Chambre de la sécurité financière (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1479

 

DATE :

27 janvier 2022

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. André Noreau

M. Bruno Therrien, Pl. Fin.

Membre

Membre

 

 

______________________________________________________________________

 

Syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

Daniel Laporte, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 214214)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

         Non-divulgation, non-diffusion et non-publication des nom et prénom du consommateur impliqué dans cette plainte, ainsi que toute information permettant de l’identifier. Toutefois, il est entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges des informations prévus par la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

APERÇU

[1]           La plainte disciplinaire, portée contre l’intimé le 16 juin 2021, comporte un seul chef d’infraction lui reprochant d’avoir fait signer partiellement en blanc à son client un formulaire.

LA PLAINTE

1.    À Laval, le ou vers le 6 janvier 2020, l’intimé a fait signer partiellement en blanc le formulaire F51-153-1 « Entente DPA (autre que REEE) épargne et retraite individuelles » à M.G., contrevenant aux articles 16 de la Loi sur la distribution et services financiers, 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

DÉCLARATION DE CULPABILITÉ

[2]           L’intimé a signé un exposé conjoint des faits, le 22 novembre 2021, et a enregistré un plaidoyer de culpabilité sous l’unique chef d’infraction.

[3]           L’intimé a reconnu sa signature sur cet exposé conjoint des faits.

[4]           Après s’être assuré que l’intimé comprenait que, par ce plaidoyer, il reconnaissait le geste reproché et que celui-ci constituait une infraction déontologique, le comité l’a déclaré coupable pour avoir contrevenu à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

CONTEXTE

[5]          L’exposé conjoint des parties révèle ce qui suit :

1.    L’Intimé a détenu un certificat d’exercice délivré par l’Autorité des marchés financiers (AMF) portant le numéro 214214 pour la période du 6 mai 2018 au 30 juin 2021, dans la catégorie d’assurance de personnes, le tout tel qu’il appert de l’attestation de l’AMF, pièce P-1;

2.    M.G. était le client de l’Intimé depuis quelques années;

3.    Le 6 janvier 2020, l’Intimé a rencontré M.G. au domicile de ce dernier pour remplir un formulaire F51-153-1 afin d’investir 20 000 $ dans un CELI;

4.    Lors de cette rencontre, un formulaire F51-153-1, pièce P-2, a été présenté par l’Intimé à M.G.;

5.    L’Intimé avait rempli la partie supérieure du formulaire, pièce P-2, ainsi que les sections « Date » et « Montant » du prélèvement unique;

6.    Il ressort de l’enquête que M.G. :

       a- Reconnaît avoir signé ledit formulaire, pièce P-2, et y avoir indiqué la date;

       b- Ne se souvient pas que la section « Fonds de placement » était remplie au moment où il a signé ledit formulaire, pièce P-2;

7.    Puis l’Intimé a quitté la rencontre avec le formulaire, pièce P-2;

8.    À son retour au bureau, l’Intimé a remis le formulaire, pièce P-2, à son adjointe, L.A., avec instruction d’y indiquer les mêmes placements que ceux souscrits dans le passé pour M.G.;

9.    Il ressort de l’enquête que L.A. :

       a- A modifié en partie le numéro de contrat;

       b- A rempli les sections « Fonds de placement » et « Renseignements bancaires » du formulaire, pièce P-2, et ce alors que ledit formulaire avait déjà été signé par M.G.;

       c- A apposé sa signature à titre de « conseiller/témoin » alors qu’elle n’était pas présente à la rencontre lors de laquelle M.G. a signé le formulaire, pièce P-2;

       d- Ne se souvient pas avoir rencontré M.G.;

10. Le 7 janvier 2020, la transaction a été effectuée selon les informations mentionnées dans la section « Fonds de placement » du formulaire, pièce P-2, tel qu’il appert de la confirmation de transaction émise par Groupe financier Industrielle Alliance, pièce P-3;

11. Pendant l’enquête, en abordant sa note au dossier de la rencontre du
6 janvier 2020, pièce P-4, l’Intimé a déclaré ne plus se souvenir de la raison pour laquelle un PAC unique a été fait, au lieu d’un dépôt par chèque.

RECOMMANDATION COMMUNE DES PARTIES SUR SANCTION

[6]          Les parties ont proposé de condamner l’intimé au paiement d’une amende de 4 000 $ et aux déboursés.

QUESTION EN LITIGE

Le comité doit déterminer si la recommandation commune des parties déconsidère l’administration de la justice ou si elle est contraire à l’intérêt public.

 

ANALYSE

[7]           L’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité.

[8]           Il a bien collaboré à l’enquête du syndic et n’a pas d’antécédent disciplinaire.

[9]           Il s’agit d’un cas isolé et non pas d’une pratique générale pour l’intimé. Un seul consommateur est concerné.  

[10]        Il y a absence de malveillance ou de mauvaise foi de sa part. Il s’agit plutôt de négligence dans l’exercice de ses activités. Alors qu’il était en présence de son client, il a omis de remplir ledit formulaire en n’indiquant pas les placements choisis ni le numéro des fonds. Or, il s’agissait d’informations essentielles lors de cette transaction.

[11]        Les parties ont soutenu que pour des infractions de même nature, des périodes de radiation variant entre un et deux mois sont habituellement ordonnées ou, dans des cas exceptionnels, le paiement d’une amende ou une réprimande.

[12]        Dans l’affaire Morin[1], l’intimé a été condamné à une radiation de deux mois. Cette sanction a été ordonnée en raison du nombre élevé de formulaires qui impliquaient plusieurs clients et s’échelonnaient sur une période de trois mois. De plus, cet intimé exerçait depuis plus de vingt ans.

[13]        Les parties allèguent que l’intimé en l’espèce n’avait qu’entre trois et quatre ans d’expérience au moment de la commission des gestes reprochés. 

[14]        Dans l’affaire Trudeau[2], l’intimé a plaidé coupable et apporté des correctifs à sa pratique, de sorte que le risque de récidive était plutôt faible. Une amende de 4 000 $ et le suivi de formation en lien avec ce chef et d’autres infractions ont été ordonnés.
Cet intimé avait moins d’un an d’expérience lors de la commission des infractions.

[15]        Dans Bouayad[3], plusieurs formulaires étaient en cause. Le tout s’était échelonné sur une période de quatre ans. Les parties ont recommandé une amende de 5 000 $. L’intimé avait conservé dans son dossier plusieurs formulaires signés en blanc expliquant vouloir ainsi garder trace des transactions effectuées au cours des années. Les parties ont allégué qu’il s’agissait de circonstances particulières. De plus, il y avait absence de malhonnêteté et d’antécédent disciplinaire. Le comité a retenu la recommandation des parties.  

[16]        Dans Langlais[4], une radiation d’un mois a été ordonnée. Il y avait plusieurs documents signés partiellement ou complètement en blanc, et ce, sur une période de quatre à six mois. Cet intimé exerçait depuis plus longtemps. Il y avait aussi plusieurs facteurs aggravants, contrairement au présent dossier.

[17]        Bien que le nom des fonds et leurs numéros n’ont été complétés que par l’adjointe de l’intimé une fois rendu à son bureau, ils correspondent à ceux convenus au préalable entre l’intimé et son client. Aussi, tenant compte de l’individualisation de la sanction, les parties considèrent que leur recommandation pour le paiement d’une amende est une sanction juste et appropriée dans les circonstances.

[18]        Le comité convient qu’il s’agit d’un cas isolé dans la pratique de l’intimé et d’une première offense. Il exerce maintenant depuis six ans.

[19]        Toutefois, comme mentionné à l’audience, l’expérience de l’intimé entre trois et quatre ans au moment des faits ne peut en l’espèce constituer un facteur atténuant.  L’infraction qu’il a commise est d’une gravité objective importante. En agissant comme il l’a fait, l’intimé a transgressé une obligation de base dans l’exercice de ses activités de représentant. Avant d’apposer sa signature sur un tel formulaire, le client doit pouvoir constater que les placements indiqués sont bien ceux choisis. Or, rien n’était écrit.

[20]        Cela dit, le comité est néanmoins d’avis que la recommandation commune des parties ne déconsidère pas l’administration de la justice et est respectueuse de l’intérêt public[5]. Il donnera donc suite à la recommandation des parties.

[21]        Par conséquent, l’intimé sera condamné au paiement d’une amende de
4 000 $, ainsi qu’à celui des déboursés. Aussi, la notification de la présente décision se fera par courrier électronique.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé, prononcée séance tenante, sous l’unique chef d’infraction, pour avoir contrevenu à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions invoquées au soutien de ce chef d’infraction.

ET STATUANT SUR LA SANCTION :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 4 000 $ sous l’unique chef d’infraction contenu à la plainte;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

PERMET la notification de la présente décision à ce dernier par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile, soit par courrier électronique.

 

 

                                    (S) Me Janine Kean

 

__________________________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(S) M. André Noreau

__________________________________

M. André Noreau

Membre du comité de discipline

 

(S) M. Bruno Therrien

__________________________________

M. Bruno Therrien, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Maryse Ali

CDNP AVOCATS

Procureure de la partie plaignante

 

Me Martin Courville

AD LITEM AVOCATS s.e.n.c.r.l.

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience :

2 décembre 2021

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] CSF c. Morin, 2021 QCCDCSF 21 (CanLII), décision sur sanction rendue le 23 mars 2021.

[2] CSF c. Trudeau, 2017 QCCDCSF 65 (CanLII), décision sur culpabilité et sanction rendue le 6 novembre 2017.

[3] CSF c. Bouayad, 2017 CanLII 16385 (QCCDCSF), décision sur culpabilité et sanction rendue le 23 mars 2017.

[4] CSF c. Langlais, 2017 QCCDCSF 37 (CanLII), décisions sur culpabilité rendue le 11 juillet 2017 et sur sanction rendue le 25 janvier 2018.

[5] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.