Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1316

 

DATE :

11 février 2022

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me George R. Hendy

Président

M. Denis Petit, A.V. A

Membre

M. François Faucher, Pl. Fin.

Membre

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LYSANE TOUGAS, ÈS QUALITÉS DE SYNDIQUE ADJOINTE DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Partie plaignante

 

c.

 

MARTIN LEFEBVRE, conseiller en sécurité financière (certificat numéro 178905)

 

Partie intimée

 

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DÉCISION SUR SANCTION

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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

Ordonnance de non-divulgation, de non-diffusion et de non-publication des noms et prénoms des consommateurs impliqués dans la plainte disciplinaire, ainsi que de toute information se trouvant dans la preuve qui permettrait de les identifier. Toutefois, il est entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

 

APERÇU

[1]          Le 8 septembre 2021, le Comité a rendu une décision déclarant l'intimé, Martin Lefebvre, coupable en vertu des chefs d'accusation 1 et 3, et l'a acquitté du deuxième chef d'accusation d'une plainte disciplinaire qui se lit ainsi :

1.         À Saguenay, le ou vers le 8 septembre 2010, l'intimé n'a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de P.L., alors qu'il lui faisait soumettre une demande de transformation de la police A, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi la distribution des produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et 6 du Règlement sur l'exercice des activités d'un représentants (RLRQ, c. D-9.2, r. 10);

2.         À Saguenay, le ou vers le 8 septembre 2010, l’intimé a fait soumettre à P.L. une demande de transformation de la police A alors que cela ne convenait pas à sa situation personnelle et financière, contrevenant ainsi aux articles 16, 27 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 12 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c.D-9.2, r. 3);

3.         Dans la province de Québec, entre 2011 et 2014, l'intimé a utilisé ou permis que soient utilisé environs 16 formulaires sur lesquels la signature de P.L. a été photocopiée, contrevenant ainsi aux articles 16 de Règlement Loi sur la distribution des produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3).

[2]          L'audition sur sanction a eu lieu le 12 janvier 2022, lors de laquelle les parties ont soumis la recommandation commune suivante pour l'approbation du Comité :

a)            pour le chef d'accusation 1, une réprimande;

b)            pour le chef d'accusation 3, une radiation temporaire de deux mois, à être purgée concurremment avec la radiation temporaire de 11 mois (à compter de la date de réinscription de l'intimé) imposée en vertu d'une décision sur sanction rendue contre l'intimé le 25 octobre 2021, dans les dossiers CD00-1403 et 1404, 2021 QCCDCSF 63, pièce SP-1);

c)            condamnation aux frais de publication en vertu de l'article 156  du Code des professions;

d)            condamnation à payer 2/3 des déboursés conformément à l'article 151 du Code des professions, à cause de l'acquittement de l'intimé sur un des trois chefs d'accusation portés contre lui, suivant les modalités qui ont été laissées à la discrétion du Comité.

QUESTIONS EN LITIGE

[3]          Le Comité doit déterminer:

a)            si la recommandation commune des parties déconsidère l'administration de la justice ou si elle est contraire à l'intérêt public;

b)            s'il y a lieu d'accorder des modalités et un délai à l'intimé pour le paiement des déboursés.

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

[4]          Comme facteurs aggravants concernant les chefs d'accusation 1 et 3, la plaignante a soulevé la gravité objective de la conduite de l'intimé, vu que l'analyse des besoins du client constitue un élément essentiel du travail et des devoirs du représentant, et que la confection de documents (utilisation de photocopies de signatures) a été jugée une pratique malsaine de façon constante par la jurisprudence

[5]          Comme facteurs atténuants, la plaignante a souligné:

a)            l'absence d'antécédents disciplinaires contre l'intimé au moment des infractions dans cette cause;

b)            le fait que l'intimé avait relativement peu  d'expérience au moment des infractions, dont la première est survenue en septembre 2010 (l'intimé  étant alors inscrit depuis juin 2008);

c)            la conséquence objectivement  mitigée du défaut de l'intimé d'avoir procédé à une analyse complète et conforme des besoins de la cliente, vu l'acquittement de l'intimé en vertu du chef d'accusation 2;

d)            qu’il n'y avait aucune intention frauduleuse ou malhonnête de la part de l'intimé, l'infraction ayant été commise pour éviter des délais et inconvénients pour la cliente;

e)            l'absence de profit personnel pour l'intimé;

f)             la durée prolongée entre le début de l'enquête en 2014 et le jugement sur culpabilité en octobre 2021;

g)            la perte de la relation contractuelle entre l'intimé et Industrielle Alliance.

[6]          Bien que la jurisprudence impose normalement comme sanction une amende pour le chef d'accusation 1, la plaignante argumente que les facteurs atténuants ci-haut militent en faveur d'une simple réprimande.

[7]          En ce qui concerne le chef d'accusation 3, la jurisprudence impose normalement une radiation temporaire pouvant aller jusqu'à trois mois.

[8]          La plaignante a invoqué la jurisprudence suivante à l'appui de ses représentations:

a)            Chambre de la sécurité financière c. Auger, 2021 QCCDCSF 54

b)            Chambre de la sécurité financière c. Baillargeon Bouchard, 2021 QCCDCSF 33

c)            Chambre de la sécurité financière c. Salvail, 2021 QCCDCSF 39

d)            Chambre de la sécurité financière c. Labrecque, 2020 QCCDCSF 5

e)            Chambre de la sécurité financière c. Rondeau, 2019 QCCDCSF 48

[9]          La plaignante soumet que la recommandation commune n'est pas en conflit avec la marge de manœuvre offerte par la jurisprudence pour des cas semblables et qu'elle ne déconsidère pas l'administration de la justice et n'est pas contraire à l'intérêt public.

[10]       L'intimé a ensuite fait part au Comité qu'il a eu des difficultés à se trouver un nouvel emploi à cause de la mauvaise publicité résultant des diverses procédures intentées contre lui par la Chambre de la sécurité financière et il demande au Comité de lui accorder des modalités et un délai équitable pour payer les déboursés considérables de cette cause, ce à quoi la plaignante ne s'est pas opposée.

[11]       Le Comité a été informé par le greffier que les déboursés totaux de cette affaire pourraient se chiffrer à la somme approximative de 10 000$, de sorte que même les 2/3 de cette somme constitue un montant important pour l'intimé.

ANALYSE ET MOTIFS

[12]       Il n'y a aucun doute que l'intimé a contrevenu à des obligations déontologiques fondamentales dans cette cause.

[13]       Cependant, en décidant sur les sanctions appropriées à imposer pour ces manquements graves, le Comité ne peut ignorer les facteurs atténuants mentionnés ci-haut.

[14]       La décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Anthony-Cook (2016 S.C.R. 43) nous oblige à adopter une recommandation commune des parties quant aux sanctions à moins que celle-ci déconsidère l'administration de la justice ou est contraire à l'intérêt public.

[15]       Le Comité est d'avis que la recommandation commune propose des sanctions qui sont appropriées dans les circonstances et qui se situent dans la fourchette des sanctions établies par la jurisprudence, tout en respectant les principes de progression d'exemplarité et de dissuasion qui sont pertinents à ce cas, de sorte que la recommandation commune ne déconsidère pas l'administration de la justice et n'est pas contraire à l'intérêt de la justice.

[16]       Quant aux déboursés, le Comité est d’avis que le montant important de ces déboursés et la capacité financière diminuée actuelle de l'intimé justifient de lui permettre de satisfaire à la condamnation aux déboursés suivant l'article 151 du Code des professions par versements mensuels consécutifs et égaux sur une période de 18 mois à partir de la date de communication à l'intimé du montant total dû.

PAR CES MOTIFS, le Comité de discipline:

ORDONNE, sous le chef d’infraction 1, une réprimande de l'intimé;

ORDONNE, sous le chef d'accusation 3, la radiation temporaire de l'intimé pour une période de deux  mois, à être purgée à partir du moment que l’intimé reprendra son droit de pratique à la suite de l’émission en son nom d’un certificat par l’Autorité des marchés financiers ou par toute autre autorité compétente, le cas échéant, et concurremment avec la radiation temporaire de 11 mois imposée contre l'intimé dans le jugement produit sous la cote SP-1 (2021 QCCDCSF 63, CD00-1403 et 1404);         

ORDONNE à la secrétaire du Comité de faire publier, aux frais de l'intimé un avis de la présente décision dans un journal circulant dans les lieux où celui-ci a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l'alinéa 7 de l'article 156 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

ORDONNE à la secrétaire du Comité de ne procéder à cette publication qu’au moment où l’intimé reprendra son droit de pratique et que l’Autorité des marchés financiers ou toute autre autorité compétente émettra un certificat en son nom;

CONDAMNE l'intimé au paiement de 2/3 des déboursés prévus à l'article 151 du Code des professions, mais par versements mensuels consécutifs et égaux sur une période de 18 mois, à partir de la date de communication à l'intimé du montant total dû;

PERMET la signification de la présente décision à l'intimé par moyen technologique conformément à l'article 133 du Code de procédure civile, soit par courrier électronique.

(S) Me George R. Hendy

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George R. Hendy
Président du comité de discipline

(S) M. Denis Petit

__________________________________________    M. Denis Petit, A.V.A.
 Membre du comité de discipline

(S) M. François Faucher

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 M. François Faucher, Pl. Fin.
 Membre du comité de discipline

Me Mathieu Cardinal
CDNP AVOCATS
Avocats de la plaignante

L’intimé se représente seul

Date d’audience : 12 janvier 2022

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

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