Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1460

 

DATE :

14 décembre 2021

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LE COMITÉ :

Me Chantal Donaldson

                              Présidente

M. Martin St-Pierre

                               Membre

                         M. Louis Giguère, A.V.C.                                         Membre

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SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

                     Plaignant

c.

 

SIMON BOUDREAU (certificat numéro 196534)

 

                    Intimé

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION

[1]           À la demande du syndic de la Chambre de la sécurité financière (ci-après : «syndic»), le comité a rendu séance tenante, conformément à l’article 142 du Code des professions, l’ordonnance suivante :

Non-divulgation, non-diffusion, et non-publication de tout renseignement ou information qui pourrait permettre d’identifier le nom et prénom de la consommatrice concernée par la plainte disciplinaire, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

APERÇU

[2]  L’intimé, M. Simon Boudreau, a été cité devant le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») à la suite d’une plainte disciplinaire datée du 14 décembre 2020, laquelle contient un seul chef d’infraction, lui reprochant d’avoir fourni de l’information fausse à l’assureur qui était à l’époque son employeur alors qu’il faisait souscrire une proposition invalidité cancer plus à une cliente, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers ainsi qu’aux articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[3]  La plainte déposée est ainsi libellée :

LA PLAINTE

À Québec, le ou vers le 16 mars 2020, l’intimé a fourni de faux renseignements à l’assureur sur la proposition invalidité cancer plus N0 de police xxxxx837, en indiquant non à la question 3 de la section 6 partie B, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

 

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[4]  M. Boudreau a plaidé coupable au chef d’infraction contenu à la plainte disciplinaire et il a reconnu les faits sous-jacents à cette infraction. Ladite infraction est rattachée à trois articles législatifs distincts lesquels édictent ce qui suit :

Loi sur la distribution de produits et services financiers

16. Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients.

Il doit agir avec compétence et professionnalisme.

Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière

11. Le représentant doit exercer ses activités avec intégrité.

35. Le représentant ne doit pas exercer ses activités de façon malhonnête ou                    négligente.

[5]   M. Boudreau admet avoir répondu par la négative à une question demandant s’il y avait des antécédents médicaux dans la famille rapprochée de la consommatrice, plus précisément à savoir si plus de deux personnes avaient eu le cancer avant 60 ans. M. Boudreau a coché « non » alors que la consommatrice lui a indiqué « oui ».  Il comprend les implications de ce plaidoyer lequel a été donné de façon libre et volontaire.

[6]  L’admission de ces faits constitue des manquements déontologiques. Aussi, le comité a accepté le plaidoyer de culpabilité de M. Boudreau et l’a déclaré coupable séance tenante d’avoir contrevenu à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière. Le comité déclare également coupable ce dernier en vertu des articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, tels qu’allégués à la plainte disciplinaire.

[7]  Toutefois, en vertu du principe interdisant les condamnations multiples[1], le comité ordonne la suspension conditionnelle des procédures quant à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et quant à l’article 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[8]  Le syndic recommande une radiation temporaire de 2 à 4 mois à être purgée lors de toute réinscription, en plus de la condamnation de M. Boudreau au paiement des frais et des déboursés. La publication d’un avis de la décision se ferait au moment de toute réinscription.

[9]  M. Boudreau est d’accord avec la recommandation sur sanction du syndic.

[10]        Rappelons que le Comité de discipline n’est pas lié par la recommandation commune sur sanction qui lui est présentée. Cependant, elle ne peut être écartée à moins de démontrer qu’elle est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle est contraire à l’intérêt public[2].

QUESTION EN LITIGE

Le comité doit donc déterminer si la recommandation commune des parties déconsidère l’administration de la justice ou si elle est contraire à l’intérêt public ?

 

CONTEXTE ET ANALYSE

[11]        Au moment des faits reprochés, M. Boudreau faisait l’objet d’une Décision assortissant de conditions son certificat, la décision fut rendue le 20 décembre 2019 par l’Autorité des marchés financiers (décision no : 2019-IC-1064776) à la suite de la faillite de ce dernier.  Cette décision lui impose 2 conditions sur son certificat dans la discipline de l’assurance contre la maladie ou les accidents à savoir, le rattachement obligatoire à un cabinet dont il n’est pas le dirigeant responsable et la supervision de ses activités de représentant. Ces conditions étaient tenantes pour une période de 6 mois ou jusqu’à la libération complète de sa faillite.

[12]        Le comité retient de la preuve qu’au moment de la rencontre tenue en mars 2020 chez la consommatrice impliquée au présent dossier, M. Boudreau n’avait effectué aucune vente depuis une période de 3 semaines. Aussi, ce dernier s’était adressé à son employeur afin d’avoir recours à de l’aide afin de rependre le rythme de ses activités commerciales. C’est dans l’ensemble de ces circonstances qu’une superviseure s’était jointe à la réunion chez la consommatrice.

[13]        Lors de cette rencontre, la consommatrice a verbalisé qu’au moins trois (3) de ses très nombreux frères et sœurs avaient eu un cancer avant l’âge de 60 ans. Ce n’est qu’une fois le contrat conclu et que cette dernière ait reçu copie du contrat d’assurance qu’elle a constaté qu’une erreur apparaissait à une réponse du questionnaire. La consommatrice a immédiatement communiqué avec M. Boudreau pour lui indiquer l’erreur à la question concernant le nombre de ses frères et sœurs ayant eu le cancer avant l’âge de 60 ans et la police fut annulée et la prime déjà payée, lui fut remboursée.

[14]        M. Boudreau était courtois et professionnel lors de cette conversation téléphonique, tout comme lors de la rencontre antérieure.

[15]        À la suite d’une enquête interne de son employeur, M. Boudreau fut congédié parce qu’il aurait volontairement inscrit de la fausse information sur une proposition d’assurance quant à la qualification santé de la cliente, sachant que la cliente n’était pas admissible.   Le congédiement pour cause de M. Boudreau fut contesté par ce dernier. C’est ce congédiement qui a initié l’enquête du syndic.

[16]        Tel que déjà mentionné, M. Boudreau a indiqué sur le formulaire de souscription que moins de 2 membres de la famille immédiate de la cliente avaient eu le cancer avant l’âge de 60 ans alors que cette information n’était pas exacte.

[17]        L’admission de ces faits démontre que M. Boudreau n’a pas exercé ses activités avec intégrité et professionnalisme. Le comité y dénote une certaine malhonnêteté en transmettant cette information, la sachant fausse, et ce, dans l’espoir de conclure une vente.

 

LA SANCTION

[18]        Tout en tenant compte des particularités de chaque dossier, il est bien établi qu’une sanction disciplinaire ne vise pas à punir un professionnel, mais bien plutôt à assurer la protection du public[3].

[19]        Puisqu’il y a une recommandation commune de sanctions présentée par les parties, le comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la suggestion faite. En présence de recommandations communes sur sanction, le comité devrait les entériner à moins que celles-ci s’avèrent contraires à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice.

[20]        La sanction la plus souvent appliquée pour la transmission d’information erronée à un assureur est une radiation temporaire de 2 mois à 1 an[4].

[21]        Au moment des faits reprochés, M. Boudreau était sous la supervision d’une conseillère lors de la vente de ce produit. Il travaillait comme représentant pour l’assureur depuis 8 ans. Tant sa superviseure que lui-même étaient au courant que la consommatrice ne se qualifiait pas compte tenu du nombre trop élevé de membres de sa famille ayant déjà eu le cancer. Il est le seul à avoir perdu son emploi auprès de l’assureur.

[22]        M. Boudreau est très amer face aux conséquences drastiques auxquelles il doit faire face à la suite de ce manque de jugement de sa part. Il reconnaît qu’il a agi trop rapidement et qu’il n’aurait pas dû soumettre la proposition à l’assureur. Il regrette cette erreur, mais il ressent de l’injustice.

[23]        Le syndic y dénote plutôt une déresponsabilisation de sa part et une tentative d’imputer sa responsabilité à sa superviseure.

[24]        Le rôle du comité de discipline se limite à trancher quant à la plainte disciplinaire dont il est saisi, et ce, afin d’assurer la protection du public.

[25]        Malgré tout, M. Boudreau a plaidé coupable. Il n’a pas d’antécédent disciplinaire. Cet évènement constitue un acte isolé. Ce dernier n’est plus certifié et il ne travaille plus dans le domaine, toutefois, il a l’intention de réintégrer le métier. Il est encore jeune et cette mésaventure a des impacts importants sur sa vie et le comité y dénote le regret d’une faute et une force d’aller de l’avant. L’objectif de dissuasion est rencontré et le droit d’exercer sa profession est considéré[5] .

[26]        Le comité est d’avis que la recommandation commune sur sanction de radiation temporaire de 2 mois n’est pas contraire à l’intérêt public ni de nature à déconsidérer l’administration de la justice.

[27]        En conséquence, le Comité condamnera M. Boudreau à une radiation de 2 mois à être purgée lors de toute réinscription, en plus de la condamnation de ce dernier au paiement des frais et des déboursés. La publication d’un avis de la décision se fera au moment de toute réinscription, le cas échéant.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de M. Boudreau prononcée à l’audience du 29 avril 2021 relativement au chef d’infraction contenu à la plainte, pour avoir contrevenu à l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

DÉCLARE M. Boudreau coupable sous le même chef d’avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers ainsi qu’à l’article 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures quant à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et quant à l’article 11 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

ET STATUANT SUR LA SANCTION :

ORDONNE la radiation temporaire de ce dernier pour une durée de deux mois à l’égard du seul chef d’infraction;

ORDONNE que cette période de radiation temporaire ne commence à courir, le cas échéant, qu’au moment où M. Boudreau reprendra son droit de pratique à la suite de l’émission à son nom d’un certificat par l’Autorité des marchés financiers ou par toute autre autorité compétente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de ce dernier, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où M. Boudreau a eu son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 7 de l’article 156 du Code des professions;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de ne procéder à cette publication qu'au moment où M. Boudreau reprendra son droit de pratique et que l'Autorité des marchés financiers ou toute autre autorité compétente émettra un certificat en son nom;

CONDAMNE, M. Boudreau, au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions.

 

 

 

(S) Me Chantal Donaldson

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Me Chantal Donaldson

Présidente du comité de discipline

 

(S) M. Martin St-Pierre

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M. Martin St-Pierre

Membre du comité de discipline

 

(S) M. Louis Guiguère

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M. Louis Giguère, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Vivianne Pierre Sigouin

CDNP Avocats

Procureurs du plaignant

 

M. Boudreau se représentant seul

 

 

Date d’audience :

29 avril 2021

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ      



[1] Kienapple c. R., 1974 CanLII 14 (CSC), [1975] 1 RCS 729.

[2] R. c. Anthony-Cook ,2016 CSC 43

[3]    Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA).

[4] Ouellet, 2020QCCDCSF 40 et Merlini, 2015 QCCDCSF 40

[5] Serra c. Médecins (Ordre professionnel des), 2021 QCTP 2 (CanLII), par. 120

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