIÈCE P-4D :    Confirmation de la décision du client datée du 8 février 2013;

PIÈCE P-5A :    Enregistrement vidéo de la rencontre entre l’intimé et les enquêteurs, Sébastien Lévesque et Annie Desroches, le 25 mai 2018;

PIÈCE P-5B :    Enregistrement audio de la rencontre entre l’intimé et les enquêteurs, Sébastien Lévesque et Annie Desroches, le 25 mai 2018;

PIÈCE P-6 :       Notes prises par l’enquêtrice, Annie Desroches, lors de la rencontre du 25 mai 2018;

PIÈCE P-7 :       Lettre de Me Alain Galarneau à l’intimé datée du 12 juin 2019 informant l’intimé de son intention de déposer les aveux de l’intimé faits lors de rencontre du 25 mai 2018.

[30]          De plus, en réponse à la Requête en arrêt des procédures amendée de l’intimé, le plaignant dépose les pièces suivantes :
PIÈCE RP-1 :    Déclaration - comparution du 26 avril 2019;
PIÈCE RP-2 :    Déclaration - comparution de l’intimé du 6 mai 2019;
PIÈCE RP-3 :    Enregistrement de la conférence de gestion du comité en date du 21 octobre 2019;
PIÈCE RP-4 :    Requête en divulgation de la preuve du 27 janvier 2020;
PIÈCE RP-5 :    Décision du comité sur la Requête en divulgation de la preuve datée du 4 février 2020;
PIÈCE RP-6 :    Requête en arrêt des procédures de l’intimé datée du 7 février 2020.
[31]          Le plaignant fait entendre deux témoins, à savoir les deux enquêteurs du syndic, soit M. Sébastien Lévesque et Mme Annie Desroches, qui ont témoigné quant à l’entrevue qu’ils ont eue avec l’intimé le 25 mai 2018.
[32]          Tout d’abord, l’enquêteur, M. Sébastien Lévesque, explique que l’enquête concernant l’intimé lui a été assignée suite à une plainte de la consommatrice, A.D.
[33]          L’intimé est représentant en assurance de personnes et de courtier en épargne collective depuis le 19 février 2013[13].
[34]          L’enquêteur, M. Lévesque, explique qu’il a rencontré l’intimé avec sa collègue de travail, Mme Annie Desroches, le 25 mai 2018, au bureau de la Chambre de la sécurité financière (la « Chambre »), suite à une confirmation par courriel[14].
[35]          Le témoin dépose, par la suite, un document manuscrit daté du 20 mars 2013 intitulé « Situation financière révisée » signé par A.D. et l’intimé[15].
[36]          Le témoin explique qu’il s’agit d’un document qu’il a reçu de London Life qui était alors l’employeur de l’intimé et lequel document fait l’objet de la présente plainte, à savoir que la signature d’A.D. aurait été imitée par l’intimé.
[37]          Le témoin précise aussi la légende habituelle des documents de son enquête à savoir que ceux portant la lettre « I » proviennent de l’industrie en l’espèce London Life, la cote « R » du représentant, la cote « O » de l’organisme d’autoréglementation et enfin, la cote « C » du consommateur.
[38]          Ainsi, la pièce P-3 provenant de London Life qui a été déposée devant le comité est identifiée I-75 dans le cadre de son enquête.
[39]          Le témoin dépose aussi toujours en rapport à la consommatrice A.D. une proposition d’assurance invalidité et d’assurance contre les maladies graves de Great-West comme pièce P-4A, une demande de modification et de remise en vigueur de police d’assurance Great-West, pièce P-4B, une proposition d’assurance-vie London Life du 7 février 2013, pièce P-4C, et enfin, une confirmation de la décision du client datée du 8 février 2013, pièce P-4D.
[40]          La Situation financière révisée, pièce P-3, avait été confectionnée en rapport à la proposition d’assurance-vie du 7 février 2013, pièce P-4C.
[41]          Le témoin décrit, par la suite, l’entrevue qu’il a eue le vendredi 25 mai 2018 avec l’intimé alors qu’il était accompagné de sa collègue, Mme Annie Desroches.
[42]          L’entrevue a débuté vers 11h45 et a duré plus de quatre heures, incluant une pause de quelques minutes.
[43]          M. Lévesque explique que le climat de la rencontre était cordial avec des épisodes émotifs de la part de l’intimé.
[44]          Le document, pièce P-3, a été exhibé à l’intimé pendant la rencontre.
[45]          L’intimé aurait alors admis avoir contrefait la signature de la consommatrice, A.D., étant donné qu’il avait besoin d’un document pour être en mesure de répondre aux questions du service de la conformité de London Life.
[46]          L’entrevue avec l’intimé a été enregistrée, comme le veut la procédure habituelle du bureau des enquêtes, en vidéo et en audio.
[47]          L’enregistrement vidéo est à la fois le son et l’image de l’entrevue et l’enregistrement audio est fait à titre de sauvegarde en cas de problèmes avec l’enregistrement vidéo.
[48]          Le témoin, M. Lévesque, explique que l’intimé avait été informé de l’enregistrement de l’entrevue, ce qui était de toute façon évident étant donné que la caméra était dans la salle sur un trépied tout près de l’intimé.
[49]          L’enregistreuse manuelle était aussi bien à la vue de l’intimé.
[50]          L’enregistrement a duré approximativement quatre heures cinq minutes.
[51]          Une fois la rencontre terminée, le témoin explique que pour l’enregistrement audio, il a récupéré les deux fichiers MP3 et les a sauvegardés dans son système informatique.
[52]          Après s’être assuré que les deux fichiers transférés étaient conformes, il a effacé l’original sur l’enregistreuse pour utilisation ultérieure.
[53]          Pour ce qui est de l’enregistrement vidéo, le témoin explique qu’il a mis la caméra sous clé et par la suite, l’a remise à la Division technologie de l’information de la Chambre pour leur demander d’extraire l’enregistrement.
[54]          À cet effet, il a envoyé un courriel à M. Jacques Houde le 28 mai 2018, soit le lundi suivant l’entrevue[16].
[55]          M. Lévesque explique la procédure informelle existant entre lui et M. Houde pour l’extraction de l’enregistrement de la caméra et la sauvegarde de celui‑ci dans le système informatique de la Chambre, et pour la confection des DVD.
[56]          Une copie de l’enregistrement est insérée dans le dossier informatique de l’enquête et un enregistrement physique DVD était aussi confectionné.
[57]          Les deux enregistrements, vidéo et audio, sont identifiés et déposés respectivement comme pièces P-5A et P-5B.
[58]          Il témoigne à l’effet qu’il a visionné la totalité du fichier vidéo MP4 de l’entrevue, pièce P-5A.
[59]          Le fichier vidéo MP4 se trouvant au répertoire informatique de la Direction de la déontologie et de l’éthique professionnelle (« DDEP ») provient de la caméra utilisée lors de l’entrevue.
[60]          Il a aussi écouté les fichiers MP3 de l’enregistrement audio, pièce P-5B.
[61]          Le témoin déclare qu’après avoir visionné et écouté les pièces P-5A (vidéo) et P-5B (audio), celles-ci représentent fidèlement l’intégralité de l’entrevue du 25 mai 2018 avec l’intimé.
[62]          Il réitère que la pièce P-5A, soit le fichier MP4 de la vidéo, et la pièce P‑5B, soit les fichiers MP3 de l’audio, proviennent du répertoire informatique de la DDEP.
[63]          Le témoin précise que les aveux de l’intimé quant à la contrefaçon de la signature de A.D. se retrouvent à 15h14 et 15h34 de l’entrevue du fichier vidéo MP4, pièce P-5A.
[64]          Par la suite, le comité fait l’écoute en totalité de l’enregistrement de l’entrevue, pièce P-5A.
[65]          En contre-interrogatoire, le témoin mentionne qu’il ne sait pas s’il est le seul enquêteur qui procédait comme il le faisait avec M. Houde pour les enregistrements d’entrevue et il confirme qu’il n’existait pas de procédure écrite selon lui.
[66]          Il mentionne se souvenir qu’il y a eu une pause lors de l’entrevue.
[67]          Il déclare que c’est lui qui a préparé le DVD envoyé à l’experte de l’intimé qui contenait le fichier MP4 et les deux fichiers audio MP3.
[68]          Il confirme qu’après l’entrevue, il avait laissé la caméra dans un classeur sous clé pour le weekend et que la carte mémoire s’y trouvait.
[69]          Il déclare qu’il n’a pas modifié ni demandé à personne de modifier les fichiers contenant l’entrevue avec l’intimé et que les enregistrements déposés représentent bien l’intégralité de l’entrevue avec l’intimé.
[70]          Il témoigne aussi à l’effet qu’il n’a aucunement fait de menace à l’intimé pour obtenir de lui des aveux le 25 mai 2018.
[71]          Par la suite, le plaignant fait entendre Mme Annie Desroches, qui est l’enquêtrice ayant participé à l’entrevue de l’intimé le 25 mai 2018 avec l’enquêteur, M. Sébastien Lévesque.
[72]          Son rôle était surtout de prendre des notes pendant l’entrevue.
[73]          Elle confirme que la rencontre a duré près de quatre heures et que celle‑ci a été enregistrée sur caméra (vidéo) et enregistreuse (audio).
[74]          Elle explique que l’intimé a été informé au préalable que la rencontre serait enregistrée.
[75]          D’ailleurs, la caméra vidéo était dans un coin de la salle bien visible pour l’intimé.
[76]          Elle explique que cette rencontre fut très respectueuse et que la pièce P‑3 a bien été exhibée à l’intimé et lequel a confirmé que c’était clair dans sa tête qu’il avait effectivement imité audit document la signature de sa cliente, A.D.
[77]          Le témoin explique qu’elle prenait directement ses notes à partir d’un ordinateur portable et à cet effet, elle les reconnaît, pièce P-6.
[78]          En contre-interrogatoire, elle mentionne qu’elle avait alors trois ans d’expérience comme enquêtrice alors que M. Sébastien Lévesque était l’enquêteur principal.
[79]          Elle témoigne à l’effet qu’elle n’a aucunement assisté à des menaces ni à de l’intimidation de la part de l’enquêteur, M. Lévesque, et que tout était normal lors de l’entrevue.
[80]          Elle confirme que ses notes, pièce P-6, ne constituent pas une transcription exacte de ce qui s’est dit, mais plutôt un sommaire de ce qui a été mentionné par l’intimé.
[81]          Elle confirme ne pas avoir modifié ses notes après la rencontre et que le tout fait partie d’un document Word.
[82]          Elle explique qu’elle ne se souvient pas si ses notes ont été sauvegardées directement dans le dossier électronique ou si elle les a transmises par courriel à M. Lévesque.
[83]          Le procureur du plaignant dépose, par la suite, avec le consentement de l’intimé, la pièce P-7 qui est sa lettre du 12 juin 2019 adressée à l’intimé, l’informant qu’il était de l’intention du plaignant de produire l’enregistrement concernant la pièce P-3 de l’entrevue du 25 mai 2018 afin de faire la preuve d’aveux extra‑judiciaires de la part de l’intimé concernant le document I-75, pièce P-3.
PREUVE DE L’INTIMÉ
[84]          L’intimé, quant à lui, au soutien de sa Requête en arrêt des procédures amendée, a déposé les pièces suivantes :
PIÈCE R-1 :       Plainte disciplinaire;
PIÈCE R-2 :       Réponse du 29 novembre 2019 de Me Alain Galarneau à l’intimé;
PIÈCE R-3 :       Courriels de juin 2019;
PIÈCE R-4 :       Rapport d’expert de Mme Isabel Ohman;
PIÈCE R-4A :    Curriculum vitae de Mme Isabel Ohman;
PIÈCE R-5 :       Lettre du 2 avril 2020 de Me Marc Beauchemin;
PIÈCE R-8 :       Courriels de mai 2018 entre MM. Sébastien Lévesque et Jacques Houde;
PIÈCE R-9 :       Réponse de Me Marc Beauchemin datée du 24 mars 2020;
PIÈCE R-10 :    Organigramme de la Chambre de la sécurité financière;
PIÈCE R-20 :    Barreau de Montréal (document technologique);
PIÈCE R-22 :    Vidéo cutter 10 sec 2016-0517;
PIÈCE R-25 :    Points de contestation (courriel de Me Alain Galarneau du 25 mars 2020 à l’intimé);
PIÈCE R-27 :    Notes de rencontre de Mme Annie Desroches du 25 mai 2018;
PIÈCE R-31 :    Courriel du 5 novembre de Me Alain Galarneau;
PIÈCE R-32 :    Courriel Houde-Lévesque du 29 mai 2019;
PIÈCE R-33 :    L’enregistrement de la conférence de gestion tenue le 21 juillet 2020;
PIÈCE R-34 :    Procès-verbal de la conférence de gestion tenue le 28 juillet 2020;
PIÈCE D-1 :       Courriel London Life CFS – I-74.
[85]          En plus de cette preuve documentaire, l’intimé a témoigné de même que quatre autres témoins à savoir, Mme Valérie Sauvé, M. Jacques Houde, Me Gilles Ouimet, syndic, et Me Marc Beauchemin.
[86]          Mme Sauvé, M. Houde et Me Beauchemin ne sont plus à l’emploi de la Chambre, ayant été respectivement, Directrice des finances, Conseiller en informatique et Directeur des affaires juridiques et réglementaires.
[87]          L’intimé fit aussi témoigner Mme Isabel Ohman, à titre d’expert judiciaire en données informatiques (Forensic Data Expert).
[88]          Mme Sauvé indique qu’à compter de janvier 2019, en plus d’être directrice des finances, elle était aussi responsable par intérim des technologies de l’information à la Chambre alors que M. Jacques Houde était alors le responsable de la sauvegarde du système informatique.
[89]          Alors qu’elle était responsable par intérim des technologies de l’information, elle n’est pas au courant qu’une panne électrique majeure affectant le système informatique ait eu lieu, mais qu’il est possible que cela ait eu lieu avant qu’elle soit en charge.
[90]          Elle se souvient qu’il y a eu sporadiquement des pannes électriques causées par la construction du REM.
[91]          Elle précise qu’elle devait s’assurer de la mise en place des mesures de protection du système informatique de la Chambre en cas de pannes électriques.
[92]          M. Houde, quant à lui, explique qu’il est présentement directeur des technologies de l’information à Ville de Lorraine et qu’en mai 2018, il était un technicien à la Direction des technologies de l’information de la Chambre.
[93]          Il avait alors dix-sept ans d’expérience dans le domaine.
[94]          Il confirme aussi qu’il était le responsable pour la préparation de DVD à partir des fichiers vidéo reçus de la DDEP suite à des entrevues avec les représentants.
[95]          Il précise qu’il n’a jamais participé à une entrevue ayant fait l’objet d’un enregistrement.
[96]          Le témoin explique qu’il avait la même procédure avec tous les enquêteurs du bureau du syndic au niveau de la récupération des enregistrements, à savoir qu’il branchait la caméra sur son ordinateur, qu’il transférait sur celui-ci les fichiers de la caméra et qu’il consolidait par la suite les fichiers en un seul fichier, le cas échéant.
[97]          Une fois qu’il avait gravé le DVD contenant les fichiers reçus, il envoyait un courriel à l’enquêteur pour l’informer qu’il pouvait venir récupérer le DVD.
[98]          En référant au courriel du 25 juin 2019 transmis par Me Galarneau à l’intimé, pièce R-3, qui explique alors à l’intimé que le support original de l’enregistrement vidéo n’existait plus, il confirme que le cheminement qui y est mentionné est exact, sauf qu’en ce qui concerne la DDEP, il ne s’agit pas d’un réseau, mais plutôt d’un répertoire informatique.
[99]          Aussi, il explique que c’est à partir du DVD confectionné qu’il transfère par la suite dans le répertoire de la DDEP le contenu de l’entrevue après avoir utilisé un logiciel connu au nom de « HandBrake ».
[100]       Par la suite, le témoin prend connaissance du courriel du 29 novembre 2019 de Me Galarneau adressé à l’intimé, pièce R-2, et il confirme qu’il est d’accord avec son contenu.
[101]       Il confirme aussi que les fichiers originaux de l’enregistrement avaient été remisés sur une unité de stockage du système informatique de la Chambre qui a été détruite lors d’une panne électrique.
[102]       Il explique que la panne électrique n’avait cependant pas affecté les fichiers contenant l’entrevue du 25 mai 2018 qui avaient été transférés au répertoire de la DDEP.
[103]       Il précise que cette panne électrique a eu lieu quelque part à l’automne 2018.
[104]       Il ajoute aussi que ladite panne électrique avait causé une perte importante de l’information stockée au réseau informatique de la Chambre, mais que suite à celle-ci, il sait qu’il y a eu des démarches par la Chambre pour assurer la protection du système informatique advenant d’autres pannes électriques.
[105]       Toujours en référant à la pièce R-2, il confirme la description qui y est faite des étapes de la procédure menant à la confection du DVD de l’entrevue remise à l’enquêteur.
[106]       Enfin, il mentionne que la réponse donnée par Me Galarneau à la question 10 du document, pièce R-2, n’est pas exacte, car le répertoire de la DDEP n’a pas subi de perte à cause de la panne électrique contrairement à l’unité de stockage où avaient été remisés les fichiers originaux de l’entrevue du 25 mai 2018.
[107]       À ce sujet, le témoin explique que l’utilisation du terme « serveur » à la question posée a pu être la raison de la confusion.
[108]       Il confirme que le répertoire de la DDEP n’a pas été touché par la panne électrique et que les fichiers électroniques s’y trouvant, dont la copie des fichiers originaux de l’entrevue du 25 mai 2018, n’ont pas été détruits.
[109]       L’intimé a fait entendre, par la suite, Mme Isabel Ohman.
[110]       Suite à un voir-dire, le comité l’a déclarée experte en données informatiques (Forensic Data Expert).
[111]       Elle fait partie de Teel Technologies Canada et elle explique le mandat reçu de l’intimé qui était de préparer l’analyse d’une vidéo de même que de deux fichiers audios afin de déterminer s’il y avait une preuve qu’ils avaient été altérés.
[112]       Le témoin explique qu’elle agit comme expert pour le service de police de Victoria en Colombie-Britannique et celui d’Edmonton en Alberta.
[113]       Elle identifie son rapport qui a été déposé comme pièce R-4.
[114]       Elle confirme avoir reçu la vidéo (pièce P-5A) et elle témoigne à l’effet qu’elle a pu constater qu’il avait été confectionné à partir d’un logiciel appelé « HandBrake », avec lequel elle n’est cependant pas familière.
[115]       Elle précise qu’il est possible que la vidéo transmise soit une consolidation de deux fichiers.
[116]       Elle explique que si elle n’a pas les métadonnées des fichiers originaux, il lui est impossible de prouver qu’il y a eu altération à la vidéo.
[117]       Elle mentionne avoir constaté à la vidéo, pièce P-5A, une pause à environ 1 heure 40 minutes et une autre à 3h41m48s.
[118]       Elle réitère la conclusion de son rapport à l’effet qu’elle n’a pas constaté d’altération à la vidéo, pièce P-5A, vu l’information et les données s’y trouvant.
[119]       Elle ne fait aucun commentaire et ne formule pas de conclusion quant aux fichiers MP3 de l’enregistrement audio, pièce P-5B.
[120]       À la question de l’intimé concernant la pause constatée à 3h41m48s de la vidéo, pièce P-5A, elle déclare que ce n’est pas la première fois qu’elle constate ce genre de pause sur une vidéo et déclare que selon elle, elle doute qu’elle ait été causée par une altération (« editing »).
[121]       Elle confirme cependant qu’une vidéo peut être altérée après le fait et que cela peut être fait sur un fichier audio ou un fichier vidéo.
[122]       Elle mentionne qu’une telle altération peut être faite par une personne ayant une bonne connaissance des logiciels et en faisant une utilisation appropriée.
[123]       Me Marc Beauchemin qui a été à partir de l’été 2017 jusqu’au mois de septembre 2020 Directeur des affaires juridiques et réglementaires de la Chambre, est venu par la suite témoigner.
[124]       À ce titre, il était durant cette période responsable de l’application de la Loi sur l’accès à l’information (« LAI ») pour la Chambre.
[125]       Il mentionne qu’il reconnaît la pièce R-18 qui contient entre autres la demande de révision à la Commission d’accès à l’information du Québec de l’intimé.
[126]       Il reconnaît aussi sa lettre du 2 avril 2020, pièce R-5, adressée à l’intimé en réponse à sa demande d’accès à l’information.
[127]       À cette lettre, le témoin indique que plusieurs des renseignements et documents demandés sont visés par l’article 32 de la LAI et que ces documents ne pouvaient lui être communiqués.
[128]       Il explique aussi le sens du paragraphe qu’on retrouve à la page 2 de sa lettre (pièce R-5), où il est indiqué « qu’au terme des recherches effectuées dans le cadre du traitement de votre demande, nous avons déterminé que les documents demandés sont détenus par la Direction principale – performance et opérations de la Chambre de la sécurité financière (ci-après la CSF ") ce qui inclut le Secrétariat du Comité de discipline de celle-ci ».
[129]       Il mentionne qu’il a voulu dire que si l’information demandée existe, ce serait à la DDEP qu’on la trouverait, mais sa lettre ne signifie pas qu’il a vérifié qu’elle s’y trouvait.
[130]       Par la suite, le syndic, Me Gilles Ouimet, est entendu par le comité à la demande de l’intimé.
[131]       Il n’était pas présent à ladite entrevue.
[132]       Pour ce qui est des questions demandées par l’intimé à titre de divulgation de la preuve, le témoin mentionne qu’il a référé les questions à l’enquêteur, M. Lévesque, et à M. Jacques Houde, le technicien de la Division des technologies de l’information de la Chambre.
[133]       Il mentionne qu’il est entré en fonction à titre de syndic en décembre 2018 et il n’est pas au courant de la façon qu’on confectionne les documents sur support informatique.
[134]       Il explique qu’il ne peut pas remettre les fichiers originaux demandés par l’intimé parce qu’ils n’existent pas.
[135]       En ce qui concerne la réponse, pièce R-2, il mentionne que Me Galarneau a préparé un projet de réponse à partir de l’information obtenue de la part de MM. Lévesque et Houde, qu’il a révisé et approuvé.
[136]       Il est d’accord avec le contenu dudit document et il fait confiance à son procureur, Me Galarneau.
[137]       En ce qui concerne la pièce R-31, il mentionne qu’il a obtenu l’information s’y trouvant de la part de M. Christian Faubert, l’actuel vice-président - Services corporatifs de la Chambre.
[138]       Le témoin déclare qu’en l’espèce, ce qui compte pour lui c’est de s’assurer de l’intégrité et de l’authenticité du dossier d’enquête.
[139]       Il mentionne qu’il a été mis au courant en juin 2019 des prétentions de l’intimé à l’effet qu’il y aurait eu falsification des fichiers de l’entrevue du 25 mai 2018 et il les considère farfelues et sans fondement.
[140]       En ce qui concerne la Réponse à la Requête en arrêt des procédures amendée, il confirme qu’il l’a bien révisée avant son envoi, qu’il est d’accord avec son contenu et que même une bonne partie de ce document est de son propre cru.
[141]       Il confirme les paragraphes 73 et 74 de la réponse concernent la lettre de Me Beauchemin du 2 avril 2020, pièce R-5.
[142]       L’intimé complète sa preuve en témoignant.
[143]       Il mentionne qu’en 2016 lorsqu’il a été informé de la demande d’enquête faite par la consommatrice A.D., il avait été bouleversé.
[144]       En mai 2018, suite à la demande de l’enquêteur, M. Sébastien Lévesque, de le rencontrer, il avait communiqué avec une avocate et il a alors choisi d’aller à la rencontre sans celle-ci.
[145]       Il témoigne longuement sur le contexte ayant précédé cette entrevue avec les deux enquêteurs.
[146]       Il a fait le trajet de Québec à Montréal qui, compte tenu de l’état de la circulation, avait pris plus de quatre heures.
[147]       Il est alors arrivé en retard pour l’entrevue et était très tendu.
[148]       Il mentionne que les trois premières heures de l’entrevue, il a voulu être transparent, ce que, selon lui, on constate à partir de l’enregistrement de l’entrevue.
[149]       Il précise que compte tenu des fautes très graves reprochées dont une contrefaçon de signature, il était stressé et très émotif.
[150]       Il mentionne qu’il a avoué rapidement aux enquêteurs avoir falsifié la signature de A.D. sur le document I-75, pièce P-3, et il le reconnaît à nouveau devant le comité, ajoutant que c’est une faute de sa part et qu’il doit payer pour celle-ci.
[151]       Il mentionne que l’on constate à la vidéo, pièce P-5A, qu’il reconnaît rapidement et sans hésitation la fausse signature de I-75 (pièce P-3).
[152]       Il explique qu’il avait préparé ce document étant donné qu’il croyait que la division de la conformité à London Life poserait des questions sur la proposition d’assurance-vie de A.D.
[153]       En fait, il avait eu l’indication de la part de son directeur que la division de la conformité vérifierait son dossier et étant donné qu’il débutait ses activités à titre de représentant, il a paniqué, car il n’y avait pas d’analyse de besoins financiers au dossier pour motiver cette proposition d’assurance-vie.
[154]       Il a alors préparé le document, pièce P-3, et a imité la signature de A.D.
[155]       Il ne peut s’expliquer pourquoi il a fait cette faute, sachant pertinemment bien que ce document doit être signé par la cliente.
[156]       Il mentionne que lors de l’entrevue, après avoir admis la fausse signature à la pièce P-3 (I-75), il est interrogé par l’enquêteur, M. Sébastien Lévesque, sur un autre document identifié I-65, qui est un reçu de livraison de police.
[157]       Il mentionne que c’est alors qu’il a senti que les enquêteurs lui mettaient beaucoup de pression pour qu’il reconnaisse aussi avoir falsifié la signature de sa cliente au document I-65.
[158]       Selon lui, à un moment donné, l’enquêteur, M. Lévesque, a tapé sur la table et l’a pointé le doigt en lui disant des paroles qui ressemblaient à « tu reconnais ta signature ou je vais m’acharner sur toi ».
[159]       Il précise que l’incident a duré seulement quelques secondes, mais qu’en se faisant, il était prêt à admettre n’importe quoi après le geste de l’enquêteur.
[160]       Il prétend que suite à ce geste, il a reconnu aussi avoir signé faussement la signature de la cliente sur le document I-65.
[161]       Il mentionne que l’incident aurait eu lieu vers la fin de l’entrevue.
[162]       Parce qu’il estimait que les enquêteurs méritaient son respect, il les a tout de même remerciés à la fin, au moment de son départ.
[163]       Il précise qu’il était alors détruit, convaincu que sa carrière était terminée.
[164]       Il déclare avoir mentionné à ses proches les menaces faites par l’enquêteur, sans cependant préciser à qui il l’aurait dit.
[165]       Il explique avoir été surpris, mais content lorsqu’il a reçu la plainte disciplinaire en avril 2019, en y constatant un seul chef d’infraction reproché, soit celui d’avoir imité la signature de la consommatrice sur le document I-75 (pièce P‑3), et aucun quant au document I-65.
[166]       Après avoir parlé à son agent général de la plainte, il décide de faire parvenir sa déclaration de culpabilité relativement à l’infraction reprochée (pièce R-2) le 26 avril 2019.
[167]       Cependant, en prenant connaissance de la preuve divulguée et en visionnant la vidéo de l’entrevue (pièce P-5A), il n’y retrouve pas la séquence de l’incident qu’il reproche à M. Lévesque.
[168]       Le témoin indique qu’il s’est alors demandé si l’incident avait vraiment eu lieu ou s’il avait plutôt rêvé.
[169]       C’est lors de la deuxième écoute de la vidéo qu’il dit avoir entendu un clic vers la fin de l’entrevue.
[170]       Par la suite, il fait des vérifications sur l’internet, utilise un logiciel et est convaincu qu’il y a eu altération de la vidéo.
[171]       C’est pourquoi il change son plaidoyer le 6 mai 2019, à savoir qu’il se déclare non coupable et il décide de contester l’infraction qui lui est reprochée[17].
[172]       Il explique que le 20 juin 2019[18], il demande au procureur du plaignant d’obtenir les originaux de l’enregistrement.
[173]        À partir de la réponse reçue, pièce R-3, il a senti qu’on ne voulait pas lui remettre les originaux, ce qui l’amenait à douter encore plus de l’authenticité de la vidéo de l’entrevue transmise, pièce P-5A.
[174]       Il témoigne à l’effet qu’il décide alors d’entreprendre le combat de sa vie et de tenter de montrer qu’on avait altéré l’enregistrement de l’entrevue.
[175]       Le 28 octobre 2019, à la suggestion du comité, il fait parvenir une liste de questions au procureur du plaignant concernant les fichiers originaux de l’entrevue.
[176]       Il considère que les réponses qui lui ont alors été transmises le 29 novembre 2019 (pièce R-2) ne sont pas du tout satisfaisantes et que par la suite, toutes ses demandes pour obtenir les originaux lui paraissent avoir été bloquées par le plaignant.
[177]       En contre-interrogatoire, il reconnaît à nouveau avoir imité la signature de A.D. à la pièce P-3, identifiée I-75.
[178]       Relativement à sa prétention que l’enquêteur l’aurait menacé, il ne se souvient pas exactement des paroles prononcées, mais il avait compris de celles‑ci que s’il n’admettait pas aussi avoir imité la signature sur le document I‑65, l’enquêteur s’acharnerait sur lui.
[179]       Il précise que ce n’était pas un coup de poing sur la table, mais plutôt qu’il avait mis sa main sur la table devant lui.
[180]       Il réitère que tout cet événement est resté flou dans sa tête et que c’est lorsqu’il a écouté une deuxième fois la vidéo, pièce P-5A, que ses doutes ont été confirmés alors qu’il a entendu un clic.
[181]       Il ajoute que lorsque l’enquêteur l’aurait menacé, il aurait complètement figé et paralysé et qu’on le voit même après sur la vidéo, pièce P-5A.
[182]       En révisant la vidéo, pièce P-5A, devant le comité, il mentionne et identifie précisément l’incident vers les 3h42, soit juste avant qu’il admette, selon lui, avoir signé la pièce I-65.
[183]       Sa prétention est à l’effet qu’une toute petite partie, soit quelques secondes, aurait été amputée de l’enregistrement.
[184]       À la question du président à savoir pourquoi il n’a pas dénoncé le geste de M. Lévesque auprès du syndic, il explique qu’il n’y a pas pensé étant trop perturbé par ce geste.
[185]       À la demande du procureur du plaignant d’expliquer pourquoi à sa Requête en arrêt des procédures en février 2020 (pièce RP-6), il mentionne avoir été menacé et intimidé à répétition et avec énergie, il explique cette rédaction par l’intensité du moment vécu.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
[186]       Essentiellement, l’intimé prétend qu’eu égard au fait que le syndic, selon lui, a adopté une conduite choquante à l’encontre du franc jeu et de la décence en abusant de ses droits lors de l’entrevue du 25 mai 2018, en refusant de lui fournir les fichiers originaux de l’entrevue et en mentant au comité, il en résulte que poursuivre le processus disciplinaire devant le comité risquerait de miner l’intégrité du processus judiciaire et que par conséquent, le seul remède disponible pour le comité est d’ordonner l’arrêt des procédures.  Au soutien de sa prétention, il plaide entre autres l’arrêt de la Cour suprême rendu dans l’affaire Carosella et plusieurs autres jugements[19].
[187]       Le plaignant prétend que l’intimé n’a pas prouvé que le syndic a abusé les droits de l’intimé que ce soit lors de l’entrevue du 25 mai 2018 ou par l’impossibilité de lui fournir l’original de l’enregistrement vidéo de ladite entrevue.  Il soutient que la Requête en arrêt des procédures de l’intimé doit être rejetée, qu’elle soit abordée sous l’angle d’abus des procédures ou de la divulgation de la preuve, car les prétentions de l’intimé sont sans fondement. À cet effet, il réfère entre autres à l’arrêt R. c. LA de la Cour suprême[20].  Cela étant, le plaignant prétend que le comité doit en conséquence reconnaître l’intimé coupable de l’infraction reprochée, vu la preuve prépondérante et convaincante de ses aveux quasi-judiciaires et judiciaires à l’effet qu’il a commis ladite infraction reprochée.
ANALYSE ET MOTIFS
[188]       Le comité déterminera tout d’abord le bien-fondé de la Requête en arrêt des procédures amendée et, par la suite, le cas échéant, il décidera de la culpabilité de l’intimé.
LA REQUÊTE EN ARRÊT DES PROCÉDURES AMENDÉE
[189]       Pour les raisons ci-après mentionnées, après avoir pris connaissance et analysé l’ensemble de la preuve présentée, le comité considère qu’il doit rejeter la Requête en arrêt des procédures amendée de l’intimé.
[190]       En matière de droit administratif, l’arrêt Blencoe[21] de la Cour suprême du Canada est le précédent jurisprudentiel devant guider un décideur dans un cas d’abus de procédures pour lequel une demande d’arrêt des procédures lui est présentée.
[191]       L’abus de procédure est une notion de Common Law invoquée pour mettre fin à des procédures lorsqu’il serait oppressif de permettre leur continuation et le Juge Bastarache dans Blencoe[22] s’exprime ainsi concernant l’application de la notion d’abus de procédures :
« 118. Dans l’arrêt R. c. Jewitt, [1985] 2 R.C.S. 128, notre Cour a confirmé à l’unanimité la possibilité d’appliquer la règle de l’abus de procédure en matière criminelle.  Ce faisant, et comme l’a dit le juge L’Heureux‑Dubé dans R. c. Power, [1994] 1 R.C.S. 601, aux pp. 613 et 614, notre Cour a repris les observations du juge Dubin dans R. c. Young (1984), 40 C.R. (3d) 289 (C.A. Ont.), pour décrire la règle de l’abus de procédure, en affirmant que l’arrêt des procédures devrait être ordonné lorsque " forcer le prévenu à subir son procès violerait les principes de justice fondamentaux qui sous‑tendent le sens du franc‑jeu et de la décence qu’a la société " ou lorsque la procédure est " oppressive ou vexatoire".  La Cour a également fait sienne la mise en garde de la Cour d’appel de l’Ontario dans Young, selon laquelle il s’agit d’un pouvoir qui ne peut être exercé que dans les " cas les plus manifestes " (p. 614).  Notre Cour a réitéré cela à maintes reprises (voir, par exemple, R. c. Potvin, [1993] 2 R.C.S. 880; R. c. Scott, [1990] 3 R.C.S. 979; Power, précité).
[…]
120.   Pour conclure qu’il y a eu abus de procédure, la cour doit être convaincue que [TRADUCTION] " le préjudice qui serait causé à l’intérêt du public dans l’équité du processus administratif, si les procédures suivaient leur cours, excéderait celui qui serait causé à l’intérêt du public dans l’application de la loi, s’il était mis fin à ces procédures " (Brown et Evans, op. cit., à la p. 9‑68).  Le juge L’Heureux‑Dubé affirme dans Power, précité, à la p. 616, que, d’après la jurisprudence, il y a " abus de procédure " lorsque la situation est à ce point viciée qu’elle constitue l’un des cas les plus manifestes.  À mon sens, cela s’appliquerait autant à l’abus de procédure en matière administrative.  Pour reprendre les termes employés par le juge L’Heureux‑Dubé, il y a abus de procédure lorsque les procédures sont " injustes au point qu’elles sont contraires à l’intérêt de la justice " (p. 616).  " Les cas de cette nature seront toutefois extrêmement rares " (Power, précité, à la p. 616).  Dans le contexte administratif, il peut y avoir abus de procédure lorsque la conduite est tout aussi oppressive. (nos soulignés)
[192]       Plus loin, le juge Lebel, dissident en partie, mais d’accord avec la majorité pour rejeter le pourvoi et annuler l’arrêt des procédures ordonné par la Cour d’appel déclare :
« 184.    En l’espèce, la réparation consistant à ordonner l’arrêt pur et simple des procédures paraît à la fois excessive et inéquitable.  Premièrement, malgré la gravité des difficultés éprouvées par Blencoe, le délai ne semble pas compromettre l’équité de l’audience. Comme le juge de première instance l’a conclu, au par. 10, l’intimé n’a pas établi que le délai l’a privé d’un élément de preuve ou d’un renseignement important pour sa défense.  Le délai concerne plutôt les procédures menant à l’audience.  Il est dû à une gamme de causes qui traduisent non pas l’intention de la Commission de léser délibérément l’intimé, mais plutôt une négligence grave et l’existence de problèmes structurels importants en matière de traitement des plaintes.  Deuxièmement, pour ordonner l’arrêt des procédures dans le cas où l’équité de l’audience n’est pas compromise et où il n’y a pas d’abus scandaleux ou grossier, il faut tenir compte l’intérêt du plaignant dans le choix de la réparation appropriée (Tobiass, précité, au par. 92).  Dans la présente affaire, la Cour d’appel a complètement omis de tenir compte de cet intérêt (voir le par. 39).  L’annulation de l’arrêt des procédures est donc à la fois justifiée et nécessaire. »[23]
[193]       Cet arrêt de la Cour suprême a été appliqué une première fois en matière disciplinaire par la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Huot[24].
[194]       La Cour d’appel a aussi récemment appliqué Blencoe en matière disciplinaire dans les affaires Landry c. Guimont[25], Moisan c. Ouellet[26] et Champagne c. Colas[27].
[195]       Dans l’affaire Ruffo[28], la Cour d’appel du Québec, toujours en référant à l’arrêt Blencoe s’exprime ainsi quant au caractère exceptionnel de l’arrêt des procédures :
« [64] L’arrêt définitif des procédures, que l’on soit en matière pénale ou disciplinaire, constitue un remède qui ne doit être accordé qu’exceptionnellement lorsque qu’aucune solution de rechange n’existe.  Cette mesure extrême n’est appropriée que dans les cas les plus manifestes, lorsque le requérant démontre l’existence d’un préjudice irréparable qui compromet irrémédiablement son droit de présenter une défense pleine et entière ou l’intégrité du système judiciaire[14]. » (nos soulignés et référence omise)
[196]       Relativement à la question du préjudice irréparable causé à l’intégrité du système judiciaire en matière d’arrêt des procédures, la Cour suprême dans l’affaire Carosella[29], face à une situation exceptionnelle, s’exprime comme suit:
« 55.   Un autre facteur important est l’absence de toute autre réparation qui corrigerait le préjudice causé à la capacité de l’accusé de présenter une défense pleine et entière.  La Cour d’appel n’a proposé aucune autre réparation.  Il s’agit de l’un des deux facteurs mentionnés par le juge L’Heureux‑Dubé dans la partie de ses motifs dont j’ai fait l’état.  L’autre facteur est le préjudice irréparable causé à l’intégrité du système judiciaire si la poursuite suivait son cours.
56.  Ces deux facteurs sont des alternatives.  La présence de l’un ou de l’autre justifie l’exercice du pouvoir discrétionnaire pour accorder l’arrêt des procédures.  Il est impossible de nier la présence du premier facteur.  Quant au second, je suis d’avis que l’absence totale de toute réparation visant à corriger ou à atténuer les conséquences de la destruction délibérée de documents dans le but de priver le tribunal et l’accusé d’éléments de preuve pertinents ternirait l’image de l’administration de la justice.  À cet égard, la Cour peut tenir compte du fait que la destruction des documents a été effectuée par un organisme qui non seulement reçoit des fonds publics mais dont les activités sont contrôlées par le gouvernement provincial.  Cet organisme est tenu d’établir des liens étroits avec des organismes du domaine de la justice et de protéger la sécurité des documents qui sont sous son contrôle et qui ne doivent pas être divulgués sauf lorsque la loi l’exige.  Le système de justice fonctionne le mieux et ses décisions inspirent confiance au public lorsque ses mécanismes permettent de rendre disponibles tous les éléments de preuve pertinents qui ne sont pas par ailleurs exclus en raison d’une politique d’intérêt public prépondérante.  La confiance dans le système serait minée si l’administration de la justice excusait les comportements visant à contrecarrer les procédures des tribunaux.  L’organisme a pris la décision d’entraver le cours de la justice en détruisant systématiquement des éléments de preuve dont la production pourrait être requise en raison des pratiques des tribunaux.  Ce n’est pas une décision qui relève de l’organisme.  Dans notre système, qui est régi par la primauté du droit, c’est aux tribunaux qu’il appartient de décider quels sont les éléments de preuve qui doivent être produits ou admis.  C’est cet aspect particulier du présent pourvoi qui distingue le présent cas des affaires d’éléments de preuve perdus en général. » (nos soulignés)
[197]       Cet aspect particulier de l’arrêt Carosella a bien été souligné et distingué dans l’arrêt La[30] rendu aussi par la Cour suprême en 1997:

« 26.  L’appelant a cherché à établir un parallèle entre le présent cas et l’affaire Carosella, arrêt rendu tout juste avant le début de l’audition du présent pourvoi. Cependant, il existe une distinction très nette entre les deux affaires. Dans Carosella, les documents détruits étaient pertinents et devaient être divulgués en vertu du critère établi dans O’Connor, précité.  La conduite du centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle avait fait perdre à l’accusé le droit que lui garantit la Charte d’obtenir la production de ces documents.  Cette situation constituait une atteinte grave aux droits garantis à l’accusé par la Constitution et, dans les circonstances particulières de cette affaire, l’arrêt des procédures était la seule réparation convenable.  Par contre, dans les cas où un élément de preuve est perdu par inadvertance, les mêmes inquiétudes ne se soulèvent pas en ce qui concerne la création de propos délibéré d’obstacles à l’exercice par les tribunaux de leurs pouvoirs en matière d’admission de la preuve. » (nos soulignés)

[198]       Toujours dans R. c. La, la Cour suprême a établi que dans les cas où la poursuite perd un élément de preuve qui aurait dû être divulgué, la poursuite a alors l’obligation d’expliquer ce qui est arrivé à cet élément[31] et dans certains cas, la conduite de la poursuite pourrait constituer un arrêt des procédures:
« Quelle conduite découlant du défaut de divulguer constituera un abus de procédure? Par définition, il doit s’agir d’une conduite d’une autorité gouvernementale qui viole les principes fondamentaux qui soustendent le sens du francjeu et de la décence de la sociétéLa destruction de propos délibéré d’éléments de preuve par la police ou par d’autres représentants du ministère public en vue de contourner l’obligation de divulgation de celuici est un exemple du genre de conduites visées… »[32] (nos soulignés)
[199]       Cependant, la poursuite ne peut pas divulguer ce qu’elle n’a pas et il n’y a pas un droit absolu à l’original, tel que mentionné par la Cour suprême dans Stinchcombe :
« Le ministère public ne peut produire que ce qu'il a en sa possession ou ce dont il a le contrôle.  Il n'existe pas de droit absolu de faire produire les originaux.  Si le ministère public a les originaux des documents qui doivent être produits, il doit les produire ou permettre qu'ils soient examinés.  Cependant, si les originaux ne sont pas disponibles et si le ministère public les a déjà eus en sa possession, il doit expliquer leur absence. Si l'explication est satisfaisante, le ministère public s'est acquitté de son obligation, sauf si la conduite qui a entraîné l'absence ou la perte des originaux est en ellemême telle qu'elle pourrait justifier une réparation aux termes de la Charte canadienne des droits et libertés. »[33]
[200]       Enfin, en matière criminelle, l’admissibilité d’un enregistrement vidéo ne nécessite pas nécessairement la production de l’enregistrement original ni la preuve d’absence d’altération par la partie qui souhaite le produire mais il suffit plutôt de prouver que l’enregistrement représente finalement les faits présentés :

« [30] De ce qui précède le Tribunal retient qu’une séquence vidéo ne peut être admise en preuve sans qu’il ne soit établi au préalable, par prépondérance de preuve, qu’elle montre de façon en substance fidèle la réalité dont on entend faire la preuve au moyen de celle-ci. Les images ne doivent donc pas avoir été modifiées, sauf possiblement s’il est prouvé que la modification a eu pour seul effet de les clarifier.

[31]   En l’espèce, la preuve d’authentification aurait été simplifiée si les séquences vidéo avaient été produites sur leur support original, et que l’on avait pu démontrer par surcroit qu’aucune opération quelle qu’elle soit n’avait été effectuée sur les données ni sur leur support. Cela n’est cependant pas le cas ici.

[32]   Le Tribunal ne croit cependant pas qu’il s’agisse là de la seule façon de faire cette preuve. Une vidéo peut très bien continuer de représenter fidèlement la réalité captée par la caméra après avoir été transférée sur un nouveau support, ou transposée dans un format différent de sa version première. Le Tribunal examine donc si la poursuite s’est déchargée de son fardeau d’authentification par d’autres moyens. » [34] (nos soulignés)

[201]       Au même effet, le comité réfère au jugement rendu par la Cour supérieure dans R. c. Mirarchi[35].
[202]       En matière civile, la présentation d’une preuve matérielle et celle d’une déclaration enregistrée doivent au préalable faire l’objet d’une preuve qui en établit l’authenticité[36].
[203]       De même, toute preuve obtenue dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l’utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice doit être rejetée[37].
[204]       À la lumière de ces précédents applicables en l’espèce, le comité analysera ci-après les quatre motifs soulevés à la Requête en arrêt des procédures amendée.
[205]       Il déterminera tout d’abord si la preuve démontre que les enquêteurs du syndic ont abusé des droits de l’intimé lors de l’entrevue du 25 mai 2018 (Point D) et si les enregistrements de l’entrevue, pièces P-5A et P-5B, ont été altérés (Point C).
[206]       Par la suite, il déterminera si la preuve démontre que le plaignant a refusé de fournir les originaux de l’enregistrement de l’entrevue du 25 mai 2018 (Point A) et s’il a menti au comité (Point B).
LES ENQUÊTEURS DU SYNDIC ONT-ILS ABUSÉ DES DROITS DE L’INTIMÉ LORS DE L’ENTREVUE DU 25 MAI 2018 ET LES FICHIERS DE L’ENTREVUE ONT-ILS ÉTÉ FALSIFIÉS? (Points D et C)
[207]       L’intimé prétend qu’il a été victime de menaces de la part des enquêteurs, M. Lévesque et Mme Desroches, lors de l’entrevue du 25 mai 2018.
[208]       Au paragraphe 18 de sa Requête en arrêt des procédures amendée, il s’exprime ainsi :
« 18.  Lors de l’entrevue enregistrée du 25 mai 2018, les enquêteurs, M. Sébastien Lévesque et Mme Annie Desroches, ont abusé de mes droits; »
[209]       Cependant, à sa première Requête en arrêt des procédures datée du 7 février 2020, l’intimé alléguait ce qui suit :
« Lors de l’entrevue du 25 mai 2018, l’enquêteur au dossier, M. Sébastien Lévesque, a abusé de mes droits. Il m’a menacé et intimidé à répétition et avec énergie. L’enquêtrice qui prenait des notes, Mme Annie Desroches a été témoin de ces abus et n’a rien fait.  Je n’étais pas assisté par un avocat. »[38] (nos soulignés)
[210]       L’abus que l’intimé allègue avoir eu lieu lors de l’entrevue est par conséquent décrit d’une façon totalement différente à ses deux demandes.
[211]       À son témoignage, il explique que la menace est venue seulement de l’enquêteur, M. Lévesque, et n’a été faite qu’à une seule occasion, à savoir que ce fut une « tape sur la table » et des paroles qu’il ne peut précisément spécifier mais qui signifiaient qu’il serait mieux d’admettre aussi avoir imité la signature de sa cliente au document I-65 sinon, il s’acharnerait sur lui.
[212]       L’intimé mentionne à son témoignage que ce serait un incident qui n’aurait duré que quelques secondes et qui aurait eu lieu vers 3h42 de l’entrevue, laquelle a duré 4 heures et 4 minutes.
[213]       Il prétend que cette menace aurait été faite par l’enquêteur alors que celui‑ci voulait lui faire admettre qu’il avait aussi imité la signature de A.D. sur un autre document, à savoir un « reçu de livraison de police » identifié comme I-65 à la divulgation de la preuve transmise à l’intimé.
[214]       Il mentionne que lorsque l’enquêteur l’aurait alors pointé du doigt, il aurait senti une pression incroyable et qu’il était prêt à admettre n’importe quoi.
[215]       Suite à ces gestes, il aurait figé et il prétend qu’on peut même le constater à la vidéo, pièce P-5A.
[216]       Il explique que l’incident était néanmoins flou dans sa tête à un point tel que lorsqu’il a visionné pour la première fois la vidéo de l’entrevue, pièce P-5A, et qu’il n’a pas vu l’incident, il s’est alors demandé s’il ne l’avait pas imaginé.
[217]       Il n’a jamais dénoncé le geste de l’enquêteur, si ce n’est qu’il déclare en avoir parlé à ses proches sans mentionner qui en particulier.
[218]       Lorsqu’il reçoit la plainte disciplinaire en avril 2019, sa réaction première n’est pas de dénoncer le geste de M. Lévesque, de contester la plainte disciplinaire, mais plutôt d’enregistrer une déclaration de culpabilité à l’infraction reprochée, pièce RP-1.
[219]       Il prétend que ce n’est que lors du deuxième visionnement de la vidéo, pièce P-5A, en mars 2019 qu’il était certain que l’incident est arrivé lorsqu’il a entendu un clic vers 3h42 de l’entrevue.
[220]       Ce deuxième visionnement aurait été l’élément déclencheur pour l’intimé.
[221]       À partir de ce moment, il était convaincu que l’enquêteur avait enlevé cette partie compromettante de l’entrevue.
[222]       Cela expliquerait aussi, selon lui, pourquoi on refuse de lui remettre les fichiers originaux de l’entrevue, car s’il les obtenait, il pourrait démontrer qu’on a altéré les copies transmises.
[223]       Cette version de l’incident allégué par l’intimé est complètement niée par le témoignage des deux enquêteurs, M. Lévesque et Mme Desroches.
[224]       Le témoin, M. Lévesque, a expliqué comment il a procédé à l’entrevue, comme il le fait dans toutes ses enquêtes, c’est-à-dire par un enregistrement vidéo avec une caméra et un enregistrement audio avec une enregistreuse comme équipement de sauvegarde.
[225]       Il déclare sous serment que les enregistrements P-5A et P-5B représentent bien la totalité et l’authenticité de ce qui s’est dit lors de l’entrevue du 25 mai 2018.
[226]       Son témoignage est confirmé et corroboré par Mme Desroches qui a pris des notes de l’entrevue déposées comme pièce P-6.
[227]       En plus d’avoir entendu les trois personnes présentes à l’entrevue lors de l’audition, le comité a eu l’opportunité de visionner la totalité de l’entrevue du 25 mai 2018, à savoir la pièce P-5A et, par la suite, en délibéré, d’écouter l’enregistrement audio de l’entrevue, pièce P-5B.
[228]       La crédibilité des témoins en est une de fait et ne peut être déterminée par un ensemble de règles préétablies, comme l’a mentionné la Cour suprême :
« The issue of credibility is one of fact and cannot be determined by following a set of rules that it is suggested have the force of law and, in so far as the language of Mr. Justice Beck may be so construed, it cannot be supported upon the authorities. Anglin J. (later Chief Justice) in speaking of credibility stated:
by that I understand not merely the appreciation of the witnesses’ desire to be truthful but also of their opportunities of knowledge and powers of observation, judgment and memory—in a word, the trustworthiness of their testimony, which may have depended very largely on their demeanour in the witness box and their manner in giving evidence. Reymond v. Township of Bosanquet[2].
The foregoing is a general statement and does not purport to be exhaustive. Eminent judges have from time to time indicated certain guides that have been of the greatest assistance, but so far as I have been able to find there has never been an effort made to indicate all the possible factors that might enter into the determination. It is a matter in which so many human characteristics, both the strong and the weak, must be taken into consideration. The general integrity and intelligence of the witness, his powers to observe, his capacity to remember and his accuracy in statement are important. It is also important to determine whether he is honestly endeavouring to tell the truth, whether he is sincere and frank or whether he is biassed, reticent and evasive. All these questions and others may be answered from the observation of the witness’ general conduct and demeanour in determining the question of credibility. »[39] (référence omise et nos soulignés)
[229]       Le comité ne croit pas l’intimé.
[230]       Il ne l’a pas convaincu qu’il a été victime de menaces par les enquêteurs lors de l’entrevue du 25 mai 2018 et qu’il est possible que les enregistrements pièces P-5A et P-5B aient été altérés.
[231]       Tout d’abord, la crédibilité de l’intimé est entachée par l’existence d’une contradiction flagrante quant à la nature et la description faite de la prétendue menace.
[232]       En effet, le comité ne peut concevoir que l’intimé puisse, sur ce point fondamental, alléguer deux versions diamétralement opposées, à savoir celle présentée à sa Requête en arrêt des procédures en février 2020[40] où il aurait été intimidé à répétition lors de l’entrevue, alors qu’à sa Requête en arrêt des procédures amendée, il est question d’un seul incident n’ayant duré que quelques secondes.
[233]       De plus, à sa Requête en arrêt des procédures amendée, il reproche à Mme Desroches d’avoir aussi abusé de ses droits alors qu’il n’en est pas mention à sa première requête.
[234]       Il n’a pu expliquer de façon satisfaisante une telle contradiction aussi flagrante lorsque contre‑interrogé à ce sujet.
[235]       Le comité ne croit pas l’intimé aussi parce que dans les jours suivant la notification de la plainte disciplinaire, il enregistre sans aucune réserve une déclaration de culpabilité et ne dénonce aucunement le comportement des enquêteurs.
[236]       Un tel comportement n’est pas compatible avec un individu qui aurait vécu un incident aussi traumatisant que celui qu’il prétend et qui a discuté de la plainte avec son agent général avant de faire parvenir sa déclaration de culpabilité, pièce RP-1.
[237]       En plus de ce qui précède, le comité a eu évidemment le privilège de prendre connaissance des enregistrements vidéo et audio, pièces P-5A et P-5B.
[238]       Ainsi, à l’enregistrement vidéo, pièce P-5A, on y constate autant avant qu’après l’incident allégué qui aurait eu lieu vers 3h42, que le comportement des enquêteurs est tout à fait correct et demeure toujours le même.
[239]       Il est difficile de concevoir que l’enquêteur, M. Lévesque, aurait commis l’incident reproché sans que l’on constate à l’entrevue quelques secondes après un changement à son attitude de même qu’à celle de l’intimé.
[240]       L’intimé explique à l’entrevue comment il a vécu une période extrêmement difficile faisant suite à la rupture des liens très proches qui le liaient à la consommatrice et la demande d’enquête faite à son sujet.
[241]       Cette entrevue avec les enquêteurs semble être pour lui une façon de libérer toute la frustration causée par cette situation.
[242]       Le comité a constaté à l’entrevue comment il est alors volubile et émotif à ce sujet.
[243]       Il apparaît néanmoins ouvert, transparent et très à l’aise avec les deux enquêteurs.
[244]       Les deux enquêteurs sont expérimentés et ils le mènent habilement vers 3h14 et 3h34 de l’entrevue à admettre la fausse signature de la cliente qu’il a faite pour la pièce P-3 (I-75).
[245]       Même après le prétendu incident de menaces de la part de l’enquêteur qui aurait eu lieu à 3h42, selon l’intimé, celui-ci, à la vidéo, maintient toujours la même attitude envers les enquêteurs, ne manifeste aucune animosité à leur égard et admet même une autre fois avoir faussé la signature sur P-3 (I-75) en déclarant à 3h45 que pour le document I-65, « ce n’est pas clair comme pour I-75 ».
[246]       En fait, non seulement il ne change pas d’attitude, mais il continue à se confier à eux et à leur manifester une confiance alors qu’il leur demande à la fin de l’entrevue quelle sera la suite des choses en ce qui concerne l’enquête.
[247]       L’enquêteur, M. Lévesque, demeure alors toujours aussi courtois et patient en répondant calmement aux nombreuses « dernières questions » de l’intimé.
[248]       À la fin de l’entrevue, l’intimé va même féliciter les enquêteurs pour leur travail, leur tact et leur compréhension.
[249]       L’intimé ne donne aucunement l’impression d’une personne qui a été l’objet d’une menace et qui aurait été intimidée par l’enquêteur dans le but d’obtenir de lui un aveu.
[250]       En fait, tel que mentionné plus haut, l’intimé avait déjà avoué avant l’incident allégué, à deux reprises (3h14 et 3h34), la fausse signature du document I-75 (pièce P-3).
[251]       En ce qui concerne la pièce I-65, l’intimé a répondu aux questions des enquêteurs en leur répondant qu’il est possible qu’il ait aussi effectivement imité la signature de sa cliente sur ce document, mais qu’il n’en est pas certain.
[252]       L’intimé qui a certaines notions en droit, déclare même aux enquêteurs que les arguments qu’ils lui présentent pour le convaincre qu’il a aussi fait une fausse signature sur le document I-65 sont de la nature « d’une preuve prépondérante », mais pas de celle d’une preuve « hors de tout doute raisonnable ».
[253]       Le comité est d’opinion, après avoir visionné la vidéo, pièce P-5A, et écouté l’enregistrement audio, pièce P-5B, que l’intimé n’a pas, comme il le prétend, fait l’aveu d’avoir aussi imité la signature de A.D. au document identifié I-65.
[254]       Par conséquent, le comité considère que l’intimé est dans l’erreur quand il prétend que les gestes et paroles reprochés à l’enquêteur l’auraient amené à admettre aussi avoir faussé la signature de A.D. sur le document I-65.
[255]       L’intimé prétend que les enregistrements de l’entrevue du 25 mai 2018, pièces P‑5A et P-5B, ont été altérés et que c’est la raison pour laquelle on n’y retrouve pas les gestes reprochés à l’enquêteur, M. Lévesque.
[256]       Selon l’intimé, le témoignage de Mme Isabel Ohman, experte en données informatiques, de même que son rapport préparé et déposé comme pièce R-4, prouvent qu’il y a eu falsification de la vidéo, pièce P-5A.
[257]       L’intimé voudrait que le comité conclue que le témoignage de l’expert et son rapport viennent confirmer sa prétention à l’effet qu’il a été victime d’une menace de la part de M. Lévesque lors de l’entrevue.
[258]       Malheureusement, le comité ne peut aucunement tirer une telle conclusion.
[259]       Tout en mentionnant qu’elle n’a pas pu comparer la vidéo reçue, pièce P‑5A, et l’original, l’experte à son rapport, pièce R-4, conclut qu’elle n’a pas constaté d’altération à ladite vidéo :

« Conclusion:

 

Ideally, when performing a forensic analysis where it is believed that an edit has been done, a comparison is conducted between the original data file to that of the suspected manipulated file. However, the original data was not available for the video or audio files and a comparison could not be conducted. Another mitigating factor in the analysis was that the video file had been further processed with the conversion tool of HandBrake. Given the data information provided on the DVD, evidence of editing was not noted. However, it must also be stated that anybody with hex editor software could edit the header information to delete or change any modifications that could have been made with any edits to the files. » (nos soulignés)

[260]       Elle témoigne au même effet devant le comité.
[261]       Elle mentionne bien qu’elle a constaté une pause à 1h40 et une autre à 3h41m48s.
[262]       Elle ne commente pas la pause de 1h40, mais il est en preuve que c’est à cette heure que l’intimé et les enquêteurs ont pris une pause lors de l’entrevue.
[263]       Ainsi, l’enquêteur, M. Lévesque, a témoigné à cet effet et on peut le constater à même l’enregistrement, pièce P-5A.
[264]       La mention en est faite aussi aux réponses données à l’intimé par le plaignant, pièce R-2[41].
[265]       Pour ce qui est de la pause à 3h41m48s, elle ne peut l’expliquer, mais mentionne qu’elle pourrait avoir été causée par la conversion ou l’enregistrement de la vidéo, mais elle doute qu’elle résulte d’une altération (« editing »).
[266]       De plus, le comité constate que l’experte ne commente aucunement, comme l’intimé d’ailleurs, les fichiers audio MP3, pièce P-5B, qui lui ont été transmis.
[267]       Le comité, tel que mentionné plus haut, a écouté attentivement la pièce P‑5B et confirme que son contenu n’a démontré aucun élément qui puisse remettre en question l’authenticité de son contenu qui est le même que l’enregistrement vidéo, pièce P-5A.
[268]       Le comité considère que cette preuve d’expert n’est aucunement concluante et d’aucun secours à l’intimé.
[269]       Par conséquent, le comité est d’opinion que les témoignages des enquêteurs, celui de l’intimé, l’enregistrement vidéo, pièce P-5A, l’enregistrement audio, pièce P-5B, de même que la preuve d’expert ne démontrent aucunement de façon prépondérante que les enregistrements de l’entrevue du 25 mai 2018, pièces P-5A et P-5B, ont pu avoir été altérés.
LE SYNDIC REFUSE-T-IL DE FOURNIR LES FICHIERS ORIGINAUX DE L’ENREGISTREMENT ET MENT-IL DÉLIBÉRÉMENT AU COMITÉ? (Points A et B de la requête)
[270]       L’intimé prétend qu’il avait le droit d’obtenir les originaux de l’enregistrement vidéo de l’entrevue afin de pouvoir démontrer qu’il a été victime de menaces, lesquelles n’apparaissent pas à la vidéo fournie et déposée comme pièce P-5A.
[271]       Il remet en question la réponse du plaignant à l’effet que les originaux de l’enregistrement n’existent plus, parce qu’ayant été détruits lors d’une panne électrique.
[272]       Il plaide qu’il s’agit en fait de la part du plaignant d’un refus de lui fournir lesdits originaux afin de l’empêcher de démontrer qu’il a été victime de menaces de la part de l’enquêteur, M. Lévesque, et qu’en ce faisant, le plaignant ment au comité.
[273]       Le plaignant, quant à lui, prétend dans un premier temps que les métadonnées des fichiers originaux de l’enregistrement vidéo ne peuvent constituer un élément de preuve pertinent aux fins de la divulgation de la preuve compte tenu que la prétention de l’intimé quant à l’altération des enregistrements, pièces P‑5A et P-5B, est sans fondement et, qu’en plus, même si cela l’était, les explications fournies par le plaignant de la perte des originaux dans les circonstances sont raisonnables[42].
[274]       Le comité a déterminé plus haut, à partir des éléments de preuve discutés, que l’intimé ne s’était pas déchargé de son fardeau de démontrer que les enregistrements de l’entrevue, pièces P-5A et P-5B, ont pu avoir été altérés.
[275]       Même s’il est arrivé à cette conclusion, le comité est d’opinion qu’en l’espèce, il doit en plus examiner les raisons avancées par le syndic pour expliquer l’impossibilité de fournir les enregistrements originaux de l’entrevue.
[276]       En effet, si la preuve présentée est à l’effet que les raisons données par le syndic sont fausses, l’intimé pourrait néanmoins avoir démontré l’existence d’un abus de procédures de la part du syndic.
[277]       Après avoir analysé l’ensemble de la preuve, le comité est d’opinion que l’intimé n’a aucunement démontré par prépondérance de preuve une situation différente et nouvelle à celle constatée par le comité le 4 février 2020 en réponse à sa demande additionnelle de divulgation de preuve faite par l’intimé alors qu’il s’exprimait de la façon suivante :

« Le comité accepte l’explication du plaignant concernant la perte des originaux et trouve l’explication raisonnable.  Les originaux n’existent plus.  L’obligation du plaignant est acquittée et le comité ne considère pas la conduite qui entraînait la perte des originaux fautive. Le plaignant s’est acquitté de son obligation de transmettre l’enregistrement de l’entrevue à l’intimé. »[43]

[278]       En effet, les témoins entendus à la demande de l’intimé sont venus confirmer l’explication que le plaignant avait donnée quant à l’impossibilité de fournir les originaux de l’enregistrement, laquelle explication avait été acceptée par le comité.
[279]       Tout d’abord, M. Jacques Houde, qui était alors technicien à la Direction des technologies de l’information de la Chambre, a témoigné quant à la façon qu’il a procédé, à la demande de l’enquêteur, M. Lévesque, pour la confection et la conservation de l’enregistrement de l’entrevue du 25 mai 2018.
[280]       À son témoignage, il confirme essentiellement le contenu des réponses transmises à l’intimé par le procureur du plaignant, pièces R-2 et R-3, quant aux questions de l’intimé relativement à la confection des enregistrements, sa conservation et la destruction des originaux causée par une panne électrique.
[281]       Il explique que les fichiers originaux de l’enregistrement de l’entrevue du 25 mai 2018 faisaient partie de l’information contenue à une unité de stockage du système informatique de la Chambre ayant été perdue lors de la panne électrique.
[282]       Il mentionne aussi que la panne électrique n’avait cependant pas affecté les fichiers des enregistrements de l’entrevue se trouvant au répertoire de la DDEP utilisé par les enquêteurs du plaignant.
[283]       La panne électrique aurait eu lieu quelque part en automne 2018 et il se souvient en avoir discuté alors avec son chef d’équipe, M. Érik Houde, et Mme Lyne Boisvert, qui était à l’époque, Directrice principale performance et opérations de la Chambre et aussi responsable des technologies de l’information.
[284]       Le témoin n’est plus à l’emploi de la Chambre et est maintenant Directeur des technologies de l’information pour la Ville de Lorraine.
[285]       Il a répondu de manière franche, sans détour aux questions posées et a expliqué clairement et simplement la séquence des événements.
[286]       De plus, son langage non verbal est sans reproche.
[287]       Il n’a été démontré aucune raison qui pourrait amener le comité à penser que ce témoin ne dit pas la vérité.
[288]       Le comité croit le témoin M. Houde.
[289]       Quant au témoin, Mme Valérie Sauvé, qui n’est plus non plus à l’emploi de la Chambre, elle a témoigné à l’effet qu’en janvier 2019, en plus d’être Directrice des finances, elle était aussi responsable par intérim des technologies de l’information et que le témoin, M. Jacques Houde, était alors le responsable de la sauvegarde du système informatique.
[290]       Elle a mentionné qu’elle se souvient qu’il y a eu sporadiquement des pannes électriques causées par la construction du REM, mais qu’à sa connaissance, aucune panne majeure n’a eu lieu alors qu’elle était responsable par intérim des technologies de l’information.
[291]       Néanmoins, elle se souvient qu’elle devait s’assurer de la mise en place de mesures de protection du système informatique en cas de pannes électriques.
[292]       L’intimé fait grand état du fait que la Chambre ne détient aucune information en lien avec cette panne électrique de l’automne 2018[44] et de la teneur contradictoire des réponses transmises par le procureur du plaignant, pièces R-2 et R-3, quant à ses demandes d’obtenir les originaux des enregistrements, qui selon lui, démontrent que le plaignant refuse de les lui remettre.
[293]       Le comité ne partage pas l’opinion de l’intimé.
[294]       Il est vrai, tel que mentionné par M. Houde, que la réponse à la question 10 contenue à la pièce R-2 n’est pas exacte.
[295]       Il semble y avoir eu confusion de la part du procureur du plaignant dans l’utilisation des termes réseau, répertoire et serveur comme le mentionne le témoin, M. Houde.
[296]       Cela étant, cette contradiction ne constitue aucunement, selon le comité, une preuve de fausse déclaration et de mensonge de la part du syndic, comme le prétend l’intimé.
[297]       Encore ici, cette prétention n’est que pure spéculation de sa part.
[298]       L’intimé plaide aussi que le comité devrait tirer comme conclusion que le plaignant ment au comité à cause de la réponse transmise par Me Marc Beauchemin, à titre de responsable de l’application de la Loi sur l’accès à l’information[45] à la Chambre, le 2 avril 2020, pièce R-5.
[299]       Le comité ne partage pas l’opinion de l’intimé.
[300]       Cette réponse faisait suite à la demande d’accès à l’information présentée par l’intimé le 3 mars 2020 pour obtenir, entre autres, « une copie des deux fichiers d’origine copiés sur le PC utilisé par M. Jacques Houde le 28 mai 2018 ».
[301]       L’intimé réfère plus particulièrement au paragraphe suivant de la réponse de Me Beauchemin qui se lit comme suit :

« Au terme des recherches effectuées dans le cadre du traitement de votre demande, nous avons déterminé que les documents demandés sont détenus par la Direction principale-performance et opérations de la Chambre de la sécurité financière (ci-après la " CSF ") ce qui inclut le Secrétariat du Comité de discipline de celle-ci. »

[302]       Le témoin, Me Beauchemin, est venu expliquer devant le comité la rédaction de ce passage.
[303]       Il explique que les documents demandés étaient visés par l’article 32 de la LAI.
[304]       Il précise avoir voulu dire par ce paragraphe que si l’information demandée existe, ce serait à la DDEP qu’on pourrait la retrouver.
[305]       Il ajoute que ce paragraphe ne signifie pas que ladite information s’y trouve et il déclare ne pas en avoir fait la vérification.
[306]       À partir de la lettre, pièce R-5 et du témoignage de Me Beauchemin, le comité ne peut aucunement tirer comme conclusion, comme le prétend l’intimé, que les originaux de l’enregistrement existent toujours et se trouvent à la DDEP.
[307]       Au même titre que pour le témoin, M. Houde, aucune preuve de reproche n’a été démontrée quant à Me Beauchemin qui lui aussi n’est plus à l’emploi de la Chambre et, par conséquent, le comité n’a aucune raison de douter de la véracité de son témoignage.
[308]       Le comité ne peut par conséquent tirer comme conclusion que les originaux existent toujours, que le plaignant refuse de les lui fournir et qu’il a ainsi menti au comité.
[309]       La théorie de l’intimé n’est aucunement supportée par la preuve et est basée uniquement sur des soupçons et des spéculations.
[310]       Au contraire, la preuve présentée est à l’effet que les originaux ne sont plus disponibles et que cette impossibilité de les fournir à l’intimé n’est pas due à une faute de la part du syndic.
[311]       Le comité est d’opinion que la trame factuelle en l’espèce n’est aucunement similaire à celle existant dans l’arrêt Carosella plaidée par l’intimé où « l’organisme a pris la décision d’entraver le cours de la justice en détruisant systématiquement des éléments de preuve dont la production pourrait être requise en raison des pratiques des tribunaux »[46].
[312]       Au contraire, il s’agit en l’espèce d’un cas « où un élément de preuve est perdu par inadvertance et où les mêmes inquiétudes ne se soulèvent pas en ce qui concerne la création de propos délibéré d’obstacles à l’exercice par les tribunaux de leurs pouvoirs en matière d’admission de la preuve »[47].
[313]       Pour conclure, le comité est d’opinion que l’intimé n’a pas démontré de façon prépondérante, claire et convaincante qu’il a pu le 25 mai 2018 être l’objet de menaces des enquêteurs lors de son entrevue et que l’enregistrement vidéo, pièce P-5A, et l’enregistrement audio, pièce P-5B, ont été altérés.
[314]       Le comité est aussi d’opinion qu’il n’y a aucune preuve que le plaignant refuse de remettre à l’intimé les originaux de l’enregistrement de l’entrevue du 25 mai 2018 et qu’il ait menti au comité contrairement à son obligation de divulguer la preuve et de lui permettre à l’intimé de présenter une défense pleine et entière.
[315]       Il conclut aussi que les enregistrements vidéo, pièce P-5A, et audio, pièce P-5B, sont admissibles en preuve, le plaignant ayant prouvé par prépondérance de preuve leur fiabilité et leur authenticité.
[316]       De plus, même si l’intimé ne s’est pas objecté formellement à leur production en preuve, le comité déclare d’office, pour toutes les raisons ci-haut explicitées, que les enregistrements vidéo, pièce P-5A, et audio, pièce P-5B, sont admissibles en preuve, car ne portant pas atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l’utilisation serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice au sens de l’article 2858 du Code civil du Québec[48].
[317]       Compte tenu de ce qui précède, le comité est d’opinion que l’intimé n’a aucunement démontré une conduite répréhensible de la part du syndic qui aurait pu constituer un abus de procédures pouvant vicier à un point tel la présente procédure disciplinaire, qu’il serait de l’intérêt de la justice qu’elle soit arrêtée.
[318]       Par conséquent, le comité rejettera la Requête en arrêt des procédures amendée de l’intimé.
LA CULPABILITÉ DE L’INTIMÉ
[319]       Le comité étant d’opinion de rejeter la Requête en arrêt des procédures amendée de l’intimé, il doit maintenant décider s’il est coupable de l’infraction reprochée à la plainte.
[320]       Tel que discuté plus haut, la plainte disciplinaire ne compte qu’un chef d’infraction, à savoir celui d’avoir contrefait la signature de A.D. sur le document manuscrit « Situation financière révisée 20 mars 2013 », soit la pièce P-3 (I-75).
[321]       Le plaignant prétend s’être déchargé de son fardeau de preuve en se basant sur les aveux extrajudiciaires de l’intimé faits lors de l’entrevue du 25 mai 2018 de même que l’aveu judiciaire de l’intimé à son témoignage rendu devant le comité en la présente instance.
[322]       L’intimé, quant à lui, ne nie pas l’existence de ses aveux.
[323]       L’aveu est la reconnaissance d’un fait de nature à produire des conséquences juridiques contre son auteur et il est judiciaire ou extrajudiciaire[49].
[324]       L’aveu judiciaire est une preuve complète et suffisante du fait admis et sa valeur probante est équivalente à une confession de jugement[50].
[325]       En ce qui concerne l’aveu extrajudiciaire, le Code civil du Québec prévoit que la valeur probante de l’aveu extrajudiciaire est laissée à l’appréciation du tribunal[51].
[326]       La Cour d’appel du Québec dans l’affaire Henri Cousineau et Fils Inc. c. Axa Assurance Inc. déclare :
« [20] C'est au juge du fond que reviendra la tâche d'apprécier le poids réel de cet aveu. À ce sujet, je fais miens les commentaires des auteurs Tessier et Dupuis[6] :
L'aveu extrajudiciaire fait aussi preuve contre la partie qui en est l'auteur, pourvu que le tribunal accorde pleine valeur probante au témoignage ou à l'écrit qui le contient. Suivant l'article 2852, al. 2 C.c.Q., la force probante de l'aveu extrajudiciaire est laissée à l'appréciation du tribunal. Ce dernier jouit d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier les circonstances dans lesquelles l'aveu a été fait, qui peuvent influer sur le poids à y attacher. À la différence de l'aveu judiciaire, la partie à qui on oppose ce prétendu aveu extrajudiciaire peut en contester la valeur et la portée, sans être tenue d'en demander formellement la révocation pour cause d'erreur de fait. Cependant, l'erreur inexcusable ne peut être invoquée pour contester un aveu extrajudiciaire. Il incombe à la partie qui prétend qu'un aveu lui a été extorqué par crainte, menace ou violence d'en faire la preuve, suivant l'article 2852 C.c.Q. La contestation de l'aveu extrajudiciaire, laissée à l'appréciation du tribunal, qui pourrait l'écarter s'il n'est pas probant, peut survenir pour d'autres motifs que l'erreur de fait.
[21] Selon les faits que lui révélera cette preuve, le juge pourrait parvenir à la conclusion que l’aveu est vicié et qu’il n’emporte pas la preuve que Cousineau a été vraiment payée. Dans une telle hypothèse, Axa ne pourrait faire triompher la thèse du paiement, laquelle est au fondement même de sa requête en irrecevabilité. »[52] (référence omise)
[327]       En l’espèce, l’intimé, à son témoignage devant le comité, a sans hésitation, et à plusieurs reprises, reconnu judiciairement avoir contrefait la signature de A.D. sur le document manuscrit « Situation financière révisée 20 mars 2013 » (I-75).
[328]       Il y admet même avoir fait de tels aveux lors de l’entrevue du 25 mai 2018.
[329]       Ces admissions judiciaires confirment les témoignages rendus par les enquêteurs du plaignant, les enregistrements, pièces P-5A et P-5B, qui contiennent les aveux extrajudiciaires faits par l’intimé lors de l’entrevue du 25 mai 2018 et dont la valeur probante n’a aucunement été amoindrie par le témoignage de l’intimé.
[330]       Le plaignant avait informé préalablement l’intimé par lettre du 12 juin 2019 qu’il avait l’intention de mettre en preuve ces aveux extrajudiciaires lors de l’audition devant le comité, respectant ainsi la jurisprudence applicable en l’espèce[53].
[331]       Pour ces motifs, le comité considère que les aveux judiciaires et extrajudiciaires de l’intimé à l’effet qu’il a contrefait la signature de A.D. sur le document manuscrit « Situation financière révisée 20 mars 2013 », pièce P-3, constituent de façon sans équivoque la preuve prépondérante, claire et convaincante que l’intimé a commis l’infraction reprochée.
[332]       Par conséquent, le comité est d’opinion que le plaignant a renversé son fardeau et que l’intimé doit être trouvé coupable du chef unique d’infraction de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 16 sur la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE l’ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non‑diffusion du nom et prénom de la consommatrice impliquée dans la plainte disciplinaire, ainsi que de toute information se trouvant dans la preuve qui permettrait de l’identifier, rendue séance tenante le 9 novembre 2020, étant entendu que ladite ordonnance ne s'applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier (RLRQ, c. E-6.1) et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

RÉITÈRE l’ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non‑diffusion de toute information révélée au témoignage de M. Jacques Houde portant sur la description, la configuration, la gestion et le fonctionnement des équipements informatiques de la Chambre de la sécurité financière de même que sur les mesures mises en place pour les protéger, étant entendu cependant que cette ordonnance ne vise pas la partie de son témoignage quant à l’existence d’une panne électrique ayant eu lieu à l’automne 2018[54];

RÉITÈRE l’ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non‑diffusion de l’information contenue aux pièces R-2, R-3 et R‑31[55];

RÉITÈRE l’ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non‑diffusion du témoignage rendu par M. Christian Faubert devant le comité le 11 novembre 2020[56];

REJETTE la Requête en arrêt des procédures amendée de l’intimé;

DÉCLARE l’intimé coupable sous l’unique chef d’infraction de la plainte disciplinaire pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

CONVOQUE les parties, avec l’assistance de la secrétaire du Comité de discipline, à une audition sur sanction;

PERMET la notification de la présente décision à l’intimé par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25), à savoir par courrier électronique.

 

 

 

(S) Me Claude Mageau

_______________________________

Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

 

 

 

 

 

 

 

(S) Pierre Masson

_______________________________

M. PIERRE MASSON, A.V.A., PL. FIN.

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

 

(S) Bruno Therrien

_______________________________

M. BRUNO THERRIEN, PL. FIN.

Membre du comité de discipline

 

Me Alain Galarneau

POULIOT PRÉVOST GALARNEAU

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représente lui-même.

 

Dates d’audience : 9, 10, 11 et 16 novembre 2020

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]    Pièce RP-1.

[2]    Pièce RP-2.

[3]    Pièce P-7.

[4]    Pièce R-3.

[5]    Pièce R-3.

[6]    Pièce RP-3.

[7]    Pièce R-2.

[8]    Pièce RP-4.

[9]    Pièce RP-5.

[10]  Pièce RP-6.

[11] Chambre de la sécurité financière c. De Trinidad, 2020 QCCDCSF 31 (CanLII); Bégin c. Comptables professionnels agréés (Ordre des), 2019 QCTP 33 (CanLII).

[12]  Chambre de la sécurité financière c. De Trinidad, 2020 QCCDCSF 59 (CanLII).

[13]     Pièce P-1.

[14]     Pièce P-2.

[15]     Pièce P-3.

[16]     Pièce R-8.

[17]     Pièce RP-2.

[18]     Pièce R-3.

[19]  R. c. Carosella, 1997 CanLII 402 (CSC), [1997] 1 RCS 80; Brazeau c. Chambre de la sécurité financière, 2006 QCCQ 11715 (CanLII); R. c. Babos, 2014 CSC 16 (CanLII), [2014] 1 RCS 309; R. c. O'Connor, 1995 CanLII 51 (CSC), [1995] 4 RCS 411; R. c. Stinchcombe, 1991 CanLII 45 (CSC), [1991] 3 RCS 326; Bourdon c. Commissaire à la déontologie policière, 2000 CanLII 10049 (QC CA); Ruffo (Re), 2005 QCCA 647 (CanLII);  Loubier c. Conseil de discipline de l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, 2017 QCCS 854 (CanLII); Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Torre, 2018 CanLII 41693 (QC CPA); Arena c. Conseil du Trésor (ministère des Finances), 2006 CRTFP 105 (CanLII); Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information, RLRQ, c. C-1.1; Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, RLRQ, c. A-2.1; Commission d’accès à l’information du Québec, Accès aux documents, en ligne : https://www.cai.gouv.qc.ca/organismes/acces-aux-documents, (consulté le 5 novembre 2020).

[20]  R. c. La, 1997 CanLII 309 (CSC), [1997] 2 RCS 680; Chambre de la sécurité financière c. Hattem, 2019 QCCDCSF 39 (CanLII); R. c. Bjelland, 2009 CSC 38 (CanLII), [2009] 2 RCS 651; St-Cyr c. R., 2018 QCCS 4894 (CanLII); R. c. Paul, 2017 QCCS 905 (CanLII); R. v. Bulldog, 2015 ABCA 251 (CanLII); R. c. Mirarchi, 2016 QCCS 2531 (CanLII); R. c. Adams, 1995 CanLII 56 (CSC), [1995] 4 RCS 707.

[21]  Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44 (CanLII), [2000] 2 RCS 307.

[22]  Idem.

[23]  Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), préc., note 21.

[24]  Huot c. Pigeon, 2006 QCCA 164 (CanLII).

[25]  2017 QCCA 238 (CanLII), par. 70.

[26]  2019 QCCA 2085 (CanLII), par. 6 et 9.

[27]  2020 QCCA 1182 (CanLII), par. 13.

[28]  Ruffo (Re), préc. note 19.

[29]  R. c. Carosella, préc., note 19.

[30]  R. c. La, préc., note 20.

[31]  R. c. La, préc., note 20, p. 690-691.

[32]  R. c. La, préc., note 20, p. 691-692.

[33]  R. c. Stinchcombe, préc., note 19, p. 755, par. 2.

[34]  St-Cyr c. R., préc., note 20.

[35]  R. c. Mirarchi, préc., note 20, par. 131, et 169 à 172

[36]  Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991, art. 2868 et 2874; Catherine Piché, La preuve civile, 6 éd., Éditions Yvon Blais, 2020, p. 870-879.

[37]  Code civil du Québec, préc., note 36, art. 2858; Catherine Piché, La preuve civile, préc., note 36, p. 865-866.

[38]     Pièce RP-6.

[39]     White v. The King, 1947 CanLII 1 (SCC), [1947] SCR 268, p. 272.

[40]     Pièce RP-6.

[41]     Pièce R-2, question 6.

[42]     R. c. Mirarchi, préc., note 20 et Réponse du plaignant, par. 65-67.

[43]  Pièce RP-5, p. 2; R. c. La, préc., note 20, par. 28.

[44]  Pièce R-31.

[45]  LRC, 1985, c. A-1.

[46]     R. c. Carosella, préc., note 19, par. 55-56.

[47]     R. c. La, préc., note 20, par. 26.

[48]     Catherine PICHÉ, La preuve civile, préc., note 37.

[49]     Code civil du Québec, préc., note 36, art. 2850; Catherine PICHÉ, La preuve civile, préc., note 36, p. 813-815.

[50]     Catherine PICHÉ, La preuve civile, préc., note 36, p. 841-842.

[51]     Code civil du Québec, préc., note 36, art. 2852, al. 2.; Catherine Piché, La preuve civile, préc., note 36, p. 845-846.

[52]     Henri Cousineau & Fils inc. c. Axa Assurances inc., 2010 QCCA 1000 (CanLII); Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Valiquette, 2019 CanLII 20194 (QC CDOPQ).

[53]     Pièce P-7 et Psychologues (Ordre professionnel des) c. Fernandez De Sierra, 2005 QCTP 134 (CanLII).

[54]     Chambre de la sécurité financière c. de Trinidad, 2020 QCCDCSF 58.

[55]     Idem.

[56]     Idem.

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