Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

comité de discipline

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

canada

province de québec

 

 

 

N°:

CD00-1456

DATE:

20 décembre 2021

le comité :

Me Madeleine Lemieux

M. Louis André Gagnon

Mme Jocelyne Simard

Présidente

Membre

Membre

 

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Partie plaignante

c.

MYKO BÉGIN, conseiller en sécurité financière, (numéro de certificat 194208)

 

Partie intimée

 

décision sur culpabilité ET SANCTION

 

conformément à l’article 142 du code des professions, le comité a prononcé l’ordonnance suivante :

         Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non‑diffusion des noms et prénoms des consommateurs concernés par la plainte disciplinaire ainsi que de toute information permettant de les identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas à tout échange d’information prévu à la Loi sur l’encadrement du secteur financier (RLRQ, c. E-6.1) et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

[1]             L’intimé a plaidé coupable à une accusation d’avoir manqué de professionnalisme quant à une recommandation d’investissement et d’avoir communiqué avec un plaignant.
[2]             Le comité doit décider si la sanction qui fait l’objet d’une recommandation commune est une sanction juste et raisonnable dans les circonstances propres à ce dossier.
LA PLAINTE
[3]             La plainte comprend deux chefs d’infraction qui se lisent comme suit :

la plainte

1.      Dans la région de Magog, entre décembre 2017 et mars 2018, l’intimé a manqué de professionnalisme et de compétence en recommandant à ses clients S.O. et J.L. d’investir des montants totalisant 56 000 $ au moyen de traites bancaires émises à son nom personnel, contrevenant ainsi aux articles 16 Loi sur la distribution de produits et services financiers et 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

 

2.      Dans la région de Magog, le ou vers le 22 juin 2020, alors qu’il savait que le syndic menait une enquête à son sujet, l’intimé a communiqué avec S.O. lui reprochant d’avoir demandé la tenue d’une enquête, contrevenant ainsi à l’article 342 Loi sur la distribution de produits et services financiers et aux articles 44 et 46 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[4]             L’intimé a plaidé coupable sur les deux chefs d’infraction et le comité l’a déclaré coupable séance tenante.
 
 
LES FAITS
[5]             L’intimé a reconnu les faits qui ont donné lieu à la plainte.  Ils se résument comme suit à partir de l’énoncé conjoint des faits que les parties ont produit.
[6]             Entre 2013 et 2018, S.O. et J.L. (les « Plaignants ») sont clients de l’intimé, alors qu’il détient un certificat en assurance de personnes.
[7]             Pendant cette période, ils ont souscrit par l’entremise de l’intimé une série de produits, soit :
Contrat
Assuré(e)
Produit
Date émission
[…]
J.L.
Temporaire 30 avec
avenant crédit
invalidité 2 ans
2013-07-04
[…]
S.O.
Temporaire 30 avec
avenant crédit
invalidité 2 ans
2013-08-13
[…]
S.O.
Non enregistré
Valeur 2018-01-12 :
326 392,35 $
2016-05-18
[…]
S.O.
CELI
2016-05-18
[…]
J.L.
CELI
2016-06-21
[…]
S.O.
Assurances maladie
grave T5
2017-01-05
[8]             Les Plaignants étaient également des amis de longue date de l’intimé.
[9]             Un contact de l’intimé lui avait mentionné avoir accès au « Premarket » et obtenir de bons rendements sur ses placements et l’intimé a choisi d’y investir des sommes.
[10]          L’atteinte d’un investissement de 150 000 $ devait permettre d’obtenir des rendements plus importants.
[11]          À la fin de l’année 2017, l’intimé discute avec les Plaignants pour leur proposer de participer à cet investissement qui devait générer des rendements importants.
[12]          Les sommes étaient investies via les plateformes HQ Broker et Meta‑Trader4.
[13]          Le 11 février 2018, l’intimé signe une demande de rachat de 20 000 $ du compte […], détenu par S.O. et une autre demande de rachat de 20 000 $ du compte […], détenu par J.L.
[14]          Le 16 février 2018, les Plaignants font chacun une traite bancaire de 20 000 $ au nom de l’intimé.
[15]          L’intimé dépose ensuite les sommes dans son compte personnel.
[16]          Il est convenu entre l’intimé et les Plaignants que l’intimé conserverait une portion des profits de l’investissement des Plaignants puisque le contact est le sien.
[17]          Le 19 février 2018, l’intimé transfère 35 000 $ USD vers Netpay Limited, Hong Kong.
[18]          Le 21 mars, S.O. fait une nouvelle traite bancaire de 16 000 $ au nom de l’intimé, et l’intimé encore une fois encaisse la somme dans son compte personnel.
[19]          Le 22 mars 2018, l’intimé transfère une somme de 12 000 $ USD vers Netpay Limited, Hong Kong.
[20]          À l’automne 2018, l’intimé avise les Plaignants que les sommes investies ont été perdues en raison d’un mauvais placement de HQ Broker.
[21]          Un montant supplémentaire de 60 000 $ devait être réinvesti pour tenter de récupérer les investissements.
[22]          En effet, HQ Broker avait informé l’intimé qu’une garantie de placement pour la totalité des sommes investies était possible en réinjectant une somme supplémentaire, ce à quoi l’intimé a donné suite personnellement afin de tenter de récupérer l’entièreté des sommes investies par tous.
[23]          Les sommes perdues n’ont jamais été récupérées.
[24]          En mars 2020, les Plaignants déposent une réclamation au Fonds d’indemnisation des services financiers de l’AMF.
[25]          La plainte est ensuite transférée au bureau du syndic de la Chambre de la sécurité financière.
[26]          Vers le 22 juin 2020, l’intimé est informé que les Plaignants ont déposé une demande d’enquête le concernant auprès de l’AMF.  Après discussion avec l’enquêtrice de la Chambre, l’intimé communique avec S.O. par message texte afin de comprendre ce qui se passait et lui demander de retirer la plainte.
[27]          Le même jour, la conjointe de l’intimé transmet un message texte de même nature à S.O.
[28]          À ce jour, l’intimé n’est plus membre de la Chambre de la sécurité financière.
LA SANCTION
[29]          Les parties recommandent de façon commune les sanctions suivantes.
[30]          Sous le chef d’infraction 1 de la plainte, elles recommandent l’imposition d’une radiation temporaire d’une période d’un mois et une amende de 2 000 $, soit l’amende minimale.
[31]          Sous le chef d’infraction 2 de la plainte, elles recommandent l’imposition d’une radiation temporaire de quinze jours à être purgée de façon consécutive à la radiation recommandée pour le chef d’infraction 1 de la plainte.
[32]          Lorsque des parties représentées par des procureurs expérimentés lui font des recommandations communes sur sanction, le comité est tenu de donner effet à ces recommandations à moins qu’elles ne soient susceptibles de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elles soient contraires à l’intérêt public[1].
[33]          Le comité est d’avis que les sanctions recommandées s’inscrivent à l’intérieur des paramètres généralement imposés et donnera suite aux recommandations[2].
[34]          Les facteurs que le comité retient pour ce qui est du chef d’infraction 1 de la plainte sont la gravité objective de l’infraction qu’est le manque de professionnalisme, le fait que les consommateurs ont émis des traites bancaires au nom du représentant et que les deux consommateurs ont subi des pertes financières importantes.
[35]          L’intimé est âgé de 52 ans, il était un ami de longue date des consommateurs qui lui faisaient confiance, il n’a pas d’antécédents disciplinaires et il a collaboré à l’enquête du syndic.
[36]          Pour ce qui est du chef d’infraction 2 de la plainte, le comité retient qu’il est formellement interdit au représentant qui fait l’objet d’une enquête de communiquer avec les plaignants sans l’autorisation du syndic.  Toutefois, la communication reprochée n’a pas causé d’entrave à l’enquête du syndic et elle s’est limitée à l’envoi d’une message texte.
[37]          Enfin, ni pour le chef d’infraction 1, ni pour le chef d’infraction 2, l’intimé n’a eu d’intention malveillante ou malhonnête.  Il a lui-même essuyé des pertes financières reliées aux investissements qu’il a conseillés aux consommateurs.
[38]          La recommandation que les périodes de radiation soient consécutives et non concurrentes s’expliquent par le fait que les infractions reprochées à l’intimé ne sont pas intimement reliées.  Le manque de professionnalisme est une chose et la communication avec un plaignant en est une autre[3].  Le comité retient donc également cette recommandation.

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

SOUS LE CHEF D’INFRACTION 1

DÉCLARE l’intimé coupable d’avoir contrevenu à l’article 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3) et l’article 16 de Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures à l’égard de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

SOUS LE CHEF D’INFRACTION 2

DÉCLARE l’intimé coupable d’avoir contrevenu à l’article 342 sur la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et aux articles 44 et 46 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures quant à l’article 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et quant à l’article 44 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

ET STATUANT SUR LA SANCTION :

SOUS LE CHEF D’INFRACTION 1

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois;

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $;

SOUS LE CHEF D’INFRACTION 2

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de quinze jours;

ORDONNE que les périodes de radiation soient purgées de façon consécutive;

ORDONNE à la secrétaire du comité de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans les lieux où ce dernier a eu son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 7 de l’article 156 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

(S) Me Madeleine Lemieux

 

 

 

Me MADELEINE LEMIEUX

Présidente du comité de discipline

 

 

(S) M. Louis André Gagnon

 

M. LOUIS ANDRÉ GAGNON

Membre du comité de discipline

 

 

(S) Mme Jocelyne Simard

 

MME jocelyne simard

Membre du comité de discipline

 

 

Me Elise Moras

Therrien Couture Joli-Coeur s.e.n.c.r.l.

Avocats de la partie plaignante

Me Karine Bourassa

Fontaine Panneton Bourassa Avocats

Avocats de la partie intimée

Date d’audience : 9 novembre 2021

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]    R. c. AnthonyCook, 2016 CSC 43 (CanLII), [2016] 2 RCS 204.

[2]    Chambre de la sécurité financière c. Boily, 2008 CanLII 10549 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Cléroux, 2010 CanLII 99880 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Cossette, 2001 CanLII 27741 (QC CDCSF); Chambre de la Sécurité Financière c. Dumas, 2005 CanLII 59608 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Lussier, 2011 CanLII 99450 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Simard, 2015 CanLII 21667 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Marchant, 2020 QCCDCSF 46 (CanLII).

[3]    Tan c. Lebel, 2010 QCCA 667 (CanLII).

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