Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No : CD00-1431

 

DATE :

26 janvier 2022

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ[1] :

Me Chantal Donaldson

           Présidente

Mme Sonia Comeau

           Membre

______________________________________________________________________

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Plaignant

c.

 

JEANNE BERLIE BAZELAIS, conseillère en sécurité financière et représentante de courtier en épargne collective (numéro de certificat 197123 et numéro de BDNI 2902711)

 

Intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION

[1]  À la demande du syndic de la Chambre de la sécurité financière (ci-après : «syndic»), le comité a rendu séance tenante, conformément à l’article 142 du Code des professions, l’ordonnance suivante :

Non-divulgation, non-diffusion, et non-publication de tout renseignement ou information qui pourrait permettre d’identifier le nom et prénom des consommateurs concernés par la plainte disciplinaire, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

 

APERÇU

 

[2]  En mars 2016, l’intimée, Mme Jeanne Berlie Bazelais a vendu une police d’assurance vie à deux de ses clients.

[3]  En vertu de la procédure usuelle, elle a procédé préalablement à une analyse des besoins financiers (ci-après «ABF») et elle a rempli une proposition d’assurance vie pour ce couple de consommateurs auprès de Primerica.

[4]  Cette nouvelle police d’assurance vie visait à remplacer deux contrats que les consommateurs détenaient auprès d’Industrielle Alliance.

[5]  Le 11 août 2020, elle a été citée devant le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») à la suite d’une plainte disciplinaire, laquelle contenait à l’origine six (6) chefs d’infraction.

[6]   À la suite d’une entente entre les parties, le syndic a demandé la remodification de la plainte par le retrait entre autres du cinquième chef d’infraction. Le comité a séance tenante accordé la demande.

[7]  De ce fait, la plainte remodifiée telle que déposée à la date de l’audition comprend 5 chefs d’infraction et est ainsi libellée :

LA PLAINTE

1. À Montréal, le ou vers le 13 mars 2016, l’intimée n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de C.S. et de L.S., alors qu’elle leur a fait souscrire la proposition d’assurance vie temporaire individuelle xxxxxx158, notamment pour les motifs suivants :

a) les polices d’assurance vie N0s xx-xxxxx24-8 et xx-xxxxx50-7 ne sont pas consignées à l’analyse des besoins financiers;

b) le montant des placements détenus par C.S. et par L.S. n’est pas consigné ni le fait que C.S. et L.S. détiennent un fonds de pension;

c) les contradictions entre le document « Entrée des données de l’ABF » (R006) et l’ABF (R005), au niveau de la date de naissance de l’enfant ainsi que le solde de l’hypothèque;

contrevenant ainsi à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.

2. À Montréal, le ou vers le 13 mars 2016, l’intimée n’a pas correctement rempli le formulaire de préavis de remplacement d’un contrat d’assurance de personnes N0 du préavis: xxxxxx158, alors qu’elle a fait souscrire à C.S. et L.S., une proposition d’assurance vie temporaire individuelle, laquelle était susceptible d’entraîner la résiliation du contrat d’assurance vie xxxxxxx248 […] contrevenant ainsi à l’article 22 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants […].

3. À Montréal, le ou vers le 13 mars 2016, l’intimée n’a pas rempli le préavis de remplacement requis lorsqu’elle a fait souscrire à C.S. et L.S, la proposition d’assurance vie temporaire individuelle xxxxxx158, laquelle était susceptible d’entraîner la résiliation du contrat d’assurance vie xxxxxxx507, contrevenant ainsi à l’article 22 (2) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants.

4. À Montréal, le ou vers le 13 mars 2016, l’intimée n’a pas agi avec compétence et professionnalisme en omettant de fournir des renseignements à l’assureur dans la proposition d’assurance vie temporaire individuelle xxxxxxx158 notamment en n’indiquant pas les contrats d’assurance vie xxxxxxx507 et xxxxxxx248 et en indiquant des renseignements médicaux inexacts l’égard de la cliente C.S., contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers […].

5. Chef retiré.

6. À Montréal, le ou vers le 4 avril 2016, l’intimée n’a pas agi avec compétence et professionnalisme apposant une signature en lieu et place de ses clients sur la lettre d’annulation des polices d’assurance xxxxxxx248 et xxxxxxx507, contrevenant ainsi à l’article […] 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[8]  Mme Bazelais a plaidé coupable aux cinq (5) chefs d’infraction contenus à la plainte disciplinaire remodifiée et elle a reconnu tous les faits sous-jacents à ces infractions. Elle comprend les implications de ce plaidoyer lequel a été donné de façon libre et volontaire à la suite de pourparlers tenus entre les parties.

[9]  L’admission de ces faits constitue des manquements déontologiques. Aussi, le comité a accepté le plaidoyer de culpabilité de Mme Bazelais et l’a déclaré coupable séance tenante d’avoir contrevenu aux articles 6, 22 et 22(2) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants mentionnés respectivement aux chefs d’infraction 1, 2 et 3 ainsi qu’à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers quant au quatrième chef et finalement d’avoir contrevenu à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière quant au dernier chef de la plainte disciplinaire.

[10]       Les parties ont déposé une recommandation commune quant aux sanctions à être imposées. Elles recommandent une amende de 5 000 $ sur le chef 1, une amende de 2 500 $ sur le chef 2, une amende de 2 500 $ sur le chef 3, une amende de 5 000 $ sur le chef 4 et une radiation temporaire d’un mois sur le chef 6.  Les parties demandent qu’un délai de 18 mois soit accordé à Mme Bazelais pour acquitter le montant des amendes, en 18 versements égaux et consécutifs, à compter du 31e jour suivant la notification de la décision du comité de discipline et elles demandent que les frais de la publication de l’avis de la décision ainsi que les frais et débours soient assumés par Mme Bazelais.

[11]       Le Comité de discipline n’est pas lié par les recommandations communes sur sanction qui lui sont présentées. Rappelons cependant, qu’elles ne puissent être écartées à moins de démontrer qu’elles sont susceptibles de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elles sont contraires à l’intérêt public[2].

QUESTION EN LITIGE

Le comité doit donc déterminer si les recommandations communes des parties déconsidèrent l’administration de la justice ou si elles sont contraires à l’intérêt public ?

ANALYSE

Chef 1 : non-conformité de l’ABF pour un couple de consommateurs

[12]       Par son plaidoyer de culpabilité au chef 1 de la plainte disciplinaire remodifiée, Mme Bazelais reconnaît ne pas avoir procédé à une analyse complète et conforme des besoins financiers de ses clients. En effet, les contrats d’assurance que détenaient les consommateurs ainsi que leurs placements n’ont pas été consignés à l’ABF ainsi que le fonds de pension de C.S. De plus, certaines informations consignées à l’ABF étaient erronées à savoir, la date de naissance de l’enfant ainsi que le solde de l’hypothèque.

[13]       L’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants édicte ce qui suit :

6. Le représentant en assurance de personnes doit, avant de faire remplir une proposition d’assurance ou d’offrir un produit d’assurance de personnes comportant un volet d’investissement, dont un contrat individuel à capital variable, analyser avec le preneur ses besoins ou ceux de l’assuré.

Ainsi, selon le produit offert, le représentant en assurance de personnes doit analyser avec le preneur, notamment, ses polices ou contrats en vigueur ou ceux de l’assuré, selon le cas, leurs caractéristiques et le nom des assureurs qui les ont émis, ses objectifs de placement, sa tolérance aux risques, le niveau de ses connaissances financières et tout autre élément nécessaire, tels ses revenus, son bilan financier, le nombre de personnes à sa charge et ses obligations personnelles et familiales.

Le représentant en assurance de personnes doit consigner les renseignements recueillis pour cette analyse dans un document daté. Une copie de ce document doit être remise au preneur au plus tard au moment de la livraison de la police.

[14]       Cet article est rédigé en termes impératifs et la jurisprudence est bien établie à l’effet que l’analyse des besoins financiers est la pierre angulaire du travail du représentant. C’est un document essentiel pour déterminer les besoins des clients et sur lequel doivent reposer les recommandations que le représentant propose à ces derniers.[3]

[15]       Mme Bazelais devait recueillir tous les renseignements et compléter l’analyse des besoins financiers de façon complète et conforme de ses deux clients. La représentante n’a donc pas complété adéquatement l’analyse des besoins financiers en assurance vie de ce couple de clients.

[16]       Le syndic souligne que la fourchette des sanctions varie pour cette infraction d’une réprimande à une amende de 3 000 $ à 6 000 $ et précise qu’habituellement une amende de 5 000 $ est imposée pour cette infraction telle qu’il appert de nombreuses décisions rendues par les tribunaux en matière d’analyse incomplète des besoins financiers du consommateur[4].

Chefs 2 et 3 : omission et non-conformité du préavis de remplacement

[17]       Par son plaidoyer au chef 2 de la plainte, Mme Bazelais reconnaît ne pas avoir rempli correctement le formulaire de préavis de remplacement No xxxxxx158, visant la substitution de la police détenue par C.S. en ce que :

a)    Elle n’a pas consigné le nom de l’assurée additionnelle ainsi que le type de protection et son montant ;

b)    Le type de contrat pour le contrat actuel n’est pas précisé ;

c)    Dans la section commentaire, pour le contrat actuel, le montant de prestation consigné est erroné et la représentante n’a pas inscrit la prime « dans 10 ans, à un âge précis, etc. »  et elle n’a pas précisé que le décroissant est jusqu’à un montant de 200 000 $ ;

d)    Dans la section commentaire, pour le contrat proposé, elle n’a pas précisé le terme de la protection pour lequel les primes sont fixes et elle a fait défaut d’inscrire « les primes dans 10 ans, à un âge précis, etc. » ;

e)    Elle n’a pas inscrit que la prime du contrat proposé coûte plus cher par année;

f)     Elle n’a pas inscrit et ni décrit pour le contrat actuel l’avenant crédit invalidité pour C.S. et L.S.

      Tel qu’il appert à l’admission des faits.

[18]       De plus, par son plaidoyer de culpabilité au chef 3 de la plainte, Mme Bazelais reconnaît ne pas avoir rempli de préavis de remplacement tel que requis pareillement pour L.S. lorsqu’elle a fait souscrire la même proposition d’assurance vie temporaire individuelle xxxxxx158, puisque la nouvelle police était susceptible d’entraîner également la résiliation du contrat d’assurance vie déjà détenue par L.S.

[19]       Mme Bazelais reconnaît que la souscription du nouveau contrat d’assurance vie était susceptible d’entraîner la résiliation, l’annulation ou la réduction des bénéfices des deux (2) contrats d’assurance vie déjà détenus par ce couple de consommateurs.

[20]       L’article 22 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants édicte ce qui suit :

22. Lorsque la souscription d’un contrat d’assurance est susceptible d’entraîner la résiliation, l’annulation ou la réduction des bénéfices d’un autre contrat d’assurance, le représentant doit:

 

1° (paragraphe abrogé);

 

2° remplir, avant ou en même temps que la proposition d’assurance, le formulaire prescrit à l’Annexe I, si le preneur ou l’assuré a avantage à remplacer son contrat par un autre;

 

3° expliquer le contenu du formulaire au preneur en faisant la comparaison des caractéristiques des contrats en vigueur par rapport à ceux proposés et la description des avantages et désavantages du remplacement;

 

3.1° remettre au preneur une copie du formulaire rempli et signé par le représentant au plus tard 5 jours ouvrables suivant la signature de la proposition;

 

4° expédier le formulaire rempli et signé par le représentant par tout moyen permettant d’attester la date de l’envoi au siège des assureurs dont les contrats sont susceptibles d’être remplacés dans les 5 jours ouvrables de la signature de la proposition d’assurance;

 

5° expédier une copie du formulaire rempli dans le délai prévu au paragraphe 4 à l’assureur auprès duquel le représentant en assurance de personnes se propose de placer le nouveau contrat.

[21]       À l’étape du préavis de remplacement, le travail du représentant doit être rigoureux, clair, précis et complet[5] puisqu’il permet la comparaison des caractéristiques des contrats en vigueur à celles du contrat proposé. Ainsi, un préavis de remplacement bien complété permettra aux clients de prendre une décision éclairée dans leurs meilleurs intérêts puisqu’ils seront en mesure d’apprécier la valeur de la proposition et bien comprendre ce qu’elle contient.

[22]       Un préavis incomplet ou erroné et l’absence de préavis ne permettent pas de rencontrer cette exigence essentielle et constituent des infractions à l’article 22 dudit règlement. Dans le cas qui nous occupe, il y a eu perte de couverture pour l’invalidité des consommateurs et les primes de la nouvelle police sont plus élevées.

[23]       Mme Bazelais ne s’est donc pas assurée de la conformité du préavis de remplacement qu’elle a complété pour sa cliente C.S. et a omis d’en compléter un pour son client L.S.

[24]       Le syndic plaide que la fourchette des sanctions varie pour les infractions d’un préavis absent ou incomplet d’une réprimande à une amende de 2 000 $ à 5 000 $ et en cas de récidive peut aller jusqu’à une radiation d’une durée de six (6) semaines[6].

Chef 4 : omission et non-conformité des renseignements transmis à l’assureur

[25]       Par son plaidoyer au chef 4, Mme Bazelais reconnaît ne pas avoir agi avec compétence et professionnalisme en omettant de fournir des renseignements à l’assureur dans la proposition d’assurance vie temporaire individuelle notamment en n’indiquant pas les contrats d’assurance vie déjà détenus par ses clients et en indiquant des renseignements médicaux inexacts à l’égard de la cliente C.S.

[26]       L’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers édicte ce qui suit :

16. Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients.

Il doit agir avec compétence et professionnalisme.

[27]       Il est du devoir du représentant de fournir les informations exactes aux assureurs. L’existence des polices d’assurance en vigueur ainsi que les renseignements médicaux sont des renseignements qui doivent être consignés dans la proposition d’assurance[7]. Le défaut de communiquer les informations médicales exactes constitue un manquement grave[8] puisqu’il comporte un risque de perte de couverture pour le consommateur et de plus cela mine la relation de confiance entre l’assureur et le représentant.[9]

[28]       Mme Bazelais devait se conformer à cette obligation.

[29]       Tel que soumis par le syndic, la fourchette des sanctions varie de la réprimande à une amende entre 5 000 $ à 7 500 $ et va jusqu’à une radiation d’une durée d’un mois à permanente dépendamment des facteurs aggravants pour ce type d’infraction.

Chef 6 : apposition d’une signature en lieu et place de ses clients

[30]       Finalement, il appert du plaidoyer de culpabilité de Mme Bazelais en lien avec le chef 6 de la plainte disciplinaire que cette dernière a également reconnu ne pas avoir agi avec compétence et professionnalisme en apposant une signature en lieu et place de ses clients sur la lettre d’annulation des polices d’assurance déjà en vigueur de ces derniers. Précisons qu’elle avait obtenu le consentement des clients pour apposer lesdites signatures.

[31]       Avant la re modification de la plainte, cette inconduite était rattachée à deux articles de loi dont l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers dont il est question au chef 4 ci-haut mentionné. Ce lien de rattachement fut retiré, ne laissant que l’infraction relative à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, lequel édicte ce qui suit :

35. Le représentant ne doit pas exercer ses activités de façon malhonnête ou                    négligente.

[32]       En aucun temps, l’honnêteté de Mme Bazelais n’a été mise en doute par le syndic. C’est plutôt pour rendre service à ses clients qu’elle aurait agi de la sorte avec le consentement verbal de ces derniers.

[33]       Une procuration est le pouvoir qu’une personne donne à une autre d’agir en son nom dans une circonstance déterminée. Une procuration écrite permet à un mandataire de signer en lieu et place de son mandant. Le mandataire apposera sa propre signature pour et au nom de son mandant dans ce genre de situation.

[34]       L’autorisation du mandant à un mandataire de signer un document en son nom ne permet pas au mandataire d’imiter la signature du mandant ou de signer le nom du mandant. Pour des raisons évidentes de preuve, cette autorisation doit se faire par procuration écrite[10].

[35]       Le comité ne détient qu’une preuve très restreinte quant aux faits entourant l’infraction reprochée, à savoir les paragraphes 10 à 15 de l’admission des faits datée du 18 mai 2021.

[36]       Le comité comprend de cette preuve restreinte que c’est par suite de son manque d’expérience et d’un manque de connaissances de sa part que Mme Bazelais a « apposé une signature en lieu et place de ses clients » tels qu’admis au paragraphe 10 de l’admission des faits. Il ne s’agit pas de « contrefaçon de signature à l’insu du consommateur ». Il faut donc distinguer les jurisprudences soumises par le syndic impliquant la malhonnêteté des représentants, lesquelles ne s’appliquent pas au présent dossier.

[37]       La représentante a complété la lettre d’annulation des deux polices d’assurance pour donner suite aux instructions de ses clients afin de leur rendre service, et ce, sans procuration écrite spécifique. Quelle valeur peut-on accorder à ce genre de consentement? La validité de pareil acte pourrait certes être remise en question.

[38]       La nécessité pour les consommateurs de bien comprendre les tenants et aboutissants des actes qu’ils concluent, la certitude de la validité du contrat et la transparence font en sorte que les consommateurs doivent nécessairement lire et comprendre les documents (formulaires et contrats) qu’ils s’apprêtent à signer et qui donneront naissance à des actes juridiques les engageant pour l’avenir. Ces documents doivent être signés personnellement par le consommateur à moins bien entendu que ce dernier ne soit soumis à un régime de protection légale valide soumis à l’approbation d’un tuteur ou d’un curateur ou d’avoir donné un mandat valide par procuration écrite[11]. Le tout conformément au droit des obligations contractuelles.

[39]       En apposant une signature pour et au nom de ses clients sur la lettre d’annulation des polices d’assurance déjà en vigueur de ces derniers, et ce même avec leur consentement verbal, Mme Bazelais n’a pas agi avec toute la rigueur et les compétences qui doivent prévaloir dans l’exécution de ses fonctions et l’acte posé, même par erreur et manque de connaissance est répréhensible et constitue de la négligence de sa part et par le fait même un manque de compétence et de professionnalisme tel que reconnu dans l’admission des faits.

[40]       Les parties soumettent conjointement que dans ces circonstances, une courte période de radiation d’un mois est justifiée[12] afin de protéger le public et permettre d’atteindre l’objectif d’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession.

LES SANCTIONS

[41]       Rappelons que les parties recommandent d’un commun accord les sanctions suivantes :

- une amende de 5 000 $ sur le chef 1,

- une amende de 2 500 $ sur le chef 2,

- une amende de 2 500 $ sur le chef 3,

- une amende de 5 000 $ sur le chef 4,

- et une radiation temporaire d’un mois sur le chef 6. 

[42]       Les sanctions doivent être établies en fonction de la gravité des infractions commises[13]. Tant les peines trop clémentes que les peines trop sévères peuvent miner la confiance du public dans l’administration de la justice.

[43]       Afin de s’assurer que les recommandations communes sur sanction présentées ne déconsidèrent pas l’administration de la justice ou qu’elles ne sont pas contraires à l’intérêt public, le comité doit tenir compte de la preuve présentée.

[44]       Il appert aux paragraphes 11 à 15 de l’admission des faits que Mme Bazelais avait 13 mois d’expérience au moment des faits. En effet, cette dernière détient une certification en assurances de personnes depuis le 20 janvier 2015 et à cette époque elle n’était pas encore certifiée comme courtier en épargne collective.  En mars et avril 2016, elle n’avait que très peu d’expérience dans le domaine et elle était très jeune.

[45]       Les infractions ont été commises dans le contexte d’une seule transaction à l’égard d’un couple de clients.

[46]       Les manquements ne sont pas caractérisés par une intention blâmable de la part de la représentante.

[47]       Elle avait obtenu le consentement de ses clients pour apposer les signatures.

[48]       Néanmoins, à la suite du remplacement de police, les consommateurs ont perdu leur protection en cas d’invalidité.

[49]       Mme Bazelais regrette sincèrement ce qui s’est passé. Elle n’a pas d’antécédent disciplinaire et elle a plaidé coupable aux infractions renonçant ainsi à son procès sur culpabilité.

[50]       Depuis janvier 2019, toutes les transactions de cette dernière sont vérifiées par un ou des superviseurs.

[51]        De plus, elle a suivi et suit de façon assidue et régulièrement les jeudis soir des séances de formation relativement à l’ensemble des manquements soulevés dans la présente plainte en plus de ses formations continues obligatoires.

[52]       En ce qui concerne les montants des amendes proposées, le comité est d’avis que les recommandations communes quant aux chefs 1, 2, 3 et 4 ne sont pas contraires à l’intérêt public ni de nature à déconsidérer l’administration de la justice et sont à l’intérieur des fourchettes des sanctions déjà imposées en pareilles circonstances, elles seront donc entérinées.

[53]       Néanmoins, le montant total des amendes proposées de 15 000$ est non négligeable et le principe de la globalité de la sanction amène le comité à s’interroger quant à la recommandation des parties de radier Mme Bazelais pour une période d’un mois quant au sixième chef d’infraction afin d’atteindre l’objectif de protection du public.

[54]       Une période de radiation quelle qu’elle soit, est une sanction d’une grande sévérité qui peut amener des conséquences très importantes pour un professionnel et les stigmates d’une radiation laisse des marques sombres qui ne s’estomperont que très lentement et jamais complètement. Mme Bazelais est en début de carrière. Cette sanction la suivra toute sa carrière.

[55]       Les parties fondent leur recommandation commune quant au chef 6 sur la décision Brazeau[14] rendue par la Cour du Québec en appel d’une décision du comité de discipline. Dans ce dossier, le représentant avait imité la signature d’une cliente à son insu sans intention de malhonnêteté. Le paragraphe 136 de cette décision qui se lit comme suit :

[136] Le fait d’imiter des signatures et de les utiliser est en soi un geste grave qui justifie une période de radiation.  Cette période de radiation sera plus ou moins longue toutefois, selon que la personne concernée pose ce geste avec une intention frauduleuse ou non. (Les soulignés sont des soussignés)

[56]        Dans cette décision, le représentant avait 25 ans d’expérience et la Cour du Québec a réduit les deux sanctions de radiation temporaire de 1 an imposées par le comité de discipline à une sanction de radiation temporaire de 2 mois sur les 2 chefs à être purgée de façon concurrente.

[57]       Quoique le comité distingue la situation de Mme Bazelais à celle de M. Brazeau en ce que ce dernier avait agi à l’insu de sa cliente alors que Mme Bazelais a agi avec le consentement de ses clients, le comité se doit d’entériner les recommandations communes puisque celles-ci, bien que sévères, sont le résultat d’un compromis obtenu par des concessions mutuelles négociées entre les parties représentées par avocats et elles ne sont pas contraires à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice[15].

[58]       L’importance de favoriser la certitude en vue d’un règlement doit primer dans les circonstances.

[59]       En conséquence, le comité condamnera, Mme Bazelais, au paiement d’une amende de 5 000 $ sous le premier (1) chef d’infraction, au paiement d’une amende de 2 500 $ pour chacun des chefs d’infraction deux (2) et trois (3) totalisant la somme de 5 000 $ et au paiement d’une amende de 5 000 $ sous le quatrième (4) chef d’infraction en plus de la condamnation de cette dernière au paiement des frais et des déboursés.

[60]       Le comité accordera à Mme Bazelais un délai de dix-huit mois pour le paiement desdites amendes en dix-huit versements égaux et consécutifs, à compter du 31e jour suivant la notification de la décision du comité de discipline.

[61]       De plus le comité ordonnera la radiation temporaire de cette dernière pour une durée d’un mois à l’égard du chef d’infraction six (6).

 

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE l’acceptation de la demande de modification de la plainte;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de Mme Bazelais prononcée à l’audience du 20 mai 2021 relativement aux cinq chefs d’infraction de la plainte disciplinaire remodifiée pour avoir contrevenu respectivement aux articles 6, 22 et 22(2) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants ainsi qu’à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et finalement d’avoir contrevenu à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

ET STATUANT SUR LA SANCTION :

CONDAMNE cette dernière au paiement d’une amende de :

-5 000 $ sous le premier (1) chef d’infraction ;

-2 500 $ sous le deuxième (2) chef d’infraction;

-2 500 $ sous le troisième (3) chef d’infraction ;

-5 000 $ sous le quatrième (4) chef d’infraction ;

ACCORDE à Mme Bazelais un délai de dix-huit mois pour le paiement desdites amendes en dix-huit versements égaux et consécutifs, à compter du 31e jour suivant la notification de la décision du comité de discipline;

ORDONNE la radiation temporaire de cette dernière pour une durée d’un mois à l’égard du chef d’infraction six (6);

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de cette dernière, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où Mme Bazelais a eu son domicile professionnel et dans tout autre lieu où elle pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 7 de l’article 156 du Code des professions;

CONDAMNE, Mme Bazelais, au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions.

PERMET la notification de la présente décision par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile, soit par courrier électronique.

 

 

                                                                                   (S) Me Chantal Donaldson

                                                                                   ___________________________
                                                                                   Me Chantal Donaldson
                                                                                   Présidente du comité de discipline

 

                                                                                    (S) Mme Sonia Comeau

                                                                                   __________________________
                                                                                   Mme Sonia Comeau
                                                                                   Membre du comité de discipline

 

Me Sophie Gratton
Sarrazin Plourde s.a.
Procureurs du plaignant

 

Me Pascal A. Pelletier
Pelletier & Cie Avocats
Procureurs de l’intimée

 

Date d’audience :

 

20 mai 2021

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Le troisième membre, M. Armand Éthier, étant dans l’impossibilité d’agir, la présente décision est rendue par les deux autres membres du comité, conformément aux dispositions des articles 371 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 118.3 du Code des professions.

[2] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43

[4] Chambre de la sécurité financière c. Charbonneau, 2012 CanLII 97161 (QCCDCFS), Chambre

  de la sécurité financière c. De Bellefeuille 2018 QCCDCFS 31, Chambre de la sécurité financière

  c. Simard 2018 QCCDCFS 44, Chambre de la sécurité financière c. Goulet 2018 QCCDCFS 19

  et Chambre de la sécurité financière c. Beckers 2012 CanLII 97172 (QCCDCFS)

[6] Chambre de la sécurité financière c. Bouchard, 2014 CanLII 5785 (QCCDCFS) et Chambre de la

   sécurité financière c. Cusson, 2010 CanLII 99841

[7] Chambre de la sécurité financière c. Patry 2002 CanLII 49143 (QCCDCFS)

[8] Chambre de la sécurité financière c. Émond 2003 CanLII 57163 (QCCDCFS)

[9] Chambre de la sécurité financière c. St-Onge, 2015 QCCDCFS 26

 

 

[10] Article 2130 C.c.Q.

[11] Ibid., note 10

[12] Brazeau c. Chambre de la sécurité financière, 2006 QCCQ 11715

[13] St-Laurent c. Médecins (Ordre professionnel des), [1998] D.D.O.P. 271

[14] Ibid., note 12

[15] Ibid., note 2

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