Chambre de la sécurité financière (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

comité de discipline

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

canada

province de québec

 

 

 

N°:

CD00-1462

DATE:

27 octobre 2021

le comité :

Me Madeleine Lemieux

M. Marc Gagnon, A.V.C., Pl. Fin.

M. Marcel Gélinas

Présidente

Membre

Membre

 

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Partie plaignante

c.

BERNARD BISSONNETTE, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 184216)

 

Partie intimée

 

décision sur culpabilité ET SANCTION

 

[1]             L’intimé a plaidé coupable à des chefs d’infraction qui lui reprochent d’avoir manqué de prudence et de compétence dans la gestion des REER et des CELI de son client et de ne pas s’être acquitté du mandat confié par son client.
[2]             Le comité doit décider quelle est la sanction appropriée pour ces infractions.
[3]             Les chefs d’infraction de la plainte tels que modifiés lors de l’audition se lisent comme suit :

la plainte

1.  Dans la province de Québec, entre les 24 et 29 juin 2017, l’intimé n’a pas agi avec prudence et compétence en faisant contribuer son client P.K. à son REER et à son CÉLI sans obtenir au préalable les informations et/ou l’aide nécessaire sur la qualification et l’impact de ces contributions, contrevenant ainsi (…) à l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

2.  Dans la province de Québec, vers le mois de mai 2018, l’intimé a omis de s’acquitter du mandat confié par son client P.K. en faisant défaut d’effectuer le virement demandé entre le compte CÉLI et le compte REER de ce dernier, contrevenant ainsi (…) à l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[4]             L’intimé a plaidé coupable lors de l’audition et le comité l’a déclaré coupable séance tenante.
LES FAITS
[5]             Le contexte factuel est le suivant.  Le consommateur P.K. retient les services de l’intimé parce qu’il doit transférer au Canada des sommes d’argent qu’il ne peut plus garder aux États-Unis parce qu’il n’est plus résident des États‑Unis.
[6]             P.K. retient également les services d’un comptable professionnel, M. Girard, et d’un fiscaliste, Me Racicot pour qu’ils évaluent les exigences législatives et les incidences fiscales.  En effet, le transfert de placements en provenance des États-Unis n’est pas simple parce que des questions fiscales se soulèvent quant aux transferts dans des REER et des CELI d’où les professionnels impliqués.
[7]             C’est le comptable et le fiscaliste qui sont responsables de déterminer précisément quels montants doivent être déposés dans quels comptes.  C’est la responsabilité de l’intimé d’exécuter correctement les instructions de ces deux professionnels.
[8]             Or, pour une raison qui n’a pas été expliquée, l’intimé a transféré dans le CELI du consommateur des sommes excédentaires.  Au lieu de transférer la somme de 11 267 $, il a transféré la somme de 25 717 $.
[9]             Ce transfert erroné a entraîné l’imposition d’une pénalité par les autorités fiscales.  C’est l’objet du premier chef d’infraction.  Cette pénalité, au montant de 160 $ a toutefois été payée par l’intimé de sorte que le consommateur n’a pas subi les conséquences financières de cette première erreur.
[10]          C’est en mai 2018 que l’Agence du revenu du Canada informe le consommateur qu’il a surcotisé dans le CELI.  Voulant corriger l’erreur initiale à la demande du consommateur, l’intimé ne transfère pas le montant qui doit être transféré, commettant une deuxième erreur.  C’est l’objet du deuxième chef d’infraction.
[11]          En effectuant le transfert dans le CELI, sans savoir quels devaient être les montants précis recommandés par les deux professionnels, comptable et fiscaliste, l’intimé a contrevenu à l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière; le représentant doit en effet avoir une connaissance complète des faits avant de faire une recommandation à son client, encore plus avant d’agir au nom du client. Il aurait dû attendre l’avis des professionnels avant d’agir.
[12]          En commettant une seconde erreur au moment de corriger la première erreur, l’intimé a contrevenu à l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière qui lui impose de s’acquitter des mandats confiés par le client avec diligence. L’intimé a retiré la somme de 9 000 $ du CELI au lieu d’en retirer la somme excédentaire qui s’élevait à quelques 11 000 $.
LA SANCTION
[13]          Le syndic recommande l’imposition de l’amende minimale pour le chef d’infraction 1 et l’imposition d’une amende de 3 000 $ pour le chef d’infraction 2.
[14]          L’intimé, qui n’est pas représenté par avocat, ne conteste pas les sanctions demandées mais il demande un délai de six mois pour en faire le paiement, ce que le syndic ne conteste pas.
[15]          Pour les raisons qui suivent, le comité est d’avis que les sanctions justes et raisonnables dans le présent dossier sont l’imposition de l’amende minimale pour le chef d’infraction 1 et l’imposition d’une réprimande sous le chef d’infraction 2.
[16]          Les facteurs dont le comité a tenu compte sont les suivants :

               L’intimé est un représentant d’expérience;

               Il a reconnu rapidement son erreur et a immédiatement travaillé pour la corriger, et ce, dès qu’elle lui a été signalée;

               Il a assumé la pénalité qui aurait été imposée à son client de sorte que le consommateur n’a pas subi de conséquences financières;

               Il a collaboré à l’enquête du syndic et reconnu les faits qui lui sont reprochés;

               Il n’a eu aucune intention malveillante ou malhonnête;

               La seconde erreur apparaît bel et bien être une erreur d’inattention;

               Un seul consommateur a été touché par les erreurs de l’intimé;

               L’intimé est en fin de carrière et n’a pas d’antécédent disciplinaire si ce n’est une mise en garde du syndic en 2017 pour un événement similaire;

               Il n’y a pas eu de conséquences financières pour le consommateur ni quant au chef d’infraction 1 de la plainte ni quant au chef d’infraction 2

               Bien que le consommateur ait été fort ennuyé par ces événements, tout a été mis en œuvre pour corriger les erreurs.

 

[17]          Les autorités produites par le syndic sont pertinentes pour déterminer la sanction à imposer sous le chef d’infraction 1 de la plainte.  L’amende minimale est généralement ce qui est imposé par le comité pour ce type d’infraction[1].
[18]          Toutefois, le comité est d’avis que l’erreur commise au moment de la correction de la première erreur est une erreur d’écriture ou d’inattention qui n’atteint pas un niveau de gravité suffisamment élevé pour justifier l’imposition d’une amende dans les circonstances particulières de ce dossier. Il s’agit d’une erreur par inadvertance.  Le comité imposera donc une réprimande à l’intimé.
[19]          Les autorités déposées par le syndic doivent être distinguées.
[20]          Ainsi, dans l’affaire Allard[2], le comité retient que le représentant avait la responsabilité de connaître, étudier, vérifier et recommander au consommateur une transaction sans risque de mauvaise interprétation par les autorités fiscales. Or, de l’avis du comité de discipline, le représentant a plutôt agi en usurier en privilégiant ses intérêts personnels, guidé par l’esprit de lucre.
[21]          Il n’y a rien de tel dans le présent dossier; le comité est plutôt d’avis que l’intimé a fait une erreur d’écriture et n’avait pas l’intention malveillante qu’on retrouve dans l’affaire Allard.
[22]          Dans l’affaire Belle[3], le représentant, qui avait des antécédents disciplinaires, non seulement n’a pas répondu à la demande de ses clients mais il a aussi fait défaut de leur rendre compte correctement ce qui les a induits en erreur. Ce n’est pas ce qui s’est produit dans le présent dossier et contrairement à Belle, l’intimé n’a pas d’autre dossier disciplinaire.
[23]          Enfin, dans l’affaire Talbot[4], l’intimé sans autorisation et sciemment a transféré des fonds d’un compte enregistré (REER et CELI) dans un compte non enregistré exposant le consommateur à des charges fiscales. Il ne s’agissait pas d’une erreur commise par inadvertance comme c’est le cas de l’intimé dans le présent dossier.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

réitère la déclaration de culpabilité de l’intimé sous le chef d’infraction 1 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

réitère la déclaration de culpabilité de l’intimé sous le chef d’infraction 2 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 2 500 $ en ce qui a trait au chef d’infraction 1 de la plainte;

IMPOSE à l’intimé une réprimande en ce qui a trait au chef d’infraction 2 de la plainte;

ACCORDE à l’intimé un délai de six mois pour payer l’amende;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

(S) Me Madeleine Lemieux

 

Me MADELEINE LEMIEUX

Présidente du comité de discipline

 

 

(S) M. Marc Gagnon

 

M. Marc Gagnon, A.V.C., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(S) M. Marcel Gélinas

 

M. Marcel Gélinas

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Claude Leduc

Mercier Leduc s.e.n.c.r.l.

Avocats de la partie plaignante

M. Bernard Bissonnette

Intimé

Se représente seul.

Date d’audience : 23 juin 2021

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]    Chambre de la sécurité financière c. Couture, 2014 CanLII 46614 (QC CDCSF)

[2]    Rioux c. Allard, 2003 CanLII 57208

[3]   Chambre de la sécurité financière c. Belle, 2016 QCCDSF 82

[4]   Chambre de la sécurité financière c. Talbot, 2016 QCCDSF 52

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.