Chambre de la sécurité financière (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

comité de discipline

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

canada

province de québec

 

 

 

N°:

CD00-1478

DATE:

12 janvier 2022

le comité :

Me Madeleine Lemieux

M. Sylvain Jutras, A.V.C., Pl. Fin.

M. Bruno Therrien, Pl. Fin.

Présidente

Membre

Membre

 

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Partie plaignante

c.

CLAUDIA GAGNON, conseillère en sécurité financière, représentante de courtier en épargne collective et conseillère en assurance et rentes collectives (numéro de certificat 113303, BDNI 1633681)

 

Partie intimée

 

décision sur culpabilité ET SANCTION

 

conformément à l’article 142 du code des professions, le comité a prononcé l’ordonnance suivante :

         Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non‑diffusion du nom et prénom de la consommatrice concernée par la plainte disciplinaire ainsi que de toute information permettant de l’identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas à tout échange d’information prévu à la Loi sur l’encadrement du secteur financier (RLRQ, c. E-6.1) et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

[1]             L’intimée a plaidé coupable à une accusation d’avoir permis que son code d’accès et sa signature électronique soient utilisés par une autre représentante à son emploi.
[2]             La sanction recommandée par le syndic est contestée.  Le comité doit décider si l’infraction commande l’imposition de l’amende minimum ou l’imposition d’une réprimande.
LA PLAINTE
[3]             La plainte se lit comme suit :
Dans la région de Sainte-Julie, le ou vers le 1er avril 2019, l’intimée a permis que ses code d’accès et signature électronique soient utilisés par une autre conseillère à son emploi dans le cadre de la proposition numéro […] pour la cliente J.L., contrevenant ainsi à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.
[4]             Le comité a déclaré l’intimée coupable séance tenante et a procédé à l’audition des représentations sur sanction.
LES FAITS
[5]             L’intimée est en exercice depuis 1998.  Au moment des faits ayant mené à la plainte disciplinaire, elle est autorisée à exercer dans le domaine de l’assurance de personnes et de l’assurance collective de personnes. Elle est également autorisée à exercer à titre de représentante de courtier pour un courtier en épargne collective.
[6]             Elle est présidente de Groupe Contact Plus qui emploie Nathalie Gagnon, qui est sa sœur.
[7]             Nathalie Gagnon est alors autorisée à exercer dans le domaine de l’assurance de personnes. Elle est également autorisée à exercer à titre de représentante de courtier pour un courtier en épargne collective.
[8]             Nathalie Gagnon souffre à l’époque des signes précurseurs d’une condition de santé de nature dégénérative qui l’amènera à renoncer à ses droits de pratique en 2021.
[9]             Nathalie Gagnon détient des codes d’accès auprès de quelques assureurs, mais elle ne détient pas de code auprès de Forester.
[10]          Au cours de l’été 2018, Groupe Contact Plus acquiert de la clientèle d’une conseillère financière en départ pour la retraite, Madame Carole Hickey.
[11]          La plaignante J.L. fait partie de cette clientèle.
[12]          En décembre 2018, Nathalie Gagnon communique avec J.L. pour effectuer une analyse de ses besoins dans la foulée du départ à la retraite de Carole Hickey et de l’acquisition de sa clientèle par Groupe Contact Plus.
[13]          En avril 2019, J.L. indique qu’elle veut obtenir une assurance sur la vie de sa sœur A.L.  Le besoin identifié est de protéger la succession d’A.L. et de couvrir les « dernier frais »; A.L. est atteinte de la paralysie cérébrale. Il est très difficile, voire impossible, de trouver un produit d’assurance adapté à la condition de santé d’A.L.
[14]          Le produit d’assurance vie identifié par Nathalie Gagnon dans ces circonstances très particulières est le produit « Vie Acceptation Garantie » de l’assureur Forester, et ce produit est donc suggéré à J.L.
[15]          Sans intention malicieuse ni mauvaise foi, Claudia Gagnon autorise Nathalie Gagnon à employer son code pour compléter la proposition d’assurance; car le produit « Vie Acceptation Garantie » est le seul produit identifié par Nathalie Gagnon comme pouvant répondre aux besoins de J.L. en lien avec une assurance sur la vie d’A.L.
[16]          L’intimée ignore que cette pratique est proscrite par Forester.
[17]          Cette autorisation donnée à Nathalie Gagnon par l’intimée n’était pas une pratique généralisée; un tel événement est toutefois survenu à quatre occasions dans un contexte de service à la clientèle. 
[18]          La commission versée par l’assureur pour ce produit a été partagée entre Nathalie Gagnon et l’intimée puisque cette dernière avait acheté la clientèle dont J.L. faisait partie.
[19]          La police d’assurance émise sur la vie de A. L. prévoit que si le décès de l’assurée survient dans les deux ans suivant la date d’émission de la police et est attribuable à des raisons non accidentelles, le montant des prestations se limite au montant des primes payées. Cette clause de la police a été portée à la connaissance de J. L.
[20]          A.L. est décédée le 13 novembre 2019 d’une pneumonie, soit une cause non accidentelle et moins de deux ans après l’émission de la police.
[21]          J. L. a demandé une prestation de décès, mais l’assureur a remboursé les primes mensuelles sans verser la prestation de décès puisque le décès est survenu moins deux ans après la souscription.
[22]          Déçue de la réponse de l’assureur, malgré le libellé clair de la police, J.L. a déposé une plainte à l’Autorité des marchés financiers.
[23]          Le préjudice allégué par J.L. dans sa plainte ne découle pas des gestes posés par l’intimée, mais plutôt du fait que A.L. était difficilement assurable en raison de sa condition médicale.
[24]          La plaignante J.L. n’a en réalité subi aucun préjudice directement causé par les faits allégués à la plainte disciplinaire.
LA SANCTION
[25]          Le comité est d’avis que la sanction juste et raisonnable est l’imposition d’une réprimande pour les motifs qui suivent.
[26]          Il est bien connu que la sanction vise non pas à punir le professionnel, mais à assurer la protection du public.  La sanction doit dissuader la récidive et être un exemple pour les autres représentants.
[27]          La sanction doit aussi tenir compte des particularités de chaque cas dont le contexte et les facteurs aggravants ou atténuants propres au dossier.
[28]          Le comité retient la gravité objective de l’infraction considérant que le représentant doit en tout temps traiter avec l’assureur de manière à ce qu’il puisse se fier au représentant. L’infraction se situe au cœur de l’exercice de la profession de représentant et de ses responsabilités envers l’assureur.
[29]          La représentante a de nombreuses années d’expérience de sorte que son ignorance de l’interdiction de l’assureur de laisser une autre personne utiliser son code est difficilement excusable.
[30]          Bien que la plainte ne vise qu’un seul événement, cette situation s’était déjà produite.  Le comité retient que le tout a été régularisé depuis éliminant les risques de récidive.
[31]          Le geste qui fait l’objet de la plainte n’a entraîné aucun dommage à qui que ce soit, ni à l’assureur, ni à la consommatrice.   Il n’a pas non plus procuré des bénéfices indus à l’intimée et il n’y a eu absolument aucune intention malveillante ou malhonnête.
[32]          L’intimé a collaboré à l’enquête et reconnu les faits à la première occasion. Elle n’a pas d’antécédents disciplinaires.
[33]          Enfin, le comité considère que les risques de récidive sont inexistants.
[34]          Les autorités déposées par le plaignant portent sur des infractions commises par des représentants qui ont attesté avoir été témoin de la situation du consommateur alors qu’ils n’étaient pas présents lorsque le consommateur a signé les documents[1].
[35]          Le comité constate également à la lecture de ces décisions qu’on se trouvait en présence de plaintes contenant plus d’un chef d’infraction et non pas un événement isolé comme dans le présent dossier.
[36]          L’intimée a reçu de la plaignante J. L. de nombreux courriels contenant des propos haineux et sans lien avec l’infraction reprochée.
[37]          À l’instar du comité dans la décision Chambre de la sécurité financière c. Bourdeau, le comité estime qu’une réprimande, combinée à l’expérience du processus disciplinaire et des coûts liés à celui-ci[2] constitue une sanction appropriée dans les circonstances propres à ce dossier.  Il s’agit d’une erreur de parcours dans une carrière de 20 années, mais qui, comme le souligne avec justesse l’intimée, constitue une tâche à son dossier.

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimée pour avoir contrevenu à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);
IMPOSE à l’intimée une réprimande;
CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

(S) Me Madeleine Lemieux

 

Me MADELEINE LEMIEUX

Présidente du comité de discipline

 

 

(S) M. Sylvain Jutras

 

M. SYLVAIN JUTRAS, A.V.C., PL. FIN.

Membre du comité de discipline

 

 

(S) M. Bruno Therrien

 

M. BRUNO THERRIEN, PL. FIN.

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Me Marie-Christine Bourget

Therrien Couture Joli-Coeur s.e.n.c.r.l.

Avocats de la partie plaignante

Me Véronique Roy

Langlois avocats, s.e.n.c.r.l.

Avocats de la partie intimée

Date d’audience : 17 novembre 2021

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]    Chambre de la sécurité financière c. Benoit, 2020 QCCDCSF 68 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Vallières, 2020 QCCDCSF 53 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Veilleux, 2020 QCCDCSF 11 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Fiset, 2018 QCCDCSF 58 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Breault, 2015 QCCDCSF 20 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Thibeault, 2014 CanLII 39919 (QC CDCSF).

[2]    Chambre de la sécurité financière c. Bourdeau, 2013 CanLII 60180 (QC CDCSF).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.