Chambre de la sécurité financière (Québec)

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comité de discipline

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

canada

province de québec

 

 

 

N°:

CD00-1468

DATE:31

janvier 2022

le comité :

Me Claude Mageau

M. Frédéric Perman

M. André Noreau

Président

Membre

Membre

 

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Partie plaignante

c.

GUY MIREAULT (numéro de certificat 124010, BDNI 1743871)

 

Partie intimée

 

décision sur culpabilité ET SANCTION

 

conformément à l’article 142 du code des professions, le comité a prononcé l’ordonnance suivante :

Ordonnance de non-divulgation, de non‑diffusion et de non-publication du nom et prénom des consommateurs et de la victime concernés par la plainte disciplinaire ainsi que de toute information permettant de les identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas à tout échange d’information prévu à la Loi sur l’encadrement du secteur financier (RLRQ, c. E-6.1) et de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D‑9.2).
[1]             La plainte disciplinaire déposée contre M. Guy Mireault (« M. Mireault ») contient un chef unique d’infraction lui reprochant de ne pas avoir agi avec professionnalisme et d’avoir manqué de modération envers J.L. en le dénigrant et en le menaçant de voies de fait, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 6 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.
[2]             Avant l’audition, les parties avaient informé le comité que l’intimé plaiderait coupable à l’unique chef d’infraction de la plainte disciplinaire.
[3]             À l’ouverture de l’audition, M. Mireault enregistre formellement devant le comité un plaidoyer de culpabilité au chef d’infraction reproché et les parties déposent de consentement un exposé conjoint des faits[1], dont les paragraphes suivants décrivent l’essentiel des faits reprochés à M. Mireault :

« 1.    L’Intimé a détenu un certificat d’exercice délivré par l’Autorité des marchés financiers portant le numéro 124010 (BDNI : 1743871) :

a.      Jusqu’au 31 août 2019, dans la discipline de l’assurance de personnes;

b.      Jusqu’au 31 décembre 2019, dans les disciplines de l’épargne collective;

le tout tel qu’il appert de l’attestation de l’AMF et de la lettre de l’AMF à cet effet, pièces (sic) PS-1;

2.       En 2017-2018, le cabinet Apogée Groupe Financier 360o Inc. (ci-après « Apogée ») achète le cabinet Assurances et Placements Guy Mireault appartenant à l’Intimé;

3.       Le 19 novembre 2018, l’Intimé suggère l’embauche de J.L. afin que ce dernier prenne la relève de l’Intimé aux bureaux de Baie-Comeau;

4.       Un plan de transition est donc mis en place par Apogée, en collaboration avec J.L. et l’Intimé. Ce plan prévoyait à l’origine que lors de la première rencontre de transition avec les clients, l’Intimé débuterait la rencontre seul avec le client, puis inviterait J.L. à les rejoindre afin de le présenter au client et qu’il poursuive la transition avec lui, J.L. ne devant pas contacter les clients de l’étude avant que cette étape soit franchie;

5.       Dans les mois suivants (sic) son embauche, la relation entre J.L. et l’Intimé devient tendue. J.L. souhaitant mettre en place de nouvelles façons de faire en vue du transfert vers Apogée alors que l’Intimé tient à ce que l’on procède de la façon décrite aux paragraphes plus haut.

6.       Ainsi, dès le départ, les parties n’ont pas été sur la même longueur d’onde. À ces tensions s’ajoutent des problèmes interpersonnels quant à la gestion du bureau (chauffage, ventilation, gestion des heures), le tout tel qu’il appert partiellement des échanges courriels intervenus entre J.L. et les représentants d’Apogée, pièce PS-2;

7.       Devant cette situation, le 12 décembre 2018, Apogée consigne par écrit un résumé du processus de transfert de la clientèle convenu entre J.L., l’Intimé et Apogée et convient d’une marche à suivre pour toute modification aux processus du bureau de Baie-Comeau, le tout tel qu’il appert du courriel de Christian Boucher, daté du 12 décembre 2018, pièce PS-2;

[…]

12.     La relation s’envenime suite à une succession de friction entre J.L et l’Intimé, de tel (sic) sorte que l’attitude de l’Intimé envers J.L. devient de plus en plus agressive et colérique, le tout tel qu’il appert du compte rendu de J.L. adressé par courriel en date des 25 janvier, 8 et 27 février 2019, pièce PS‑3;

13.     L’Intimé reconnait aujourd’hui l’inadéquation de certaines de ses réactions lesquelles s’inscrivaient dans le cadre de la relation ci-haut décrite;

14.     Le 12 avril 2019, à l’occasion d’une rencontre entre l’Intimé et un client du cabinet qui devait faire l’objet d’un transfert vers J.L. à la fin de la rencontre, l’Intimé s’est emporté et a manqué de respect à l’endroit de J.L., notamment en le traitant d’enfant d’école devant le client. Suivant le départ de ce client, l’Intimé admet avoir dit à J.L. qu’il agissait « comme une personne qui mériterait une claque sur la gueule ». J.L. a eu l’impression que l’Intimé l’avait menacé de voies de fait, tel qu’il appert du compte rendu contenu à l’échange courriels, pièce PS-4;

15.     L’Intimé explique que son insistance à souhaiter rencontrer les clients quelques minutes avant d’introduire J.L. provenait de l’insécurité de certains clients à rencontrer un nouveau représentant sans pouvoir en discuter préalablement avec l’Intimé en toute aisance;

[…]

 

19.     Le 3 juillet 2019, J.L. se présente dans le bureau de l’Intimé afin de discuter. Cet échange a été tendu au point où le ton a monté entre les deux protagonistes et l’Intimé a dit à J.L. que quelque chose ne tournait pas rond dans sa tête et l’échange s’est terminé brusquement. J.L. soutient que lors de cet évènement, l’Intimé l’a menacé avec une agrafeuse et a claqué violemment la porte du bureau, le tout tel qu’il appert du compte rendu de J.L. contenu à l’échange courriels, pièce PS-5.

20.     Bien que l’Intimé reconnaisse avoir tenu de tel (sic) propos inappropriés à l’endroit de J.L., il ne reconnait pas avoir menacé J.L. avec une agrafeuse;

[…]

22.     Le 20 septembre 2019, l’Intimé et J.L. ont un échange tendu. Suivant la version de J.L., l’Intimé l’aurait alors traité d’incompétent, d’épais, d’hypocrite et de menteur, le tout tel qu’il appert du compte rendu de J.L. contenu à l’échange courriels, pièce PS-5; Pour sa part l’Intimé n’a pas en mémoire avoir prononcé ces paroles exactes, mais reconnait avoir employé un langage inapproprié à l’égard de J.L. lors d’un échange intervenu contemporainement à cette date;

23.     Le 18 octobre 2019, l’Intimé prend sa retraite et il est entendu qu’il n’est plus autorisé à se présenter aux bureaux d’Apogée de Baie-Comeau, tel qu’il appert du compte rendu de J.L. contenu à l’échange courriels, pièce PS-6;

24.     Le 22 octobre 2019, malgré ce qui précède, l’Intimé retourne aux bureaux d’Apogée de Baie-Comeau. J.L. lui demande alors de respecter son entente et de quitter les lieux. L’Intimé manque de respect envers J.L. et lui répond : « veux-tu avoir une claque sa y’eule pour de vrai? Veux-tu que je t’assomme là aujourd’hui toi là? », laissant sous-entendre que dans le passé il ne l’avait pas fait, mais qu’il aurait pu le faire, tel qu’il appert de l’enregistrement de cette rencontre, pièce PS-7;

25.     Suivant ces événements, J.L. dépose une plainte à la Sûreté du Québec et des accusations de voies de fait, menaces et harcèlement sont déposés au Directeur des poursuites criminelles et pénales (ci-après « DPCP ») le 4 novembre 2019, tel qu’il appert de l’échange courriel intervenu entre l’enquêteur de la CSF et la Sûreté du Québec, pièce PS-8;

26.     Suivant étude et analyse du DPCP, aucune accusation n’a été portée à l’encontre de l’Intimé, tel qu’il appert de la lettre du 17 décembre 2020, pièce PS-9;

[…] »

[4]             Vu le contenu détaillé de l’exposé conjoint des faits et la teneur des pièces PS-1 à PS-10, déposées de consentement par les parties, le comité déclare M. Mireault coupable séance tenante de l’unique chef d’infraction pour avoir contrevenu aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 6 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.
[5]             Cependant, en vertu du principe interdisant les condamnations multiples, le comité ordonne la suspension conditionnelle des procédures en vertu de l’article 16 de Loi sur la distribution de produits et services financiers, M. Mireault devant être sanctionné uniquement en vertu de l’article 6 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.
[6]             L’article 6 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière prévoit que « La conduite du représentant doit être empreinte de dignité, de discrétion, d’objectivité et de modération. »[2].
[7]             Les procureurs des parties présentent conjointement au comité la recommandation suivante de sanctions :

               Radiation temporaire pour une période de trente jours, effective lors de la réinscription de M. Mireault, le cas échéant;

               La publication d’un avis de la décision aux frais de M. Mireault selon l’article 156 (7) du Code des professions;

               Le paiement des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions.

QUESTION EN LITIGE
[8]             La recommandation commune de sanctions des parties doit-elle être entérinée par le comité?
ANALYSE ET MOTIF
[9]             Lorsqu’une recommandation commune de sanction est présentée par les parties, le comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la suggestion, mais doit plutôt y donner suite sauf dans les cas où elle déconsidère l’administration de la justice ou est contraire à l’intérêt public[3].
[10]          Le comité doit écarter la recommandation commune des parties au motif qu’elle ne respecte pas le critère de l’intérêt public seulement s’il conclut que la sanction recommandée est « … à ce point dissociée des circonstances de l’infraction […] que son acceptation amènerait des personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice avait cessé de bien fonctionner »[4].
[11]          Tout en tenant compte des particularités de chaque dossier, il est bien établi qu’une sanction disciplinaire ne vise pas à punir un professionnel, mais bien plutôt à assurer la protection du public[5].
[12]          Les fourchettes jurisprudentielles de sanction sont pour un décideur des guides et non des carcans dans la détermination d’une sanction[6].
[13]          En l’espèce, au niveau des facteurs objectifs, c’est-à-dire ceux qui font l’objet de la plainte elle-même, le comité considère que la gravité objective de l’infraction reprochée est très sérieuse.
[14]          En effet, le comportement de M. Mireault à l’égard de J.L. était inacceptable, agressif et humiliant.
[15]          Il était d’autant plus grave qu’il s’est déroulé sur une période de près d’un an et qu’il devenait de plus en plus agressant à l’égard de J.L. pour culminer en octobre 2019 par une menace de voies de fait à son égard.
[16]          D’ailleurs, J.L. a porté plainte auprès des autorités policières concernant cet incident culminant, laquelle plainte n’a cependant pas fait l’objet d’une accusation pénale ou criminelle[7].
[17]          Ce comportement de M. Mireault qui rend difficile le transfert générationnel d’une clientèle à un plus jeune professionnel ternit l’image de la profession.
[18]          Au niveau subjectif, il semble qu’une animosité personnelle existait entre M. Mireault et J.L.
[19]          M. Mireault est âgé de 79 ans et ne détient plus de certificat à titre de représentant.
[20]          Au moment des faits reprochés, il traversait une période difficile au niveau de ses finances personnelles et de sa santé.
[21]          De plus, son épouse est gravement malade et il agit auprès d’elle comme aidant naturel.
[22]          Le syndic concède que M. Mireault a bien collaboré à son enquête.
[23]          M. Mireault ne bénéficie d’aucun fonds de retraite et compte tenu de sa situation financière, il est possible qu’il revienne à la pratique.
[24]          Comme facteur atténuant, M. Mireault reconnaît sa culpabilité et il évite ainsi une audition de trois jours qui aurait pu être difficile compte tenu des faits qui lui sont reprochés.
[25]          Le comportement de M. Mireault n’a pas empêché l’exécution de l’entente intervenue avec Apogée et sa clientèle a bien été transférée comme convenu.
[26]          M. Mireault a un antécédent disciplinaire qui n’est cependant pas en semblable matière.
[27]          Le comité doit en tenir compte, mais il ne doit pas y donner une importance disproportionnée[8].
[28]          En effet, il s’agit d’un dossier où M. Mireault a été trouvé coupable de deux chefs d’infraction de ne pas avoir connu la situation financière et les objectifs de placement de son client et de lui avoir conseillé des placements qui ne lui convenaient pas.
[29]          Les faits de ce dossier remontent à 2000 pour une plainte déposée en 2011 et pour laquelle il a finalement été sanctionné le 10 décembre 2017.
[30]          Enfin, le procureur du syndic dépose une série de décisions pour lesquelles des amendes et de courtes périodes de radiation temporaire ont été rendues pour des accusations similaires à celles reprochées à M. Mireault[9].
[31]          La recommandation commune de sanctions, faite par les parties, s’inscrit à l’intérieur de la fourchette jurisprudentielle applicable pour des cas similaires.
[32]          Par conséquent, le comité considère que la recommandation commune présentée par les parties n’est pas contraire à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice et les sanctions proposées seront donc entérinées par le comité.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

réitère la déclaration de culpabilité de l’intimé relativement au chef unique d’infraction de la plainte disciplinaire pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et à l’article 6 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r.3);

RÉITÈRE la suspension conditionnelle des procédures en ce qui concerne l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trente jours quant au chef unique d’infraction de la plainte disciplinaire;

ORDONNE que cette période de radiation temporaire ne commence à courir, le cas échéant, qu’au moment où l’intimé reprendra son droit de pratique à la suite de l’émission à son nom d’un certificat par l’Autorité des marchés financiers ou par toute autre autorité compétente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans les lieux où ce dernier a eu son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 7 de l’article 156 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

ORDONNE à la secrétaire du comité de ne procéder à cette publication qu’au moment où l’intimé reprendra son droit de pratique et que l’Autorité des marchés financiers ou toute autre autorité compétente émettra un certificat en son nom;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

PERMET la notification de la présente décision à l’intimé par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), soit par courrier électronique.

 

 

 

(S) Me Claude Mageau

 

 

 

Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

(S) M. Frédérik Perman

 

M. FRÉDÉRIC PERMAN

Membre du comité de discipline

 

(S) M. André Noreau

 

M. ANDRÉ NOREAU

Membre du comité de discipline

 

 

Me Karoline Khelfa

CDNP Avocats

Avocats de la partie plaignante

Me Louis-Philippe Doucet Gallienne

Doucet Gallienne Avocat Inc.

Avocats de la partie intimée

 

Date d’audience : 19 novembre 2021

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]      Pièce PS-11.

[2]      RLRQ, c. D-9.2, r. 3.

[3]      R. c. AnthonyCook, 2016 CSC 43 (CanLII), [2016] 2 RCS 204.

[4]      Idem., par. 34.

[5]      Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA).

[6]      Serra c. Médecins (Ordre professionnel des), 2021 QCTP 2 (CanLII), par. 104; Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Khiar, 2017 QCTP 98 (CanLII), par. 30-31.

[7]      Pièce PS-9.

[8]      Pièce PS-10.

[9]      Chambre de la sécurité financière c. Nelson, 2019 QCCDCSF 56 (CanLII) et Chambre de la sécurité financière c. Nelson, 2020 QCCDCSF 39 (CanLII); Médecins (Ordre professionnel des) c. Godbout, 2021 QCCDMD 34 (CanLII); Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Semerjian, 2018 CanLII 69936 (QC CDOIQ); Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec, 2019 CanLII 98844 (QC OACIQ); Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel des) c. Blouin, 2019 CanLII 28672 (QC OIIA); Barreau du Québec (syndique adjointe) c. Lafferière, 2021 QCCDBQ 52 (CanLII).

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